Charlotte Piret Profile picture
May 17 160 tweets 30 min read
Bonjour à tous,

Après une semaine de suspension pour cause de contamination au Covid d'un des accusés, le procès des attentats du #13Novembre reprend pour la 33e semaine et 122e jour d'audience.
Toute cette semaine, la cour va entendre les derniers témoignages de victimes, dont aujourd'hui, les membres du groupe Eagles of Death Metal qui ont souhaité s'exprimer à ce procès.

LT à suivre ici.
Retrouvez @sophparm à l'antenne de @franceinter
Le chanteur des Eagles of Death Metal, Jesse Hughes, doit être entendu très prochainement.
Mais avant cela, Ilyad, qui était à la Bonne bière le #13Novembre s'est avancé à la barre.
Il explique avoir pris une balle dans la jambe.
Ilyad : "Je suis resté à guetter les assaillants le souffle couper et à penser que je risquais de terminer là. J'ai pris une balle de kalachnikov sur le haut de la cuisse qui m'a sectionné l'artère. Mon pronostic vital était engagé. Mon fémur était explosé."
Ilyad : "j'ai passé un an et 1/2 à l'hôpital des Invalides, 9 mois dans un fauteuil roulant."
Il raconte que ce qui l'a aidé à surmonter ça c'est "cette fille qui a pris une dizaine de balles", cet ami "que j'ai vu demander à ce qu'on lui coupe la jambe, tellement il avait mal"
Ces gens, rencontrés à l'hôpital des Invalides l'ont aidé à se reconstruire, poursuit Ilyad. "On parlait calmement, on a rit, on a reconstruit nos vies ensemble".
Ilyad s'explique s'être relativement peu intéressé au procès mais "je suis venu entendre les auditions de certains accusés sur leur enfance. Et j'ai noté qu'ils avaient manqué de rien."
Il se tourne vers le box. "Moi, à titre personnel, je n'ai pas de haine."
Ilyad : "quand je pense à cette histoire, je me dis que c'est une histoire folle. Et je ne suis pas certain que les individus du Moyen-Orient aient demandé que des Belges, des Français viennent chez eux pour prétendre à telle ou telle chose."
Ilyad : "je me dis que si je me mettais à leur place et que je regardais ma vie, je n'aimerais pas forcément ce que j'y vois. Comme tout être humain, il n'appartient qu'à eux de pouvoir y voir quelque chose d'autre."
Fin du témoignage d'Ilyad.
Les membres du groupe des Eagles of Death Metal n'étant pas encore arrivés car coincés dans les bouchons, c'est Simon, survivant du Bataclan qui s'avance à la barre.
Il est allé seul au concert ce soir-là, raconte-t-il.
Simon : "je n'avais pas de place pour assister au concert. Tous mes efforts avaient échoué. Un type sympa m'a revendu sa place au milieu des vendeurs à la sauvette. J'ai probablement sauvé la vie de cet homme fortuitement. Et j'aurais voulu lui dire que je m'en étais sorti"
Simon : "il y avait une sorte de légèreté dans l'air. J'ai échangé avec des inconnus de tout, de rien"."
Puis, il raconte : "j'ai plongé instinctivement dans la fosse, je me suis réfugié sous une sorte de plaque métallique qui avait volé dans la salle."
Simon : "j'entendais les tirs, les cris de panique, les hurlements de douleurs, les suppliques. Et surtout les revendications des terroristes. Je me suis mis à attendre en me disant que plus il s'écoulait, plus les chances d'en sortir vivant augmentaient."
Simon : "puis les tirs sont passés au coup par coup. Et je me souviens très précisément du décompte macabre qu'un des terroristes faisait des victimes qu'il abattait : "26, 27, 28 ...."
Simon : "parmi les sons qui me parvenaient, il y avait les râles de souffrance d'un homme à côté de moi. Et puis le bruit des armes qu'on recharge. Tout à coup, j'ai entendu l'explosion d'une grenade au dessus de moi. C'était en réalité, le premier terroriste."
Simon : "et puis soudain on a enfin entendu l'injonction de nous lever, les mains sur la tête. Je me suis relevé.
J'ai essayé d'en voir le moins possible, mais j'ai quand même remarqué cette jeune femme blonde, allongée sur le sol, le bras écrasé par l'un des policiers."
Simon se réfugie ensuite dans une cour d'immeuble, raconte-t-il. "Arrivent des rescapés, très choqués, libérés lors de l'assaut dont on a entendu les déflagrations".
Simon évoque l'après, et ces moments d'angoisse. Notamment ce jour où "je suis obligé de changer de rame de métro quand je vois que la personne en face de moi porte un T-shirt avec le dessin d'une kalachnikov. Il est arabe, il a 20 ans. Et on a le 24 novembre. "
Simon : "parmi les troubles qui perdurent, il y a mon rapport à la violence, des accès de colère rares et essentiellement limités au cadre familial mais inattendus."
"La justice va s'exercer selon les principes de la démocratie qu'ils ont voulu abattre et c'est pour moi rassurant," poursuit Simon qui explique encore que s'il est retourné au concert, "je sais hélas que je ne rentrerai sans doute plus jamais au Bataclan écouter de la musique"
Fin du témoignage de Simon. Les membres du groupe des Eagles of Death Metal sont arrivés dans la salle entretemps.
Eden Galindo est le premier à s'avancer à la barre.
Vêtu tout en noir, Eden Galindo entame son témignage : "je jouais dans le groupe des Eagles of Death Metal le #13novembre
On était en tournée, à Paris. On a fait les balances, tout se passait bien. On a débuté le concert. C'était vraiment bien, le meilleur concert de la tournée"
Eden Galindo (EODM) : "après quelques chansons, j'étais sur le côté de la scène et j'ai entendu des bruits sourds d'une fusillade. J'ai cru que c'était un problème de son.
Jesse, le chanteur, est venue vers moi en cours. J'ai dit : "what the f... is going on?"
Eden Galindo : "je me souviens du public qui me regardait. J'ai vu l'expression sur leur visage. On a tous couru vers le côté de la scène. On pensait que ça allait s'arrêter. Mais ça continuait. Ils ont commencé à tous tirer en même temps."
Eden Galindo : "puis un des techniciens nous a dit : "la prochaine fois qu'ils rechargent, on court." Julian, le batteur est sorti en premier. Jesse [Hugues, ndlr] et moi sommes allés chercher sa copine dans le vestiaire à l'étage."
Eden Galindo : "puis on est sortis, on courait, on ne savait pas où aller. Et puis, un jeune homme, qui depuis est devenu un bon ami, nous a hélé un taxi et lui a dit de nous emmener au commissariat".
Eden Galindo : "puis, on a appris que notre responsable commercial, Nick Alexander, était mort."
L'ancien guitariste du groupe poursuit :"nous sommes rentrés à la maison. Je me sentais comme brisé. C'était très difficile de reprendre un quotidien."
Eden Galindo : "je ne serai plus jamais le même après cette nuit-là.
Nous sommes revenus en Europe, nous avons fini la tournée. Et le fait d'être avec le groupe, de parler de ce qu'il s'était passé, nuit après nuit, m'a beaucoup aidé."
Eden Galindo (EODM) : aujourd'hui, j'ai des jumelles magnifiques, une femme magnifique. Je vis une vie différente. Mais je ne serai plus jamais le même.
Et je voudrais juste dire aux familles des victimes que je pense à elles tous les jours et je prie pour elles."
Place au témoignage de Jesse Hugues, chanteur du groupe Eagles of Death Metal (EODM) . Il a écrit un texte pour l'occasion.
Costume noir, cravate rouge, Jesse Hugues tient d'abord à remercier : "la cour, les juges, la maire de Paris, l'association @lifeforparis ..."
Jesse Hugues ( @EODMofficial ) : "les événements du #13Novembre ont changé ma vie. Et j'apprécie l'opportunité de pouvoir paraître devant vous aujourd'hui.
Mais au fur et à mesure que ce jour approchait, j'ai ressenti cette nervosité que j'ai en moi depuis les attaques".
Jesse Hugues (@EODMofficial ): "j'ai commencé à ressentir des choses que j'avais enfouis depuis le #13Novembre 2015 et que je pensais que j'avais surmontés.
Mon groupe était particulièrement heureux de jouer à Paris. Nous aimons Paris."
@EODMofficial Jesse Hugues : "pendant le concert, nous avons entendu les premier tirs. Venant d'une région désertique en Californie, le son des coups de feu m'est très familier. Je savais ce qu'il se passait. Je sentais la mort se rapprocher. J'ai été cherché ma copine. Je ne l'ai pas trouvée"
Jesse Hugues : "J'ai commencé à paniqué. Puis je l'ai retrouvée. On est sorti sur le boulevard où un ange du nom d'Arthur nous a mis dans un taxi et envoyé au commissariat. Je ne savais pas ce qu'il en était des autres membres du groupe."
Jesse Hugues : "puis, nous avons appris que nous avions perdu notre ami Nick [Alexander, ndlr]. Mais je savais déjà que nous avions perdu des amis car je considère tous les spectateurs comme des amis."
Jesse Hugues : "et 90 de mes amis ont été tués ce soir-là.
De ces événements, je garde une belle chose : l'amour des Français envers moi. A partir de ce moment-là, j'ai été accueilli de manière incroyable. Je ne savais pas si j'aurais la force de remonter un jour sur scène."
Jesse Hugues : "ce qu'ils ont décidé de faire ce soir-là, c'est de faire taire la musique. Mais ils ont échoué. Le mal n'a pas gagné. Les accusés et les terroristes morts au Bataclan ont tenté d'imposer la terreur."
Jesse Hugues : "mais
cette tragédie est devenue un flambeau de lumière et une capacité des Français à pardonner. Et c'est pour cela que j'ai pardonné à ceux qui ont commis ces actes. Et je prie pour eux, pour que la lumière de notre seigneur jaillissent sur eux."
Le chanteur des Eagles of Death Metal (@EODMofficial ) conclut son témoignage par "You can't kill Rock'n'roll"
Place au témoignage d'Alice. "J'étais au bataclan le soir du #13Novembre 2015. Je vis en province et j'avais fait le déplacement spécialement.
Je suis arrivé en avance, j'ai pu rencontrer le chanteur. Et quelqu'un nous a pris en photo. Cela laissait présager d'une belle soirée."
A son tour, Alice raconte une soirée particulièrement réussie. Avant "les premiers coups de pétard. Et j'entends un cri, un seul. On se retrouve tous au sol. Je comprends tout de suite. Je pense à Charlie et tout ce qui a suivi. Mais je ne comprends pas pourquoi ça arrive ici."
Alice : "je me disais "pourquoi ici?" et "pourquoi nous?". A ce moment-là, ça n'avait aucun sens."
Puis je vois quelqu'un avec un jogging et un T-shirt blanc. Et je me dis : "alors c'est ça un terroriste?" Je vois une sorte de rage sur son visage, quelque chose de très puissant".
Alice : "j'ai baissé les yeux et à ses pieds, j'ai vu un jeune homme les yeux fermés. J'ai continué à baisser le regard et j'ai vu que son T-shirt était plein de sang. J'ai compris que tout cela était réel, qu'on allait tous mourir."
Alice : "j'ai pensé à mes parents. J'ai espéré qu'ils sauraient que je serais morte en faisant ce que j'aimais le plus, à savoir un concert de rock.
Et puis j'étais triste de mourir à 28 ans et de ne pas avoir de futur.
Je me demande si une balle fait mal. "
Plus tard Alice se réfugie dans une loge. "Puis un homme rentre en disant "je suis blessé". Il avait un trou dans le bras. Je ne savais pas quoi faire pour lui.
La loge est pleine, on ne peut même pas fermer la porte. Il y a aussi une jeune fille blessée à la jambe."
Comme beaucoup de victimes, Alice explique avoir eu beaucoup de pensées du quotidien : "j'ai pensé à qui avait mon double de clés car je venais d'adopter un chat. Et je savais que je ne rentrerai pas".
Alice explique également ce moment où il a fallu traverser la scène de crime : "on en vient à ce pourquoi j'ai voulu témoigner aujourd'hui. Car c'était le moment le plus difficile pour moi : la sortie.
Je vois plein de chose : des sacs, des vêtements, des téléphones."
Alice : "arrivée au niveau du stand de merchandising, je regarde la fosse. Et je vois au loin un jeune fille au sol. Elle est à plat ventre. Et tout de suite je fais un transfert. Je ne vois qu'elle. Et je me dis que je pourrais être elle. Et surtout qu'elle devrait être moi"
Alice est alors soutenue par un agent de sécurité : "il me dit de regarder le plafond. Et je m'abandonne totalement à lui.
Ce soir-là, cet homme m'a sauvée, et épargné tellement de choses. Je ne sais toujours pas qui c'est. Il restera toujours mon héros anonyme"
Alice finit par rejoindre son hôtel. "Je m'excuse de rentrer tard. Le portier était au courant mais il m'a dit : "je croyais que vous étiez morte"."
Elle sourit : "bah non".
La suite pour Alice c'est "l'hypervigilance, la zone de confort qui exploser, la perte de repères, l'arrivée d'une hyperactivité, un changement de caractère, les effets secondaires des médicaments, le syndrome du survivant".
Alice : "j'ai aussi pensé au suicide plusieurs fois. Je sais que je ne suis pas la seule. Et certains n'ont pas fait qu'y penser.
Mais quand votre mère vous dit que si vous ne vous étiez pas sortie ce soir-là, elle se serait suicidée, ça met une petite pression".
En conclusion de son témoignage, Alice fait projeter à l'audience la photo prise avec le chanteur des Eagles of Death Metal, Jesse Hugues, quelques heures avant le concert du #13Novembre 2015.
Tous deux y apparaissent enlacés et souriants.
Place au témoignage de Jaël, également survivante du Bataclan.
"La musique c'est ma passion. Tellement que j'ai fini par en faire mon métier. Ce soir-là, je profitais de ce concert en tant que fan absolu de rock, de métal et des Eagles".
Jaël : "on était arrivés en avance parce que pour nous c'était "premier rang ou rien". Dès la fin des cours, avec mon meilleur ami, on a couru pour rejoindre la salle.
C'était une ambiance joyeuse. La salle était bondée, particulièrement dans la fosse."
Jaël : "puis ces fameux coups, pour nous c'était un spectacle de pyrotechnie. Je sens une odeur, j'entends des cris. Je vois la salle baissée, moi je n'arrivais pas à me baisser complètement. Je vois trois hommes."
Jaël : "à un moment les coups s'arrêtent. Je me dis : "c'est là". J'ai tourné la tête pour regarder mes amis et je suis passée par dessus la barrière, croyant qu'ils me suivaient."
Elle parvient à fuir. "J'ai marché toute seule dans Paris. Chaque voiture était pour moi un danger"
Réfugiée chez une amie, Jaël ignore que son meilleur ami et le père de celui-ci avec qui elle était au concert sont toujours à l'intérieur du Bataclan".
Le lendemain, elle retrouve son meilleur ami "mais on n'avait pas de nouvelles de son papa".
Jaël finit par apprendre son décès. "De le voir dans un cercueil, c'est insupportable. Il avait la joie de vivre. Et aujourd'hui, il n'est plus là. Moi, il me manque aussi. Beaucoup".
Jaël : "depuis ces événements là, j'ai déménagé au Royaume-Uni parce que je pouvais plus.
Je continue à faire des concerts. Je ne sais pas si ça me rends joyeuse ou malade, mais je continue. "
Au tour de Camille : "le #13Novembre 2015, j'allais avoir 25 ans."
Au Bataclan, elle rejoint des amis, dont Jaël qui vient de témoigner.
"J'étais plus heureuse que je ne l'avais été pendant des mois car en 2015, je traversais une période de dépression assez sévère"
Camille : "je ne sais pas comment j'ai réussi à garder mon calme malgré la terreur sans nom qui m'habite à ce moment-là. A chaque tir, je me demande si ça va faire mal, quand ça va être mon tour. J'espère que ça va aller vite. Comme éteindre un interrupteur."
Camille : "à un moment, quelqu'un crie qu'ils sont en train de recharger et que c'est le moment de fuir. Je me dis que je dois essayer car je suis incapable de rester une seconde de plus dans cet enfer, quitte à mourir en essayant".
Camille parvient à fuir : "je vais passer les trois heures qui vont passer dans le studio d'une étudiante qui nous a accueilli avec une immense gentillesse. J'essaie de joindre mes amis, il y en a un qui répond. Il est encore dans la fosse. C'est terrifiant."
Camille est prise en charge par la sécurité civile : "on doit passer par le boulevard Voltaire. Là, il y a le corps d'un homme seul. C'est quelqu'un à qui je pense depuis six ans. C'est une vision terrible."
Camille : "puis on passe devant la porte du Bataclan. Je n'ai pas de nouvelles de trois personnes, je me sens obligée de regarder. C'est bref, mais ...."
Camille : "à partir du 14 novembre, c'est un nouvel enfer qui va commencer. J'étais complètement perdue. C'est toujours le cas aujourd'hui. Mais comme j'étais pas blessée, je n'avais vu au final que peu de choses, j'ai cru que ça allait passer et je n'ai pas cherché d'aide".
Camille : "je me suis convaincue que ça allait, je me suis même réfugiée derrière mes problèmes d'avant parce que ça me semblait plus facile à gérer.
Bien sûr, ma brillante idée d'ignorer le problème n'a pas très bien fonctionné."
Camille : "la noirceur qui est née le #13Novembre 2015 a grandi. Elle a fini par prendre beaucoup de place. Et elle a fait de moi quelqu'un que je déteste. Violemment parfois. J'ai l'impression d'avoir été réécrite à 21h47 ce soir-là."
Camille : "j'ai essayé de garder toutes ces émotions négatives pour moi. Et elles m'ont rongée de l'intérieur.
Je ne voulais pas montrer ces parties de moi avec lesquelles je n'arrivais pas à me réconcilier. J'ai commencer à mentir, à dissimuler ma souffrance, le plus possible"
Camille : "pour tenir, je me suis tournée vers la nourriture et mon trouble alimentaire que j'avais déjà un peu auparavant s'est aggravé.
Mon univers s'est rapetissé, jusqu'à se limiter aux 12 mètres carrés dans lesquels je vivais à l'époque."
Camille : J'avais repris des études que je n'ai jamais finies. Pour lesquelles j'ai contracté un prêt étudiant que je rembourse encore.
Je me suis sentie tellement seule, à ma place nulle part. Même avec les personnes que j'aime le plus. "
Camille : "je ne savais plus parler aux gens et je pense que certaines personnes ne savaient plus me parler non plus. Je me suis aussi isolée des autres rescapés, même de mes propres amis. Parce que je ne me sentais pas légitime."
Camille : "tout ça c'est ce que les terroristes responsables du #13Novembre 2015 on causé. Ils m'ont plongée dans une souffrance sans limites.
Personne ne mérite ce que ces personnes nous ont imposé. Ca n'a pas de sens. Je ne suis pas sûre de pouvoir pardonner un jour."
Camille : "je n'ai pas de haine, tout ce que je souhaite c'est qu'un jour, ils réalisent vraiment le mal qu'ils ont causé.
Je voulais juste dire qu'aujourd'hui, ça va mieux. J'ai repris un travail. J'ai beaucoup appris des autres rescapés venus témoigner ici."
Camille : "il y a tellement de solidarité et de bienveillance parmi les parties civiles. Je pense que c'est là que se trouve la véritable humanité et la preuve qu'ils ne gagneront jamais."
Place au témoignage de Cédric : "je voudrais dire que les parties civiles qui ont témoigné pendant 5 semaines m'ont impressionné. J'ai surtout été touché par les témoignages des parents endeuillés. Car j'ai perdu ma fille, Milo, née prématurée en novembre 2020."
Cédric : " le #13Novembre 2015, le concert commence, on s'amuse vraiment. Je mets du temps à réaliser. Je me retourner et vois un jeune homme avec une mitraillette à la main. Je me dis que le gars est déséquilibré et qu'il et venu faire une mauvaise blague. "
Cédric : "le tireur est méthodique. A ce moment-là, je crois toujours que ce sont des balles à blanc, jusqu'à ce qu'une douille vienne me percuter.
A part les coups de feu, il règne un silence troublant."
Cédric : "Comme prof d'histoire, je me rends compte que je vis un moment historique et que je vais être amené à témoigner. Alors je me mets à enregistrer toutes les informations que je peux."
Cédric : "si je dois mourir, je me dis que j'aimerais mourir une pinte à la main. Alors j'attrape une pinte en plastique et je la serre très fort, je me raccroche à ça : je trouve ça rock'n'roll. J'espère que mes proches se diront ça aussi."
Cédric : "puis les rafales reprennent et là c'est dur psychologiquement, je me sens piégé comme un rat.
Puis mon colocataire me dit qu'ils ont ouvert une issue de secours. A ce moment-là, il me sauve la vie".
Cédric : "l'attentat a duré une soirée, mais cela fait six ans qu'on vit avec le post-trauma.
Le week-end, je témoigne au 36, quai des Orfèvres et le lendemain, je retrouve mes élèves. Je veux les rassurer en essayant de mieux comprendre ce qui s'est joué le #13Novembre au soir"
Cédric : "en 2015, mes élèves, des lycéens, ont entre 15 et 18 ans. Donc pour eux le #11Septembre c'est déjà l'Histoire avec un grand H.
Les caricatures de Charlie, moi, je les ai toujours montrées dans mes classes. Avant et après. On parle aussi de la Syrie, de l'Irak."
Cédric : "ce jour-là, je mesure dans son acception pleine, l'importance de mon métier. Je veux préciser à quel point cela a été une journée forte, pour mes élèves comme pour moi."
Cédric : "quelques jours après le #13Novembre je n'arrive plus à me lever. Je découvre ce qui va devenir un mauvais compagnon de route : le syndrome de stress post-traumatique. Je n'ai plus beaucoup de souvenir de cette période qui va durer plusieurs mois."
Cédric : "un jour ma mère me demande d'aller acheter des tomates. Pour moi, cela signifie me souvenir de ce qu'elle m'a dit, sortir de la maison, interagir avec d'autres personnes. Autant de choses que je suis incapable de faire."
Cédric : "ce procès doit servir, c'est un souhait que je formule, d'électrochoc pour repenser la place des victimes d'attentats, directes ou indirectes. C'est la double peine. Et ce n'est ni normal, ni acceptable."
Cédric : "l'attentat a pulvérisé ma mémoire. J'ai perdu des bouts de moi-même. Mes proches sont devenus une sorte de disque dur externe de parties de ma mémoire auxquelles je n'ai plus accès. Ma capacité de concentration a beaucoup réduit, cela me fait perdre beaucoup de temps"
Cédric : "mon sommeil n'a pas été réparateur pendant de nombreuses années. Et pourtant, je faisais des nuits complètes et sans trop de cauchemars."
Cédric : "avant l'attentat, je ne prenais aucun médicament. Pour moi un doliprane, c'était une drogue dure. Alors un demi Atharax, cela me fait dormir douze heures d'affilée."
Cédric : "en tant qu'homme me projetant dans la paternité, je m'interroge. Qu'est-ce que je vais transmettre de ce trauma à mes futurs enfants?"
Cédric : "ce qui m'a permis de me reconstruire et rester debout c'est mon hédonisme. JE suis un bon vivant. Les copains, les bonnes tables, voilà ce qui m'a le plus soutenu."
Cédric : "ce procès qui touche à sa fin, j'en ressors totalement épuisé. Je suis en arrêt maladie de longue durée. Ma thèse est en suspension. Ma fille est morte. Et mon ancienne compagne a fait le choix de rompre.
Et le procès me ramène en 2015. Retour à la case départ."
Cédric : "je venais un peu naïvement au procès chercher la vérité. J'en suis rapidement revenu. On s'est retrouvé face à des petits délinquants, on a l'impression d'être dans un vulgaire procès de stup'. Et ce pendant des mois."
Cédric : "leurs amis sont morts, les frères sont morts, Ils ont ruiné leur vie. Ils ont ruiné celle de leurs parents et de leurs proches. Et tout ça pour quoi? Pour une vision totalement erronée d'une religion dont ils ne savent rien."
Cédric : "moi je suis athée. Faisons le pari de Pascal à l'envers, imaginons que Dieu n'existe pas. Alors ils auront ruiné leur vie. La seule qu'ils ont. Parce qu'après, il n'y a rien."
Cédric : "le mal n'est pas l'apanage des monstres et des barbares. Il est aussi celui des médiocres.
Face à cela, il y a eu des héros : Didi, algérien naturalisé, qui a ouvert les issues de secours; Sonia qui s'est déclarée musulmane et a sacrifié sa vie pour en sauver."
Cédric : "pour moi, le procès est un moyen de reprendre le dessus, d'inverser le rapport de force.
Je n'ai qu'une hâte c'est que ceux qui seront déclarés coupables retournent dans l'anonymat de leur cellule et purgent leur longue peine sans les projecteurs braqués sur eux."
Cédric : "dans l'idéal, j'aurais voulu boire une bière à cette barre, celle que je n'ai pas eu le temps de boire au Bataclan. La boire devant les responsables et complices des attentats, comme un geste de vie, d"hédonisme."
Cédric : "je finirai sur la question du rapatriement des enfants de djihadistes qui vivent dans des camps. A ces enfants, j'aurais envie de chanter quelques vers de Tonton George. Brassens, bien sûr : mourir pour des idées. D'accord, mais de mort lente"
L'audience est à nouveau suspendue quelques instants avant la suite des témoignages de victimes.
Magali est la prochaine à s'avancer à la barre. Elle salue tout d'abord l'organisation du procès et la retransmission via webradio. "Entendre des parties civiles témoigner me permets de reconstituer le puzzle de ce soir-là".
Magali : "tous les jours, je salue ma chance d'être en vie. Le #13Novembre 2015, je n'ai pas eu de deuil à faire. Si ce n'est celui de ma vie d'avant."
Magali : "J'étais convaincue que si je mourrais là, je tuais ma mère au passage, très fragilisée par cinq années de cancer. Je priais pour gagner quelques secondes de vie. Les terroristes tirent au coup par coup. Un tir : un mort ou un blessé. Je vois mon voisin cracher du sang"
Magali explique se décider à fuir. "En soulevant mon bassin, une balle me traverse le nerf sciatique". Elle parvient tout de même à sortir, est transportée dans un appartement du passage Saint-Pierre-Amelot. "Ce soir-là, le pire et le meilleur de l'humanité se sont côtoyés"
Magali est opérée dans la nuit, hospitalisée jusqu'en février 2016. Puis rentre chez elle "en béquille et avec un traitement à vie pour les douleurs neuropathiques.
Fin 2016, je marche sans béquille mais en boîtant et reprend mon travail en grande section de maternelle".
Magali : "je réussirai à travailler trois années, mais les exercices alerte attentats auront raison de ma volonté."
"Le #13Novembre 2015 a brisé des vies et des couples. Le mien n'y a pas échappé.
Magali : "un suivi psychologique assidu pendant 5 années m'a permis d'aller mieux. Avec des hauts et des bas. J'ai du reprendre ce suivi au début du procès."
Magali : "je vis ce procès de loin.
Aucune parole ni condamnation des accusés ne pourra réparer le mal qui a été fait. Il est difficile d'entendre un terroriste se plaindre de n'avoir pu parler à son ami pendant six ans quand d'autres en son privés à vie".
Magali : "j'espère qu'un jour en France seront enseignées dès le plus jeune âge la tolérance et l'empathie. Nous devons apprendre à vivre ensemble pour cocréer un monde meilleur. Je laisse la justice faire son travail. Le mien est très égoïstement celui de la reconstruction."
Guillaume : "je vous remercie de cette nouvelle possibilité de témoigner. En octobre, cela me paraissait impossible. Et puis, il y a eu ce procès et tant qu'il n'était pas commencé, ce n'était que des mails, des courriers que je n'ouvrais pas. Il n'avait pas de place."
Guillaume : "ce début du procès a été vraiment super dur. Je n'aurais jamais imaginé que le cartésien que je suis puisse vaciller comme ça. Je le suivais tous les jours, avec la webradio, même en classe, je me cachais avec mes écouteurs, ça ne ressemblait à rien."
Guillaume : "vous êtes devenu mon obsession, monsieur le président."
Quelques rires dans la salle. Il sourit.
"Ca arrive ...
Et puis un jour, j'ai oublié d'aller chercher mes enfants à l'école. Alors j'ai tout arrêté. Définitivement."
Guillaume : "mais ici, j'ai l'impression qu'on peut juste être soi. Ou plutôt que je suis le moi d'après à qui on parle comme le moi d'avant. C'est apaisant d'être ici, dans cette salle."
Guillaume : "j'ai beaucoup parlé de ce soir-là, mais je ne suis jamais parvenu à exprimer les sentiments qui m'ont véritablement habité. J'ai toujours pu dire ce que j'ai réussi à faire. Mais jamais ce que j'ai subi. Et la différence est peut-être fine. Mais elle est réelle."
Guillaume évoque le premier mouvement de foule "puis un bout de canon qui apparaît. Il me paraît long, immensément long. C'était beau en plus, c'était magnifique ces éclats qui sortent du canon. Dans le noir c'était magnifique. Mais le bruit était hébétant."
Guillaume : "je me retrouve au sol. Je ne sais pas comment. J'appelle ma compagne. J'étais super content de pouvoir le faire. J'imaginais cet appel beau, un peu hollywoodien. Moi j'étais extrêmement calme, mais en face c'était des hurlements. Donc j'ai arrêté cette discussion"
Guillaume : "j'ai rampé sur des gens, avancé. Il y avait une pile de personne dans cette salle. C'était super facile de monter les escaliers parce qu'il n'y avait quasiment plus d'escaliers. Et puis, il y avait une petite salle, tout sombre."
Guillaume : "c'est à ce moment-là que je me suis rendu compte que j'avais super mal. J'ai touché avec mon doigt et mon doigt est rentré complètement. Et ça coulé. J'ai demandé si quelqu'un avait une écharpe pour faire un garrot."
Guillaume : "et une fille m'a dit que oui. Et si elle veut savoir, mon 2e fils né peu après, a son prénom. C'est pas glauque. Moi je trouve ça super joli. Ce soir-là, cette écharpe ce n'était pas une écharpe, c'était de l'espoir pur."
Il a apporté l'écharpe avec lui.
Guillaume : "cette écharpe, je l'ai portée tout l'hiver. Puis, on a déménagé en juillet. Et en la mettant dans un carton, je me suis rendu compte que dessus c'était des chouettes. Et pas des têtes de morts comme j'en était persuadé".
Guillaume : "quand on est sorti, le policier de la BRI m'a dit : "surtout tu ne regardes pas la fosse". J'ai trouvé ça ridicule et inepte de dire une chose pareille. J'ai failli lui répondre : "tu crois que j'étais où juste avant?" Moi, il fallait absolument que je regarde."
Guillaume :" il fallait que je regarde parce que c'était la moindre des choses que je devais à ces gens grâce à qui j'étais là parce qu'il avait pris la balle sur deux dont on ne savait pas pour qui elle était."
Guillaume évoque son 2e fils "qui m'a sauvé en naissant. Et ma compagne m'a sauvé en ne disant rien et en acceptant le piètre personnage que je devenais."
Guillaume: "je voulais parler de mon premier fils. Il avait onze mois à ce moment-là. A ses 18 mois, alors que le langage s'installait solidement, je lui ai lu une histoire."
Après cela, son fils s'est mis à répéter "a peur, Papa mort", a peur", pendant des heures."
Guillaume explique que son fils est "victime du syndrome du stress post-traumatique" : "Il est toujours suivi deux fois par semaine, il a sept ans.
Aujourd'hui, notre fils n'est pas reconnu victime de ces événements."
Guillaume : "moi j'accepte les conséquences pour moi. Je sais d'où elles viennent et j'en sais les raisons. Mais mon fils qui en subit les conséquences bien plus que moi, je ne peux pas l'accepte".
Guillaume : "pour conclure, je voudrais répondre à la demande d'un des accusés. Moi, je vous pardonne. Vraiment. Mais avec toute la tristesse d'un adulte qui sait que vous lui avez gâché sa vie."
Guillaume : "mais moi je lui formule une demande à mon tour : s'il est sincère, puisse-t-il oeuvrer pour que cela n'arrive plus jamais."
Félix est le suivant à s'avancer à la barre. Il est très ému, explique d'emblée "avoir fait de la dissociation" : "je savais que j'étais allé dans la salle, mais je n'en avais aucun souvenir. Du coup, j'ai continué à vivre normalement."
Félix : "mais tout me poursuivais. Je n'avais pas l'impression d'avoir changé, mais tout me rappelait ces événements. J'ai décidé d'aller loin, en Australie. Mais ça n'allait pas. J'ai du rentrer. Et après trois ans à vivoter, ça s'est aggravé. Je me réveillais en pleurs."
Félix : "je ne faisais que travailler. Travailler, rentrer chez moi, pleurer. J'avais aussi un très forte consommation d'alcool. Qui a commencé à m'handicaper pour mon travail. Jusqu'au jour où ça n'était plus tenable."
Il a alors entamé une thérapie.
Félix est très ému à la barre : "cette thérapie a porté ses fruits. Et du coup, je me suis rappelé l'attaque, tout ça. J'étais au milieu de la fosse. Je me suis rappelé de tout. Je me suis rappelé de mon corps en pilotage automatique qui a tout fait pour sortir. "
Félix : "on a tous envie de se dire dans ce genre de situation, on se comporte en héros. Et ce n'est pas du tout mon cas. Pour sortir j'ai bousculé, j'ai poussé, j'ai piétiné tout ce qui se trouvait sur mon passage. Et j'en suis vraiment désolé."
Félix : "je ne suis pas sur le banc des accusés, mais c'est une chose qui me hante, tout le temps.
Je vis enfermé avec ma culpabilité. Tout ce que j'aimerais c'est pouvoir oublier."
Le président intervient : "vous êtes une victime, monsieur. Point."
Félix repart s'asseoir. Bertrand lui succède à la barre. Il est au Bataclan avec son ami Jérôme ce soir-là.
Bertrand explique s'être fait marcher dessus "peut-être par la personne qui a témoigné avant moi. Et je veux lui dire que c'est bien qu'il s'en soit sorti."
Bertrand : "je pense tous les jours aux victimes de cette nuit. Je pense à leurs proches. Tous les jours. Aux blessés aussi.
Et puis, je voulais poser les valises de la colère, sortir de cette salle d'audience en étant débarrassé de tout ça".
Bertrand : "ma vie après le 13 c'est les angoisses nocturnes, l'hypervigilance, les douleurs, l'impression de vivre dans le corps d'un vieillard, la maladie chronique, un licenciement économique"
Bertrand confie aussi sa colère : "contre certains témoins, proches d'accusés, certains avocats aussi.
Cette colère c'est aussi une sorte de déception d'avoir été agressé par des anachroniques. Je n'ai aujourd'hui pour tous ces gens que du mépris. Pour moi, ils sont tous morts".
Fin du témoignage de Bertrand. Julien, veste bleue sur jean noir, s'avance à son tour.
"Si je suis ici, après avoir tout d'abord hésité, c'est que j'ai décidé que mon témoignage avait sa place. Ce procès aura peut-être déjà servi à cela".
Julien raconte à son tour ces "spectateurs qui se sont effondrés comme des dominos dans un mélange de râles et de cris".
Il voit alors "une porte qui s'est ouverte. J'ai marché, rampé, trébuché dans la direction de la porte."
Julien : "le sol de la fosse n'était à ce moment-là qu'un enchevêtrement de corps. D'autres l'ont dit et je le dit à mon tour : j'ai honte d'avoir du marcher sur ces gens".
Julien évoque son grand-père, "mitraillé en août 1944. Blessé, il parvient à en réchapper et fut l'unique survivant du massacre d'Olly. Il a vécu toute sa vie avec ce qu'on appelait pas encore le syndrome de stress post-traumatique. Il a vécu jusqu'à 92 ans et est mort en 1997."
Julien : "la prise de parole des victimes était vitale, trace ineffaçable de ce que tous ont vécu.
Mais il n'y a pas eu de réponse car il semble impossible de dépasser ce sentiment abyssal d'absurdité et d'un immense gâchis. Sans rien attendre, j'ai tout de même été déçu."
Ophélie, T-shirt rayé laissé un tatouage visible dans le dos, témoigne à son tour : "je n'avais pas prévu de témoigner, ni de lire tous les compte-rendu. Mais au fil des semaines, une évidence : je me plonge dans les détails de ce qu'a été le #13Novembre "
Ophélie explique tenir un carnet depuis le #13Novembre 2015. Elle lit à la barre les premiers mots qu'elle a couché alors.
Elle raconte à son tour : "beaucoup de gens couchés à tard, du sang partout, on me marche dessus."
Elle est blessée, extraite de la fosse par un spectateur.
Ophélie : "la balle m'a traversé le dos du bas de l'omoplate au coup. Elle y est peut-être encore. Sur l'échelle de la douleur, je suis à 10/10. Les médecins me posent un drain et me donnent de la morphine."
Ophélie lit encore ce qu'elle a écrit depuis l'hôpital, dans les jours qui ont suivi les attentats : "j'ai plus de cicatrices de Rambo, Chuck Noris et Jack Bauer réunis".
Ophélie : "une partie de moi est morte ce soir-là, je la traîne comme un boulet. Neuf mois de procès, peut-être que cela me permettra d'accoucher de cet être mort.
Ce procès m'a permis de mieux comprendre ce qu'il s'est passé pour moi ce soir-là."
Scott, béret et chemise à carreau, les avant-bras couverts de tatouages, s'apprête à témoigner à son tour, via une interprète anglophone. "Ce soir-là, j'ai proposé à mon fils de m'accompagner. Je suis très heureux qu'il m'ait dit non".
Scott : "Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas très claires pour moi, mais tout le monde s'est mis à terre. J'avais des personnes sur moi, en-dessous de moi. J'ai compris qu'on était au coeur d'une attaque.
Je me souviens de cette odeur de poudre et de sang."
Scott : "je me suis dit : "j'ai deux options. Soit je reste là et je peux mourir. Soit je pars et je peux prendre une balle dans le dos. C'était une décision très difficile à prendre. Et puis quelqu'un m'a dit : "pars, ils sont en train de recharger"."
Scott, en pleurs : "j'ai rampé sur des gens. Je ne sais pas s'ils étaient morts. Je voulais juste sortir de là.
A un moment, je suis arrivé au moment de là scène et je me suis dit : "ne te retourne pas sinon ils vont te tirer dessus"."
Scott : "j'ai vu une femme qui était totalement hystérique, elle ne savait pas ce qu'il se passait. Je me souviens l'avoir attrapée et littéralement jetée dehors. Et puis, j'ai couru jusqu'à en perdre haleine; Et puis j'ai entendu des tirs. Et j'ai continué à courir."
A sont tour, Scott raconte les difficultés de l'après-#13Novembre Les cauchemars : "je me réveillais en sueur chaque nuit"
La consommation excessive d'alcool : "pas pour le fun"
La difficulté de garder ses amis ou d'avoir des relations amoureuses.
Scott : "enfin, j'avais des choses très méchantes à dire aux personnes qui sont assises à ma gauche."
Il montre le box des accusés.
"Mais c'est idiot de les dire. Ils savent ce qu'ils ont fait et ils vont rester en prison pour le reste de leur vie".
La dernière personne à s'avancer à la barre est la maman d'une survivante des terrasses dont elle ne veut pas que le nom soit rendu public.
"Au fil des jours, des mois, je vois l'horreur des corps sur le trottoir, je vois grandir en elle la culpabilité de celle encore en vie"
Cette mère raconte encore que sa fille "s'est recollée, étape après étape, mais le vase de cristal est brisé à tout jamais".
Fin de ce dernier témoignage et de cette 122e journée d'audience.
"Nous reprendrons demain à 12 heures, annonce le président, car la journée est chargée".

Le compte-rendu de cette journée est à retrouver ici > franceinter.fr/justice/proces…

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May 19
Bonjour à tous,

124e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre 2015.
Et suite des témoignages de parties civiles avec 18 auditions prévues aujourd'hui de survivants du Bataclan et proches de victimes décédées.

LT à suivre ici.
Hier, la cour a notamment entendu Karena, qui doit sa survie à un placard technique du Bataclan.
Le compte-rendu, illustré par @ValPSQR est à retrouver ici > franceinter.fr/justice/proces…
L'audience reprend.

A noter que depuis le début des témoignages de parties civiles, l'ensemble des accusés est présent dans le box.
Pour rappel, Osama Krayem a refusé d'assister à la majorité de l'audience.
Read 123 tweets
May 18
Bonjour à tous,

Les témoignages de victimes se poursuivent au procès des attentats du #13Novembre 2015.
Hier, la cour a notamment entendu les membres du groupe Eagles of Death Metal, au Bataclan ce soir-là.
Le compte-rendu est à retrouver ici > franceinter.fr/justice/proces…
Aujourd'hui, 17 victimes du Bataclan sont attendues à la barre.

LT à suivre ici.

Tous les accusés étant dans le box (comme hier), l'audience peut débuter immédiatement.
Vanessa, 33 ans, s'avance à la barre. "Je travaille dans une agence de communication, comme j'ai l'impression la moitié de Paris. Je suis une femme assez banale. Sauf pour cette phrase que je dis souvent : "j'étais au Bataclan le #13Novembre 2015".
Read 135 tweets
May 6
INFO - Le Covid s'invite à nouveau au procès des attentats du #13Novembre 2015.

L'un des accusés, symptomatique depuis hier, a été testé positif ce matin.
L'audience risque donc d'accuser un nouveau report de 5 à 7 jours, selon le protocole en vigueur.
Les accusés, à l'exception de Farid Kharkhach sont arrivés dans le box.
L'audience s'apprête donc à reprendre...pour quelques minutes du moins. Le temps pour le président d'annoncer le report de l'audience. Audience qui a déjà accusé quatre semaines de retard pour cause de Covid.
Et sinon, nous sommes le 121e jour d'audience, fin de la 32e semaine.
Le compte-rendu de l'audience d'hier avec plusieurs victimes des terrasses, par @sophparm est à retrouver ici>
franceinter.fr/justice/proces…
Read 11 tweets
May 4
Bonjour à tous,

C'est aujourd'hui le 119e jour d'audience et le début de dix jours de nouvelles auditions de parties civiles. Aujourd'hui, la cour doit ainsi entendre des survivants du Stade de France et des terrasses.
90 victimes sont attendues dans les dix prochains jours.
Le LT sera à suivre ici.
Et @sophparm assurera les compte-rendu d'audience pour l'antenne de @franceinter

Et si vous voulez retrouver le récit de la journée d'hier avec Marc Trévidic et Nicolas Hénin, c'est par ici > franceinter.fr/justice/proces…
L'audience débute. Avant les premières auditions de parties civiles, "nous avons des conclusions" indique le président avant de donner la parole à un avocat, Me Louis Mary.
"Je vous demande de faire entendre Manuel Valls et Jean-Yves Le Drian"
Read 123 tweets
May 2
Bonjour à tous,

Reprise du procès des attentats du #13Novembre 2015 (et oui, c'est toujours en cours) après une semaine de suspension.
117e jour d'audience et dernière ligne droite de cette audience fleuve puisqu'on reprend avec les dernières auditions (témoins et victimes).
Aujourd'hui, trois témoins sont attendus à la barre : le sociologue Bernard Rougier, l'écrivain Mohamed Sifaoui et l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic.

D'autres témoins sont attendus demain avant une nouvelle session d'audition de 90 victimes à partir de mercredi.
Le LT sera à suivre ici.
Et retrouvez @sophparm à l'antenne de @franceinter

A tout à l'heure.
Read 103 tweets
Apr 22
Bonjour à tous,

116e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre 2015. Dernière journée consacrée à l'examen des expertises psychiatriques et psychologiques des accusés. Dernière journée également avant une pause d'une semaine.
Aujourd'hui, il sera question des accusés Mohamed Amri, Ali Oulkadi, Muhammad Usman, Adel Haddadi, Farid Kharkhach, Mohamed Bakkali et Yassine Atar.

LT à suivre ici.
Et je vous retrouve dans quelques minutes dans le journal de @BrunoDuvic sur @franceinter
L'audience reprend avec l'audition de la psychiatre Ariane Casanova, qui est la seule entendue aujourd'hui.
Elle débute avec l'accusé Adel Haddadi dont elle retrace le parcours jusqu'à son départ pour l'Etat islamique.
Read 42 tweets

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