Dans « L’Est républicain » de ce matin, deux pages de l’excellent Guillaume Decourt, de la rédaction de Nancy, sur les tarifs (divulgâchis : d’élevés à stratosphériques) et les baisses de service (fermetures de lignes non rentables) de la SNCF.
Avant, pour aller dans le Sud, on passait par Dijon, c’était simple et direct. Maintenant, même pour aller à Lyon, il faut passer par Paris ou Strasbourg, c’est moins simple et moins direct et le prix est en conséquence 👍🏻
Le nouveau député de la 1re circonscription de Meurthe-et-Moselle, Philippe Guillemard, LREM, avance sans ambages que « les voyages en train sont trop chers », que les aménagements promis par le PDG (cartes d’abonnement) nécessitent de « faire un bilan » (traduction : 😶🌫️)…
… que « le transport ferroviaire est une clef pour lutter contre le réchauffement », que la « logique commerciale » de la SNCF est en décalage complet avec les offres incitatives des compagnies allemande (tickets mensuels à 9 euros) et espagnole (certaines lignes gratuites)…
… et qu’il compte bien défendre une desserte satisfaisante de la Meurthe-et-Moselle à l’Assemblée.
Et on espère qu’il le fera, car depuis quelque temps je constate la baisse ahurissante des liaisons ferroviaires. Pour aller de Nancy à Dijon ou Lyon, il faut passer par Paris ou Strasbourg. Pour aller à Troyes : Paris. Pour aller à Reims : Paris.
« Non mais allô, quoi », dirait une influenceuse française dont j’ai oublié le nom.
J’ai connu l’époque où la SNCF appliquait un tarif kilométrique national appliqué à *toutes* les liaisons ferroviaires. C’était simple, abordable, le rentable finançait le non-rentable, l’offre était juste et équilibrée pour tout le monde.
On prenait le train sans se poser trop de questions.
C’était ce qu’on appelait le « service public », expression aujourd’hui reléguée au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, dans les Yvelines.
Tout n’était pas parfait : il y avait parfois des trains surchargés, les trajets étaient plus longs et moins confortables qu’en TGV – bien que je constate aussi une baisse de confort dans les TGV et autres Ouigaux…
… les légendaires sandwichs SNCF nourrissaient les fous rires plus que les estomacs, les contrôleurs étaient parfois moins aimables que Méduse, mais grosse modo, le train, c’était bien. On prenait un billet et on partait quand on voulait, la fleur dans le poinçonneur.
Aujourd’hui, acheter un billet s’apparente à un tirage au sort de la Française des jeux et même pour prendre un TER de Lunéville à Nancy (18 minutes), si l’on passe par une appli, il faut réserver un horaire précis et choisir entre différents tarifs.
(Oui, je te vois venir, politique de suppression massive des TER car « pas assez de réservations, trop coûteux, I want my money back et tout le saint-frusquin concurrentiel et libéral.)
Pour préparer le #Kaplantour, là où il y a vingt ans vingt petites minutes au guichet de la gare auraient suffi, j’ai passé trois ou quatre soirées devant mon ordinateur à éplucher le marigot des offres + ou – délirantes, des liaisons transatlantiques et des trains complets.
J’ai avancé mon départ de deux jours pour avoir un train à un tarif décent. Je ne m’en plains pas, j’étais libre de mon temps. Mais qu’en est-il pour ceux dont l’agenda est contraint et qui ne peuvent partir le jour prévu parce qu’ils n’ont pas réservé six mois à l’avance ?
Au retour, j’ai failli ne pas arriver chez moi car certaines correspondances ne sont plus garanties quand le train précédent est en retard. Le service aux voyageurs n’est pas une notion rentable. Il est remplacé par la politique du « demmerden Sie sich », beaucoup moins coûteuse.
Le tout sans la moindre réduction, car la carte « Avantage » ne s’applique qu’aux allers-retours. Personne ne voyage jamais de A vers B, de B vers C puis de C vers A, c’est bien connu. Il y a eu un moment où j’ai été tenté de prendre la voiture.
Et que répond la SNCF quand on lui fait part de tout ça ? Toujours la même chose : réservez six mois à l’avance, soyez jeune, soyez vieux, changez vos billets, c’est gratuit.
Doivent bien rigoler, au « service communication » de la SNCF.
« Il n’y a plus de pain ? C’est trop cher ? Réservez votre baguette six mois à l’avance ! Prenez des chouquettes ou un abonnement ! Échangez-la contre de la brioche, à J-2 ça ne vous coûtera que 15 euros ! #bonplan »
Avec une voiture, on part quand on veut, comme on veut. Il devrait en être de même avec le train. On ne devrait pas être obligé de tout verrouiller des semaines à l’avance. Le voyage, c’est la liberté, aussi. Je ne veux pas réserver un train trois mois à l’avance. Ça me stresse.
Devenir jeune ? Jamais de la vie, j’ai passé l’âge d’une telle lubie. Devenir vieux ? J’essaie, je n’y arrive pas, enfin pas assez, pas assez vite.
J’ai voulu échanger mon billet de retour : techniquement impossible. J’ai dû jongler avec trois applis, acheter un autre billet et demander le remboursement du premier, en priant pour que ça ne bugue pas. J’ai eu du bol : ça ne m’a coûté que 15 euros (de frais d’annulation. Ouf.
On vit une époque où on vous explique sans rire que vous avez de la chance, dans certaines conditions et pendant un certain temps vous pouvez échanger un billet contre un autre gratuitement.
Il y a vingt-cinq ans tout le monde aurait rigolé en se tapant les cuisses. Aujourd’hui on doit dire merci Monsieur, merci Madame. Sans rire.
Tout ça s’est fait petit à petit. Ça a commencé avec les trains à supplément et à réservation obligatoire (avant c’était optionnel et ça coûtait 10 francs, du bon vieux franc Pinay).
Tout s’est dégradé selon le principe de la grenouille plongée dans une casserole d’eau froide que l’on fait chauffer lentement : zéro trauma, mais à l’arrivée, molto tracas.
Aujourd’hui la SNCF n’existe plus, en fait. Tout a été découpé en filiales, sous-filiales, sous-sous-filiales, emballé sous plastique et disposé en rayons pour attirer les futurs acheteurs ou concurrents.
En 1937 la France a eu une idée géniale : créer la SNCF.
C’était tellement bien qu’il a fallu tout casser. Comme tout ce qui relève de cet étrange objet dont je vous parlais tout à l’heure, désormais conservé à Saint-Germain-en-Laye. « Collector », comme on dit.
C’était le fil engagé et énervé du trimestre. Merci de l’avoir apprécié ou enduré, désolé pour les fautes de frappe ou d’attention. Retour à la normale : futilités et calembredaines en gros et au détail, cabotinage ciselé et flegme rodomont.
Et aussi ce film suisse, où un homme tente de joindre en train – et uniquement en train – son lieu de villégiature français, autrefois aisément accessible.
Le compte @npilayan me rappelle qu’à 18 ans j’avais vaguement et brièvement envisagé d’être architecte et que j’aurais peut-être dû y aller… #passionnant
Ça se serait peut-être fait si, lors de la journée des métiers à la fin du lycée, l’archi n’avait pas été présentée par deux étudiants venus de Nancy avec une tension au ras des pâquerettes, pas fichus d’aligner trois mots de plus de deux décibels, visiblement défoncés au hachis.
Ils m’ont tellement ennuyé – moi dont la nonchalance est pourtant aussi profonde que le lac Baïkal – que quand je suis tombé sur M. Pister présentant les lettres supérieures, je m’y suis inscrit, nonobstant la rudesse de pampa du bonhomme.
Ce Noël est un peu particulier pour moi et j’ai envie de le partager avec vous. Je me lance dans un fil sans trop savoir comment je vais l’articuler ni quelle en sera la destination précise. Qui lira verra, comme on dit (presque).
Feu mon père, qui est parti « jouer de la harpe avec saint Pierre » – c’était son expression favorite pour parler de l’au-delà – il y a deux ans et demi déjà, aimait ce qui était simple et essentiel.
En totale contradiction avec ce goût pour la sobriété, il travaillait dans un des mondes les plus frivoles qui soient : la confiserie-chocolaterie.