Thread by @PBienne

A un moment ou le chaos progresse avec la propagande de #miniver, les conflits, les pénuries annoncées d'énergie, d'eau ou d'aliments, en dépit des nombreux obstacles (sur puissance des multinationales , corruption/soumission des Etats et médias), se former reste clef : à lire🙏

L'agroécologie n'est pas qu'une utopie de quelques hippies déconnectés mais une véritable approche systémique s'appuyant sur la gestion du vivant mais aussi les enjeux culturels,sociaux et politiques.Marc Dufumier est à lire/écouter absolument👂📚 #petitespoirqueleschoseschangent

Ingénieur agronome, Marc Dufumier a découvert l’agroécologie à 22 ans, non sur les bancs d’AgroParisTech où il était étudiant, mais à Madagascar, lorsque des femmes analphabètes l’ont initié à une agriculture paysanne respectueuse de l’Homme et de son environnement.

Devenu professeur à AgroParisTech et expert sur des missions de terrain aux quatre coins du monde, il est aujourd’hui l’un des spécialistes les plus reconnus dans le domaine de l’agroécologie.

Alliant rigueur scientifique et engagement, Marc Dufumier explique dans ces entretiens avec le journaliste Olivier Le Naire en quoi la révolution agroécologique est une réponse concrète, réalisable et globale à beaucoup des maux de notre monde moderne dont la famine, la malbouffe

, l’obésité, la pollution, le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, les inégalités mondiales ou les migrations contraintes. Selon lui, tous ces problèmes étant liés, leurs solutions ne peuvent plus être étudiées séparément.

Pour nourrir les 10 milliards d’habitants que nous serons bientôt, il faut donc à la fois renoncer à la privatisation des semences, à l’emploi des produits pesticides et aux dérives du commerce mondial, mais surtout amener les citoyens à prendre conscience que leur sort,

comme celui de la planète, est entre leurs mains et non entre celles des lobbys industriels. Concrète, vivante, optimiste et à la portée de tous, cette conversation redonnera espoir à toutes celles et tous ceux qui seraient tentés de baisser les bras.

Extraits :
On me demande souvent si face à tout cela je suis plutôt optimiste ou pessimiste. La réponse est toujours la même : je n'attends pas de le savoir pour rester mobilisé. Soyons réalistes.

En Bretagne, il faudra bien finir un jour par élever les cochons et les vaches sur de la paille et non plus sur du béton. L'urine à elle seule ne suffit pas à fabriquer du fumier, elle donne juste du lisier liquide riche en nitrates solubles qui fertilisent les algues vertes sur

le littoral. On doit remettre au plus vite les animaux sur la paille et fabriquer de nouveau du fumier qui retournera dans le sol créera de l'humus de façon à ce que celui-ci retienne l'eau de pluie dans la couche superficielle du sol pour que la plante transpire plus longtemps

et allonge ses périodes de photosynthèse. Les plantes qui viendront en rotation après les prairies temporaires riches en légumineuses trouveront dans le sol l'azote nécessaire à leur développement sans recours aux engrais azotés de synthèse.

L'Europe, et la France en particulier, doit à tout prix via les légumineuses, retrouver l'indépendance protéique que nous avions perdue parce que la Politique Agricole Commune ( PAC) n'a pas mis de droits de douane à l'importation sur ces produits.

Du coup, les agriculteurs ont été dissuadés de fabriquer toutes ces productions dont nous manquons cruellement aujourd'hui.
J'insiste sur ce point majeur : il faut que l'on produise des protéines végétales françaises sur le territoire français pour alimenter dés animaux

français avec de l'azote issu de l'air de l'air français.
Nous avons impérativement besoin de minéraux dans notre alimentation, et les plantes que nous consommons extraient ceux-ci de la couche superficielle des sols.

Or, si nous ne risquons pas de manquer de calcium ou de potassium dans les années à venir, les mines de phosphate que nous exploitons pour la fabrication des engrais sont en voie d'épuisement.
Au train où nous en consommons, il n'y a plus de réserve facilement exploitable que

pour les trois ou quatre décennies à venir.Le coût d'exploration et d'exploitation de nouvelles mines va donc devenir très élevé. Déjà le prix des engrais phosphaté de synthèse a beaucoup augmenté d'où la nécessité de se montrer économe avec cette ressource et d'éviter

le gaspillage.
Mais où pourrait-on aussi trouver du phosphore ailleurs ? Et bien, entre la croûte terrestre et le magma, les roches mères (granite, schiste, etc...) étant constituées d'éléments minéraux. Parfois des paysans utilisent déjà en agriculture biologique de la poudre

de roche pour rendre ces éléments minéraux accessibles aux plantes. Mais pour que le phosphore devienne assimilable par les plantes cultivées, il faut que cette poudre soit extrêmement fine, ce qui s'avère coûteux en énergie. Tant que nous dépendons de cette énergie fossile,

il est préférable d'oublier une telle solution. Mais dans l'immédiat, déjà en sous-sol, la roche qui est altérée tous les ans, libère des éléments minéraux - dont le phosphore - que seuls les arbres qui ont des racines suffisamment profondes peuvent aller puiser. Ces éléments

minéraux remontent avec la sève, vont dans les feuilles qui tombent à terre et qui fertilisent ainsi la couche arable. Le pommier de Normandie fertilisait la prairie. La haie du bocage fertilisait les champs aux alentours.

C'est ce qu'on appelle, dans les pays tropicaux, l'agroforresterie.

Trois avantages majeurs à l'agroforresterie. D'abord le piégeage de carbone dans les feuilles des arbres via la photosynthèse intervenue en saison sèche. Ensuite la fixation d'azote dans ces mêmes feuilles puisque l'arbre est une légumineuses et enfin la captation d'éléments

minéraux puisés en profondeur par les racines. Les feuilles qui tombent à terre en début de saison des pluies apportent le bon dosage carbone azote qui contribue à fabriquer assez de humus pour retenir l'eau, par exemple dans les régions semi arides du Mali ou du Niger.

L'agriculture industrielle n'a plus d'avenir dans aucun pays du monde. Il faut maintenant cesser de tuer le sol, de tuer les vers de terre, de tuer les abeilles, de tuer les paysages, de tuer la planète, de tuer les hommes, de tuer l'emploi.

Avec l'agriculture inspirée de l'agroécologie, on ne tue plus, on vit avec les prédateurs, on vit avec les agents pathogènes, mais on minore leur prolifération et les ravages occasionnés sur les cultures, par le choix des variétés tolérantes.

A partir de maintenant, on va miser sur la vie et cesser de tuer.

Les multinationales qui investissent des fonds considérables dans la mise au point des plantes transgéniques, n'ont pas fait tous ces investissements pour les marchés non solvables pour sauver les pauvres du tiers-monde, qui ont faim mais uniquement à destination de ceux qui sont

en mesure d'acheter à la fois les semences et les produits chimiques qui vont avec, donc pour les pays riches qui mangent déjà à leur faim et qui souffrent même d'obésité, le profit est le seul intérêt et leur seul objectif.

Que ce soit bien clair, les semences transgéniques ne résoudront pas les problèmes de la faim ni de la mal malnutrition dans le monde.

Au Brésil par exemple, les producteurs O.G.M de soja originaires du Rio Grande do Sul, après avoir exploité à outrance puis endommagé leur

écosystème se sont déplacés pour recommencer ailleurs, aux dépens de la savane arborée du Mato Grosso et atteignent aujourd'hui les confins de la forêt amazonienne. Cela a aussi été le cas avec des compagnies bananières du Costa Rica qui, une fois l'environnement endommagé

avec leurs pesticides, ont migré vers le Guatemala. Certains décideurs malgré tout commencent à s'interroger. Il était temps !

rq perso : La United Fruit Company est une ancienne entreprise bananière américaine. Fondée en 1899, elle prend le nom de Chiquita Brands International en 1989.
Symbole de l'impérialisme américain, l'entreprise a inspiré à l'écrivain O. Henry l'expression « république bananière »

On emploie souvent le terme de biodiversité dans un sens très réducteur, notamment lorsqu'on évoque une diminution du nombre d'espèces et de variété dans notre environnement, qu'il s'agisse de végétaux, des animaux, des microbes ou des champignons.

Beaucoup de gens s'imaginent donc que le problème concerne la baisse des effectifs mais en réalité l'affaire est beaucoup plus grave car c'est l'interaction entre toutes ces espèces, variétés et races , que l'on appelle les "services écosystèmiques" - qui est menacée.

Par exemple, l'abeille nous fournit le miel mais pollinose aussi les pommiers ou les poiriers, les champignons mycorhiziens nous permettent de débusquer des éléments minéraux coincés entre les feuillets d'argile, mais sécrètent aussi une substance, la glomaline, qui donne au sol

une plus grande stabilité structurale et une moindre sensibilité à l'érosion. Les lombrics creusent à la fois des galeries dans les sols et rendent ceux-ci plus poreux. Les atteintes à la biodiversité sont directement liés à l'essor de l'agriculture industrielle,

avec la chimisation, la moto-mécanisation, la monoculture, la suppression des haies et des bandes enherbées. Celle-ci est à l'origine de la simplification des agrosystèmes.

Cette simplification les fragilise en supprimant les interactions, dont je viens de parler, qui ne sont pas seulement utiles à l'humanité mais aussi vitales.

En France, la menace vient plutôt du bitumage, de l'extension des villles, des aéroports et des autoroutes qui détruisent les espaces naturels. Mais dans les pays comme le Brésil et l'Indonésie, c'est l'agriculture extensive qui est à l'origine de cette hécatombe.

Assez curieusement , le réchauffement climatique global pourrait se traduire par une fréquence accrue de gelées extrêmes dans notre régions océaniques, lorsque le Golf Stream - un courant chaud - ne rejoindra plus le littoral.

Cela n'arrivera pas tous les ans, mais sans doute de plus en plus souvent.

L'agriculture inspirée de l'aécologie peut, je le répète, nourrir bien plus de que 10 milliards d'être humains. Le problème des familles n'est donc pas lié à une quelconque surpopulation. C'est plus le bien-être des femmes qui m'inciterait à penser qu'une régulation des

naissances peut-être une bonne chose. Dans les pays comme le Niger, je ne suis pas sûr qu'elles soient toutes très heureuses d'avoir autant d'enfants, même si ces bébés sont souvent conçus dans les familles pauvres pour assurer une retraite aux parents qui comptent sur leurs

enfants pour s'occuper d'eux lorsqu'ils sont vieux. Les femmes doivent avoir leur mot à dire dans tout cela.
Aider les gens à sortir de la misère est sans doute la meilleure solution pour que s'instaure de manière spontanée une régulation des naissances.

Prenez deux sacs de riz de même poids vendus au même prix sur le marché mondial. Eh bien, il y a 200 fois plus de travail agricole dans le sac provenant de la production d'une femme qui a repiqué à la main et récolté ce riz à la fossile que dans celui produit en Camargue ou

dans l'Arkansas par des personnes équipées de tracteurs, de semoirs automatiques ou de moissonneuses-batteuses. Cela signifie que lorsqu'une famille pauvre du Sud essaye de vendre du riz pour acheter des médicaments ou des produits de première nécessité, sa rémunération

est 200 fois inférieure à celle de ses concurrents européens ; c'est cela le commerce inéquitable.

On parle d'exode rural mais les néoruraux ont du mal à s'installer parce que les grands propriétaires fonciers n'ont de cesse d'acheter ou de louer toujours plus de terres pour rentabiliser leurs investissements en matériels !

Faute de terres, beaucoup de ces aspirants paysans se tournent vers le maraîchage, qui réclame une faible superficie. Leur métier est souvent dur et peu rémunérateur, mais je suis frappé de voir que ceux qui ont fait ce choix y croient et sont prêts à beaucoup

d'efforts pour se réaliser dans la voie qu'ils ont choisie.

A l'échelle de l'Europe,c'est la société civile qui peut faire bouger les choses. Face aux mouvements migratoires par exemple, soit on choisit l'affrontement, la violence, soit au contraire on finit par comprendre que

la seule, la vraie solution pacifique valable pour tous est de donner aux paysans pauvres du Sud une chance de vivre dignement chez eux de leur travail. Et cela passe par des réformes agraires et une concurrence équitable au niveau du commerce international.