Le déclin des #insectes : évidences et état de l'art. Pour près d'un million d'espèces d'insectes décrites, il en reste quatre autres millions à découvrir. Les preuves d'un déclin hétérogène de cette classe d'Invertébrés. Les polémiques aussi. Un thread 🧶 chitineux.🦋🦗🐜🪳🐝
Vous avez peut-être souvenir de la publication de Hallmann et al. (2017) concernant la biomasse d'insectes dans les aires protégées allemandes, pointant un déclin saisonnier de 76%, et de 82% sur les relevés estivaux en 27 années de comparaison.
Cette publication avait fait l'objet d'une vive couverture médiatique, et de nombreuses critiques également. Le co-auteur Dave Goulson, dans son livre "Silent Earth", revient sur la genèse de cette publication et les critiques qui accompagnèrent sa parution.
Certes, la biomasse totale collectée n'est pas un critère des plus robustes. En effet, il n'y avait point de comparaison relative de la biomasse selon l'abondance et la richesse spécifique des insectes collectés - en bref, il y a-t-il des années à gros ou petits insectes ?
De plus, les sites naturels ne sont pas suivis avec la même fréquence, et certains sont tout simplement visités une seule fois en 27 ans ! De quoi laisser sceptiques plusieurs scientifiques sur la pertinence des analyses statistiques relayées dans cet article.
Pourtant, l'étude de Hallmann et al. (2017) est loin d'être isolée, et ne fait que rejoindre une cohorte de publications pessimistes sur l'évolution de l'abondance des populations d'insectes à l'échelle mondiale. Au point que certains auteurs parlent de #insectageddon !
D'abord, ce papier n'est pas une étude isolée de Hallmann et al. qui en 2019 ont réitéré avec l'évolution de l'abondance d'insectes dans deux réserves des Pays-Bas. Et la baisse est là, hétérogène selon les taxons, mais bien là.
Ce n'est pas la seule étude pointant du doigt le déclin d'un taxon d'insectes sur une aire géographique plus ou moins grande. Prenons par exemple Wepprich et al., 2019 : l'abondance totale en papillons de l'Ohio décline au rythme de 2 % / an.
Même constat sur les Papillons pour Strien et al. (2019) au titre équivoque "Over a century of data reveal more than 80% decline in butterflies in the Netherlands".
Il s'agit ici d'un déclin observé de la richesse spécifique en papillons.
Même les populations emblématiques comme le Monarque (Danaus plexippus) et ses volées innombrables nord-américaines sont concernées ! (Semmens et al., 2016). nature.com/articles/srep2…
Une situation hétérogène suivant les taxons étudiés, certes, mais qui demeure préoccupante, comme le souligne l'article de Dirzo et al. (2014) :
Mais qui peut aussi varier selon les aires géographiques et taxons étudiés, en raison d'une forte hétérogénéité des facteurs biotiques et abiotiques influençant. Shortall et al. 2009 montrent qu'un seul site sur quatre 🇬🇧 présente un déclin d'abondance !
Aussi une polémique apparaît régulièrement entre auteurs, dès lors que deux camps s'affrontent par papiers interposés : les tenants d'une apocalypse des insectes, et ceux beaucoup plus modérés dans leur analyse consentie d'un déclin mondial des Insectes.
Parlons de l'analyse de #Statista reprenant les données de Sánchez-Bayo et al. (2019) : "Our work reveals dramatic rates of decline that may lead to the extinction of 40% of the world's insect species over the next few decades".
Glaçante situation, cependant, l'article de Sánchez-Bayo et al. (2019) attire également les critiques, notamment celles de Thomas et al. (2019) au titre équivoque de : “Insectageddon”: A call for more robust data and rigorous analyses.
Pour Thomas et al. (2019), les déclins d'Insectes sont une réalité, mais leur disparition est peut-être quelque peu exagérée par des interprétations biaisées et des méthodes d'analyse manquant de robustesse.
Par exemple, les fluctuations d'abondance sont issues d'analyses sur de courts intervalles, sans réelle idée concernant les fluctuations à l'échelle d'un siècle entier. Sont-elles alors significatives ?
De nouveau, le problème des données interprétées en biomasse et manquant d'informations sur les richesses spécifiques affaiblissent selon eux les analyses et conclusions apportées.
Exagérer la situation sur la base de données incomplètes et potentiellement biaisées peut générer une attention à court terme nécessaire, mais cela pourrait finalement se révéler improductif s'il s'avère par la suite que certaines des affirmations ont été exagérées.
Car c'est tout le problème actuel : sur la base de ces rapports et articles scientifiques, la communauté entomologiste appelle à une prise de conscience et des actions immédiates (Forister et al., 2019).
Prenons l'exemple de la méta-analyse de Klink et al. (2020) parue dans la revue Science, et qui montre une contradiction entre déclin des insectes terrestres (-9% / décade) et hausse des insectes aquatiques (+11 % / décade).
Cette méta-analyse a fait coulé beaucoup d'encre auprès des entomologistes, à tel point que Science a publié une critique argumentée décortiquant au peigne fin ... toutes les études prises en compte dans la méta-analyse ! Un travail de fourmi.
Le commentaire de Desquilbet et al. (2020) est bien tranché : "We call for more rigorous methodology to be applied in meta-analyses of ecological data". Il faut dire que leur impitoyable relecture note 113 études mal utilisées ou mal interprétées par Klink et al. !
Le papier de Desquilbet paru dans Science est d'ailleurs disponible ici :
L'affaire a fait l'objet d'un article du CNRS qui conclue : "Si la science minimise à tort la crise de la biodiversité, il ne sera pas possible d’espérer mettre en place des politiques protégeant les espèces à la hauteur des pressions qu’elles subissent"
Dave Goulson dans son ouvrage "Silent Earth" dont je recommande la lecture s'appuie également sur les travaux de Seibold et al. (2019) : "In annually sampled grasslands, biomass, abundance and number of species declined by 67%, 78% and 34%, respectively."
Problème, ces polémiques ont un effet pervers sur la compréhension du débat. Elles laissent à croire que le déclin des Insectes est un sujet de recherche encore soumis à incertitudes, qu'il n'existe nul consensus mais une polémique entre scientifiques.
Prenons un rapide dernier exemple, en 2018, Lister & Garcia montrent dans PNAS l'effondrement en cours d'une cascade trophique impliquant le déclin des Arthropodes et de leurs prédateurs, en relation avec le changement climatique actuel.
Or cet article fait l'objet d'une critique de Willig et al. (2019) aussi parue dans PNAS qui détricote complètement les conclusions de Lister et al. (2018).
On pourrait donc croire à une exagération de scientifiques partisans de #insectageddon et les railleries adéquates fuseraient alors sur les réseau sociaux. Cependant !
Cependant Lister & Garcia (2019) rétorquent fermement, toujours dans PNAS, que les arguments de Willig et al. ne se tiennent pas, et enfoncent le clou analyses statistiques à l'appui ! C'est musclé, mais ça joue.
Imaginez un instant le résultat sur le grand public face à ces polémiques et les inévitables titres fracassants des médias en ligne. Un jour, les insectes sont en déclin. Le lendemain, c'est réfuté !
Alors que non, soyons clairs, les Insectes sont bien en déclin mondial, et même si les éléments quantitatifs exacts peuvent faire débats méthodologiques, les évidences sont suffisamment étayées.
Les causes de se déclin se questionnent alors immanquablement. Sujet tout aussi épineux, et qui fera peut-être l'objet d'un autre thread. En attendant, méfions-nous des discours relativisant le déclin actuel de la biodiversité, critiquer ne doit pas nier.
Addendum : "Silent Earth" de l'entomologiste Dave Goulson est un ouvrage assez engagé, mais passionnant à lire, j'en recommande la lecture. L'auteur est aussi à lire ici dans son analyse critique de cette perte de biodiversité :
Les boules de graisse sont souvent achetées par les particuliers souhaitant nourrir les oiseaux en hiver. Mais sont-elles sans danger pour eux ? Dans ce 🧶je vous propose quelques conseils si vous souhaitez en disposer cet hiver pour les oiseaux du jardin 🐦⬇️
Nourrir les oiseaux du jardin en hiver séduit de plus en plus de citoyens. La vente de boules de graisse dans les magasins de jardinage est ainsi en plein essor. En effet, elles sont très prisées des particuliers car vendues prêtes à l’emploi dans de nombreux magasins.
Mais si la meilleure solution consiste à fabriquer ses propres boules de graisse, peu d’amoureux de la nature y consacrent le temps nécessaire. C’est pourquoi bon nombre de jardiniers se contenteront d’acheter ces boules de graisse industrielles.
Nourrir les #oiseaux 🐦 en hiver et risques de transmissions de maladies 🧶
Vous êtes nombreux à me mentionner sur l'influenza aviaire #IAHP et les risques pour les passereaux à la #mangeoire. Faut-il les maintenir ? Un fil s'impose sur les pathogènes fréquents et l'hygiène.
Commençons par présenter quelques pathogènes courants que les oiseaux peuvent contracter en se nourrissant à la mangeoire. Etant fréquentées par bon nombre d’oiseaux, les mangeoires sont aussi des lieux de propagation des parasites et maladies. Il convient de le savoir !
Mycoplasma gallisepticum est une bactérie mollicute fréquente chez les espèces sauvages ou d'élevages. La mycoplasmose, maladie respiratoire, fait l'objet d'attentions vétérinaires pour les animaux domestiques. Mais pour les oiseaux sauvages, la mortalité est variable.
Le saviez-vous ? En France, la Commission de l'avifaune française (CAF) est un organisme regroupant des représentants du MNHN, de la LPO, de la Société d’Études Ornithologiques de France (SEOF) et de l'OFB. Elle est en charge de la Liste des Oiseaux de France (LOF) #ornitho
Cette liste, qui s'appuie sur le Nouvel Inventaire des Oiseaux de France (NIOF), est un document de travail à ne pas confondre avec les différents atlas des oiseaux nicheurs régionaux ou nationaux, ou encore le récent atlas des oiseaux migrateurs de France.
La LOF est régulièrement mise à jour (NOF1, 2012) (NOF2, 2014), (NOF3, 2017). La NOF4 vient de paraître quant à elle dans la revue Ornithos (2022), 29-5, 265-306.
Le très bon livre de Raphaël Mathevet et Roméo Bondon, "Sangliers, géographies d’un animal politique", poursuit sa promotion dans les médias et le journal du CNRS nous en livre un ITW. C'est l'occasion de parler plus longuement du 🐗 et de #chasse🧶 (1/n)
Bref rappel historique : sous le Premier Empire et jusqu'au milieu du XIXème siècle, les campagnes sont considérées comme surpeuplées (Fabre, 2017). (2/n)
Conséquence de l'exploitation intensive des surfaces agricoles disponibles, la surface forestière connaît en 1820 son minimum historique avec seulement 12% du territoire boisé. (2/n)
Le 3 novembre 1832, Darwin visite enfin Buenos Aires ! La géométrie du plan de la ville en "quadras" (cuadras) le marque immédiatement. Cette cité, fondée par les Espagnols en 1535, avait dans ses origines une certaine vision humaniste et moderne de l'époque. #VoyageDarwinBeagle
C'est l'occasion pour Darwin d'admirer les maisons de la cité, avec leurs toits plats servant de terrasse en été et leurs coquettes petites cours. "les bâtiments forment un ensemble d'une grande beauté architecturale" note-t-il.
Mais derrière cette beauté, "il suffit d'une promenade pour s'expliquer l'horreur de Buenos Aires qu'expriment les quelques Anglais qui résident ici". Mais derrière le charme, l'horreur. Darwin passe devant l'abattoir public, qui en cette époque est d'une cruauté sans nom.
La #chasse permet-elle de réguler efficacement les populations de #sanglier ? Difficile de répondre à cette question, néanmoins dans ma recherche biblio actuelle, je note le travail de Quirós-Fernández et al. (2017) sur les populations de Suidés des Asturies (Espagne). (1/11)
Pour le moment, de la biblio consultée, je trouve que la chasse de loisirs fournirait bien un service aussi bien aux écosystèmes qu'à la société en intervenant sur le contrôle des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts. (2/11)
Reste l'épineux problème de quantifier ces services de régulation, point sur lequel en substance tous les auteurs semblent s'accorder pour dire "prudence, c'est pas si évident que cela, et difficile à mesurer". (3/11)