Thread by @CyrilleMoyon

En ce moment, on entend tout et n'importe quoi sur l'utilisation des ressources, de la technologie, le réchauffement climatique et comment la sobriété pourrait nous sauver.
Il y a clairement un problème de compréhension du système Terre. Du coup je vais proposer un gros 🧶.

Parler de l'humanité c'est parler à l'échelle de la planète, traiter des populations à l'échelle d'1 région climatique, ou d'1 pays. Ce que je me propose de faire c'est de mettre face à face les connaissances en dynamique des populations & les problèmes auxquels nous faisons face

La première chose à définir c'est la croissance d'une population dans des conditions idéales, i.e sans ressources limitantes, sans contraintes. Celle-ci est exponentielle !

En fait, dans les conditions du milieu, disons d'une niche écologique donnée, on se retrouve avec une courbe de population dite logistique. Croissance rapide au début, ralentissement puis croissance asymptotique le long d'une limite K. K est la capacité de charge d'un milieu.

La capacité de charge (K) est la taille maximale de la population que l'environnement peut supporter. Cette limite varie avec l'abondance des ressources limitantes. A mesure qu'1 population approche de K, le taux de natalité diminue et/ou le taux de mortalité augmente.

Voici la croissance démographique au niveau mondial. Vous constatez tout de suite que c'est une croissance exponentielle, dans un monde idéal, sans limite. Et en 2022 la population mondiale devrait atteindre 8 milliards d'individus.

Voici le taux d'accroissement au niveau mondial. Ce tx décroît depuis 1964 (2,84%) et continûment depuis 1987 (1,84%). En 2022 ce tx a atteint 0,83%. En 2100 nous pourrions être à 0,1%. Nous semblons donc nous rapprocher de la limite K voire nous pourrions même l'avoir dépassée.

Comment expliquer ce paradoxe ? Cette situation s'appelle l'overshoot (dépassement), suivi généralement d'un collapse (effondrement). Lors de cet effondrement une partie de la population est drastiquement diminuée soit à cause d'1,↗️de la mortalité, émigration,↘️ de la natalité.

Dans ce modèle, la capacité de charge K se retrouve dégradée pour une période indéfinie. La population peut croître à nouveau, dépasser la nouvelle limite, s'effondrer à nouveau. La courbe oscille autour de cette valeur K en continuelle diminution.

Voici un modèle lié au rapport proie-prédateur (lièvre variable - lynx). Le prédateur diminue le nombre de proies et atteint un maximum. Puis le nombre de lynx diminue et celui des lièvres augmente à nouveau. L'un et l'autre se régulent.

Évidemment pour les populations humaines on sait qu'il y a eu dans l'histoire des effondrements. Des sociétés anciennes ont disparus comme celle des mésopotamiens ou se sont dispersées dans la jungle comme pour les populations mayas dont les descendants sont encore bien présents.

Mais il est difficile de quantifier ses effondrements et il est plus simple de prendre des cas très récents. Le cas du Venezuela est un exemple qui montre que le pays a bien été frappé d'un effondrement marqué par de l'émigration et une baisse de la natalité principalement.

Le cas du Liban est également un exemple d'effondrement avec des causes économiques liées à la corruption des dirigeants et des causes liées à l'approvisionnement en biens et en énergie.

Dans ces deux cas, la principale raison de l'effondrement est politico-économique et liée à de la corruption &, une absence d'investissement dans des infrastructures pour extraire le pétrole (Venezuela) ou une monnaie trop dévaluée pour l'acheter (Liban) avec d'autres biens.

Il y a en fait 9 limites planétaires:
Le climat
L'intégrité de la biodiversité
Cycles biogéochimiques de l'N et du P
Modification de l'occupation des sols
La pollution
L'utilisation d'eau douce
La couche d'ozone
L'acidification des océans
La charge en aérosols atmospheriques

Et 6 de ces 9 limites sont déjà dépassées.
La première #limite, celle qui est la plus impactante et qui aura également des conséquences sur d'autres limites c'est celle du réchauffement climatique.
Je renvoie vers le 6ème rapport du groupe2 du #GIEC : ipcc.ch/report/ar6/wg2/

Pour ceux qui voudraient un rapide aperçu en français du rapport sur la trajectoire à 1,5°c voici le lien d'un document réalisé à destination des enseignants de SVT : oce.global/fr/resources/d…

Le réchauffement climatique aura un impact important sur la cryosphère faisant fondre les inlandsis et les glaciers de montagne. C'est de l'eau douce qui va partir vers la mer et qui sera perdu si elle ne peut être stockée. ipcc.ch/site/assets/up…

Évidemment, il va réchauffer les océans et certaines espèces devront se déplacer ou mourrir (nous touchons à la 2ème limite : la biodiversité). L'océan agit également comme une pompe à CO2 (dissolution des gaz) & provoque l'acidification des océans 8ème L.
ocean-climate.org/wp-content/upl…

En 2019 l'@ipbesfr nous annonçait qu'environ 1 million d'espèces étaient menacées d'extinction sur la planète. "La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine - et le taux d'extinction des espèces s'accélère, provoquant .. ipbes.net/resource-file/…

dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier". Explication claire dans le dernier rapport de l'@IPBES :zenodo.org/record/6832427
Au total, l'humanité dépend de 50000 espèces sauvages pour sa survie. Espèces loin d'être exploitées durablement.

L'exemple le plus évident est celui de la pêche et surtout de la surpêche.
Deux conférence de l'@Espace_sciences de Rennes permettent de s'en faire une idée assez précise :

Que se passe-t-il quand les gros poissons ou les tortues disparaissent des océans... Et bien il reste les méduses :

Bien évidemment on peut également penser à la déforestation qui altère les écosystèmes et contribue à la perte de biodiversité animale et végétale : fao.org/publications/s…

Un des exemples le plus évident étant celui de la forêt amazonienne, au Brésil. Une modification d'occupation des sols qui a aussi un impact sur le climat. Limite 4 ---> Limite 1 journals.openedition.org/confins/6845

En France le problème n'est plus tant la déforestation que l'artificialisation des sols.
La ZAD de Notre Dame des Landes était un exemple de zone humide qui devait être transformée en aéroport. Tout ça pour ↗️un trafic aérien non soutenable. ecologie.gouv.fr/artificialisat…

Parlons maintenant des cycles biogéochimiques et des sols.
Les plantes ont besoin d'une certaine quantité (faible) d'azote N mais celui-ci est principalement présent dans l'atmosphère sous la forme N2. Il faut tout un processus lié aux bactéries du sol pour qu'il soit assimilé.

La limite planétaire est calculée sur la base de la quantité d'N reactif généré par les humains le long d'1 année, à l'échelle du globe.
Fixation de 4 manières:
- process industriel (engrais)
- légumineuses
- combustion des ressources fossiles
- combustion de biomasse.

Une limite de 62 Tg d'N/an a été + ou - identifiée en fonction des milieux. C'est la quantité maximale pouvant être absorbée par la biosphère sans dégrader irrémédiablement les écosystèmes.
Valeur actuelle: 150Tg/an dont 80 Tg/an ne serait-ce que pour la fabrication d'engrais.

Engrais sans lesquels il serait difficile d'obtenir les rendements céréaliers actuels. Problème les nitrates entrainent l'eutrophisation des cours d'eau, des côtes (notamment en Bretagne). Quand il n'y a plus de facteur limitant, boom, croissance exponentielle des algues vertes.

Le phosphore, lui, indispensable à tous les êtres vivants (ATP), est issu de l'industrie minière. 20% de ce phosphore se retrouve dans notre alimentation et 80% dans l'environnement (dans les cours d'eau et l'océan se phosphate est perdu).

Les limites planétaires sont estimées à:
- 11Tg P/an pr les océans
- 6,2Tg P/an pr les systèmes d'eau douce.
Valeurs actuelles:
- 22Tg P/an déversés dans les océans
- 14,2Tg P/an dans les systèmes d'eau douce.
Solution évidente, réduire leur production et leur utilisation.

Si vous voulez comprendre ce qu'est vraiment un sol et comment il faudrait les traiter, voici cette excellente conférence de Marc André Selosse, biologiste, mycologue, et professeur au Museum d'Histoire Naturelle de Paris :

A cela on peut ajouter l'introduction de nouvelles matières et molécules dans l'environnement qui sont à l'origine de perturbation des écosystèmes voire d'une dégradation irrémédiable : pubs.acs.org/doi/10.1021/ac…

On pense également au matières plastiques qui sont désormais dans tous les environnements. On retrouve même des micro fragments de plastique aux niveaux des pôles.
read.oecd-ilibrary.org/view/?ref=1128…
En 2019 430Mt de plastique produit et 104Mt qui ont fini dans les cours d'eau et les océans.

Je pourrais continuer encore avec l'utilisation de l'eau douce mais vous avez compris je crois le problème de dépassement des limites et de dépassement de la capacité de charge K de la planète, pour la population humaine dans son ensemble.
Vous pourriez alors me poser 1 question.

Comment se fait-il que nous n'ayons pas ressenti les limites plus tôt ?
En fait, si, plusieurs fois au cours de son histoire, l'humanité a déjà été confronté à des limites à sa croissance qu'elle a su surmonter grâce à l'utilisation de son milieu & à la compréhension de celui-ci.

Nous avons appris, utilisé des techniques, inventé différentes technologies qui nous ont à chaque fois permis d'extraire de nouvelles sources d'énergie, de les accumuler et de s'en servir au détriment de notre environnement et des autres espèces.

Cette citation de @jjhublin : « C’est parce que notre espèce s’est répandue partout que les autres ont disparu » et cette conférence permettent de comprendre comment #Sapiens a entamé sa course vers une croissance démographique aussi impressionnante.

On peut vouloir traiter chacun des problèmes séparément et sans doute le faut-il mais c'est avant tout une question de nb d'individus. Des individus à fort impact carbone, à forte consommation énergétique, destructeurs de leur environnement et qui peinent à dissiper le mirage.

Le modèle World 3 issu du rapport Meadows, "The limits to growth", et mis à jour, nous montre que notre système n'est ni soutenable, ni durable. Il ne faudra pas que de la sobriété énergétique mais aussi matérielle et définitivement décroître pour essayer de revenir à un optimum.