Thread by @GuillaumeAuda

Bonjour à tous,
Jour 119 du #proces13novembre.
Retour pour une semaine des parties civiles à la barre. Leurs témoignages brûlants avaient bouleversé cette audience pdt 5 semaines l'année dernière.
Aujourd'hui 13 victimes sont entendues. (SDF, Carillon et Petit Cambodge)
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Me Louis Mary demande à ce que M. Valls, ex PM et JY le Drian, ex Min de la Défense en 2015. Ils pourraient éclairer les décisions d'intervention prises le soir du 13nov. Sentinelle n'était pas intervenu.
Parquet et Défense s'y opposent.
Decision + tard
#proces13novembre /6719

Un 1ère victime s'avance à la barre. Il s'agit de Gabriel. Grand bonhomme à la peau noire. Blazer gris. Il raconte les deux 1ères détonations au Stade de Fr. Il se met à courir dit-il. Il panique, est tétanisé "À Paris des attentats, c'était improbable !"
#proces13novembre /6720

Puis vient la 3ème détonation. Gabriel, dans son récit, cherche parfois ses mots. Il semble recomposer ses souvenirs à la barre. Pour être honnête son témoignage est décousu, imprécis. Il n'a pas vu les explosions. Il les a entendu. Il n'est pas blessé.
#proces13novembre /6721

Témoigne très rapidement conclu. Le président a posé 2 questions rapides. À suivre, ni la cour, ni le parquet, ni les avocats n'ont de question pour ce témoin.
Parole à l'un des avocats d'1 PC à présent qui lit le courrier de sa cliente, elle était au Petit Cambodge
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Puis Me Bibal va également lire un témoignage. Celui de Chloé, elle était au Petit Cambodge le 13 novembre 2015. Les 2 lectures évoquent la sidération, la peur, les tirs, les morts, les blessures, celles de leur ami. Le restaurant ensanglanté. les morts...
#proces13novembre /6723

C'est une collaboratrice de Me Bibal qui lit le témoignage de Chloé. Très grand silence en salle d'audience lors du récit. "Ce que j'ai vécu ce soir là ça m'a blessé pour toujours... Mais paradoxalement je me sens plus forte..."
#proces13novembre /6724

Place à Cécile. Elle avait 29 ans, enceinte de 3 mois. Elle est allé diner au Petit Cambodge. Cécile raconte la voix tremblante être resté figée par ce qu'elle a vu "ça a tiré à la Kalachnikov ". Elle a été témoin de 2 fusillades, à la Bonne Bière aussi..
#proces13novembre /6725

Cécile est très émue. "Dans quel monde allons nous accueillir cet enfant ? " s'est-elle demandé alors. Elle évoque sa culpabilité d'avoir fui et de ne pas avoir aidé les gens, les blessés cette nuit là. "Cette culpabilité me hante toujours"
#proces13novembre /6726

Cécile : Je n'ai jamais parlé des attentats à mes deux enfants. La première est né 6 mois après les attentats. Seule notre famille à construire a de l'importance... Ce que j'avais enfoui par nécessité refait surface 6 ans après, lors de ce procès...
#proces13novembre /6727

Le président Périès remercie très posément Cécile d'avoir témoigné. Puis un autre témoin fait savoir qu'il ne déposera pas à la barre.
En réalité plusieurs autres sont en retard. D'autres se désistent.
#proces13novembre /6728

Place à Natacha, elle était à proximité du petit Cambodge. Elle parle également anglais, et pourrait avoir besoin d'un interprète. Sa voix est très basse.
"Le 13, vous nous avez imposé un choix. vous nous avez massacré alors que nous faisions la fête"
#proces13novembre /6729

Natacha : Comment avez vous pu basculer ?
(Cette femme, la quarantaine, s'adresse aux terroristes, de façon très émue aussi. Elle inspire beaucoup entre chaque phrase. Elle raconte avoir vécu le 11 septembre aussi aux US)
#proces13novembre /6730

NAtacha, très émue, la voix très basse : J'habite toujours à deux pas du Petit Cambodge. Je déteste cet endroit. J'en souffre beaucoup. #proces13novembre /6731

Natacha : Il y a les tirs...Il y avait des éclats de douille. J'ai été percutée par un éclat de douille. J'ai cru que j'avais pris feu. J'ai regardé vers le Petit Cambodge.
#proces13novembre /6732

Natacha : J'ai vu ce mec assis à la 1ère table. il ne bougeait pas. 1 mec à côté a tourné la table comme bouclier, j'ai entendu le métal racler le sol. Une femme le prénom Pierre. Il était allongé , il ne bougeait plus...
#proces13novembre /6733

Natacha est aussi très éprouvée. Elle alterne entre le français et l'anglais. Sa voix est si basse. Ses mots sont difficilement perceptibles malgré le microphone. elle parle de la fusillade qui battait son plein. La vue du sang. #proces13novembre /6734

Natacha, neo zélandaise, réussit à rentrer chez elle après être passé par un hôpital. elle ne parvenait plus à descendre. On lui a donné un médicament. Le médecin lui a dit, vous allez vous dormir mais vous aller vous réveiller encore plus mal...
#proces13novembre /6735

Natacha poursuit son récit. Les lendemains difficiles. L'impossibilité d'échanger, ou mal, avec ses amis. Les pétages de plomb. Son gros dérapage avec 1 psychiatre. Son récit est entrecoupé de larmes. Et des bribes de phrases -e- les larmes
6 ans après...
#proces13novembre /6736

Natacha, très marquée, raconte ses angoisses. Son impossibilité de prendre un job à plein temps. Ses relations dégradées avec certaines collègues. Et en famille un jour ma fille m'a fait remarquer, "maman, c'est bien, tu finis tes phrases maintenant".
#proces13novembre /6737

En pleine détresse Natacha raconte avoir dit un jour à ses enfants, avant d'aller chez un psychiatre : "Si je ne suis pas là dans 2 heures ... vous allez chez votre père".
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#proces13novembre /6738

Le témoignage de Natacha jette un immense trouble en salle d'audience. Il rappelle à quel point 6 ans et demi après les faits la douleur de certaines victimes est profonde. son avocate, Me Teste, lui offre un mouchoir pour sécher ses larmes
#proces13novembre /6739

Natacha semble s'adresser aux accusés : Et si on vous relâchait dans la rue que ferriez vous ? Quelle serait votre réaction ? Y'a-t-il toujours un avant, un pendant, et un après ?
#proces13novembre /6740

Natacha conclut :
Merci aux personnels soignants, à ceux qui se sont coltiné ma fragilité...
#proces13novembre /6741

Place à Jean-Pablo. Il est canadien d'origine colombienne, vénézuélienne et chilienne. "tout un bordel" dit ce jeune homme qui porte un blazer gris sur un col roulé vert. La trentaine, architecte, brun, lunettes vertes.
#proces13novembre /6742

Juan Pablo était l'ami de Raphaël, assassiné au Carillon.
Un pilier de son 1er chapitre à Paris en 2015.
Le 13 nov, il annule un voyage aux US, il était mal. Alors qu'il n'avait pas envie de sortir, il va finalement au Carillon. Il suit son ami allemand..
#proces13novembre /6743

Juan Pablo : Nous sommes une 20aine de personnes du même cercle. On arrive vers 21h10 au Carillon. Vers 21h20 on est à l'intérieur. Je suis avec Raphaël. Je commande 2 verres de vin, vais aux WC. Puis revient aux conversations. Tout à coup, feu d'artifice.
#proces13novembre /6744

Juan Pablo : J'ai vécu dans des pays où la criminalité est forte. Je sais qu'il faut réagir vite. J'aperçois une voiture, et un homme en noir qui en sort. Je vois qu'on tire dans ma direction et celle de mon ami Raphaël. Je me retrouve vite au sol.
#proces13novembre /6745

Juan Pablo : Je rampe, je grimpe sur des tas de choses, je ne sais plus. J'arrive vers une pièce ou une collègue Sandra s'est refugiée. On ferme la porte derrière nous. Sandra crie, je lui dit 'ta gueule'. ça tire encore. Puis les tirs cessent.

#proces13novembre /6746

Juan Pablo : Je sors de la pièce de stockage du Carillon. Je vois Emilie de l'agence Renzo Piano aussi. Elle et blessée à la jambe. Je cherche Raphaël. Il est allongé. Ses yeux ne disaient plus rien. Mon ami Geraldo essayait de le ressusciter.
#proces13novembre /6747

Juan Pablo : Je disais à Raphaël, ne meurt pas. Si tu meurs je serais là pour ta famille. Une infirmière est arrivée. Puis la police me demande de partir. Je crie je tape les murs, je ne veux pas.
#proces13novembre /6748

Juan Pablo finit par sortir du Carillon. À l'extérieur, il répond à des questions de journalistes. Il cherche à joindre sa famille. Il n'y parvient pas. Personne ne répond. À la barre, face à la Cour, à cet instant, Juan Pablo étouffe quelques sanglots.
#proces13novembre /6749

Juan Pablo raconte une conversation qu'il a eu avec le père de son ami allemand, à qui il explique Raphael est peut-être mort.
"En tant qu'étranger je me sens attaché à cette France qui a changé depuis le 13 nov, et qui bataille à présent"
#proces13novembre /6750

Juan Pablo : chez Renzo Piano (l'agence d'architecture) à Paris, le 13 novembre est une catastrophe. Il y a des morts et des blessés...
#proces13novembre /6751

Juan Pablo : Je me force à aller dans la rue du Carillon, je me force à déjeuner à l'extérieur, je me force à prendre le métro, mais la peur est toujours là...
#proces13novembre /6752

Juan Pablo : Je suis architecte. Depuis le 13 novembre, dans chaque endroit, je me fais un plan virtuel du lieu, je repère toutes les sorties de secours. Pendant longtemps je n'ai pas pu dormir la lumière éteinte.
#proces13novembre /6753

Un 2ème Juan Pablo est né le 13 novembre. Un garçon incapable de contrôler ses émotions, sensible aux injustices. "C'est injuste que mon ami Raphaël soit mort ce soir là, à ma place. Il est mort pour toute la jeunesse de l'agence Renzo Piano..."
#proces13novembre /6754

Juan Pablo : ce jour là , le 13 nov, a été une nouvelle naissance. J'ai grandi en qques jours comme on grandi en plusieurs années...j'essaye de vivre chaque seconde comme si c'était la dernière. Je me demande ce qu'aurait été mon amitié avec Raphaël.
#proces13novembre /6755

Juan Pablo : Je me demande ce que ces terroristes qui avaient le même âge que moi avaient vécu juste avant de passer à l'acte. Je ne veux pas vous dire que vous êtes des cons, je veux juste comprendre ce qu'il s'est passé dans votre tête ...
#proces13novembre /6756

Suspension.
#proces13novembre /6757

À présent, c'est Carla qui vient témoigner. Elle est allemande. Elle fait partie de la même groupe d'architectes que Juan Pablo, de l'agence Renzo Piano.
Elle raconte à son tour sa soirée, terrible, au Carillon.
Les tirs, le verre brisé. le sang par terre
#proces13novembre /6758

Carla cherche ses amis qu'elle ne voit plus. Ces instants de panique. Les inconscients, les blessés. L'une de ses amies a été touchée à la jambe. Elle fait référence à un texto de Juan-Pablo: 'Raphaël est mort'. "Le lire noir sur blanc, c'était absurde..."
#proces13novembre /6759

Carla raconte l'après. Les prises en charge.
Et elle conclut ainsi :
Je dépose ici le poids de mon témoignage. Merci de m'avoir écouté. De m'avoir donné cette possibilité de me soulager.
#proces13novembre /6760

Christophe à présent. Le soir du 13 nov il était pompier depuis 7 ans. Il était de garde. Le Caporal Chef gare son camion à 21h11, il a été appelé pour un employé qui chute au Franprix non loin du Carillon.
21h24. Des bruits de pétard. Bruit effroyable.
#proces13novembre /6761

Christophe : Mon boulot de pompier prend le dessus. Je réalise qu'il s'agit d'un attentat. Je rassure mes 2 collègues en attendant que ça se termine. Seule préoccupation, envoyer un msg radio pour demander des renforts. Je suis dans le camion.
#proces13novembre /6762

Christophe lit son témoignage. Très factuel. Ponctué de silence : 121 cartouches d'armes de guerre tirées en 2 minutes. 1 par seconde. Les assaillants laisssent des 10aines de victimes derrière eux. Je demande le déclenchement du plan rouge.
#proces13novembre /6763

Christophe : Je donne l'ordre à mes co-equipiers de s'occuper des conscients. Je réalise que je suis déjà en train de faire un 1er tri. Peu à peu j'abandonne le pompier que je suis. Je laisse monter mes émotions. #proces13novembre /6764

Christophe : Je vois une femme à terre, elle a pris une balle dans le visage. J'ai la main devant la bouche en regardant ce qui se passe. J'ai pas envie de pleurer...mes collègues arrivent. Ils me remettent dans un schéma classique de secourisme. #proces13novembre /6765

Christophe raconte l'effroyable chaos dans lequel il intervient pour sauver le maximum de vies. Tente de cacher son propre effroi en rassurant les victimes qui peuvent l'être encore.
#proces13novembre /6766

Christophe à ce moment là : J'ai envie de pleurer
car j'ai peur du noir, j'ai envie de pleurer car j'ai peur du sur attentat, j'ai envie de pleurer car je sais que la suite va être très dure
#proces13novembre /6767

Christophe : J'ai envie de pleurer car je sais pas comment gérer tout ça, j'ai envie de pleurer pour toutes ces choses que j'ai vu et que je vois encore...
#proces13novembre /6768

Christophe fait aller retour à sa caserne, retourne sur les terrasses pour sauver autant que faire ce peut un maximum de victimes.
"Je laisse derrière moi mon insouciance que je retrouverai jamais."
#proces13novembre /6769

Christophe poursuit son récit. raconte l'ambiance pesante de la caserne. Les larmes qui finissent par couler. Sa copine qui ne réalise pas trop. Il lui raccroche au nez ce soir là. Il raconte le 14 nov. Un collègue les invite à boire. Ses envies de vomir
#proces13novembre /6770

Et les jours qui suivent pour Christophe. Et les nuits qui tombent, les gardes de sapeur pompier ambulancier qu'il ne peut plus assumer.
#proces13novembre /6771

Christophe : "Je me couchais dans le canapé, habillé le + tard possible pour ne pas ressentir la responsabilité de celui qui doit se réveiller."
#proces13novembre /6772

Cette anecdote terrible de Christophe. Le jour de la commémoration, il s'effondre en larmes dans les bras... d'une fausse victime dit-il.
Il y l'alcool à outrance, les fêtes tristes, les névroses. Besoin de se sentir triste comme s'il n'avait pas le droit d'être heureux. /6773

En 2017, Christophe est muté de la caserne de Parmentier. Il n'a pas envie de quitter ce quartier où il a vecu cet attentat. Il compare ce qu'il a vécu avec le Bataclan, qu'il trouve bien pire que ce qu'il a vecu. Il compare dit-il et c'est horrible #proces13novembre /6774

Christophe comprend que lui aussi a été victime de l'attentat. Il est pompier ce soir-là. "J'étais en tenue. Avec du matériel. En position de chef il a fallu que prenne des décisions.
#proces13novembre /6775

Christophe, ce soir là, le 13 novembre :

"On tente de nous assassiner. On peut pas fuir. Et je dois faire mon boulot de pompier. L'enfer."

#proces13novembre /6776

Christophe, le phrasé sec, le récit au cordeau, raconte son chemin de résilience et aussi, les petites phrases assassines qu'on lui sert parfois. "Alors tu vas toujours pas mieux?"
Son témoignage est fort à entendre. Dur d'en retranscrire la force j'avoue
#proces13novembre /6777

Christophe montre un dessin, une reproduction de Dieu Ganesh, offert par le père d'une victime du Carillon, auteure de ce dessin justement. Il remercie Arthur Denouveaux le pdt de l'asso @lifeforparis.

#proces13novembre /6778

Christophe à sa famille, inquiète pour sa situation et son état de santé :
Ne vous inquiétez pas pour moi, le plus beau est à venir.

#proces13novembre /6779

Christophe s'adresse aux proches de victimes décédées. Il est hanté par le tri entre les victimes qu'il a du effectuer au Carillon. Il a du faire des choix effroyables, prendre la décision de laisser des gens mourir pour en sauver d'autres...

#proces13novembre /6780

Christophe : Ces visions d'horreur sont la conséquence de mon stress post traumatique actuel... Je le répète nous sommes humains...Je me déçois de regarder de travers certaines personnes dans les transports publics.
#proces13novembre /6781

Christophe reprend le travail lundi prochain. Espère d'être libéré d'un poids après son témoignage. Il sent qu'une page est en train de se tourner. Il aura toujours une pensée pour les victimes décédées, elles étaient là pour manger fumer boire et s'amuser
#proces13novembre /6782

Christophe, à la salle d'audience :

"que vous soyez victime ou non, que vous soyez dans le box des accusés ou non, je vous annonce que ma conjointe est enceinte et que je vais devenir papa d'ici la fin de l'année."

Témoignage très fort.

#proces13novembre /6783

L'audience est levée.
#proces13novembre /6784

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