Thread by @qffwffq

Oh..une absence (vous allez voir c'est un jeu de mot), alors faute de patient, voici #UnLapinUnThread sur ce qu'il faut savoir pour se forger un avis sur la dangerosité des anti épileptiques.

Le sujet est loin d'être anodin, puisqu'il touche au droit des femmes d'être soignées.

Mais avant il faut avoir quelques bases pour comprendre.

L'épilepsie n'est pas une maladie mais un ensemble de situations qui se manifestent entre autre par des crises comitiales (la crise d'épilepsie en langage courant).

Si on essaye de faire une analogie avec les poumons, la crise comitiale c'est la toux, les épilepsies sont ce qui fait tousser, sachant qu'il existe des cause de toux infectieuses, allergiques, cancéreuses...

Donc la crise comitiale c'est le signe d'une épilepsie qui peut être d'origine génétique, métabolique, immune, infectieuse, structurelle ou... inconnue.

Et de la même façon qu'il existe différents types de toux, il existe différentes formes de crises (à début focal, à début généralisé) se manifestant par des grandes crises tonico cloniques généralisées, ou juste une absence, ou des petits mouvements à peine perceptibles.

Bon bref, il existe DES crises comitiales qui traduisent DES épilepsies différentes, elles-mêmes provoquées par DES étiologies diverses.

Jusque là c'est compliqué donc on va faire pire.

L'épilepsie touche environ 600 000 personnes en France, dont la moitié a moins de 20 ans.

Le sexe ratio est à peu près équilibré (52% d'hommes pour 47% de femmes).

Il y a, pour simplifier, deux risques principaux dans l'épilepsie.

Le risque lié à la crise comitiale en elle-même. Et celui lié au fait d'être épileptique.

Des deux, le premier est de très loin le plus important.

Et comme il existe DES crises avec DES étiologies, ces deux risques sont très différents selon les individus.

Prenons deux cas caricaturaux.

Une personne qui fait des crises tonico cloniques généralisées (le type de crise dont tout le monde a l'image en tête), surtout si elle ne sent pas venir ses crises, peut risquer sa vie si elle est seule dans une situation... À Risque (au volant d'une voiture ou dans une piscine)

À l'inverse, une personne dont l'épilepsie ne se manifeste que par des fourmillements du visage...ne risque pas grand chose d'autre que de se faire fourmiller le visage.

Par contre dans les deux cas...

Le risque au long cours varie également en fonction de l'étiologie (une tumeur cérébrale c'est moins bon qu'une anomalie structurelle)

Et puis, être épileptique, c'est aussi être à risque d'avoir d'autre types de complications.

Pour ce qui nous intéresse ici, le simple fait d'être épileptique pour une femme, fait que le risque de fausse couche est 54% plus élevé que celui des femmes non épileptiques.

Et une crise d'épilepsie pendant la grossesse, augmente non seulement le risque de fausse couche, mais également le risque de mortalité (jusqu'à 5 fois plus de risques dans certaines études).

Re bref, il faut traiter l'épilepsie.

Et là ça se complique encore plus.

Ça se complique encore plus parce sauf cas très particuliers (et donc plutôt rares) l'épilepsie n'est pas curable.

Soit elle passe toute seule (c'est le cas chez les enfants) soit...pas.

Et dans ce cas il faut un traitement anti épileptique.

On devrait d'ailleurs parler de traitement anti comitial, parce que si je reprends l'analogie avec la toux, les anti épileptiques sont plus proches des anti-tussifs que d'autre chose.

Il en existe beaucoup.

18 molécules ont l'AMM, auxquelles il faut en rajouter 4 autres aux indications très limitées (dont vous n'entendrez jamais parler)

En médecine, quand il existe autant de molécules différentes, c'est plutôt mauvais signe.

Ça veut dire qu'aucune n'est parfaite, et qu'il faut parfois en essayer successivement (voir en association) une, deux, trois, quatre, cinq...avant de trouver une combinaison efficace.

Et évidemment chacune a des limitations. Tenez, ça c'est juste un tableau des restrictions d'usage.

Vous en avez d'autres avec les interactions entre molécules, les interactions avec d'autres molécules...

C'est compliqué.

Et on atteint le maximum de complication quand on parle de la grossesse....

Parce que... c'est pas de bol....mais...

... c'est pas les traitements les plus efficaces qui présentent le moins de risques pour la grossesse.

Je sais, c'est nul, mais c'est comme ça.

Tiens ça par exemple c'est le risque de malformations pour les 11 anti épileptiques les plus communs

Alors au début on a du bol, un des moins risqués, la LAMOTRIGINE est également un des plus efficace sur la plupart des crises chez la plupart des gens.

Et le suivant, le LEVETIRACETAM est également pas mal efficace et pas trop risqué.

Mais ensuite non. Les plus efficaces sont ensuite le gros rouge Le VALPROATE et le gros orange la CARBAMAZEPINE

Et on parle pas de petits risques.
Le VALPROATE par exemple c'est une fréquence de malformations fœtales multiplié par 5, la CARBAMAZEPINE, un risque multiplié par 2 à 3..

Résumons tout ça :

L'épilepsie peut tuer si elle n'est pas traitée

L'épilepsie peut tuer encore plus pendant une grossesse si elle est pas traitée

L'épilepsie augmente le risque de fausse couche si elle est pas traitée

Les traitements anti épileptiques sont nombreux car chaque personne épileptique va réagir préférentiellement à certains et pas à d'autres.

Certains traitements anti épileptiques augmentent le risque de malformations graves.

Et c'est avec ces cinq notions en tête qu'on en arrive là où je voulais en arriver.

On est en train de clairement créer des discriminations d'accès aux traitements pour les femmes épileptiques en mettant en balance leur sécurité vs celle de leur fœtus.

Qui fait ça ?

D'abord des associations qui font croire qu'il y a toujours une possibilité de se passer des traitements les plus dangereux.

Ensuite des groupes religieux qui assimilent les risques des traitements anti épileptiques à celui de traitements abortifs.

On le voit chez des catholiques intégristes, des églises évangéliques, dans le discours de certains imams, dans certaines sectes...

Et puis on le voit également dans certains mouvements assimilés au bien-être et toutes les dérives qui en découlent, avec la condamnation de ce qui est toxique, chimique, pas naturel.

Souvent chez des écologistes.

Alors vous me direz :

"bah moi je m'en tape, je ne suis ni intégriste, ni écolo, ni rien, et je fais comme je veux du moment qu'on m'explique et qu'on me laisse prendre un risque en toute connaissance de cause".

Sauf que non.

Pour le VALPROATE (le plus dangereux pour le fœtus) par exemple, les femmes, et uniquement elles, doivent remplir un formulaire annuel d'accord de soins avec des questions dont je vous laisse juger de la formulation anxiogène.

Et là vous vous dites, bah ok, c'est vrai que c'est flippant. Mais moi je suis capable de poser les bonnes questions et de vaincre ma peur, pour décider pour moi quel niveau de risque j'accepte, ou pas, de prendre...

Bah toujours pas non.

Parce que désormais, les recommandations de prescription des anti épileptiques tiennent compte de ce risque et sont différenciées entre hommes et femmes.

Pour les hommes on ne tient compte que de l'efficacité.

Pour les femmes on tient principalement compte de la dangerosité pour le fœtus, puis, dans un second temps, de l'efficacité.

C'est une discrimination, et elle n'est pas neutre en ce moment.