N'Ga wobè

Conte : Koumba la fille sans mère.

Il était une fois un homme qui avait deux épouses. Chacune d'elles avait une fille. Allah fit qu'une des femmes mourut et laissa sa fille. Les deux filles avaient le même nom. Pour les différencier, on les surnomma :
"Koumba-avec-mère" et "Koumba-sans-mère". Le père de famille craignait tant son épouse, qu'il acceptait tout ce qu'elle faisait ou disait. Il la laissait faire accomplir à Koumba l'orpheline tout le travail de la maison.

Un jour, en lavant la vaisselle, Koumba l'orpheline
oublia de laver une cuillère en bois et sa marâtre, furieuse, l'envoya la laver à la mer de Ndayane. Koumba, en pleurs, prit le chemin. Elle marcha durant deux jours et deux nuits. Elle marcha, marcha, jusqu'à trouver sur son chemin un jujubier en train de se gauler lui-même.
Elle s'agenouilla et le salua. Et le jujubier lui demanda :
- Mais, où vas-tu, enfant bien éduquée ?
Koumba dit :
- La coépouse de ma mère défunte m'a envoyée laver cette cuillère à la mer de Ndayane.
Le jujubier lui donna des jujubes et lui dit :
- Que Dieu guide tes pas.
Koumba le remercia et reprit sa route.

Elle marcha encore et trouva sur son chemin une marmite en train de se cuire sur un feu.
Koumba-sans-mère s'agenouilla et la salua.
La marmite lui demanda :
- Mais, où vas-tu, jeune fille bien éduquée ?
Koumba lui répondit :
La coépouse de ma mère défunte m'a envoyée laver cette cuillère à la mer de Ndayane.
La marmite prit une part de ce qu'elle cuisait et lui donna à manger. Elle lui dit :
- Que Dieu guide tes pas.
Après avoir bien mangé, elle la remercia et reprit sa route.

Koumba-sans-mère
marcha, marcha encore et trouva sur son chemin une très vieille femme. Elle n'avait qu’une jambe, un bras, un œil, une oreille, un doigt ; Koumba l'orpheline s'agenouilla et la salua. La vieille femme lui demanda :
- Mais ma petite fille, où vas-tu ?
Koumba l'orpheline lui
répondit :
- Grand-mère, la coépouse de ma mère défunte m'a envoyée laver cette cuillère à la mer de Ndayane.

La vieille femme lui remit alors un os blanchi, dégarni. Koumba ne dit rien, elle le prit et le mit dans la marmite qui s'emplit aussitôt de viande.

Elle lui remit
encore un grain de mil : Koumba le plaça dans un mortier. Elle pila, le mortier s'emplit de couscous. Elle le prit et le mit dans la marmite ; elles le mangèrent. Jusqu’à ce que la vieille femme lui dise :
- Koumba, viens maintenant faire la vaisselle sans oublier ta cuillère,
avant qu'il ne fasse complètement nuit.

Quand Koumba eut fini, la vieille femme lui remit une petite aiguille et une autre plus grosse, et elle lui dit :
- Va te coucher maintenant sous le lit, car tous mes enfants sont des animaux sauvages. La petite aiguille, tu l'emploieras
à piquer les plus petits ; la plus grosse, tu la réserveras aux plus grands pour qu'ils partent tôt. Je ne veux pas qu’ils te tuent !

Quand les enfants arrivèrent, Bouki, le plus têtu, dit :
- Mère, cela sent la chair humaine dans la chambre.
Sa mère lui répondit :
- Toi, va
te coucher, je suis le seul être humain ici, tu veux me manger maintenant ?
Quand les animaux se furent couchés, Koumba les piqua avec la petite aiguille, à la manière des puces. Les enfants ne purent dormir. Ils sortirent et repartirent à leurs affaires.

Koumba sortit, et la
vieille lui demanda de se préparer pour retourner chez elle. Elle lui remit trois œufs et lui dit :
- Celui-ci, tu le casseras quand tu seras au milieu de la brousse.
Celui-là, tu le casseras quand tu apercevras ton village.
Ce dernier, tu le casseras quand tu seras à l'entrée
de la maison. Fais attention, ne les confonds pas.
Vas-y mon enfant et que Dieu guide tes pas !"
Koumba s'agenouilla, salua, remercia et s'en alla.

Elle marcha, elle marcha, marcha jusqu'au milieu de la brousse. Elle cassa le premier œuf. Des cavaliers armés en sortirent.
Koumba se remit à marcher, marcher encore, et cassa le deuxième œuf. Des lions et des panthères en sortirent. Les cavaliers les tuèrent.

Koumba marcha, marcha, marcha. Avant de pénétrer dans le village, elle cassa le dernier œuf ; de nombreux esclaves battant des tam-tams en
sortirent, et d'autres chargés de sacs d'argent, d'or, et aussi de nombreux bœufs. Quand elle entra dans le village, Koumba avait un air royal. Tout le monde était dehors pour la contempler.

Ce conte est extrait de « Contes wolof ou la vie rêvée » rassemblés par Cherif Mbodj et
Lilyan Kesteloot, édités par Enda et IFAN à Dakar en 2001, dans la Collection "Clair de lune".

C'est la version de notre N'Ga Wobè.
Patrimoine culturel commun.

#clairdelune

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