Le plan initial de Poutine en Ukraine, c’était l’opération Novorossiya. Un #Thread
Novorossiya (lit. « Nouvelle Russie »), fait référence aux 8 oblasts du Sud-Est de l’Ukraine hors Crimée : Karkhiv, Louhansk, Donetsk, Dnipropetrovsk, Zaporijia, Kherson, Mykolaïv et Odessa (plus, éventuellement, deux petits morceaux de Moldavie).
Hors Crimée parce que la Crimée (y compris Sébastopol) est — de très loin — le territoire le plus russophile d’Ukraine, celui que Poutine pensait (à juste titre) pouvoir annexer militairement sans prendre trop de risques.
Lors du référendum d’indépendance de 1991, par exemple, plus de 92% des ukrainiens ont voté pour. C’est en Crimée et à Sébastopol que le « oui » a fait ses moins bons scores (54% et 57%) ; partout ailleurs, on est largement à plus de 80%.
Pour la « Novorossiya », c’était plus tendu. Toutes les enquêtes d’opinion montraient que les locaux s’opposaient massivement à une annexion par la Russie, surtout si elle était militaire comme en Crimée.
Reste que, pour des raisons historiques (la Novorossiya a existé au XIXe : c’est une région de steppes gagnée sur l’empire Ottoman), cette région d’Ukraine est largement peuplées de russes au sens ethnolinguistique du terme.
L’opération Novorossiya a donc été conçue comme une « guerre hybride » confiée au très mystérieux Vladislav Iouriévitch Sourkov, la vraie éminence grise de Poutine (à l’époque) qui venait juste d’être nommée conseiller spécial du président. en.kremlin.ru/catalog/person…
L’idée était la suivante : dans un premier temps, créer de toute pièce des mouvements séparatistes dans chaque région concernée en s’appuyant sur des seconds couteaux locaux dûment encadrés par des agents russes (du FSB, notamment).
Leur mission, immédiatement après la révolution de Maïdan (février 2014), était de prendre par les armes les bâtiments publics des oblasts visés et d’exiger la tenue de référendums visant à rejoindre la Russie.
Évidemment, les autorités locales ukrainiennes refuseraient la tenue de tels référendums ; donnant ainsi aux indépendantistes la possibilité de les organiser eux-mêmes et donc de se déclarer vainqueurs.
Parallèlement et pour plus de sûreté, Sourkov et ses sbires faisaient feu de tout bois pour s’assurer du résultat : la recette habituelle, à coup d’intimidation, de fake news, de trolls et de soutien financier et paramilitaire.
Quand toutes les régions concernées auraient déclaré leur indépendance et créé leurs « républiques populaires », il n’y avait plus qu’à leur faire signer un acte de réunification et la Novorossiya serait née.
Là, vous vous dites sans doute que le plan a un maximum de chances de foirer.
E en effet, à part dans les régions de Louhansk et de Donetsk, ça a complètement planté.
Partout ailleurs, ces « mouvements indépendantistes spontanés » n’ont rencontré que de l’hostilité de la part des autochtones.
Ce à quoi se rajoute le fait que, si les séparatistes de Louhansk, de Donetsk et de Karkhiv sont faciles à soutenir militairement (c’est à côté de la frontière russe), il est un poil plus compliqué d’en faire autant pour les autres régions — surtout si on veut être discret.
Le résultat, c’est que la Novorossiya proclamée le 24 mai 2014 se limite à une fusion des « républiques populaires » de Louhansk et de Donetsk — le Kremlin, prudent, prend bien soin de ne reconnaitre aucune de ces entités fantaisistes.
La farce ne dure pas trois mois. Dès la première quinzaine d’août, Moscou comprend que l’opération Novorossiya est un échec et commence à rapatrier ses opérationnels sur le terrain : Igor Guirkine (photo), Alexandre Borodaï (photo) et al.
(D’autant plus vite que tout le monde suspecte les équipes russes d’être à l’origine de « l’incident’ du vol 17 de la Malaysia Airlines — suspicions qui seront confirmées plus tard par Guirkine himself après avoir juré le contraire.)
Bref, clairement : Sourkov a besoin d’un plan B (pour « backup ») et la seule solution de sortie à ce moment, c’est de profiter des négociations du protocole de Minsk qui viennent à peine de commencer.
Le plan B du Kremlin est simple : ce sera Crimée contre Donbass. Si l’Ukraine accepte de reconnaître l’annexion de la Crimée, ils acceptent de cesser de soutenir les comiques des « républiques populaires ». Bon deal pour Poutine.
Forcément, les ukrainiens n’ont pas trop le choix et signent à contre cœur. Côté russe, en revanche, on est ravi : le protocole de Minsk, c’est une validation en bonne et due forme de leur prise de contrôle de la Crimée. Autant dire qu’ils y tiennent.
Sauf qu’il y a un problème : les rouges-bruns russes (Dougine, Korovine et al.) qui sont sans doute à l’origine de l’idée et surtout les semi-habiles (Pouchiline, Zakhartchenko et al.) qui dirigent les « républiques populaires » se sentent un peu trahis.
C’est-à-dire que, dans leurs petites têtes, cette bande d’imbéciles s’étaient imaginé que Poutine appliquerait à la Novorossiya le même plan qu’à la Crimée : une bonne grosse intervention militaire. Sauf que non.
Autant dire que Sourkov est dans la panade : d’un côté, il doit s’assurer que le protocole de Minsk sera respecté (#PlanB) ; de l’autre, il doit gérer une bande d’excités qui font à peu près tout pour obliger la Russie à voler à leur secours.
Et ce, d’autant plus que les imbéciles en question sont quand même assez malins pour comprendre qu’ils disposent de tout un tas d’informations particulièrement gênantes pour Moscou — certains, d’ailleurs, ne se priveront pas.
Seule solution : ne pas enterrer l’opération Novorossiya officiellement, dire qu’elle est juste reportée de quelques mois et continuer à assurer le service après-vente auprès des branquignoles du Donbass.
D’où, par exemple, cette photo de famille d’une partie de « l’Union des Volontaires du Donbass » prise à Moscou le 4 novembre 2016 avec Sourkov et Borodaï entourés d’une bonne petite bande de barbouzes biens rouges et bruns.
Si, par exemple, vous vous demandiez qui est le jeune mickey à gauche de Borodaï (celui qui a un badge un peu bizarre sur l’épaule), c’est Alexeï Milchakov, tueur de chiots et nazi revendiqué.
Malgré ça, les séparatistes du Dombass partent complètement en vrille comme en témoigne la sortie épique de Zakharchenko en juillet 2017 : le mec voulait ressusciter l’opération Novorossiya mais à l’échelle de toute l’Ukraine cette fois.
Il faut dire que Zakharchenko était un vrai champion : fin 2016, il était allé à la télé expliquer qu’il fallait envahir la Grande Bretagne avant même Kiev et Berlin pour inaugurer un nouvel âge d’or de la Russie. #PoutineEnPLS
Je dis « était » parce qu’à l’instar de pas mal d’indépendantistes des débuts, Zakharchenko est malencontreusement victime d’un attentat à la bombe en août 2018. Les mauvaises langues suggèrent que la bombe n’était pas forcément ukrainienne.
Bref, voilà : l’opération Novorossiya est complétement partie en sucette et les pieds nickelés du Dombass ont complètement fait planter le plan B de Sourkov (lequel c’est fait hacker sa boîte de réception au passage, voir les #SurkovLeaks).
On peut raisonnablement supposer que Poutine a passé 7 ans à enrager. Toujours est-il que Sourkov se fait limoger en février 2020 et qu’aux dernières nouvelles, il serait aux arrêts pour avoir détourné des fonds destinés aux séparatistes. #Fin
Juste pour que les choses soient bien claires : voilà ce qu’en disait Igor Vsevolodovitch Guirkine (a.k.a. Igor Strelkov, a.k.a. Sergey Runov), colonel du FSB et un des principaux opérateurs russes sur le terrain, fin 2014 : themoscowtimes.com/2014/11/21/rus…
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La principale originalité de l’association Le Lichen, bien sûr, ce sont ses membres non-humains. Le « noyau » de l’association compte 12 membres dont 6 sont non-humains.
Le premier membre cité sur le site officiel, c’est Bouleau pleureur. Manifestement « son dernier élagage fut brutal et depuis, Bouleau est encore plus pleureur ».
Seconde dans la liste, Coquelicot. C’est visiblement une personne de genre féminin qui bien que « considérée comme très résistante », est « fragilisée par l’usage important d’herbicides qui ont fait réduire sa population. »
Ci-dessous, les échelles de notation des 3 plus grandes agences de notation mondiales (le Big Three) : Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch.
Un thread.
Pour mémoire : le métier de ces agences (qui sont des entreprises privées) est d’évaluer la solidité financière des emprunteurs — c’est-à-dire leur capacité présumée à rembourser leurs dettes (intérêts compris et au moment prévu).
(Notez aussi que les agences du Big Three ne sont pas exactement des lapereaux nés avant-hier : on parle de boîtes de plus de 5'000 salariés et elles sont toutes les trois largement centenaires.)
La dette publique (i.e. la dette des administrations publiques au sens de Maastricht), c’était 3'101.4 milliards d’euros à fin 2023 (109.9% du PIB).
Un rapide thread.
Or, comme le solde du budget de nos administrations publiques se traduira une nouvelle fois par un déficit abyssal (prévu à 6.1% du PIB), la dette va encore augmenter cette année (à la fin du 2nd trimestre, on était déjà à 112% du PIB).
Cette année 2024 est importante d’un point de vue symbolique : c’est la 50ed’affilée qui se termine par un solde déficitaire. Ça fait donc un demi-siècle que nous enchainons les déficits et, en tendance, ils sont de plus en plus importants.
Que disent les économistes sur les effets d’un contrôle des loyers ?
Il se trouve qu’il y en a un qui s’est tapé toute la littérature empirique sur le sujet, de 1967 à 2023.
Ci-après :
Konstantin A. Kholodilin, *Rent control effects through the lens of empirical research: An almost complete review of the literature*, Journal of Housing Economics, Volume 63, March 2024, 101983.
Un des signes les plus inquiétants de notre temps, c’est que l’absence totale de compétence technique est devenue une sorte de vertu.
Il n’y a pas si longtemps, les gens compétents bénéficiait d’une aura. On pouvait critiquer leurs fins mais on respectait au moins leur compétence.
Les gens sans compétence sur un sujet précis étaient demandeurs d’avis d’experts reconnus — souvent pour valider leurs aprioris, d’accord, mais c’était assez sain.
Le premier truc, c’est que ces 1'228 milliards ne sont pas du « pognon » mais des actions. La fortune des gens très riches est *massivement* constituée d’actions de leur boîte.