Au procès de l'attentat du #14Juillet à Nice, la journée est consacrée aux témoignages de victimes.
Une première partie civile s'avance à la barre. "On va vous mettre une chaise à côté de vous", indique le président.
La 1ere victime, visiblement très éprouvée, est Allemande, travaille dans une maison de retraite et a 43 ans, précise-t-elle, via le truchement d'une interprète.
"Ma fille était en voyage de fin d'étude. Elle venait juste d'avoir 18 ans, pour moi c'était encore ma petite fille.
Mariam explique qu'elle a mis plusieurs jours à apprendre que sa fille, Salma, faisait partie des victimes de l'attentat. "La police est venue prendre la brosse à dents et une brosse à cheveux de ma fille et ils sont repartis."
Il lui a fallu encore attendre avant d'apprendre.
Mariam : "ma fille était en voyage d'une semaine. Elle devait rentrer le lendemain. Je veux que les gens qui ont participé à cet acte de terreur ne sortent jamais."
Elle se tourne vers le box des accusés : "vous êtes des personnes cruelles".
Abdallah 65 ans, s'avance à son tour à la barre. "Ce soir-là, je ne souhaitais pas voir le feu d'artifice, ça ne me disait rien, mais j'ai cédé.
Après le feu d'artifice, on s'est arrêté vers le premier orchestre mais la musique était trop forte. "
Abdallah :"J'ai avancé, et je puis je me suis retrouvé par terre. J'ai perdu connaissance. Quand j'ai repris connaissance, je ne savais pas ce qui s'était passé. Je voyais le camion arrêté. Et puis, j'ai vu des policiers, ça a tiré, pendant un moment."
Abdallah :"je me suis dit "c'est pas possible, c'est la guerre." Il y avait une dame écrasée, assise, avec un bébé dans les bras.
Moi, je suis allé m'allonger sous un palmier parce que je ne pouvais pas rester debout, la douleur était trop forte."
Abdallah :"quand les secours sont arrivés, mais ils paraient aux plus urgents, les massages cardiaques etc. Et ils disaient : "lui il est mort, l'autre là-bas est mort ....
Quand j'ai été évacué au bout de quelques heures, il n'y avait plus que des sacs blancs"
Abdallah :"maintenant, je ne dors plus. Suite à mon traumatisme crânien, je ne me rappelle même pas ce que j'ai mangé la veille. J'ai perdu pas mal d'audition."
Abdallah :"et puis je pleure les gens qui sont restés sur le carreau. Je me souviens de cet homme à qui on a fait un massage cardiaque et puis ils ont mis un drap dessus parce que bon ...."
Abdallah :"en tant que musulman, je voudrais dire que le djihad ce n'est pas tuer des gens. C'est éduquer ses enfants, les nourrir, les faire grandir. C'est ça le djihad."
Abdallah :"je ne supporte plus le moindre bruit : un camion qui décharge, une poubelle. Même mes petits-enfants, quand ils viennent chez moi, parfois je m'en vais parce que je sais qu'ils vont faire du bruit avec leurs jouets et je ne supporte plus. C'est devenu une phobie."
Abdallah :"aujourd'hui, je m'isole. Je préfère être solitaire. Je vis avec l'angoisse tous les jours. Je dors deux heures par nuit, la télé reste allumées mais je la regarde même pas. Je suis un peu démotivé de la vie quoi ....
Tous les jours, je revois les images des morts."
La femme d’Abdellah, Françoise, 61 ans, mère de leurs trois enfants, s'est avancée à la barre. Elle est en larmes : "c'est dur de passer derrière la première dame [qui a perdu sa fille, ndlr] car après avoir entendu tout ça, on culpabilise."
Françoise était chez elle au moment de l'attentat quand, "à 22h38, j'ai reçu un appel de mon compagnon". "J'ai compris que quelque chose de grave venait de se passer."
Françoise passe une partie de la nuit à chercher son mari dans les différents hôpitaux. Le lendemain, c'était le mariage de leur fille, qui a eu lieu. "Mais je n'ai aucun souvenir du mariage aujourd'hui, je ne me souviens de rien."
Françoise : "Dans les mois qui ont suivi, tous les soirs, mon mari voulait qu'on aille sur la Promenade des Anglais. On refaisait le chemin du camion. Tous les soirs."
Place au témoignage de Taoufik, le frère d'Abdallah. Il raconte l'attentat, qu'il appelle "l'accident" :"on aurait dit un champ de blé avec une moissonneuse qui passait."
Taoufik : "après, j’ai voulu aider les gens, mais il n’y avait rien à faire. Tous ceux que j’ai vus, ils étaient … ils ne bougeaient plus."
Président : "vous avez été suivi psychologiquement?"
Taoufik : "oui, je suis toujours suivi. J’ai un traitement assez lourd. Et puis, c’est bizarre, plus j’avance dans les années, plus c’est dur … Je n’ai plus envie de rien."
Taoufik : "ce que j'attends de ce tribunal ... rien ... pour moi, je ne comprendrai jamais."
Au tour de Gilles de s'avancer à la barre. "J'ai 61 ans, j'étais conducteur de train, je suis retraité de la SNCF."
"Ce soir là, j'étais dans la zone A4 sur le plan, à côté du concert de musique. Quelques minutes après le début du concert, j'ai entendu un fracas derrière nous."
Gilles : "quand je me suis retourné, j'ai vu une masse blanche passer. Je me suis jeter sur la chaussée.
Après, je me suis relevé, j'ai essayé de voir ce que je pouvais faire, j'allais de personne en personne, mais elles étaient très grièvement blessées."
Gilles : "au départ, je pensais à un accident, donc je suis allé vers le camion pour au moins couper le contact. Je suis monté sur le marchepied. Et par la fenêtre, j'ai vu une main avec une arme. Là, c'était l'effroi. J'ai saisi la main, mais j'ai pas réussi à la désarmer."
Gilles : "je me suis jeté par terre. Et j'ai entendu deux coups de feu. Ca s'est passé en dix secondes.
Je n'ai vu que son bras, mais jamais lui."
Gilles : "à l'arrière du camion, il y avait des personnes très grièvement blessées. Et sur les côté, il y avait des personnes qui demandaient de l'aide. On a essayé pendant très longtemps d'aider les gens."
Gilles : "au bout d'un quart d'heure, les gens des restaurants, on amené des serviettes, on a pu faire des points de compression et des garrots.
Puis les premiers secours sont arrivés, ils se sont arrivés des personnes les plus atteintes."
Gilles : "j'ai été évacué, peut-être une heure après, je suis rentré chez des amis. Les rues étaient désertes. On entendait les hélicos qui amenaient ou qui venaient chercher des victimes."
Gilles : "comme conducteur de train, j'ai eu affaire à des accidents très violents, des gens happés ou des suicides. Une fois, une personne vivante était coincée sous le train, à Monaco et j'avais du intervenir. Donc ça m'a aidé pour intervenir ce soir-là [après l'attentat, ndlr]
Gilles : "j'ai été bien pris en charge par des psychiatres et psychologues. Et la dernière prise en charge m'a "guéri", grâce à la méthode EMDR. Et j'ai une nouvelle vie avec une nouvelle compagne qui a commencé".
Gilles était la dernière victime à s'exprimer ce matin. L'audience est donc suspendue jusqu'à 13h30 avec la suite des témoignages de parties civiles.
Reprise de l'audience.
Gwenaël, 32 ans, s'avance à la barre. "Je suis menuisier, mais actuellement je suis en arrêt", explique-t-il à la barre.
"Ce n'est pas de gaieté de coeur que je suis là. Mais je vais vous raconter comment j'ai vécu la soirée"
Gwenaël : "je passais une soirée banale avec des amis sur la Promenade des Anglais. J'ai vu un mouvement de foule, j'ai tout de suite compris ce qu'il se passait. Il n'y avait aucun doute sur le fait qu'il était là pour tuer un maximum de monde. Il était sur la voie piétonne"
Gwenaël : "il faisait des allers-retours entre la chaussée et la voie piétonne. Il n'y avait pas de doute sur ce qu'il se passait. Je me suis écarté. Je suis arrivé sur la voie piétonne. Et je me suis retrouvé au milieu d'un champs de cadavres."
Gwenaël : "le camion est arrivé au niveau d'un endroit où il y avait un concert . Et là, il a fait un strike, je n'ai pas d'autres mots. Il y avait une trentaine de personnes. Et là, j'ai vu ce qui m'a le plus marqué : un enfant d'une dizaine d'années qui venait de succomber".
Gwenaël : "j'ai vrillé. J'avais un cran d'arrêt dans la poche et j'ai suivi le camion. Puis ça a commencé à tiré, j'ai plaqué quelqu'un au sol parce que c'était dangereux. J'ai été braqué par la police. "
Gwenaël : "s'en est suivi une arrestation un peu musclée. J'ai fini menotté au palais de la Méditerranée. Je ne pensais pas qu'on puisse me lier à cette affaire là. J'ai été interpellé pendant deux ou trois heures, je ne sais plus."
Gwenaël : "c'était quand même une situation particulière, on n'était pas dans nos états normaux.
Président : "vous aviez bu beaucoup?"
- c'était un #14Juillet et j'avais pas prévu de courir derrière un camion, donc je n'étais pas dans la sobriété. Mais on redescend très vite.
Gwenaël : "au moment où j'ai vu cet enfant mort, comme immaculé, j'ai vraiment tilté. J'ai foncé vers le camion, je voulais trouver le frein à main. Juste l'idée de mettre fin à ce mec là, quoi."
Gwenaël : "à la fin du feu d'artifice, tout le monde s'est levé et a commencé à partir. Les familles avec les enfants, tout le monde a quitté la plage et s'est retrouvé sur la chaussée. Elle était noire de monde. Et le camion est vraiment passé à ce moment-là."
Président : "quelles ont été les suites pour vous?"
Gwenaël : "elles ont pas été simples. Trois semaines plus tard, je me retrouvais en détention pour violences conjugales. J'ai vraiment eu un dérèglement total. "
Gwenaël : "j'avais repris mon boulot de livreur à l'époque trois jours après, j'étais incapable de conduire, je m'arrêtais 30 mètres avant les passages piétons. C'était l'enfer. Ca a été un enchaînement de merdes. Excusez-moi de le dire comme ça, mais c'est la vérité. "
Président : "vous êtes suivi aujourd'hui?"
Gwenaël : "je suis suivi en psychiatrie. En addictologie aussi à cause de l'alcoolisme. J'avais déjà une tendance avant, mais là ... je suis incapable de garder un travail plus de six mois. Et là, je suis de nouveau en arrêt."
Gwenaël : "après, j'ai pas dormi pendant trois jours. Pas du tout. Et j'ai passé mon temps à me saoulé la gueule. J'ai complètement perdu pied. Et je suis allé voir mon ex pour une histoire aberrante et j'ai été incarcéré pour violences conjugales."
Gwenaël : "objectivement, j'ai sauté au-dessus de cadavres et j'ai couru derrière un camion avec un Opinel. C'est pas ... ça n'a servi à rien."
L'avocate de Gwenaël explique que sa constitution de partie civile a été rejetée à deux reprises avant d'être acceptée en Cassation.
Gwenaël : "ça fait six ans que les moments de joie sont rares, que c'est compliqué. Il y a beaucoup de noirceur et de violence. Je me suis fait du mal, j'ai fait du mal aux autres. Il y a eu une sorte de banalisation de la violence dans ma tête. On n'a plus les mêmes limites."
La prochaine à s'avancer à la barre est Marie-Claude, 50 ans, mère de Laura Borla, décédée dans l'attentat, et de trois autres enfants.
"J'avais des jumelles, elles allaient avoir 14 ans le mois d'après."
Marie-Claude : "on était sur le côté de la Promenade des Anglais. On marchait. Ma fille Audrey et sa copine était devant, moi j'étais derrière avec Laura. A ce moment-là, Laura m'attrape et me dit : "maman je t'aime", elle me fait un bisou dans le cou".
Marie-Claude : "puis j'ai entendu crier : "le camion, le camion". Et je voyais des choses qui tombaient. Mais je ne saisissait pas que c'était des corps. J'ai pris ma fille pour la pousser mais tout d'un coup, elle n'était plus là. On a été bousculées."
Marie-Claude : "d'un coup, un corps m'est tombé sur les pieds. J'ai pas réfléchi et j'ai sauté."
Elle pleure.
"En sautant, j'ai évité un gros bloc en béton. Je suis tombée à côté, je me suis fracturée le dos, j'étais ensanglantée, la robe déchirée. Et je criais : Laura, Laura."
Marie-Claude : "j'ai rampé sur les galets [sur la plage, ndlr], puis je suis remontée sur la Promenade. C'était un cimetière à ciel ouvert. C'était le chaos. Je criais toujours : "Laura, Laura." Pour chercher Laura, j'ai du regarder les corps."
Marie-Claude : "je regardais, mais tous ces corps massacrés, c'était intenable. Et toujours pas de Laura. Moi, on m'emmène faire des radios."
Le lendemain, elle est appelée "pour faire un test d'ADN". "Je ne comprenais toujours pas ce qu'il se passait."
Marie-Claude : "j'ai été emmenée en psychiatrie, on m'a donné des cachets. Et c'est à l'hôpital, mon mari qui m'a annoncé le décès de Laura."
Marie-Claude : "depuis quatre ou cinq ans, notre famille s'est déchirée. On a eu du mal à communiquer."
Audrey, la soeur jumelle de Laura, qui elle a survécu à l'attentat, a souhaité témoigner au procès un autre jour que le reste de sa famille.
Une photo de Laura est projetée sur l'écran géant de la cour d'assises. On découvre une enfant souriante, blonde aux yeux verts.
Puis son père, Jacques, s'avance à son tour à la barre.
"C'était affreux, je ne le souhaite à personne. Laura, c'était tout pour moi."
Jacques : "quand j'en parle, je n'arrête pas de trembler. Je ne dors pas trop depuis six ans.
A l'époque, j'étais en train de construire une maison. Et Laura me demandait toujours quand elle serait finie. Elle n'a pas pu en profiter, ça me fait mal."
De l'attentat, Jacques ne "se souvien[t] de plus rien. Un trou noir. Comme si on m'avait mis sur off.
En fait, le camion m'a frôlé.
J'étais dans la sidération. Je n'arrivais pas à comprendre qu'il était arrivé ça."
Jacques cherche sa fille parmi les corps : "à un moment, j'ai retrouvé quelque chose qui appartenait à elle, une basket, mais il n'y en avait qu'une.
Au bout d'un moment, j'ai dit à ma femme :"on arrête, on se fait du mal, je suis sûre qu'elle est cachée quelque part."
Jacques : "j'ai emmené ma femme à l'hôpital et quand je suis rentré à la maison, mon fils m'a vu démoli et, en colère, m'a dit : "tu n'aurais jamais du sortir". Je n'ai pas su lui répondre. Et je m'en veux. Je m'en veux d'avoir eu un trou noir car j'aurais pu la sauver."
Deux jours durant, Jacques et sa famille ont cherché Laura : "on appelait tous les hôpitaux. C'était vraiment l'angoisse, j'en pouvais plus."
Puis, un coup de téléphone. Et l'annonce : "on l'a retrouvée. Mais on l'a retrouvée morte".
Jacques : "on a m'a donné les affaires retrouvées sur elle. Je n'y croyais pas. J'ai dit : "non, non, elle est vivante, ce n'est pas possible".
Il retourne à l'hôpital psychiatrique Sa femme dort, sous médicaments. "A un moment, elle se réveille : "tu as des nouvelles de Laura?"
Jacques : "depuis six ans, j'ai des nuits angoissantes, larmoyantes, cauchemardesques. Je n'arrive plus à aller au cimetière. Je me suis isolé de tout contact extérieur. J'ai eu des envies de suicide. Depuis ce jour-là, j'ai plus jamais mis les pieds sur la Promenade des Anglais"
Jacques: "je n'irai jamais plus à un feu d'artifice. Je ne veux plus entendre parler du #14Juillet
Jacques regagne sa place.
Sa fille Lucie, 25 ans, auxiliaire de puériculture à l'hôpital Lanval, s'avance à son tour. "Ce jour-là, pour la 1ere fois, je n'étais pas au #14Juillet"
Lucie passe la soirée chez ses beaux-parents. "Je me trouvais à 1 heure et demie de route de la Promenade des Anglais, donc je ne pouvais rien faire d'autre que de poster des messages sur les réseaux sociaux. Et mes beaux-parents ne voulaient pas me laisser y aller."
Le lendemain, elle rentre chez ses parents. "J'essayais que ma mère mange un peu. Je lui ai proposé quelques cuillères de compote, elle m'a craché dessus :"non, je ne veux pas manger, je veux que tu me rende ma fille !"
Leurs parents étant hospitalisés en psychiatrie, Lucie et le reste de la fratrie se mobilise pour rechercher Laura, aidés par des amis, des collègues de leurs parents. "Je ne voulais pas admettre qu'elle n'était définitivement plus là. Donc je n'ai pas arrêté de la chercher."
Après, "j'ai retrouvé plusieurs fois des couteaux dans la chambre de ma soeur [la jumelle de Laura, ndlr], mon père disait qu'il aurait préféré que ce soit lui qui soit passé sous le camion."
"J'ai du géré beaucoup de choses. Je pensais que c'était mon devoir de grande soeur".
C'est au commissariat que Lucie apprend, avec ses frère et soeur, la mort de Laura : "le commissaire nous a dit : j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne c'est qu'on l'a retrouvée. La mauvaise c'est qu'elle est morte.
Je me suis effondrée et j'ai fait un black out."
Les trois enfants sont hospitalisés. "On a passé la nuit-là, elle le lendemain, un personnel soignant nous a dit : "il faut l'annoncer à votre maman".
Lucie a alors 19 ans.
"Moi, je ne voulais pas faire ça."
Lucie retrouve ses parents en psychiatrie : "c'était le choc, je me doutais que je n'allais pas les voir dans un état normal. Mais là, c'était ... mon père ne répondait pas, des larmes coulaient. Ma mère se penchait d'avant en arrière."
Lucie : "je n'ai pas eu le temps de me dire à moi que ce n'était pas possible, je devais déjà dire à mes parents que c'était terminé.
Puis ça a dégénéré, ma mère m'a empoigné le col. Alors ils nous ont sortis de la chambre, j'ai pas pu les embrasser."
Les trois enfants sortent de l'hôpital le lendemain. "On nous a dit : quand vos parents sortiront de psychiatrie, il faudra que vous soyez à la maison pour les accueillir."
"Mais pour moi aussi c'était dur. A la maison, c'était une ambiance de mort."
Lucie : "à la maison, j'osais même pas rentrer dans sa chambre. Audrey [la jumelle de Laura, ndlr] qui partageait la chambre avec elle ne voulait pas qu'on touche à quoi que ce soit. Elle continuait à dormir avec le lit de sa soeur à côté d'elle. On a respecté son choix."
Lucie : "au final, j'ai pas eu le temps de réaliser qu'on l'enterrait déjà. Ma soeur, elle était pleine de vie. On faisait de la danse toutes les trois, elle faisait du chant. Elle donnait tout pour les autres."
Lucie : "puis, j'ai essayé de reprendre ma vie. Je me suis pacsée, j'ai eu deux enfants.
Et là, j'essaie de suivre le procès la webradio, quand je peux, je vais à l'Acropolis [où l'audience est retransmise en direct à Nice, ndlr]. J'ai besoin de comprendre"
Lucie : "dans ma famille, on s'est complètement déchirés, disloqués. Mes parents ont perdu leur fille. Ma soeur, sa soeur jumelle. Mon frère et moi, on n'y était pas. On était pas au même niveau. Je suis devenue très irritable, plus renfermée. Je vais moins vers les gens."
Lucie : "comme j'avais lancé des appels sur les réseaux sociaux ce soir-là, on a reçu énormément de messages. Même deux ans après, j'avais des messages de gens qui nous disait : "on a retrouvé ta soeur". Des gens qui disaient : "va te pendre, t'aurais du sauver Laura".
Lucie : "pendant longtemps, j'imaginais ma soeur se prendre le camion. Elle était toute seule en fait, par terre, personne autour d'elle. Je me demande encore à quoi elle a pensé à ce moment-là. Et ça me travaille encore."
Lucie : "avant je travaillais en crèche, mais maintenant je suis en réanimation pédiatrique parce que j'avais besoin d'aider les enfants malades. Ca me fait du bien d'aider les gens. Mais quand je rentre à la maison, c'est moi que j'ai du mal à guérir."
Lucie : "mais récemment, j'ai du tirer la sonnette d'alarme. Le procès, tout ça ... j'ai eu un accident de voiture.
Donc je me suis rendue aux urgences psychiatriques et je suis suivie de très près maintenant."
Lucie : "dans la vie, je ne parle pas du tout de mon histoire. Parce que dès que j'en parle, il y a une sorte de pitié et j'ai l'impression que les gens ne me voient plus comme je suis. Et j'aimerais qu'on me considère comme je suis moi. Je ne suis pas une victime, voilà".
Lucie : "de toute façon, la personne concernée n'est plus là, donc je n'attends pas grand chose du procès. Quelques réponses à mes questions. Mais ça n'enlèvera pas le manque de ma soeur et le sentiment d'injustice qui est en moi. J'essaie au mieux de me soigner, de me guérir."
Lucie : "parfois ça me traverse l'esprit de me dire : "pourquoi j'ai fait des enfants dans le monde dans lequel on vit?". Mais sinon, j'essaie de continuer à vivre.
Simplement, par respect pour toutes les victimes et pour ma soeur, je ne fête plus le #14Juillet "
Me Chalus (PC) : "comment vont vos enfants ?"
Lucie : "ma grande a 2 ans et demi, ma dernière 16 mois. Elles ont pas encore l'âge où j'ai à leur expliquer. Mais j'ai pas envie que mon mal être se répercute sur mes enfants, j'ai envie qu'elles aient une maman qui aille bien."
Au tour de Nicolas, 22 ans, frère de Laura de livrer son témoignage : "ce soir-là, je venais de me faire opérer des dents de sagesse donc je n'ai pas pu être à leurs côté et je regrette de ne pas avoir pu être là".
Nicolas : "ce soir-là, je regrette aussi de ne pas avoir pensé à dire au revoir à Laura parce que pour moi c'était impensable ce qui allait se passer."
Nicolas : "à un moment je me souviens de cette dame qui est venue ramener ma soeur [Audrey, ndlr]. Elle était habillée de blanc et ses vêtements étaient tâchés de sang. J'ai pris conscience que ne pas avoir de nouvelles de ma soeur [Laura, ndlr], ce n'était pas très bon signe."
Nicolas : "on n'avait rien d'autre à faire que d'attendre, en fait. Et ça c'était terrible. On attendait que Laura sonne à l'interphone.
Mais le lendemain, on était toujours sans nouvelles. On se sent dévasté."
De fausses informations leurs parviennent dans tous les sens. Nicolas : "un monsieur nous a dit qu'il l'avait vue au Negresco. Il nous a donné beaucoup d'espoir. On l'a suivi au Negresco, il nous a dit de l'attendre dehors. Puis il a disparu. Je ne sais pas pourquoi il a fait ça"
Nicolas raconte à son tour le moment où, avec ses soeurs, il retrouve ses parents hospitalisés en psychiatrie : "c'était comme une cage, des barreaux aux fenêtres, ma mère était hystérique. Elle disait que ce n'était pas vrai. Et c'était très difficile de lui faire face"
Nicolas raconte l'après, la reprise difficile de la scolarité, de la vie quotidienne. "Puis, j'ai décidé de m'installer ailleurs avec ma conjointe. Parce que partout où j'allais, j'y avais déjà été avec ma soeur. J'ai trouvé un travail mais j'avais des problèmes de concentration"
Nicolas : "j'ai été arrêté un mois, pour être suivi par un psy. Mais je n'arrivais pas à rester chez moi. Ca me rappelait trop ce soir-là où j'étais resté confiné [après une opération des dents de sagesse, ndlr]. Encore aujourd'hui, il faut toujours que je sois à droite à gauche"
Francis s'avance à la barre. "J'ai beaucoup hésité à venir témoigner. Parce je n'ai perdu aucun proche, je n'ai pas été blessé. Mais je me suis dis que je pourrais vous expliquer ce qu'est une victime psychologique."
Francis : "on est allé voir le feu d'artifice de manière improvisée. Puis je vois le camion foncer sur le stand de bonbons, les parasols qui volent. En bon ingénieur, je calcule : est-ce que le camion va t'écraser? Donc je regarde les roues. Et j'ai vu les gens se faire écraser."
Francis perd sa femme et sa fille de vue. Il retrouve rapidement sa femme, mais pas leur fille. "Je vois une jeune fille blonde au sol. Je m'approche : ce n'était pas Manon. Je vais de corps en corps. Je regardais : ouf, ce n'est pas Manon. Personne suivante : ce n'est pas Manon"
Francis : "sur ma droite, il y avait un monsieur avec un petit garçon de 8 ou 10 ans dans les bras. Il était très blême, avec juste un peu de sang sur la tempe, comme une pièce de deux euros. Je vois ses yeux partir. Je le vois mourir."
Francis :"en rentrant, je me suis dit : je vais dormir et ça va aller. Je suis fort, je n'ai jamais vu de psy de ma vie, ça va aller.
Mais en fait, c'est là que ça a commencé. L'impossibilité de dormir, les réminiscences, la peur de la foule."
Francis : "commence une autre vie : vous avez peur de tout, vous vous isoler, vous êtes agressif.
Au travail, je me disais : "qu'est-ce qu'on m'embête avec un retard pour un client? Tout me gonflais.
Puis, arrivent la honte et la culpabilité."
Francis : "hier le pompier qui a témoigné a aidé des gens et il se sent coupable. Moi, j'ai pas été foutu de protéger ma femme et ma fille, j'ai vu vingt corps et je n'ai rien fait. Alors imaginez.
Commence alors le travail de psychiatrie."
Francis : "six ans après, je viens d'arrêter les antidépresseurs. Six ans après. Malgré ça, vous vivez avec la honte, la culpabilité. Je suis toujours en alerte, les cauchemars etc."
Francis : "au procès, il y aura peut-être des réponses, mais je n'y crois pas trop. Ce que je voudrais c'est que famille, moi et toutes les victimes, on ne soient pas oubliés."
Doriane, qui était ce soir-là avec son petit ami sur la Promenade des Anglais, témoigne à son tour.
"Il n'y avait aucun dispositif de sécurité. Et on a commencé à parler d'un attentat. Comme si on avait eu une prémonition."
Doriane : "on marchait vers le Negresco quand on a entendu des coups de feu. Et là, avec mon petit ami, on a compris : c'était un attentat. On a couru jusqu'à la mer. J'avais l'impression qu'on allait me tirer dessus. J'avais le souffle coupé."
Doriane : "on a abandonné nos affaires et on est partis nager au loin.
Et là, on s'est retournés et on a vu au loin toutes ces scènes d'horreur Il y avait un contraste saisissant entre cette horreur et nous, dans l'immensité calme de la mer."
Après l'attentat, Doriane est retournée vivre chez parents. Puis, grâce à la thérapie, elle a pu réintégrer son appartement, tout proche de la Promenade des Anglais. "J'ai réussi à revoir la Promenade pour ce qu'elle était et pas comme le lieu de l'attentat".
Nadia, 44 ans, s'avance à la barre. "Pour moi la Promenade des anglais, c'est le poumon de la ville de Nice. Et le #14Juillet on va manger une glace et voir le feu d'artifice. Ce soir-là, ma mère qui a un certain âge, m'accompagne."
Nadia : "je sens un brouhaha, un mouvement de panique. Je vois le camion avancer vers nous, le conducteur avec son T-shirt blanc. Je vois des gens projetés de part et d'autres. Je suis dans un état de sidération. Ce qui m'a fait réagir ce sont les lumières des tirs de balles"
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Bonjour à tous,
En direct du tribunal judiciaire de Paris.
2e etage. Grande salle. Et pour cause.
L'audience qui s'ouvre aujourd'hui attire les foules des grands jours.
Début du procès dit des eurodéputés RN.
Viennent d'entrer dans la salle d'audience la présidente du Rassemblement national et principale prévenue de ce procès : Marine Le Pen.
Sont également arrivés Bruno Gollnisch, Nicolas Bay ou encore Julien Odoul ... autant d'anciens eurodéputés ou assistants parlementaires.
25 prévenus au total (ils sont 27 renvoyés mais ni Jean-Marie Le Pen, ni Jean-François Jalkh ne sont en état d'être jugés selon des expertises médicales), qui doivent répondre de détournement de fonds publics.
Bonjour à tous,
C'est rare, mais ça arrive : en direct d'une audience civile aujourd'hui. En l'occurrence l'assignation en référé des Républicains par Eric Ciotti pour contester son exclusion du parti et de la présidence de celui-ci.
Ca se passe au tribunal judiciaire de Paris.
11 heures. L'audience est ouverte. Et débute l'appel des parties. Juste une question de procédure ? Et non, car premier écueil : deux avocats se présentent comme représentants des Républicains.
L'un côté Eric Ciotti, l'autre côté Annie Genevard et François-Xavier Bellamy.
“Je ne peux pas recevoir une double constitution. C’est un problème et c’est à vous de trancher”, s'agace la présidente. Sauf que personne ne lâche. Car derrière cette question de robes, il y a tout l'enjeu de l'audience du jour : qui préside encore Les Républicains ?
Bonjour à tous,
Après une pause hier, le procès de la Grande mutation devant la 13e chambre correctionnelle de Paris reprend avec les dernières auditions de parties civiles. Puis viendront les interrogatoire des prévenus, à savoir six cadres de l'organisation sectaire.
Emmanuelle s'avance à la barre. Elle est l'aînée d'une des anciennes adeptes de la Grande mutation.
"Quatre enfants, enfance heureuse, une mère aimante".
C'est autour de 2005, que sa mère commence à fréquenter la Grande mutation, "emmenée par un rabatteur à Dijon".
"C'était un médecin qui était le rabatteur de la Grande mutation à Dijon. Il a été radié depuis, mais à l'époque il avait une vraie plaque de médecin", explique Emmanuelle à la barre. "Du coup, elle allait à Paris aux conférences et entretiens individuels".
Palais de justice de Paris, salle Diderot.
Au procès dit du #VioleurdeTinder l'heure est au réquisitoire de l'avocat général, Philippe Courroye.
Rappelons que Salim Berrada est jugé pour 17 viols et agressions sexuelles et encourt 20 ans de réclusion.
"Vous les avez vues, entendues. Vous avez entendu le récit des viols et des agressions sexuelles subies par ces 17 victimes. Vous avez vu ici, à cette barre, celles qui ont eu la force de venir raconter leurs souillures", entame l'avocat général dans son réquisitoire.
"Et lui, les a-t-il seulement vues, entendues ? La question se pose tellement, tout au long de cette audience est resté imperturpable, comme bunkérisé dans le béton de ses dénégations", poursuit l'avocat général.
Bonjour à tous,
De retour salle Diderot au palais de justice de Paris. Procès dit du #VioleurdeTinder
Dernier jour des débats aujourd'hui avant les plaidoiries et réquisitoire prévus demain.
Ce matin, la dernière partie civile s'exprime à la barre. Nous l'appellerons "Rania".
"Rania" raconte à son tour la prise de contact sur Tinder, le rendez-vous pour une séance photo. "J’avais apporté des vêtements dans un sac, on a commencé à discuter. Il m’a proposé un shot d’alcool, puis il m’a parlé des fêtes qu’il faisait, de la drogue … ça m’a paru étrange"
"Je me sentais totalement euphorique", se souvient Rania. Puis, alors que je regardais les photos qu'on venait de faire, il s'assied à côté de moi et m'embrasse. Je l'ai repoussé et lui ai dit :"je ne veux pas ça, tu ne m'attires pas". Mais il revient vers moi et dit "essaie".
Bonjour à tous,
Salle Diderot, palais de justice.
De retour au procès dit du #VioleurdeTinder : Salim Berrada comparaît devant la cour criminelle départementale pour les viols et agressions sexuelles de 17 femmes lors de séances photo à son domicile.
Celle que nous appellerons Charline est la neuvième victime dont les faits dénoncés sont examinés par la cour. Elle a aujourd'hui 26 ans et est comédienne, explique-t-elle.
"Je vous laisse la parole", déclare le président à "Charline"
Long silence de la jeune femme.
"Quand j’ai découvert le travail de monsieur Salim Berrada, j’étais mineure à l’époque. Mais j’étais déjà modèle. Je faisais principalement du portrait."