Thread by @Michel_Goya

Episode 4 : Les olympiades barbares
Au milieu du mois d'août, nous avons enfin une mission. Nous aurions dû nous douter que c'était une mission bizarre.

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Les Serbes ont lancé une offensive sur le mont Igman au sud de l'aéroport Sarejevo, sur les lieux des jeux olympiques d'hiver neuf ans plus tôt. Les combats sont violents. Les Serbes avancent autant qu'ils peuvent puis lorsqu'ils ne peuvent plus font appel aux Nations-Unies.

Epris de paix, les Serbes proposent l'arrêt de leur offensive à condition que des Casques bleus viennent s'interposer. Ils ne faut pas être le fils de Sun Tzu pour comprendre qu'il s'agira de tenir les positions à leur place tandis qu'ils enverront leur unités d'assaut ailleurs.

Il doit y avoir le mot "paix" quelque part, l'ONU accepte donc. Dans un renversement orwellien qui est alors très clair pour nous, les opérations de maintien de la paix maintiennent en réalité surtout la guerre.
Nous voilà donc engagés sur Igman, les premiers sur des milliers.

Nos camarades du BATINF 2 sont déployés immédiatement sur les positions des Serbes et nous devons les relever quelques jours plus tard pour une durée indéterminée.
Le capitaine Jacono, qui vient de prendre le commandement, me demande de venir avec lui en reconnaissance.

Nous voilà partis en VBL sur la longue route et unique route qui nous amènent jusqu'à la plaine de Malo Polje où nous attend une vision d'apocalypse. Les Serbes sont en train de se replier en camions, mais seulement après avoir mis le feu à tous les hôtels et sites sportifs

Nous sommes trois au milieu de centaines de soldats qui rigolent bêtement en nous voyant et au milieu des flammes. La mission s'annonce pénible.
Quelques jours plus tard, nous prenons position. C'est évidemment à l'inverse de tous les principes tactiques de base.

Je reçois la mission - à 33 hommes - de contrôler toute la route de la sortie de Sarajevo au carrefour de Krupac jusqu'au sommet. Krupac est à découvert. Je place un groupe à proximité dans une position protégée. On me dit "tu n'as rien compris, tu dois être à découvert !" Soit !

Evidemment, les Bosniaques n'ont qu'une envie : reprendre le terrain perdu. Un de mes chefs de groupe m'appelle sur un point d'appui sur la route. Face à lui, des Bosniaques des mines à la main qui réclament de reprendre leur position. Je rends compte à la radio et soudain...

j'entends : "le PC de la compagnie est attaqué par les Bosniaques. Capitaine abattu".
Merde ! je n'ai plus de chef et je dois prendre une décision très vite. Loin des subtilités de la Méthode de raisonnement tactique, je choisis la première solution qui me vient à l'esprit.

J'ordonne à mon groupe sur place de tenir en respect les cons en face de lui, et je fonce en VBL vers le nord, je rejoins mon autre groupe et l'amène avec moi à pied à fond dans la montagne pour choper par derrière à 8 les mecs qui ont attaqué le PC.

J'ignore que les Bosniaques ont déjà été coupés en rondelles par le groupe d'appui de l'adjudant de Diego et se sont repliés. L'escalade à fond en tenue complète en pleine chaleur avec ces putains de gilets pare-balles que je nous inflige ne sert donc à rien. Mon radio m'appelle

"Le capitaine est en cours d'évacuation mais les Bosniaques veulent miner la route pour l'empêcher". Quoi ? la route dont j'ai la responsabilité et dont je suis à une 1/2 h de marche ? Vite une solution !
Je mets le groupe en point d'appui et je redescend en courant.

Je reviens sur la route, on me dit que le véhicule SAN est déjà passé. Je prends le VBL, fonce à sa suite et retrouve mon groupe au centre avec les Bosniaques avec les mines à la main. Là je percute que mon message "un groupe de B veut miner la route" s'est mélangé aux autres.

Les Bosniaques ont-ils décidé de nous emmerder sur partout ? Auquel cas, à une centaine on est mal. On est censé être protégé par les avions de l'OTAN. Le bataillon fait une demande, mais comme il faut la double approbation OTAN-ONU, on nous met en attente délai estimé : 2 ans.

Pour ma part, je me contente de piquer une fausse colère face aux Bosniaques. "Vous me faites chier, dégagez !" et je fais mettre mes gars en batterie. Cela ne marche pas. Ils restent et nous pointent aussi à leur tour. Cela devient compliqué. Quand soudain les Men in black...

Je vois arriver un 4 x4 noir, avec des mecs en civil et lunettes noires, dont qui parle français avec un accent texan qui me dit de me calmer et qu'ils vont arranger les choses. Et effectivement, quelques minutes plus tard, les Bosniaques dégagent et les choses s'apaisent.

Epilogue 1 : le capitaine Jacono est évacué et quoique perforé au ventre s'en sort miraculeusement.
Epilogue 2 : le lendemain, je vois arriver un colonel ukrainien, qui me dit qu'ils vont nous relever et me demande si on peut lui laisser des bouteilles de vin.
FIN E04