Connaissiez-vous l'histoire (sexiste) de "Lenna", surnommée "the First Lady of the Internet" ou "the muse of JPEGs" ? L'histoire d'une photo de femme dans un milieu d'hommes. On peut la résumer par cette image, que je ne devrais même pas vous montrer...
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"Lenna", c'est l'histoire d'une photo recadrée. L'histoire de la photo la plus analysée au monde. "Icône" de la numérisation et du format JPG. Que vous aviez peut-être déjà vu passer. Que tous les ingénieurs en traitement d'image connaissent. Toutes les ingénieures aussi...
Mais derrière cette photo, il y a une femme, Lena Söderberg. Insouciante hier, et qui demande aujourd'hui symboliquement que cette photo-stéréotype soit "retirée d'Internet".
La "First Lady of the Internet" n'existe pas ou plus, mais "the Tech’s Original Sin" lui demeure.
Nous sommes à Chicago, en 1972. Lena Söderberg, jeune étudiante suédoise y passe ses vacances d'été. Un photographe du magazine Playboy la repère. OK, elle n'a pas beaucoup d'argent. Clic-clac, on n'y pense plus. Et elle s'en retourne dans la foulée en Suède.
Elle n'avait jamais posé nu avant et ne posera jamais nu après.
Nous sommes dans les années 70. En 1967, Antonioni a eu la palme d'or à Cannes pour "Blow-Up", à l'affiche inscrite à jamais dans son époque...
3 mois plus tard parait le n° de nov. 1972 Playboy USA, et sa fameuse playmate du mois en poster central à déplier. Or c'est justement l'une des photos du shooting avec Lena qui est choisie. Élue donc "Miss November". Le magazine ne garde que son prénom en le modifiant : "Lenna".
Hasard ou coïncidence ? Playboy est à son apogée à cette époque, extrêmement lu (et "vu"). Ce numéro de novembre sera le record absolu des ventes du magazine avec plus de 7 millions d'exemplaires écoulés !
L'été suivant 1973, Alexander Sawchuk, scientifique (homme) à l'Institut du traitement du signal et des images de l'université de la Californie du Sud, cherche, en compagnie de ses collègues (hommes), une bonne et "originale" image à scanner pour un article de conférence.
Ils sont pressés. L'un des collègues tient le Playboy nov. 1972 sous le bras. Ah mais oui, ça ira très bien ! Ils arrachent le poster, le passent dans leur scanner, limité au format carré 512x512, en recadrant au niveau des épaules. Et c'est parti... "Lenna" is born.
Sawchuk justifiera par la suite que "cette image contient un mélange intéressant de détails, de régions uniformes, et de textures permettant de bien tester les différents algorithmes de traitement d'image". Certes, mais il dira aussi que c'était "une image attirante" (pour qui ?)
Et c'est parti donc. La photo est adoptée par la communauté scientifique (maj. hommes) et servira désormais de principale image de test pour les algorithmes de traitement d'image devenant de facto un standard industriel, apparaissant partout dans les articles scientifiques.
D'ailleurs vous pouvez vous aussi "tester Lenna".
Car lorsqu'un développeur propose une application en ligne de test d'images, devinez quelle image il adopte par défaut ? Et quel titre aussi, pensant ainsi "rendre hommage". (bug : il n'y a qu'un seul "n") fellipe.com/demos/lena-js/
On notera au passage qu'une telle diffusion pose aussi la question des droits auteur et image. Mais Lena et le photographe (Dwight Hooker) les avaient cédés à Playboy. Et Playboy a (finalement) renoncé aux poursuites, réalisant vite le gain en publicité indirecte gratuite ;)
Des décennies plus tard, on finit par se demander qui est sur la photo.
On débusque Lena. On l'invite à des congrès de traitement d'image. On écrit des articles "buzz" : on a retrouvé la "Mona Lisa of Computer Science", "the Patron Saint of JPEGs" ! (que de surnoms !)
Au début, elle est surprise, presque flattée. Et puis, c'est pas si grave, puisqu'on a "pudiquement" recadré l'image. Elle se prête même au jeu de refaire la photo pour le célèbre magazine Wired. Enfin, juste le haut.
Oui mais non. #MeToo est passé par là. Est-ce heureux d'avoir choisi "Lenna" comme principale image de test du traitement d'image depuis 50 ans ? Photo "attirante et suggestive", à la connotation à peine voilée (sans même en connaitre son origine).
Est-ce heureux pour une femme scientifique de se retrouver à travailler avec une telle image ? A fortiori si quelqu'un (homme) vient lui en raconter sa provenance (accompagné ou non d'un inapproprié "clin d’œil complice").
Est-ce heureux à l'heure où l'on manque cruellement de femmes dans les filières scientifiques ?
D'ailleurs hier c'était #JIFFS Journée Internationale des Femmes et des Filles de Science" #FemmesEnScience et c'est ce qui m'a refait penser à "Lenna" et m'a incité à écrire ce thread
Lena Söderberg en a pris conscience elle aussi. Aujourd'hui elle revendique le droit à l'oubli et demande à prendre sa retraite d'Internet.
Il y a plein d'autres images pour calibrer et faire des tests.
Elle a ainsi récemment participé au court documentaire "Losing Lena" (avec un seul "n" car c'est bien d'elle qu'il s'agit). Un clip qui nous demande : "Help us remove one image to make millions of women feel welcome in tech." losinglena.com
Ce court documentaire est quant à lui sous licence Creative Commons. Ici on a bien le droit de diffuser et de partager. Mieux, on est encouragé à le faire, car c'est pour la bonne cause.
(et merci de m'avoir lu jusque là)
Un tout dernier mot, puisqu'on parle diffusion et partage.
Lena Söderberg a dont été surnommée la "Lady of the Internet" pour cette seule photo (qui n'est pas elle mais "Lenna") alors que le regretté Aaron Swartz est "The Internet's Own Boy" pour tout ce qu'il a fait dans sa vie.
Surnom pour surnom, ma "Lady of the Internet" à moi ce serait plutôt @ringo_ring ;)
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Addendum : Extrait d'une publication en 2013 de deux scientifiques (femmes), Deanna Needell et Rachel Ward, qui ont sciemment choisi de prendre le contre-pied de "Lenna" en illustrant leur article avec "Fabio".
Elles s'en expliquent ci-dessous : cmc.edu/news/every-pic…
Ce qui me semble "sexiste" dans cette histoire :
- avoir choisi une photo issue de Playboy
- qu'on continue à l'utiliser à l'université quand on apprend sa provenance
- qu'on continue à l'utiliser alors que son modèle demande désormais le contraire
Autre argument, l'angle choisi par les médias quand on a retrouvé le modèle
Ex @20minutesOnline "L'étalon de la qualité d'image a posé nue" et dans l'article "Le scan de celle qui s'appelait alors Lenna Sjööblom, mensurations 86-66-91, est ainsi devenu..." 20min.ch/fr/story/l-eta…
Addendum 2 : En 2021 eut lieu à San Francisco l'exposition "Fair Use: What's Mine is Yours" interrogeant l'appropriation et la diffusion des images à l'ère d'Internet.
à gauche : "Lenna: Empress of Invisible Images, Queen of the Internet" de Trevor Paglen altmansiegel.com/exhibitions/fa…
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Je suis juge et partie mais franchement ça bouge pas mal actuellement à l'Éducation nationale du côté du logiciel libre et des communs numériques.
Illustration en 12 tweets uniquement de ce dernier mois, et qui font sens mis bout à bout.
⬇️ 1/13
Historique première formation aux communs numériques à @Ih2ef sur 3 jours devant 30 conseillers de recteur DRANE (Direction de Région Académique du Numérique pour l'Éducation) et DRASI (Direction Régionale Académique des Systèmes d'Information)
2/13
Nouvelle version de #BigBlueButton à laquelle le ministère a participé en finançant directement le développement de certaines fonctionnalités (on utilise du logiciel libre, on contribue au logiciel libre)
3/13
[ils ont osé] Et voilà. La copie privée ne suffisait pas. Les lobbys ont bien travaillé. Un amendement a été déposé vendredi visant à taxer de 1% les bénéfices tirés de l'utilisation commerciale d’une œuvre du domaine public, notre commun culturel à tous. assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendem…
[one more thing...] Parmi les "14 preuves que les communs numériques fonctionnent !" présentées à #NEC22 s'est glissé le ministère de l'Éducation nationale : utiliser du logiciel libre c'est bien, y contribuer c'est mieux.
En pitch 5 min 7 diapos.
En thread replay ci-dessous.
⬇️
Le service de Classe Virtuelle a changé en cette rentrée scolaire. Avant c'était logiciel non libre (Blackboard) sur serveurs GAFAM (Amazon). Aujourd'hui c'est sur instance libre #BigBlueButton opéré par la #DNE et hébergé en Fr. eduscol.education.fr/3209/le-servic…
mais ça n'est pas tout...
On ne se contente pas d'utiliser l'application libre @bigbluebutton on participe à son développement en finançant de nouvelles fonctionnalités après étude et retex. github.com/bigbluebutton/…
mais ça n'est pas tout...
[thread] @ProfessorXmonad a relayé hier jeu #Scratch créé par son fils 12 ans
Époustouflant !
Comment est-ce possible ?
Parce que c'est libre et que la plateforme en ligne Scratch est une forge, un petit GitHub
Ce sont les boutons "remix" + "voir à l'intérieur" qui changent tout
Rappelons que Scratch est un langage de programmation graphique manipulable et exécutable par le logiciel du même nom à but éducatif.
Pour le jeu du fiston, c'est exécutable (c'est-à-dire jouable) ici : scratch.mit.edu/projects/54948…
Et c'est manipulable ici, car on a accès au "code source" du projet, à son "secret de fabrication" constitué d'assemblages de briques (le code est ouvert, c'est "open source") : scratch.mit.edu/projects/54948…
[GHB] Pas dans mes habitudes de parler vie privée mais dimanche, c'était a priori fête à la maison puisque, fait rare, je voyais mes 2 filles #20 et #27 (que j'ai eu jeune je précise ;))
#20 revenait d'un salon étudiant où on leur avait distribué un truc que j'identifiais pas
Je demande ce que c'est.
- C'est une "capote de verre", tu la mets dessus comme ça, c'est contre les drogues genre GHB, tu sais, "la drogue du violeur"
- Ah... ok
Et là, je sais pas pourquoi, j'ajoute :
- Oui, enfin ça n'arrive pas à tout le monde quand même...
...silence
Elles me regardent toutes les deux et je comprends instantanément que si, elles ont elles aussi été victimes du GHB, dont la plus jeune il y a à peine 2 mois !
Et là fébrile je demande :
- Et... ?
- Et rien justement papa. On se souvient de rien, c'est ça le principe.
Je participe ce matin à la table ronde "Les préjugés démarrent-ils à l'école ?" en tant que représentant @Edu_Num au 1er congrès Femmes En Sciences @FES_AFNEUS organisé par @AFNEUS à la Villette.
[spoiler alert : oui, mais ça n'est pas une fatalité] femmes-en-sciences.fr/congres-femmes…
Enfin... en théorie. Parce que là, je suis bloqué à Gare du Nord un jour de grève Ratp, soit l'antichambre de l'enfer #Greve18fevrier#greveratp