Encore une fois, @dr_l_alexandre utilise la référence au Moyen Âge pour diaboliser les écologistes contemporains. Cette fois, il compare l'éco-angoisse d'ajd aux "peurs des chrétiens de l'an mille".
Or il se trouve que ces peurs... n'existent pas. Petit thread ⬇️ #medievaltwitter
L’idée de base est simple : autour de l’an mil ou de l'an 1033, donc mille ans après la naissance ou Passion du Christ (vous suivez ?), les chrétiens en Occident auraient été pris d’une peur panique de voir arriver la fin du monde (c'est ce qu’on appelle le millénarisme).
Cette idée se trouve sous la plume de certains auteurs du XVIIe siècle. Elle est surtout popularisée, ensuite, au XIXe siècle, notamment par Jules Michelet, qui écrit par exemple « Cet effroyable espoir du Jugement dernier s'accrut dans les calamités qui précédèrent l'an mille »
Cette idée ne vient pas de nulle part. Le chroniqueur Raoul Glaber fait bel et bien la liste des « malheurs » de son époque – famines, tempêtes, incendies... – et les relie à la « prophétie de Jean » selon laquelle le diable sera libéré après mille ans (Apocalypse, 20 :1-15).
Mais bon... déjà, Raoul Glaber rédige sa chronique vers 1048, donc pas vraiment en l’an mil ! Ensuite, évidemment, c’est un clerc, un lettré, qui cherche donc à lire le monde à travers la Bible. Pas étonnant de voir qu’il relie les événements de son temps au texte saint.
D’autres auteurs condamnent explicitement, eux, cette attente millénariste. Abbon de Fleury écrit ainsi : « dans l’année 994, des prêtres à Paris annonçaient la fin du monde. Ce sont des fous : il suffit d’ouvrir la Bible pour voir qu’on ne peut en connaître le jour ni l’heure ».
En outre et surtout, on ne trouve dans les sources aucune trace de terreur populaire autour de l’an mil. L’immense majorité de la population n’utilise pas, alors, le calendrier chrétien : le passage du millénaire est donc passé inaperçu pour presque tout le monde.
Si inquiétude il y a eu, elle n’a touché qu’une poignée de clercs, et n’a jamais fait l’unanimité parmi le clergé. Plus tard, d’autres clercs penseront que la fin du monde est proche, mais là encore, sans qu’il n’y ait jamais de panique collective.
Le médiéviste Sylvain Gouguenheim, après avoir soigneusement repris tout le dossier, conclut ainsi catégoriquement à l’inexistence totale d’une « peur des chrétiens de l’an mil ». On le répète : LES GENS N’ONT PAS EU PEUR DE LA FIN DU MONDE EN L’AN MIL. Pas du tout. Point final.
Bref, @dr_l_alexandre prouve ici sa méconnaissance de l’historiographie (pas récente : le livre de S. Gouguenheim date de... 1999 !) et préfère reprendre un vieux cliché sur le Moyen Âge pour appuyer son propos éco-rassuriste.
Assimiler les peurs d'ajd aux angoisses de l'an mil permet d'en montrer l'irrationnalité. De même qu'assimiler les combats écologistes à une volonté de "revenir au Moyen Âge" (ce qu'il fait plus loin dans l'article) permet de délégitimer les premiers.
Cette manière d'utiliser l'histoire médiévale (même si, la preuve, on n'y connaît rien) pour dire du mal de l'écologie contemporaine est bien sûr efficace, mais absurde. Cf notre analyse de cette stratégie rhétorique ici !
Dernier truc : les clercs médiévaux inquiets de la fin des temps en l'an mil s'appuyaient sur la Bible. Les angoisses d'ajd s'appuient sur... l'état actuel du monde. L'éco-rassurisme n'est pas seulement idiot : il est dangereux. radiofrance.fr/franceinter/po…
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A l'heure de faire l'appel et de découvrir les prénoms de nos élèves, saviez-vous que le Moyen Âge est une période marquée par un changement complet dans la manière de nommer les gens ?
On parle de "double révolution anthroponymique", et c'est passionnant. Un thread ⬇️
Première révolution : la fin des noms romains/romanisés et, notamment, du système des tria nomina (Marcus Tullius Cicero). Avec l'arrivée en Occident de peuples germaniques, ces noms passent peu à peu de mode, même si certains survivent (Marcus, Julius, Felix, etc).
A leur place, on voit apparaître des prénoms... germaniques ! Clovis, Sigebert, Dagobert, Galswinthe, Brunehaut... Ou, moins connus, Leutgarde, Fryshilde, Gansbold, Hildevoud, Protline, Framberte... (oui je sais ça fait rêver hein ?)
Un soldat africain pendant la bataille d'Hastings (1066) ? Réponse de médiéviste : 1/ c'est possible ; 2/ c'est très improbable ; 3/ on s'en fiche car c'est de la fiction ; 4/ ces réactions outrées sont très signifiantes.
1/ C'est possible. Les sociétés anciennes sont plus connectées qu'on ne le pense souvent, et l'Afrique, y compris l'Afrique subsaharienne, n'est pas coupée de la Méditerranée. Il y a des flux de biens et de personnes (marchands, soldats, esclaves, pèlerins, etc).
1/ Ces flux ont d'ailleurs laissé des traces archéologiques, y compris en Grande-Bretagne : dans cet article, des fouilles dans un cimetière anglais du VIIe siècle ap JC où on a retrouvé une personne ayant un ancêtre récent originaire d'Afrique de l'Ouest
On a pris notre courage à deux mains avec @HMedievale et on a regardé « Saint Louis raconté par Philippe de Villiers » diffusé dimanche soir sur CNews. On n’a pas été déçu du voyage, car comme toujours de Villiers propose une vision très personnelle...
Un fil à dérouler ⬇️!
Tout d’abord, deux éléments de contexte. 1/ Philippe de Villiers s’est sans doute appuyé pour cette émission sur son livre « le Roman de saint Louis » publié en 2014, qu'on a lu. 2/ L'émission est sortie dimanche 24 août, veille du 25, jour de la Saint-Louis.
Dès le début, Villiers annonce la couleur : « la vie de saint Louis est un trésor. Les enseignements que j’en ai tiré sont des lumières pour aujourd’hui ». Saint Louis « incarne le beau, le grand, le bien [et] notre civilisation, qui est la civilisation chrétienne »
Quand on pense à la Muraille de Chine, on imagine souvent un édifice comme le Mur dans Game of Thrones...
Mais de nouvelles fouilles archéologiques montrent que ces fortifications médiévales avaient des buts variés, et souvent plus civils que militaires. Un thread ⬇️
Ici, on n'est pas dans la partie la plus célèbre de la Muraille de Chine, mais dans ce qu'on appelle le Medieval Wall System, un ensemble de fortifications de 4000km de long construit entre le Xe et le XIIe siècle, essentiellement par la dynastie Jin
Les archéologues ont fouillé une partie du mur et un fortin situés sur la partie mongole de cet ensemble. Or, la surprise, c'est que le mur en lui-même est un simple fossé accompagné d'une petite pile de terre. Aucune efficacité contre une armée d'envahisseurs... !
Au début de l'année 1195, Lothaire de Segni, un clerc qui va ensuite devenir pape sous le nom d'Innocent III, écrit un petit traité intitulé "Misère de la condition humaine". Il est ici traduit et commenté par O. Hanne (@BellesLettresEd). Un thread (déprimant 😅)⬇️!
Ce texte s'inscrit dans le contexte des traités du type "Mépris du monde", souvent écrits par des moines, qui listent les raisons de détester et de se détacher du "monde", càd du siècle, de la vie laïque avec ses tentations et ses péchés.
Classiquement, le futur pape explique ainsi que l'être humain est bien malheureux. Fabriqué par Dieu dans la terre, la moins noble des substances, conçu dans "le vil sperme", il vient au monde au milieu du sang, des larmes et des cris.
Vous avez (trop) chaud ?
Et si je vous disais que durant les croisades, les croisés ont eux aussi souffert de la chaleur, au point parfois... de mourir ? Je ne sais pas si ce thread va vous rafraîchir, mais ça vous cultivera... Un thread ⬇️!
La chaleur frappe violemment les croisés quand ils arrivent en Orient. Les chroniques de la croisade le répètent tout le temps, preuve que ça a marqué les contemporains : "les nôtres étaient brûlés par la chaleur dévorante", "la chaleur avait grandement affaibli l'armée"
Les mois d’été sont les plus redoutables. Les auteurs mettent en garde contre le « redoutable mois d’août » ou encore contre « juillet, mois insupportable à cause de l’ardeur du soleil ». Autant que possible, on décale les opérations militaires pour éviter d'agir en plein été.