II.L’économie russe est soumise à trois types de sanctions : les sanctions sur ses exportations, celles sur ses flux financiers et celles sur son accès à la haute technologie. On exclut les sanctions « ad hominem », purement symboliques.
III.Ces sanctions ont progressivement basculé d’un régime de dissuasion à un régime où ce qui était visé était bien la destruction d’une partie de l’économie russe. En cela, nous sommes plus dans un régime de « guerre économique » que de sanctions.
IV.Seules les sanctions financières avaient une (petite) chance d’avoir un effet rapide et significatif. Les sanctions sur les exportations et l’accès à la haute technologie ne jouent (quand elles jouent) que sur des années, leçon que l’on peut tirer 90 ans de sanctions.
V.Globalement, la capacité politique des sanctions économiques à changer l’action d’un pays est faible, sauf si l’on touche un flux absolument vital (Japon et pétrole, 1941) et là, on risque souvent l’inverse de ce qui est visé par les sanctions, soit la guerre.
VI.Les exemples de l’Italie (1935) mais aussi de Cuba (1961) ou de l’Iran montrent que les sanctions atteignent rarement leur but. Le seul cas positif est l’Afrique du Sud (fin de l’Apartheid / désarmement nucléaire).
VII.Pour revenir à la #Russie, les sanctions financières ont échoué à causer des dommages importants. Le taux de change du rouble s’est redressé, l’inflation se ralentit et l’impact sur la population est en réalité très faible.
VIII.Comment la #Russie s’est-elle adaptée ? Elle a appliqué les méthodes de contrôles qui étaient celles de l’économie française de 1946 à 1985 : obligation des exportateurs de vendre leurs devises, limitation et surveillance des achats de devises.
IX.Le fait que le ces mesures ait pu être allégées dès le 10 avril 2022 indique la robustesse du système russe. Les particuliers peuvent désormais acheter des devises et les entreprises importatrices bénéficient d’allocations assez larges (système japonais des années 50…)
X.Les sanctions sur les exportations russes ont eu, elles un faible effet. Deux raisons : rigidité de certains flux (gaz et pétrole), et la #Russie était déjà en train de se tourner vers d’autres clients depuis des années. Ajoutons que l’OPEP soutient de fait la #Russie.
XI.Rappelons aussi que les exportations russes ne concernent pas que les hydrocarbures. Les exportations de métaux ou de produits de raffinage et de 1ère transformation sont encore plus rigides que les exportations de gaz et de pétrole.
XII.Le résultat est que le solde commercial de la #Russie a encore augmenté en mars et en avril assurant les moyens financiers d’une stabilisation de l’économie et de la poursuite des opérations de guerre.
XIII.Les sanctions concernant l’accès à la haute technologie sont, dans le long terme, les plus inquiétantes pour la #Russie. Mais elles supposent un isolement total et une absence de moyens de la part de la #Russie pour produire l’effet espéré.
XIV.Or, les pays « occidentaux » n’ont plus le monopole de la haute technologie. Même si les USA peuvent faire des pressions sur d’autres fournisseurs, ces dernières seront modérées du fait de l’action d’autres gouvernements (Chine, Malaisie…)
XV.La#Russie ne peut donc pas être complètement sevrée de hautes technologies. Elle peut, de plus, chercher à les produire elle-même. C’est l’enjeu d’une adaptation plus fondamentale de la politique économique de la #Russie, qui en a les moyens.
XVI.Derrière l’expression de « socialisme militaire » employée ces derniers jours en #Russie se cache en réalité l’idée de lancer, sur la base des financements d’Etat, un grand plan de substitution aux importations et de remontée de filières technologiques.
XVII.Ce plan implique des moyens financiers/humains importants. Ces moyens existent en #Russie. Le gouvernement est-il prêt à les utiliser, telle est la véritable question. Mais, ce plan aboutirait à terme à réduire la dépendance à l’extérieur (y compris la Chine…)
XVIII.Ce plan, pour fonctionner parfaitement, implique un degré de coopération entre l’État et le secteur privé, et une forte intégration du potentiel technologique révélé dans les différents techno-parcs. Il implique aussi une modification des règles de la BCR
XIX.On se rapproche ici des méthodes qui furent utilisées, de 1954 à 1970 par la planification japonaise et de celles utilisées par la planification française des années 1946 à 1970. #Planification
XX.Ces formes de coopération et d’intégration impliqueraient un changement de paradigme mais surtout de culture de l’administration économique russe. Sans être hors d’atteinte elles semblent aujourd’hui difficiles à mettre en œuvre.
XXI.Elles impliquent surtout une prise de conscience de l’irrévocabilité pour les 15 ans à venir au moins d’une partie des conséquences des décisions prises au mois de février. Cette prise de conscience déterminera l’ajustement de long terme de l’économie #Russe
XXII.Il apparaît donc que si cette économie s’est bien ajustée aux conséquences de court et moyen terme des sanctions actuelles, une incertitude existe quant à l’ajustement aux conséquences de long-terme.
XXIII.Des leçons peuvent en être tirées.
1 Le contrôle des changes, si décrié dans les années 1980-90, fonctionne bien.
2 Il peut être la base d’une politique de croissance.
3 Cette politique implique une forte intervention de l’État coordonné par un Plan général
XXIV.Ces leçons doivent aussi être étudiées par un pays comme la #France si il veut pouvoir traverser la nouvelle période historique ouverte par le guerre en Ukraine.
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I Lors de la réunion de la Banque Centrale de Russie (BCR) du 20 décembre, le Comité Directeur a décidé de garder le taux directeur à 21%. C’est l’occasion d’un #Fil ou #Thread sur l’inflation et la politique de la BCR.
II La décision a surpris. Les analystes s’attendaient à 23%. Refusant de donner les raisons de ce mouvement, Mme Nabiulina, la directrice de la BCR, a choisi d’expliquer les canaux de transmissions de la monnaie à l’inflation cbr.ru/eng/press/even…
III Ces explications sont classiques de la vision des liens entre monnaie et inflation des années 1990 et du début des années 2000. Elles n’intègrent pas les travaux réalisés depuis 25 ans, soit par des universitaires (G. Mankyw) soit même par le FMI
I - Le pauvre @nbouzou va pleurer
Le rouble remonte vite. Il est repassé au de la de la barre des 100 pour 1 USD, des 135 pour 10 yuan cbr.ru/eng/
II - Alors, pourquoi a-t-il tant baissé il y a 10 jours?
Les marchés du USD/Euro sont devenus très étroits. Mais certaines entreprises russes ont toujours besoin de ces monnaies pour payer les intérêts d'anciens emprunts
III La demande se situe fin novembre début décembre. Elle doit porter sur 20-25 milliards d'USD (cela correspond à 300 milliards de dettes privées)
I @TF1 a voulu faire du « fact-checking » sur la taille du PIB de la Russie. Mais ce faisant elle désinforme bien plus qu’autre chose #Fil ou #Thread tf1info.fr/international/…
II Il faut ici revenir sur les mesures du PIB dites « au taux de change » ou « en Parité de Pouvoir d’Achat ». Disons tout de suite qu’elles présentent toutes des inconvénients, mais les mesures « au taux de change » plus que celles en PPA.
III On sait qu’il existe des divergences importantes entre ces deux mesures, que ce soit pour la Russie, la Chine, les USA ou la France. On sait aussi que les mesures en taux de change sont très fragiles, car ils sont loin d’être des « taux d’équilibres » (voir biblio)
I. Comme il y a des personnes sur X/Twitter qui visiblement n'ont pas le niveau d'une 1ère ES (ou B), quelques petits rappels sur l'inflation, le salaire nominal et le salaire réel et tuti quanti #Thread #Fil
II Pour les agents non-financiers (et aussi pour les autres...) ce sont les revenus "réels" qui comptent. Autrement dit les revenus nominaux - l'inflation.
C'est vrai en Russie comme en France
III En Russie on constate que les salaires nominaux ont TOUJOURS été croissants mais que les salaires réels ont été négatifs pour une courte période en 2022
I. @nbouzou parle de ce qu'il ne connait pas, tout comme @hans_kluge
Le graphique qu'ils RT est celui de la dernière note de conjoncture de l'IPE-ASR de Moscou avec qui je travaille. Or, ils n'ont pas lu le texte qui accompagne ce graphique. Mauvaise foi évidente.
II Dans cette note les auteurs (A. Shirov et alii) expliquent que deux problèmes pèsent sur la croissance russe: la politique monétaire et l'épuisement temporaire des capacités ecfor.ru/publication/kr…
III Je conseille donc à @nbouzou d'apprendre le russe de toute urgence.
Il n'est fait mention des sanctions qu'une fois dans cette note, ce qui indique bien le caractère mineur du problème posé par les sanctions.
I Petit #Thread ou #Fil sur la situation économique de la Russie au mois de septembre 2024.
Les résultats économiques de septembre 2024 confirment les analyses qui avaient pu être réalisées il y a quelques semaines.
@Vukuzman @Mescortert
II Le ralentissement de l’économie russe se confirme par rapport aux rythmes du 1er semestre. Mais il se confirme aussi que les résultats particulièrement décevants pour août 2024 étaient purement dus à des phénomènes conjoncturels.
III Le PIB de la Russie aurait augmenté, par rapport à septembre 2023 de 2,8% à 3,0%, et la production industrielle totale de 3,2%. La prévision de croissance du PIB en 2024 a été abaissée à +3,7% contre 3,9% auparavant.