Thread by @OhOceaneOh

Mon second #MardiConseil du jour est en rapport avec le space du club lecture de demain soir. C'est une rediff de mon ancien compte, comme je ne l'ai pas encore récupéré, je remets le LT ici avant le space :) Il s'agit du récit de Guy Birenbaum, édité chez @EdBraquage 🧶⬇️

C'est parti pour le roman/récit de Guy Birenbaum #ToutesLesHistoiresSontVraies

Petit disclaimer: je lis Birenbaum depuis si longtemps que je ne vais pas essayer de le calculer vu que j'ai toujours 23 ans dans ma tête. Mais de la Plage à l'Epicerie, je crois que j'ai fait un bon bout de chemin avec lui sans qu'il le sache. Enfin, avec ses mots.

On connait l'auteur pour son travail à la radio, des essais, notamment sur le Front National et puis sa façon "vieux sage" de commenter l'actu politique, vieux sage qui est revenu de certaines choses et qui regarde les autres remettre des pièces dans la machine à buzz

C'est cette capacité à l'observation en retrait qui peut plaire ou agacer. Moi cela me plait car j'ai la sensation de peut-être comprendre d'où elle vient. Peut-être parce que la lecture de son récit "Vous m'avez manqué: Histoire d'une dépression française " m'a marquée et

qu'il a fait écho en moi à quelque chose de puissant et fort, présent depuis toujours, que ceux qui vivent ou on vécu une dépression reconnaitront. Alors j'étais curieuse de voir comment il pouvait "transformer" l'essai en roman (jeu de mot mi-sportif mi-littéraire, notez ça !)

#ToutesLesHistoiresSontVraies est un puzzle, c'est le terme parfois repris par l'auteur. Un assemblage d'instantanés d'une vie écrit de "derrière la fenêtre de la mémoire", c'est l'expression qui m'est tout de suite venue en tête.

Une fausse autobiographie où tout serait vraie, ça peut vite se révéler être un écueil, si l'auteur se contente d'égrener l'Almanach des années passées. Mais j'ai eu un bon pressentiment à l'épigraphe :)

Vous savez, ou pas ce que je pense des épigraphes ;) il faut absolument qu'ils soient bons, ça fera toujours un truc de correct à lire même si le bouquin est nul ^^ En l’occurrence l'épigraphe est bon, et le livre aussi, ouf !

C'est surtout la citation de Jay McInerney qui m'a fait plaisir. J'ai adoré le livre duquel elle est tiré ( Literary Brat Pack forever ) mais ce passage en particulier m'est revenu de temps à autre au long de ma vie, avec en écho la chanson de Léo Ferré, La Mémoire et La Mer

On sait où l'on met les pieds: dans les souvenirs d'un petit garçon de 60 ans. "Triomphe de la fiction et de l'affliction", pour reprendre ses mots, c'est ce constat qui a poussé l'auteur à prendre la plume, pour raconter autrement #ToutesLesHistoiresSontVraies

Voilà le lecteur embarqué pour un voyage dans une mémoire qui est un peu la sienne, puisque l'auteur raconte aussi le siècle passé. Pour ma part j'avais l'impression de suivre mon grand frère, qui a deux ans de moins que l'auteur, et que j'observais un peu envieuse de sa liberté

Ce roman c'est une cartographie très "Perec" de sa mémoire. La cartographie de l'anxiété en héritage. Paris, Deauville, Trouville, et puis Les Ailleurs, le livre raconte un homme depuis son enfance comme à la recherche d'un point de fixation. Chaque lieu offre un souvenir,

chaque lieu porte en lui quelque chose de plus ou moins pesant, qui fera sourire le lecteur ou au contraire qui amènera un nuage sombre à l'humeur. Le tennis, la plage, la musique, la recherche d'une personnalité, le livre est traversé de ces touchantes anecdotes qui marquent un

certain manque. Et je n'ai pas été étonnée de retrouver le Bartleby de Melville parmi les évocations. C'est comme si l'auteur nous expliquait que lui aussi, trop souvent, "préfèrerait ne pas". Mais contrairement à Bartleby, il a fallu faire, il a fallu avancer, expérimenter et

parfois s'en mordre les doigts. Les pages sur la vérité, la participation au brouhaha médiatique, reflètent bien ce que l'on sait de l'auteur: il n'y a plus de trahison. Mais ce qui m'a le plus touché, c'est forcément le tableau familial de ce mystérieux héros :)

Tauba et Rywka, la mère et la grand-mère. L'angoisse, l'anxiété, les joies contenues, la tristesse qui emporte parfois un peu trop. Je m'en veux car depuis 3 jours j'essaie de me rappeler d'un poème, russe je crois, où il est question de murs qui absorbent l'être,

un poème qui raconte une sorte d'enfermement où l'on comprends que hors ces murs, le corps ne saurait plus vivre. J'ai immédiatement pensé à ce poème, très dur, en lisant l'histoire de Rywka, et son enfermement, cachée pendant l'occupation en plein Paris.

C'est comme si ces mois d'angoisse avaient infusés dans la famille. L'enfermement dans la peau. Alors la tendresse de la mère et de la grand-mère se manifeste par une excessive prudence, par de multiples attentions, la protection de ces femmes au-dessus de l'enfant, même grand :)

Il n'y a pas que la mélancolie, rassurez vous ! La musique, McCartney évidemment, Police, et même un peu Trenet ! D'ailleurs je tiens à dire que Robert à raison: Trenet ça vaut bien du rock, sinon comment Taha aurait pu faire une si bonne reprise :)

Il revient à sa mémoire le gefilte fish de sa grand-mère et Steve McQueen déjà :) des souvenirs comme des polaroïds

La photo est au cœur du livre, et ce passage, sur une anecdote où le héros mystérieux se rend compte un jour qu'il a photographié un événement raconté 30 ans plus tard par quelqu'un d'autre, est caractéristique de la démarche de l'auteur :

Je vais convoquer Haruki Murakami qui dira bien mieux que moi ce que j'ai ressenti à cette lecture : "La vue était si impressionnante qu'elle donnait envie de la découper avec des ciseaux pour la punaiser au mur de sa mémoire."

C’est ce que fait Guy Birenbaum, il a pris dans le temps présent des photos, sur les lieux mêmes qui ont traversé des vies, pas uniquement la sienne propre, et chacune de ces photos est punaisée au mur de sa mémoire.

La mémoire c’est le rêve. On l'invente avec les souvenirs et avec ce que nous sommes devenus, ou ce que nous aurions voulu être, dire, faire, à CE moment précis.

J'ai vécu cette lecture comme une invitation sur une île lointaine où un naufragé aurait rassemblé ce qui lui reste, récupérant des caisses flottant sur la plage. Entre la tendresse d'un inventaire à la Prévert et le bouleversant d'un épuisement à la Perec, on sort de ce livre

avec des impressions, au sens photographique du terme, des impressions de couleurs, de gouts presque. Les bleus, les oranges, la dame en rouge, les ciels entre rose et bleus et puis la nostalgie de quelque chose que l'on n'a pourtant pas connu.

Quelque chose qui ne restera pas "lettre morte".

#ToutesLesHistoiresSontVraies aux
@EdBraquage