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Dec 1 34 tweets 6 min read
Bonjour à tous,

De retour au procès de l'attentat du #14Juillet 2016 à Nice. C'est aujourd'hui le dernier jour de plaidoiries de parties civiles avant le réquisitoire des avocats généraux prévu mardi.
C'est Me Sylvie Topaloff qui plaide la première aujourd'hui : "Ce n’est pas une affaire de loup solitaire. D’ailleurs il n’y a jamais de loup totalement solitaire. Ce n’est pas un fait divers."
Me Topaloff : " Ce n’est pas l’histoire d’un homme isolé, délirant. L’attentat est pensé, organisé. Et pour finir réalisé."
Me Topaloff : "C’est dire s’il s’inscrit dans la propagande hypnotisante de Daech. Propagande qui en 2015-2016 est à son paroxysme, elle n’est plus réservée à un cercle privé. Vous pouvez le faire, vous devez le faire dit la propagande de Daech."
Me Topaloff : "il va choisir le jour de la fête nationale et ce ne serait pas un acte terroriste? Parce qu’il n’aurait pas crié Allah Akbar? Il est gorgé de vidéos djihadistes. Il baigne dans cette sous-culture qui désigne l’autre comme un ennemi légitime de faire disparaître."
Me Topaloff : "ses proches ne peuvent pas voir qu’il se radicalise. Vite, violemment. Ce qu’il a fait est horrible. Il n’y a plus de mot. En quelques minutes il tue, il terrorise, il détruit des vies. Mais il ébranle une civilisation."
Me Topaloff : "le mensonge ce n’est pas un délit, c’est même un droit. mais dans cette affaire, le mensonge s’est diffusé de partout, même là où il n’avait aucun sens. Le coût de cette stratégie est lourd. Les victimes se sont senties blessées, offensées par ces mensonges."
Me Topaloff : "je suis arrivée tard dans ce dossier. Je dois à la vérité de dire que quelque chose m’avait échappé. Je pense que nous avons tous une dette à l’égard des Niçois. Leur malheur n’a pas touché la conscience collective."
Me Topaloff : "comme si notre capacité d’empathie avait été toute entière absorbée par les attentats du 13 novembre. Nous avons vite tourné la tête et regardé ailleurs. parce que c’était déjà les vacances. Parce que c’était insoutenable, ces enfants morts."
Me Topaloff : "parce que personne n’a pris la plume pour dire “Vous n’aurez pas ma haine”. Je me dits que les Niçois ont dû se sentir relégués et d’une certaine façon méprisés."
Me Topaloff : "pour autant ce n’est pas l’extrême sévérité d’un verdict qui sanctionnera ce qui a été manqué. Il n’y a personne pour répondre de l’acte criminel. Il faut vivre avec ce vide. "
Place à la plaidoirie de Me Claire Josserand-Schmitt qui, en quelques mots, revient sur les histoires des 14 victimes qu'elle représente. Cette mère de famille "d'origine très modeste. Alors ce voyage pour ses filles ce sont des mois d'économie".
Me Josserand-Schmitt dans a plaidoirie évoque cette femme "enceinte de 8 mois et qui le lendemain a donné la vie que vous imaginez extrêmement difficiles." Ce jeune homme "qui s’intéresse aux accusés, aux chances qu’ils avaient eu d’avoir accès l’éducation, à la musique."
Me Josserand-Schmitt : "mais il y a une idée que mes clients détestent : c’est celle de faire partie d’une masse. Les victimes sont si nombreuses que leur nom n’aura même pas eu le temps de sombrer dans l’oubli : quels noms?"
Me Josserand-Schmitt : "au départ, on a dit aux victimes que l’assassin était un terroriste. Et puis l’enquête a révélé que l’assassin ne ressemblait pas aux djihadistes que l’on rencontre habituellement dans ces salles d’audience."
Me Josserand-Schmitt : "un homme dont la fascination pour la violence précédait de loin celle pour l’Etat islamique. Moi j’ai du dire à mes clients que ce dossier ne ressemblait en rien aux dossiers auxquels je suis habituée. Je me suis autorisée à leur confier mes doutes."
Place à Me Aurélie Cerceau : "avez-vous vu leurs regards? Ces regards épouvanté en voyant ce mur blanc foncer sur eux? Ces regards anéantis après son passage ? Les regards pétrifiés des survivants quand ils ont ouvert les yeux sur l’impensable ?"
Me Cerceau : "vous avez décidé de montrer les images de l’attaque. Ceux qui les ont vues ont tous été happés par leur intensité. La réalité est fixée à jamais. Nous en sommes tous les témoins. Elle est fixée pour leur histoire à tous. Et leur histoire à eux."
Me Cerceau : "vous n’oublierez pas la photo de cette petite fille restée affichée ici, sur tous les écrans. Vous n’oublierez pas cet homme ou cette jeune femme qui, en un instant, ont perdu toute leur famille."
Me Cerceau :"j’ai vu mes confrères de part et d’autre tourner le regard pour qu’on n’y surprenne pas leurs larmes. Je vous ai vus, mesdames et messieurs de la cour, pris par cette émotion si envahissante qu’il vous est arrivé, parfois, d’être incapable de reprendre la parole."
Me Cerceau : "mais nous n’avons pas le droit d’être aveuglé. La justice ne doit pas être l’arme de la colère, de la douleur ou du chagrin. Elle ne doit pas être la réponse à l’émoi. Elle est la condamnation pour ce qu’on a fait. Et pas autre chose."
Me Cerceau : "aucun homme ne peut être condamné pour absorber la douleur, même bien réelle. "
Me Juttner plaide à son tour : "ce sont les faits qui ont fait de ce procès un procès que l’on appelle aujourd’hui communément un procès hors norme. 450 blessés physiques, plus de 2500 blessés psychologiques. Des milliers de vies brisées. Ces chiffres font autorité."
Me Juttner : "être victime de l’attentat de Nice pour les Niçois c’est devenir orphelin de sa ville. Les Niçois sont amoureux de leur ville. Le soleil de Nice a imprégné cette salle d’audience. Mais pour les victimes, Nice est à jamais perdue."
Me Juttner : "certains l’ont quittée, d’autres y sont restés mais la voit désormais comme le cimetière qu’elle est devenue ce 14 juillet. La Promenade est Nice et Nice est la Promenade. Pour les Niçois, leur ville n’est plus."
Place aux plaidoiries pour les associations de victimes. Me Rajon pour l'association Promenade des anges, "trois mots qu'on a envie de chuchoter, à voix basse, comme on parle à un nouveau-né, un enfant à qui on sourit, à qui on souhaite la bienvenue dans le monde des vivants".
Me Rajon : "Promenade des Anges, trois mots pour dire que même après avoir été frappé par un attentat, il est possible de se tourner vers les autres, d'être acteur."
Me Virginie Leroy, également avocate de l'association Promenade des Anges plaide à son tour : "l'association a eu le courage de porter des combats devant votre cour dans un procès qui a été délaissé, comme si personne n'en voulait, avec peu de presse, peu de public".
Me Leroy : "il y a eu un pas de fait : admettre que l'organisation aurait pu ou aurait du être différentes. Et je dois saluer la sincérité de monsieur Philippe Pradal [ancien maire de Nice, ndlr]"
Me Leroy poursuit au sujet du témoignage de Christian Estrosi : "on ne peut pas se dire proche des victimes et ne parler que de soi. Ce n'est pas à la hauteur de ce procès, à la hauteur de la qualité des débats qui s'y sont tenus, à la hauteur des parties civiles".
Me Leroy : "ce qu'il faut retenir de cette audience c'est qu'elle a renforcé les liens déjà fusionnels entre les membres de l'association Promenade des Anges. J'y ai vu de la volonté de s'en sortir. Et c'est un joli message d'espoir pour l'avenir".
Me Laura Ben Kemoun, avocate de l'association Fenvac "association créée en 1994 par des victimes pour les victimes", plaide à son tour : "la Fenvac est souvent la première à se constituer partie civile dans les instructions. Elle est devenue un précieux interlocuteur."
Me Ben Kemoun : "la Fenvac cherche constamment à améliorer la prise en charge des victimes.
Pendant trois jours et trois nuits d'horreur, les membres de la Fenvac se sont relayés pour ne jamais lâcher la main des victimes."
Me Ben Kemoun conclut sa plaidoirie sur un souhait : "qu'après le temps de la justice survienne un jour, doucement, le temps de la rémission."

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Nov 29
Bonjour à tous,

Palais de justice de Paris. Salle Vedel.
Depuis la semaine dernière s'y déroule le procès en appel d'Ayoub El-Khazzani, assaillant du Thalys en août 2015.
En 1ere instance, le marocain de 31 ans au moment des faits, a été condamné à la réclusion à perpétuité.
Au procès en appel aujourd'hui, la cour d'assises spécialement composée entend les parties civiles.
Notamment les Américains, militaires en vacances en Europe, qui ont neutralisé le terroriste.
LT à suivre de leurs témoignages.
Spencer Stone s'avance à la barre. Chemise à carreaux, pantalon noir, il regarde longuement l'accusé dans le box.
"Je m'appelle Spencer Stone, j'ai 30 ans, je suis étudiant"
Président : "vous n'êtes plus militaire?"
- non, je ne suis plus dans l'armée.
Read 36 tweets
Oct 26
Bonjour à tous,

De retour au procès de l'attentat du #14Juillet 2016 à Nice. Aujourd'hui, la cour doit entendre les proches du conducteur du camion, Mohamed Lahouaiej Bouhlel.
A noter que son ex-femme, elle, ne sera pas entendue, pour raisons médicales
Mohamed Mondher, père de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, s'est avancé à la barre. Il est venu de Tunisie, où il vit, pour être entendu. Il s'exprime en français.
"Qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur cette affaire ou sur votre fils?" interroge le président.
Mohamed Mondher : "je n'avais plus de relations avec lui, ni par téléphone. On a seulement appris le jour du drame que c'était lui".
Read 66 tweets
Oct 25
Bonjour à tous,

Pas de LT d'audience aujourd'hui, mais un retour sur l'arrêt civil du procès #V13 rendu ce matin.
L'enjeu de cet arrêt était de statuer sur les plus de 120 personnes dont la constitution de partie civile était contestée par le parquet national antiterroriste.
La cour s'est donc penchée sur ces questions : une personne arrivée après les attaques mais traumatisée par ce qu'elle a vu est-elle, judiciairement parlant, victime de terrorisme? Et les "témoins malheureux"? Et les habitants de la rue du Corbillon à Saint-Denis?
Dans un arrêt de 209 pages, elle a donc tranché et motivé ces demandes de constitutions de parties civiles jugées contestables.

Cet arrêt peut faire l'objet d'un appel du parquet et n'est donc, pour l'instant, pas définitif.
Read 7 tweets
Oct 24
Bonjour à tous,

Aujourd'hui, petit tour devant la 15e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris.
Au 2e étage, dans une salle déjà bien remplie, s'apprête à se tenir le procès de Jean-Marc Morandini pour "corruption de mineurs".
L'audience débute. Jean-Marc Morandini est invité à s'avancer à la barre pour décliner son identité : "Jean-Marc Morandini, né le 5 août 1965 à Marseille".
La présidente lui rappelle les faits pour lesquels il comparaît, en l'occurrence sur trois mineurs différents. Pour l'un "en lui faisant visionner des scènes dans un contexte de violence, en lui demandant de se dévêtir, en le photographiant nu et en lui demandant de se masturber"
Read 122 tweets
Oct 20
Au procès de l'attentat du #14Juillet à Nice, c'est aujourd'hui que sont prévues les auditions de Christian Estrosi, à l'époque adjoint à la sécurité de Nice et du maire de l'époque, Philippe Pradal.

Les enjeux sont à retrouver ici > radiofrance.fr/franceinter/po…
Mais avant, ce matin, place au témoignage d'autres victimes.
"Dans quel pays perd-t-on toute sa famille en une soirée?", interroge en larmes, Cindy à la barre. "Six membres d'une même famille sont morts sous les yeux de mon beau-papa".
Puis, Cindy poursuit : "dès lors qu'on n'a pas installé des pots béton sur la Promenade des Anglais ce soir-là, on est coupable. Dès lors qu'on a validé ce plan de sécurité, on est coupable. Je n'accepte pas les excuses de la mairie de Nice."
Read 76 tweets
Oct 18
Bonjour à tous,

De retour au procès de l'attentat du #14Juillet 2016 à Nice notamment pour les auditions ce matin des policiers primo-intervenants.
Magali Cotton, policière qui a tué le terroriste au volant de son camion est la première à s'avancer à la barre.
La policière de 39 ans est très éprouvée, elle prend quelques minutes puis débute son témoignage.
Le #14Juillet j'étais de service. "On était deux équipages sur la Promenade des Anglais. Clément, Gaétan et moi étions à pied, en grande partie dans la foule."
Magali Cotton : "à la fin du feu d'artifice. Il y a un mouvement de foule, on voit des gens paniquer, courir. Donc avec mes collègues, on remonte le mouvement de foule. Et là, on voit un gros camion blanc qui arrive sur nous. On ne comprend pas très bien."
Read 64 tweets

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