Aujourd'hui on va voir que ça fait du bien d'avoir mal.
Et pour ça on va s'intéresser aux intestins.
Les intestins sont, dans une vision neurologique, un truc périphérique visqueux rempli de bactéries et de mucus qui consomme une quantité absurde de neurones pour un pauvre mouvement contractile craniocaudal.
(C'est pas du troll).
Au sein de la paroie intestinale, on trouve les terminaisons sensitives de neurones... sensitifs (c'est super original la nomenclature neurologique).
Lorsque ces terminaisons sont exposées à du chaud, à la capsaïcine (le composé qui donne le goût piquant des piments rouges) ou à de l'acide, une protéine de surface nommé TRPV1 déclenche un signal qui après plusieurs étapes est interprété par le cerveau comme de la douleur.
Et une douleur spécifique qui ressemble à une brûlure.
Ça va est tous arrivé j'imagine, mais figurez-vous que c'est une sensation particulièrement fréquente dans le cadre de deux pathologies inflammatoires du système digestif : la maladie de Crohn et la RCUH.
Du coup de nombreuses études sont consacrées aux mécanismes de cette douleur, dans le but de réduire les symptômes des personnes atteintes.
Et quand vous voulez étudier un mécanisme qui implique une protéine comme la TRPV1, un des trucs que vous pouvez faire, c'est de la supprimer.
Pas chez l'humain évidemment (quoique) mais chez la souris.
Vous obtenez ainsi des souris sans TRPV1 et vous regardez ce qui se passe.
Et il se passe que : 1/ les souris n'ont plus mal 2/ leur maladie flambe 3/ les souris meurent (pas toutes mais quand même)
Conclusion logique : une souris qui n'a plus mal, meurt.
Évidemment c'est plus compliqué mais...vous allez voir.
Quand on étudie les souris sans TRPV1 (donc qui ont plus mal, et qui ont une maladie plus sévère) et plus particulièrement leurs bactéries intestinales, on constate que la population intestinale bactérienne de ces souris, est différente de celle des souris normales.
Plus étonnant, si on prend les bactéries présentes chez les souris sans TRPV1, et qu'on les transplante chez des souris normales (par voie basse pour ceux qui se demandent), les souris normales voient dans un premier temps leur maladie s'aggraver.
Encore plus étrange, si on file des antibiotiques à large spectre (expression élégante pour parler d'antibiotiques qui éradiquent toute forme de vie bactérienne), aux souris sans TRPV1, elles vont mieux.
La conclusion jusque là est que d'une façon ou d'une autre, cette protéine qui est fabriquée par des neurones sensitifs et qui a un rôle de signal de douleur, a également un rôle de régulation des populations bactériennes, en favorisant celles qui protègent contre l'inflammation.
Le problème c'est que cette protéine TRPV1, elle est un peu comme le précieux de Gollum, elle appartient rien qu'au neurone. Il ne la donne pas, il ne la prête pas, et surtout pas à hobb...bactéries.
Par contre le neurone en question, secrète un truc qui se nomme substance P (on dirait un mauvais nom de produit chimique dans les Black et Mortimer, mais c'est son vrai nom).
La substance P dans le corps humain y'en a dans plein d'endroits et ça fait plein de trucs mais retenez que ça fait essentiellement... MAL.
Dans le système nerveux, ça rend également anxieux et ça donne des nausées de fou.
Vous voyez une douleur de fou qui provoque des vomissements et une angoisse profonde ? Bah ça c'est la substance P.
Étonnamment la substance P est également impliquée dans certains diabètes (en mal) et dans les pathologies inflammatoires du pancréas (en bien)
Bref c'est une molécule au rôle complexe mais qui globalement est plutôt pas sympa et qui fait... Mal.
Résumons-nous pour ne pas nous perdre.
Les neurones sensitifs qui véhiculent la sensation de brûlure depuis les intestins le font en partie parce qu'une de leur molécule de surface, la TRPV1 est activée.
Cette molécule TRPV1 semble également réguler les populations bactériennes digestives en favorisant les populations qui protègent les intestins des pathologies inflammatoires.
Or cette régulation ne peut pas être directe puisque la TRPV1 ne sort pas du neurone.
La seule chose qui en sort c'est de la substance P, une autre molécule, mais dont le rôle est de faire mal.
De plus en plus mystérieux non ?
Bah non. Et c'est ça qui est étrange.
Il se passe très exactement ce que je viens de décrire.
L'activation de la TRPV1 provoque une sensation de brûlure digestive ET la sécrétion de substance P qui elle même favorise le développement de bactéries qui ont un effet protecteur.
En fait c'est super logique. L'activation de la TRPV1 signifie qu'il y a une agression et le corps réagi en favorisant le développement d'un anti inflammatoire naturel, ce qui dans le cas des intestins correspond à l'augmentation du nombre de certaines bactéries.
Mais ça va encore plus loin...
Les bactéries anti inflammatoires sont capables d'activer elles-mêmes la TRPV1 (ce qui, je le rappelle, fait mal) pour obtenir de la substance P (qui fait mal aussi) pour être plus nombreuses si leur population diminue.
Bref, et on en revient au début de ce thread, dans ce cas très particulier, avoir mal, fait du bien.
Et ça ça a deux conséquences :
1/ comprendre le rôle anti inflammatoire de la substance P est une nouvelle piste thérapeutique contre les maladies inflammatoires de l'intestin, en supposant qu'on comprenne son mécanisme d'action et qu'on découvre comment ne pas avoir ses autres effets.
2/ il faut se poser la question du bénéfice risque des inhibiteurs de la substance P, utilisés comme anti nauséeux, chez les personnes qui ont une maladie inflammatoire de l'intestin.
Vous pouvez aussi lire ça pour plus d'infos.
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Critiquer, et plus particulièrement une administration, et plus particulièrement une administration en charge de la santé quand on est médecin, est un classique sur Twitter.
Le plus simple c'est de comparer les ARS aux autres administration ou organismes qui interviennent dans la santé.
L'assurance maladie par exemple, prend sa part de critiques raides, parfois violentes. On s'empoigne avec elle sur des décisions contestables, procédurières, inadaptées etc...
Est-ce que l'habit fait le moine, dans la vie de tous les jours ?
J'en sais rien, et vous n'en saurez pas plus en lisant la suite mais voilà une étude faite par des étudiants en médecine dans le module de biostat (pour rappel, le niveau de preuve est faible mais drôle)
Méthodologie simple. Ils ont pris des gens dans la rue qui acceptaient de se faire photographier sans le visage, de donner leur âge, leur niveau de revenu annuel par tranches larges, et leur orientation politique simplifiée (très à droite, droite, centre, gaucher, très à gauche).
Ensuite ils ont montrer des photos d'autres personnes à ceux qu'ils interrogeaient, en leur demandant de deviner d'après la photo sans le visage, l'âge, le revenu et l'orientation politique.
Tiens y'a @TMesnier qui veut rétablir la vente de clientèle entre vieux médecins et nouveaux médecins afin d'assurer une retraite confortable aux premiers, sur le dos des seconds. assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendem…
Le plus amusant étant que grâce à ce dispositif @TMesnier va mettre encore plus les communes en concurrence, car aucune n'étant en excédant de praticiens par rapports aux besoins, les plus riches vont acheter les cabinets aux vieux praticiens, pour les donner aux plus jeunes.
Notez bien que personnellement ça m'arrange.
Personne ne voulant exercer dans les territoires que toute la fonction publique a déserté, ça fera autant de médecins généralistes pour les hôpitaux.
Nous avons des milliers de postes à capter aux dépens des régions désertées.