Thread by @ChPiret

Bonjour,

Troisième jour du procès de l'attentat du Nice. L'audience, aujourd'hui encore, prend du retard au démarrage. En raison, aujourd'hui encore, de l'absence d'une des accusés qui comparaissent libres.
Le procès ne peut se tenir qu'en présence de tous les accusés.

Finalement la sonnerie retentit. "L'audience est reprise", annonce le président qui d'emblée, demande à l'accusée arrivée en retard de s'avancer à la barre. "L'horloge indique 10h05, l'audience est sensée commencer à 9h30".
- Oui mais ....
- Ce n'est pas mon problème.

Le président poursuit : "je ne tolèrerai plus aucun retard. Sinon vous risquez d'aller dans le box".
L'accusée qui comparaît libre acquiesce et retourne s'asseoir dans le prétoire.

Le président évoque maintenant la situation d'un autre accusé, qui comparaît détenu. "J'ai appris qu'il souffrait d'une rage de dent. Cela nécessite un traitement. Je souhaiterais qu'il puisse être soigné à la maison d'arrêt de Fresnes", demande le président aux avocats généraux.

Le président : "on va être mis en relation avec le premier témoin de ce procès, le témoin 1407SI qui bénéficie de l'anonymisation en raison de sa qualité professionnelle."

Place à l'audition du premier témoin, fonctionnaire de police qui apparaît en ombre chinoise derrière une vitre opaque pour garantir son anonymat et auquel le président autorise l'usage de ses notes mais lui demande de ne pas lire intégralement "sinon, on finit par décrocher".

Ce premier témoin est chargé de revenir, comme c'est désormais habituel dans tous les procès terroristes, sur le contexte de l'époque et la situation en zone irako-syrienne.

L'enquêteur 1407SI explique ainsi que l'année de l'attentat de Nice, l'année 2016, est une année charnière, car elle marque le début du recul de l'Etat islamique.

Enquêteur 1407SI : "l'attentat de Nice s'inscrit dans une période où la France est menacée continuellement par la propagande de l'Etat islamique."

Fin du rapport de l'enquêteur.
"J'en retiens que vous classez l'attentat de Nice dans la catégorie des attentats inspirés par l'Etat islamique", relève le président. De fait, les enquêteurs n'ont retrouvé aucun trace d'une interaction entre Daech et le terroriste de Nice."

Le président rappelle que Daech a réalisé cinq revendications différentes dans les quatre jours qui ont suivi l'attentat. "Revendications opportunistes?", interroge le président.
"Cela constitue une opportunité pour l'Etat islamique que se relégitimer", explique l'enquêteur.

Interrogé sur le statut de l'attentat de Nice : attentat projeté ou inspiré?, l'enquêteur explique :
"Parfois l'Etat islamique se contente de mettre à disposition des préconisations : des modes opératoires ou des cibles".

Me Cottineau (défense) rappelle la fascination pour la violence sous toutes ses formes de Lahouaiej-Bouhlel : "a-t-il pu mener son attaque pour assouvir son besoin personnel de violence, dénué d'idéologie islamiste ?"
Enquêteur : "la propagande de Daech a pu jouer un rôle".

Une nouvelle fois interrogé sur le sujet, l'enquêteur répète : "les investigations n'ont pas permis d'établir de contact entre l'auteur des faits et des membres de l'Etat islamique".

L'enquêteur, en réponse aux questions de la défense : "M. Lahouaeij-Bouhlel est passé seul à l'acte. En ce sens c'est une acte individuelle. Mais elle ne peut pas être décorrelée d'un contexte. Il est passé à l'acte suivant des préconisations relayée par la propagande de Daech".

Me Joseph Hazan (défense) : "comment est intégré le facteur de déséquilibre psychique ou mental chez un auteur d'actes meurtriers?"
Enquêteur : "il y a des moyens d'enquête qui visent à cerner un individus : étude des supports informatiques, auditions de témoins etc."

Fin des questions de la défense. L'audience est suspendue jusqu'à 14h30 pour l'audition du deuxième témoin de la journée.

L'audience reprend avec l'audition du deuxième témoin de la journée. L'enquêtrice est présente dans la salle mais témoigne sous le matricule SDAT 005.
Elle décrit ce 14 juillet, "une ambiance familiale". Puis l'attentat, "des corps relevés tous le long des 2 km".

Dans les premiers temps, "il faut consolider les informations : qui? comment? où? identifier les victimes décédées, procéder à des constatations sans précédents, identifier le terroriste et interpeller les éventuels complices. Tout doit être mener de front", explique l'enquêtrice

A ce stade de son exposé, l'enquêtrice SDAT 005 met en garde les victimes "car mes propos peuvent raviver des blessures".
Avant de poursuivre sur les premiers éléments découverts dans le camion qui a servi à l'attentat : un téléphone, un fusil d'assaut, des armes factices etc.

SDAT 005 : "le bilan est particulièrement lourd puisque 84 personnes sont décédées dont 14 qui ont été transportées à l'hôpital en urgence absolue. Par la suite, deux autres décès portent le bilan à 86 victimes. Ce qui deviendra notre bilan définitif."

L'enquêtrice SDAT 005 explique qu'outre les 86 morts, "le bilan est beaucoup plus lourd" avec plus de 400 blessés et 3000 traumatisés. "Et on déplore un blessé par balle, blessé d'un tir dans son flanc, dont on apprendra par la suite qu'il s'agit d'un tir policier."

Enquêtrice SDAT 005 : "de nombreux survivants ont perdu un ou plusieurs membres de leurs familles dans l'attentat dans des conditions de surprise, d'effroi et de panique intense."

Enquêtrice SDAT 005 explique que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel est identifié grâce aux documents de location, à son nom, retrouvés dans le camion qui a servi à l'attentat.
Pour louer le camion, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, "avait prétexté un déménagement sur Montpellier".

Au sujet de l'auteur de l'attaque, l'enquêtrice évoque une "description psychologique particulière. Il est connu des services de police pour des faits de vol, de violence, de violences conjugales". Des violences conjugales conjugales "devenues quotidiennes, scatologique, sadique"

Toujours au sujet de Mohamed Lahouaeij-Bouhlel, l'enquêtrice cite un témoin qui le décrit comme "perturbé, dragueur compulsif, instable, maltraitant sa famille. "

L'enquêtrice poursuit au sujet de Mohamed Lahouaeij-Bouhlel : "à partir de juillet ,il fait quotidiennement des recherches sur l'idéologie djihadiste, sur des nasheeds, sur la Prom' party du #14Juillet sur la Promenade des Anglais".

Les premiers éléments d'enquête, relate l'enquêtrice de la SDAT révèlent une enfance malheureuse pour Mohamed Laouaiej-Bouhlel "avec un père tyrannique, peu aimant". A partir de l'adolescence, il est placé sous médicaments contre les troubles anxieux et dépressifs.

Puis l'ex-épouse de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, placée en garde à vue après l'attentat, "décrit des relations difficiles avec son ex-mari. Elle avait l'habitude de recevoir des SMS d'insultes et absconds de sa part".

L'enquêtrice de la SDAT poursuit son exposé avec le récit chronologique de l'attentat.
Elle détaille d'abord les journées qui ont précédé le #14Juillet et les derniers préparatifs de l'attentat par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel.

Puis, l'enquêtrice SDAT 005 en vient à l'attentat en lui-même : "au départ, la foule n'est pas très dense, certains passants arrivent à s'carter de justesse. Puis, le camion fait des embardées pour heurter le maximum de piétons. Plusieurs personnes sont happées par le camion."

Enquêtrice SDAT 005 : "une voiture de police prend en chasse le camion. Mais il fonce sur un groupe d'enfants, puis sur un autre groupe assistant à un concert en pleine air, laissant une traînée de victimes au sol."

L'enquêtrice SDAT 005 raconte aussi que deux personnes ont tenté d'arrêter le camion, en s'accrochant notamment à la portière conducteur. "Puis, le camion repart dans la foule." Avant de s'immobiliser en raison d'une panne d'embrayage. "Il a calé est encerclé très rapidement."

Enquêtrice SDAT 005 : "le conducteur est neutralisé à 22h37 et 44 secondes. L'action s'est donc déroulée en 4 minutes et 17 secondes."

Enquêtrice SDAT 005 : "le caractère terroriste de l'acte est affirmé pour plusieurs raisons : le nombre de mort, le contexte de l'époque qui favorise les actions isolées théorisées par Daech, la visualisation des vidéos d'exaction par Mohamed Lahouaeij-Bouhlel etc."

L'enquêtrice conclut par une pensée pour les victimes et pour dire que 2700 personnes ont été entendues par les services d'enquête. "C'est le résultat d'un vrai travail d'équipe, d'une réponse de l'Etat à la hauteur de cet attentat hors normes".

Fin de l'audience pour aujourd'hui. Reprise demain à 9h30 pour les questions à l'enquêtrice de la SDAT.