Thread by @JoaoGwadloup

#ColoradoSprings j'ai vu des débats sur l'identité sexuelle et de genre du suspect sur les réseaux.

Des LGBT refusent catégoriquement l'idée que le tireur présumé ne soit pas un classique mec hétéro.

Vrai ou faux, peu importe mais au-delà de ce gars, il y a un truc à penser🔽

Les minoritaires en genre/sexualité sont pris dans des conflits de loyauté:

-envers famille, religion, idéal national (c'est pas mal documenté)

-mais aussi vis-à-vis des communautés queer organisées autour de sociabilités, de politique, et ça même sans forcément les fréquenter

Même en se tenant à l'écart de ces milieux, il me semble* que les espaces/personnes queer relativement médiatisés sont une "référence" par rapport à laquelle se définir (avec ou sans; pour ou contre)

*bcp de choses me font avoir cette hypothèse-là, mais trop long à détailler ici

Je pense aux expressions type "un gay hors milieu", ou aux discours sur la "communauté qui n'existe pas" etc.

Ce sont des exemples de propos qui, tout en manifestant un écart par rapport à ces "références", voire une hostilité, se positionnent au fond *par rapport* à elles.

L'enjeu est là:

ce que ces espaces/personnes queer relativement médiatisées *représentent*, bien au-delà de leurs objectifs et intentions, sans reflet de leur pluralité, n'est pas vécu de la même façon par tous les minoritaires (qu'ils s'identifient ou pas, soient "out" ou pas)

et, pr satisfaire le premier niveau de conflits de loyauté (famille/religion et par religion j'entends pas juste "croyances" ms environnement organisé autour de modes de vie), il peut avoir chez des minoritaires l'envie de manifester une hostilité à ce qui "représente" les queers

Bien sûr, ça ne pousse pas tout le monde à tuer/agresser.

Mais l'idée c'est qu'il y a tout un tas de performances de loyauté pour des minoritaires évoluant en contexte très hostile, qui consistent à se distinguer des "représentations" queer, en validant leur diabolisation.

J'ai des exemples précis qui renvoient à l'église évangélique:

j'ai vu comment pour se protéger de soupçons, des gens ont exposé à des pasteurs des queers plus facilement "visibles" ou"identifiables" qu'eux.

C'est "livrer" un potentiel queer pr performer la loyauté au groupe.

Ce n'est pas juste une question de "mal-être".

La performance de loyauté peut avant tout signifier un désaccord politique ou religieux, un conflit de classe avec la *représentation* dominante très urbaine et élitiste etc.

L'essentiel, elle dit : "je ne suis pas de ceux-là".

J'insiste, car souvent on entend parler "d'homos refoulés"...

Bon pourquoi pas, mais (à mon avis, donc à voir) cette approche décrit une portion des gens, mais échoue à comprendre la logique générale des performances de loyauté, en la psychologisant à outrance.

Puis ça fait un partage entre les LGBT qui vont mal et ceux qui vont bien en fonction de leur intégration ou non à ces espaces de sociabilités ou de politiques (rhétorique de se "réaliser" en y allant)

Or bcp peuvent être à fond "dans les milieux" et rester dans le "mal-être".

Bref pr conclure sur l'idée de départ:

-les gens qui se savent minoritaires (qu'ils s'identifient à LGBT/queer ou pas; qu'ils aient eu des expériences ou pas; qu'ils transitionnent ou pas) naviguent *TOUS* dans des conflits de loyauté, mais ont des moyens/stratégies différents.

-l'une des stratégies (qu'on aurait, je crois, tort d'associer mécaniquement aux classes subalternes, ms qui, faisons l'hypothèse, renvoie à des gens vivant des contraintes de groupes fortes, mm en étant bourges, blancs etc) est de performer sa loyauté au groupe contre les queers

- cette performance de loyauté requiert de s'en prendre à quelque chose de communément admis comme symbolisant "les LGBT/queers", sinon le geste n'est pas intelligible, donc à ce qui en est une *représentation*

(par ailleurs très réductrice sur les enjeux de cette condition)

- en plus de dire sa loyauté au groupe, s'en prendre à ce qui *représente* les LGBT/queer consiste aussi à affirmer que le problème c'est eux, que ce sont leurs expressions, sociabilités, militantisme qui causent la violence.

Pas l'hétérosexisme (et encore moins le capitalisme)

Donc voilà, le suspect de la tuerie de Colorado Springs, serait-il "refoulé" ? Oui, non, on verra.

Mais l'essentiel c'est de comprendre au-delà de lui comment les minoritaires sont joués les uns contre les autres par un contexte hostile, surtout en période d'offensive réac.

ps : plusieurs camarades font référence, à raison, au fait que les doutes sont liés à ce qui pourrait n'être qu'une stratégie de défense (de même que d'autres le font avec la santé mentale), et c'est vrai que pour ce *cas* précis ça peut relever de ça

malgré tout, je pense comme annoncé dès le premier tweet, qu'au-delà de lui, la logique générale des performance de loyauté de minoritaires contre ce qui pour eux représente "les queers" mérite vraiment qu'on s'y attarde

non pas que le sujet soit nouveau, ou que ça ne se retrouve pas pour d'autres situations d'oppressions (ex : le racisme) mais il me semble qu'il y a des particularités liés à la minorisation numérique pour les queers, ce n'est pas qu'une marginalisation sociale

plus le fait de se construire comme un "groupe" éclaté (contrairement au racisme où malgré certaines situations - adoption par ex, isolement territoriale - la construction comme noir se vit d'emblée avec un terrain partagé avec d'autres noirs : ta mif, ton quartier ds la mesure

où il y a une ségrégation spatiale; l'emploi aussi, relativement, vu qu'il y a une division raciale du travail

donc meme si tout ça existe aussi sur d'autres questions, il y a des spécificités queer à (re)penser

je pense par exemple que ce n'est pas pareil d'analyser les conflits de loyauté de minorités en genre et sexualité avant et après l'affirmation plus homonationaliste et de récup libérale/marchande des questions queer, place de ses questions ds la rhétorique impérialiste etc