Avec mes recherches sur la sorcière, c’est un peu Halloween toute l'année mais, en ce 31 octobre, je vous emmène en 1349 à Arleux-en-Gohelle, près d’Arras, où une femme est accusée de sorcellerie : Marie de Saint-Martin.
Marie de Saint-Martin est une jeune femme mariée de 21 ans que plusieurs habitants accusent de sorcellerie.
Par vengeance, elle aurait envoûté un voisin, un certain Jacques d’Arleux, en utilisant un crapaud enfermé dans un pot en terre et nourri de pain béni et de graines.
Elle se serait faite aidée par un parent, Amaury, avec lequel elle aurait confectionné des vêtements miniatures, notamment une veste de couleur jaune, pour habiller le crapaud de la même manière que la "victime".
L'objet de ce sortilège aurait été de lui donner la mort.
Alarmé par la rumeur populaire et poussé par les proches de Jacques d’Arleux, l'officier de justice local, le bailli Hector de Bailleul, fait jeter Marie en prison.
Au terme de son procès, rapidement expédié, elle est condamnée à mort et brûlée vive.
L’affaire ne s’arrête pas ici.
Elle a un retentissement important jusqu’au Parlement de Paris, cour de justice royale d'appel.
Minutieusement, la famille de Marie tente de s’opposer à l’accusation de sorcellerie afin de laver son honneur et de réhabiliter sa mémoire.
Son fils d’abord, aidé de trois amis, molestent et tuent Jacques d’Arleux. Pour se venger mais aussi pour réparer par le sang.
Son époux, Hydeux, porte l’affaire au Parlement dès 1350 pour mettre en cause le bailli et obtenir réparation de la condamnation abusive de Marie.
Amaury d’Arleux, clerc du diocèse d’Arras et supposé complice, agit lui sur le plan spirituel. Pour se dégager des accusations et contredire la rumeur, il se porte devant la justice épiscopale. Après avoir été interrogé, l’évêque d’Arras lui accorde son absolution.
Le bailli Hector de Bailleul est finalement condamné par le Parlement de Paris en 1350 et 1352 à verser d’importantes réparations à la famille de Marie et à fonder une chapelle en sa mémoire pour abus de justice, faute de preuves suffisantes lors du procès de Marie.
En 1352, deux huissiers viennent trompeter à Arras, sur la place du marché, les arrêts du Parlement et sont chargés de saisir les biens du bailli pour les vendre.
Enfin, en 1358, le fils de Marie et ses amis obtiennent le pardon du roi de France pour le meurtre de Jacques.
Cette affaire est intéressante car, au-delà de la violence et de la condamnation à mort initiale que l'on retrouve régulièrement dans les sources judiciaires médiévales, elle nous renseigne sur les formes de résistance et de réparation face à l'accusation de sorcellerie.
Derrière les lumières très visibles des bûchers se cachent souvent des explications et des réponses plus complexes.
La condamnation du bailli rappelle d'abord la volonté du pouvoir royal d’encadrer et de limiter fermement la condamnation de la sorcellerie.
Par ailleurs, la rumeur diffusée par Jacques d’Arleux se comprend mieux au regard du profil des différents protagonistes : de riches propriétaires entre lesquels des tensions ont pu exister.
L'accusation de sorcellerie est aussi une puissante arme pour discréditer un concurrent.
L’entourage de Marie a eu les moyens de se défendre, de faire obstacle aux rumeurs et à l’accusation de sorcellerie.
C'est une indication supplémentaire de leur aisance financière et de leur intégration dans le tissu économique des environs d'Arras, grande ville marchande.
Marie de Saint-Martin était jeune, mariée, fortunée et intégrée.
Aussi, la sorcière de la fin du Moyen Âge est loin d’être uniquement une femme veuve, célibataire, marginale, isolée et repoussante comme on se l'imagine souvent.
En effet, l'accusation de sorcellerie, qui détruit la réputation d'un individu, peut viser tout type de profil.
Pour rappel, à la fin du Moyen Âge dans le royaume de France, la moitié des personnes accusées sont des hommes.
Face à ce discrédit, l'entourage de la personne accusée est souvent prêt à tout, même tuer, pour réparer le préjudice causé, sur la vie de l'individu condamné comme sur l'honneur de la famille.
C'est pourquoi les archives fourmillent de ce type d'affaires.
En conclusion, il faut tordre le coup à l'idée que la « chasse aux sorcières » avait un caractère systématique, aveugle et irrépressible.
Au contraire, les formes de résistance sont multiples et obligent à étudier l’accusation de sorcellerie dans toutes ses nuances.
De fait, l’accusation de sorcellerie a des conséquences terribles: elle dégrade la réputation et l’honneur d’un individu et de toute sa famille et conduit à la condamnation à mort.
Face à cette tragédie individuelle et collective, il n’y a qu’une seule perspective: résister !
* Erratum * Les lectrices et lecteurs les plus attentifs auront remarqué que Marie était fort jeune pour avoir un fils aussi grand. Une coquille s’est glissée puisqu’elle avait 29 ans, un âge « jeune », même au Moyen Âge 😉
*aider, évidemment 😇
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Pauline Meylan présente une enquête inédite sur la répression de la sorcellerie en Savoie à partir des registres des châtellenies bressanes conservés à l’@ADCO_Archivist ! Au programme une histoire matérielle de la répression: inventaires, salaire des bourreaux, prix des chaînes.
Et c’est parti pour la deuxième journée du colloque «Le crime de sorcellerie en débat» 📢🧙♀️🧙♂️
Alessia Belli de l’@unil nous parle de la construction du crime de sorcellerie en Italie du nord au début du XVIe siècle.
Avec mes recherches sur la sorcière, c’est un peu Halloween tous les jours mais, en ce 31 octobre un peu particulier, voici une histoire d'épidémie, de sorcellerie et de vindicte populaire à la fin du Moyen Âge.
Si vous n'êtes pas à #Marmande, je vais vous faire voyager dans le Sud-Ouest du royaume de France.
Les faits se déroulent en 1453 dans cette cité située sur un territoire disputé pendant la guerre de Cent Ans entre les Français et les Anglais.
La ville, comme l'ensemble de l'Agenais, ont été repris par le roi de France, Charles VII, en 1444.
Toutefois, la Guyenne voisine est longtemps en proie aux conflits. En 1453 cependant, les Anglais ont quasiment été "boutés" hors de France, à l'exception de Calais.
Joyeux #Halloween !
Avec mes recherches sur la sorcière, c’est un peu Halloween tous les jours, mais ce matin je vais partager avec vous une histoire vraie de #sorcières au Moyen Âge.
Torture, poison, balais et soupe d’araignées au menu du jour !
Tous nos esprits sont marqués par ces images de sorcières sur des bûchers, résultat d’une justice implacable et meurtrière.
Dernière cette réalité cruelle et violente de la répression de la sorcellerie, les coulisses du Moyen Âge et le secret des archives nous livrent parfois quelques témoignages d’une réalité plus contrastée.
Joyeux #Halloween !
Avec mes recherches sur la sorcellerie, c'est un peu Halloween toute l'année pour moi mais ce matin je vais partager avec vous une histoire vraie de sorcière au Moyen Âge 🕷🕸
Accusation, torture, folie et meurtre.
👉 C'est à dérouler.
@AgeMoyen@VBeaulande@medieviz@Himanis6@ArchivesnatFr Je vous préviens, c'est une histoire très violente. Avant de devenir tendance, la sorcellerie, c'est surtout une histoire de violence physique et sociale, de détresses et de constructions criminelles.
L'idée, c'est donc d'illustrer ici ce qu'était la réalité de la sorcellerie, de son accusation et la violence qui en découlait le plus souvent.