Tragique, pardon horreur du sketch devenu réalité: "Il y a plusieurs formes de radicalisation. Y a un radicalisé gentil et un radicalisé violent, si on peut dire" #13Novembre
Ce procès doit être terrible pour les parties civiles... Non, il est terrible pour nous, pour les parties civiles je n'ose imaginer...
Source: « C’est quoi, la radicalisation ? » lemonde.fr/police-justice… via @lemondefr
La séquence entière est "intéressante", la voici. L'enjeu pour la défense? Faire croire que l'accusé n'était pas conscient de la radicalisation des frères Abdeslam, pour alléger sensiblement sa peine. Après un témoignage de son épouse, c'est son tour
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Le point de la défense tient donc à ordinariser la circulation des images & propos djihadistes: à faire du café où il travaille une "sorte de café du commerce de la question djihadiste". Du coup, si être radicalisé ne tient pas à ce que vous dites ou regardez, ...
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il ne reste que l'apparence: un "barbu", qui "ne fume pas de shit, ne serre pas la main des femmes". Donc il y aurait une adéquation entre une apparence extérieure, certaines actions, et le "for intérieur"...
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MAIS - et c'est là l'important dans l'argumentation - uniquement pour CERTAINES apparences et CERTAINES actions, puisqu'on oublie les propos & les circulations de vidéo... Une telle dissociation dans les phases interactionnelles et publiques n'est évidemment pas tenable.
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L'avocate s'y engouffre en suggérant que même les policiers belges s'y seraient trompés, relâchant Abdeslam pour absence de "signe extérieur de radicalisme" - absence de barbe en gros, sous-entend-elle
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Cette théorie de la personne où seule une partie de sa "texture d'être" (Iris Murdoch) compte va avoir du mal à convaincre qui que ce soit...
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J’y reviens encore, désolé j’avais du bruit sur la ligne ce matin 😏, j’ai mal indiqué le point.
En première lecture, je pensais avoir affaire à une énième version du dualisme corps / esprit: ‘Je ne pouvais pas savoir qu’il était radicalisé...
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... car il n’y avait pas de signes extérieurs, tout se passait à l’intérieur de lui’
Non, en fait nous ne sommes bien de part en part au sein d’un externalisme de l’esprit dans cette discussion sur la radicalisation, mais ‘sophistiqué’ (si l'on veut)
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Puisque certaines actions témoigneraient de la radicalisation, tandis que d’autres non. Être barbu, oui ; fumer du shit, non ; regarder des vidéos djihadistes et en parler au café, non ; ne pas parler aux / ne pas serrer la main des femmes, oui ; etc.
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Explicitement, ‘regarder des vidéos djihadistes et en parler au café’ était trop ordinaire dans ce café, dans ce quartier. Ce qui ramène à un certain déterminisme des ambiances, des ‘milieux de comportement partagé’ (Louis Quéré):
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ici, dans ce quartier, regarder ces vidéos et les commenter publiquement ne ferait pas de différence, serait naturel, serait simplement une manifestation de ce déterminisme venant du milieu de vie
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Ces discussions ont une longue histoire, Wolf Feueurhahn @CAK_UMR a bien retracé leurs circulations, depuis le XIXè et Taine, en passant par von Uexküll puis Canguilhem (et d'autres) au XXè
14/16 lcv.hypotheses.org/8503
& pourquoi pas? Effectivement, on peut imaginer une part de déterminisme du milieu de vie, mais on revient au point de départ : pourquoi naturaliser ces comportements et pas d’autres ? On peut penser que ‘fumer du shit’ ne fait pas plus de différence.
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En dehors de critère explicite, cette partition au sein des comportements n’a pas de fondement. Regarder des vidéos et les commenter, ce qui se fait très ordinairement sur ce réseau, en dit long sur les opinions des un-es et des autres...
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Reprise de ce fil, d'abord en y replaçant les riches ajouts issus de la discussion avec @Jojo848329021
17/27
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Puis avec la poursuite du procès #13novembre
Et la reprise du débat sur la radicalisation et sa potentielle perception / phénoménalisation, enjeu de qualification juridique pour plusieurs accusés (et donc de nombreuses années de prison)
18/26 lemonde.fr/societe/articl…
Dans ce compte-rendu, il est question de deux nouvelles personnes ayant aidé Salah Abdeslam dans sa cavale, tout en disant ne pas avoir perçu sa radicalisation, et alors qu'ils ont passé beaucoup de temps avec lui dans les derniers mois avant le passage à l'acte
19/26
La défense s'appuie sur les mêmes ressources argumentatives en déployant un double niveau d'externalisation
Pour rappel: "fumer du shit" Vs. "regarder des vidéos djihadistes et les commenter publiquement dans le bar"...
20/26
- et, précision du jour, avec des "propos déplaisants à l'égard des 'mécréants'"
Le propos est très proche de celui du précédent prévenu, avec une dimension supplémentaire (et outre la banalisation des propos insoutenables du fait du milieu - Molenbeek):
21/26
la proximité temporelle entre les actions contradictoires, entre un "propos radical" et "mettre de la musique en chantant et en fumant un joint"
La seconde action venant délégitimer la première: "on ne le prenait pas au sérieux"
22/26
Cette position me semble plus cohérente que celle de la fois précédente en apportant un critère, la proximité temporelle qui annihile la charge radicale du propos, son sérieux
L'expert appelé à la barre par la défense va dans le même sens, ...
23/26
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en soulignant que ces comportements extérieurs ne disent pas forcément la radicalisation.
Pour autant, il me semble que ce critère - quoique intéressant - ne parvient pas à recouvrir d'un voile d'innocence les "propos radicaux"
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Pensons à l'humour "trash": d'un point de vue interactionnel, il est entendu qu'on peut avoir cet humour au sein du groupe proche, qui partage le fait qu'il s'agit d'humour (et non du tout des opinions de celui qui tient les propos)
24/26
Or ici, les propos insoutenables sont tenus dans l'espace public, manifestement à la cantonade. Et dans l'espace public, même si on embraye en tirant sur un joint, même à Molenbeek, on s'expose à des conséquences... 🤷 et on doit en répondre (les artistes - humoristes,
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rappers, etc.) le savent...
Argument suivant, SVP
PS: la suite de l'intervention de l'expert (travailleur social à Molenbeek) est intéressante, mais s'éloigne des épreuves de phénoménalisation qui m'intéressent ici, pour aller plus vers le concept de radicalisation
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Update: Salah Abdeslam ne dit pas la même chose que ses copains... (le fil de @sophparm pour @franceinter esrt top!)
& le long article revenant sur ces débats sur la radicalisation, avec Salah Abdeslam en tête: "...et en même temps, proche de ceux que leurs balles ont tués. « Moi aussi je fréquentais les cafés, j’étais bien sapé, parfumé. » "...
Quelques extraits, entre bordels, bingo, bières et fumer dans le bar...
& amitiés du quartier: "« Vous pouvez pas comprendre, Madame, on n’est pas de la même classe sociale. On s’entraide. Des fois, à Bruxelles, pour acheter une baguette de pain, on peut y aller à dix. »"
Au passage, toujours dans cet article, la défense de Sofien Ayari est intenable: OK il assume, mais faire disparaître la dimension religieuse derrière le politique, c'est une fable. Oui, c'est politique, une politique fondée sur la religion. Très littéralement: "état islamique"🤷
#Biodynamie Le fil promis à propos de ce livre - enfin je vais me contenter de l'introduction mise en ligne par l'éditeur, et parce qu'elle situe précisément l'enjeu: qu'est-ce qu'une enquête de sociologie sur la biodynamie dans le vin?
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& comme cette intro est en ligne, chacun pourra juger sur pièces - ou me contredire!
Le premier point qui m'interroge est sa façon de mettre en scène un exotisme des pratiques lors de son arrivée sur le terrain: oh quelle surprise! 😱 wildproject.org/media/pages/li…
ces gens font ce qu'ils font "le plus naturellement possible": qui sont ces gens qui font l'air de rien des trucs bizarres avec des cornes et des bouses de vache? 😱
Cette fausse ingénuité de l'ethnographe qui débarque sur le terrain, à d'autres...😏🙄
#Katrina #NouvelleOrléans #MaladieMentale
Quelques mots donc sur ce texte de 2022 de l'anthropologue Anne Lovell: "Survivre au désastre après Katrina. Folie et déambulations dans une ville submergée" dans @RevueTerrain
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Point important: sa distance avec le paradigme du trauma, à savoir "comment des personnes ‘normales’ réagissaient à un événement ‘anormal’"
Elle se focalise quant à elle sur le suivi de personnes déjà diagnostiquées (traumatiques ou autres) avant Katrina
Elle cherche à montrer comment ces personnes "ont constamment improvisé, profitant de ces moments propices ouverts dans le temps comprimé de l'urgence"
Comme ces femmes qui "échangent leurs expériences de s’être trouvées à court de médicaments...
🧵 promis il y a quelques semaines: "Une autre agriculture est possible, sans pesticides ni secte"
On dispose d’un programme général proposé par Joëlle Zask en vue de développer d’autres pratiques en agriculture
#Agriculture #Care #biodynamie
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Dans son livre 𝘓𝘢 𝘥𝘦́𝘮𝘰𝘤𝘳𝘢𝘵𝘪𝘦 𝘢𝘶𝘹 𝘤𝘩𝘢𝘮𝘱𝘴 (2016, @Ed_LaDecouverte ), elle noue agriculture et démocratie autour d'une définition très proche des théories du 𝘤𝘢𝘳𝘦 & ouvrant vers des rapports symétriques entre humains et terre:
"la terre cultivée est une terre qui ‘répond’ aux soins de l’homme"
Cette perspective a donné naissance à de nombreuses recherches très intéressantes, par exemple cet article récent dans @Revue_Norois
#VeenaDas #Anthropologie #Inde #Bidonville #Enfance Dernier essai de ce recueil de Veena Das dont je vais parler ici: "Un enfant apprend la maladie et la mort" (2016), à propos de la maladie de Meena (tuberculose) et sa mort à travers les yeux de son fils aîné, Mukesh
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Au sujet de l'enfance, si Das est d'accord avec G.H. Mead pour considérer qu'elle ne renvoie pas simplement à des "adultes potentiels"
Elle l'aborde toutefois par une autre voie, celle de l’étrangeté de l’ordinaire, "à partir de la manière complexe dont le tissu formé par les...
relations familiales avec les services publics définit le quotidien dans un contexte général de pauvreté et de privation" (c'est-à-dire à partir du caractère précaire et étrange de la réalité)
En outre, elle part de l'"idée que l’enfant rôde dans les recoins du monde social,
#VeenaDas #Anthropologie #Inde #Bidonville #StanleyCavell
Reprenons par le début: "L’action, l’expression et la vie quotidienne", 2014, essai qui a l'énorme particularité par rapport aux 2 premiers dont j'ai parlé ici, d'être indexé véritablement sur une enquête!
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Veena Das annonce s’intéresser ici "à la fragilité du sujet et du contexte – les deux étant mutuellement constitutifs de l’effort à fournir pour habiter un lieu", ce qui l’éloigne du sujet souverain de l’Austin de 𝘘𝘶𝘢𝘯𝘥 𝘥𝘪𝘳𝘦 𝘤’𝘦𝘴𝘵 𝘧𝘢𝘪𝘳𝘦
(le sujet qui promet, déclare, etc.), mais la rapproche de l’Austin du "Plaidoyer pour les excuses" qui est attentif à la "fragilité de l’action humaine"
Typiquement, à propos du premier Austin: "sa théorie fonctionne très bien lorsque l’action est publique et...
#Passion #StanleyCavell #JohnLAustin Quelques mots supplémentaires sur cet essai trop peu connu de Stanley Cavell, alors qu'il ambitionne rien moins que de donner une suite ou un complément à 𝘘𝘶𝘢𝘯𝘥 𝘥𝘪𝘳𝘦, 𝘤'𝘦𝘴𝘵 𝘧𝘢𝘪𝘳𝘦 de John Austin:
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sa part manquante sur les énoncés passionnés
Il est question d'augmenter ce que dit de manière laconique et gênée Austin sur les comportatifs, comme dit ce matin
Et au-delà, de compenser sa "négligence relative, continue, des passions, ou de la part expressive du discours": de "questionner une théorie du langage [celle d'Austin] dans laquelle le discours est, au fond, une affaire d'action et de manière incidente, seulement, ...