Thread by @valmasdel

Un épisode de #gel tardif particulièrement intense, avec des impacts qui peuvent être très sévères pour les agriculteurs et viticulteurs auxquels je pense ce soir.

Quelques éléments du contexte lié au changement climatique ci-dessous...

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https://twitter.com/GaetanHeymes/status/1510521875109191681

Le réchauffement dû à l'influence humaine sur le climat est sans équivoque, à l'échelle planétaire comme en Europe. Les hivers et printemps sont plus doux (ici évolution de la température moyenne de décembre à février et de mars à mai de 1960 à 2015) : +0,4°C / 10 ans.

Ce rythme de réchauffement est amplifié par rapport à la moyenne planétaire (autour de 0,2°C par 10 ans en moyenne sur les dernières décennies)

Ces figures proviennent de l'atlas interactif du #GIEC, interactive-atlas.ipcc.ch

Cela entraîne un allongement de la saison de croissance des végétaux, qui démarre plus tôt et finit plus tard. Le caractère inédit des changements phénologiques est illustré ici avec des enregistrements historiques, dont les dates de vendanges en France.

ipcc.ch/report/ar6/wg1/

Depuis 1950, en Europe comme sur tous les continents habités, la fréquence et l'intensité des extrêmes froids a tendance à diminuer, dans ce climat qui se réchauffe.

Il est de plus en plus rare de battre des records de froid dans un climat qui se réchauffe, mais cela arrive. Et quand cela arrive à un moment où la végétation est déjà active (gel tardif), les risques de dommages sont malheureusement élevés.

Cela a même fait l'objet d'un rapport spécifique d'une des compagnies de réassurance, en 2018, compte-tenu du coût des dommages associés.
munichre.com/topics-online/…

Ce phénomène illustre la complexité des enjeux d'adaptation à un climat qui se réchauffe : privilégier des cultures à démarrage précoce (y compris pour éviter l'exposition à des sécheresses de fin d'été), ou à démarrage tardif (pour éviter l'effet du gel tardif)?

Je vois aussi des questions récurrentes sur le lien entre ce type d'épisode très froid et le réchauffement de l'Arctique. Cela a été ré-évalué dans le rapport du GIEC de 2021, ici : ipcc.ch/report/ar6/wg1/ (chapitre 10), en voici un résumé.

Ce type d'épisode froid correspond à une situation météorologique favorisant une arrivée d'air arctique.
Que se passe-t-il dans cette région?

Le réchauffement est particulièrement marqué en Arctique (+ de 2 x + intense que la moyenne planétaire) : cette amplification polaire est observée aujourd'hui (+1,1°C par rapport à 1850-1900), pour les climats passés (chauds ou froids), et dans les simulations futures.

Il y a aussi un recul marqué de l'extension de la glace de mer (banquise) au-dessus de l'Océan arctique, tout au long de l'année, et particulièrement en fin d'été.

L'amplification arctique fait intervenir plusieurs mécanismes amplificateurs : perte de l'effet miroir neige-glace ("albedo"), effet profil température + vapeur d'eau + nuages dans une atmosphère polaire + chaude, + de transport net de chaleur par la circulation atmosphérique...

En quoi cela pourrait-il affecter l'occurrence de situations météorologiques particulières à nos latitudes? Différents mécanismes ont été explorés, selon les saisons.

Différentes hypothèses liées à la dynamique atmosphérique font l'objet de débats scientifiques intenses : changements de vortex polaire, de jet stream, d'ondes planétaires, d'échanges entre basse et haute atmosphère et avec la surface...

Néanmoins, malgré le fort réchauffement arctique et recul de la glace de mer, une diminution de l'intensité des extrêmes froids est observée au cours des dernières décennies à nos latitudes.

Chacune des hypothèses proposées pour expliquer un tel lien s'appuie sur des concepts de dynamique de l'atmosphère. Mais... la validité de mécanismes sous-jacents a été remise en question.

Par exemple, la diminution du contraste de température entre l'équateur et les pôles diminue les effets d'advection sur la température et réduit la variabilité de la température (en hiver).

Les études qui s'appuient sur des relations empiriques sont critiquées pour l'absence de significativité statistique et l'incapacité à distinguer les causes des effets.

Les coïncidences observées peuvent simplement résulter d'effets de la variabilité spontanée de la circulation atmosphérique à différents endroits, sans que les changements à un endroit (arctique) n'affectent ceux à nos latitudes.

Cet épisode de gel tardif souligne l'importance de prendre en compte à la fois l'influence humaine sur le climat et la variabilité interne du climat et intégrer différences sources d'informations pour "distiller" une information climatique pertinente pour l'adaptation.

Cet aspect fait l'objet spécifique du chapitre 10 (lier le changement climatique global et régional) du rapport du GIEC de cet été, qui a aussi évalué l'état des connaissances sur les liens réchauffement arctique - épisodes froids à nos latitudes
Ici : ipcc.ch/report/ar6/wg1/

Ce chapitre souligne que la confiance dans l'information climatique régionale "distillée" est renforcée quand de multiples éléments probants sont cohérents - c'est par exemple le cas pour le réchauffement intense pour tout le pourtours de la Méditerranéen.

A l'inverse, le résultat de cette "distillation" peut être limité par des informations incohérentes ou contradictoires. Cela conduit ainsi, en 2021, à un degré de confiance faible sur une influence du réchauffement arctique sur le climat à nos latitudes.

J'espère que ce fil vous a donné envie d'en savoir plus. Vous trouverez ici une fiche de synthèse de 2 pages sur l'évolution du climat européen :
ipcc.ch/report/ar6/wg1…

et là une fiche de synthèse de 3 pages sur les enjeux en matière de risques et d'adaptation. Cela n'intègre pas la combinaison hiver doux - démarrage précoce - gel tardif qui est un type de risque complexe supplémentaire.
ipcc.ch/report/ar6/wg2…

Je termine en soulignant à quel point il est important de prendre en compte toute la plage de variabilité pour réfléchir à des systèmes résilients, que ce soit pour les cultures, ou pour l'approvisionnement en électricité.

Dans un climat qui se réchauffe à l'échelle planétaire, on s'attend, en Europe, à la poursuite du réchauffement, l'augmentation des extrêmes chauds et la diminution des extrêmes froids - par ex. ici pour l'actuel (à gauche) et un monde 2°C plus chaud vers 2050.

Mais, il faut aussi anticiper, en plus des conséquences régionales associées à différents niveaux de réchauffement planétaire (qu'il est possible de limiter en réduisant les rejets de gaz à effet de serre),

la possibilité de coups de froid ponctuels s'il se produit une éruption volcanique majeure. C'est probable qu'un tel évènement ait lieu au cours des prochaine décennies, et important de l'intégrer dans une réflexion sur la sécurité alimentaire, la sécurité énergique, par exemple.

Merci de votre attention.

- FIN -