Bonjour à tous,
Au procès de l'incendie de la rue #Erlanger, les victimes continuent à se succéder à la barre.
Ce matin, Bénédicte, 33 ans, alors habitante du 7e étage depuis 5 ans.
"Cette nuit-là, je me suis couchée tôt. J’ai été réveillée une 1ere fois par une dispute."
Bénédicte : "j’ai entendu des menaces de mort et de la vaisselle qui tombait dans la cour intérieure. Ca semblait assez violent. Puis ça s’est calmé et j’ai réussi à me rendormir."
Bénédicte : "jusqu’à ce que je sois réveillée une seconde fois d’un sommeil assez profond."
Très émue, elle s’interrompt.
"Au loin, j’ai entendu des cris, des alarmes incendies mais assez lointains. J’ai allumé la lumière et j’ai vu de la fumée noire partout."
Bénédicte : "j’ai d’abord essayé d’ouvrir la porte d’entrée pour voir si je pouvais en sortir. Une épaisse fumée, assez brûlante, m’a sauté au visage. J’ai regardé par ma fenêtre pour voir les possibilités. Je commençais à étouffer dans mon appartement."
Bénédicte : "j’ai pris un torchon humidifié que j’ai entouré de mon visage.
Ma plus grande peur dans la vie c’est le vide. Mais j’ai enjambé la rembarde et j’ai longé la corniche d’une trentaine de centimètres de largeur jusqu’au bout de l’immeuble, au coin."
Bénédicte : "Je me suis agrippée à la rambarde d’une fenêtre et l’autre main à la corniche."
Elle mime à la barre.
Je me suis assises les pieds dans le vide. Et là, c’était terrible. Je me retrouve face à cette courette, face à la détresse de tout le monde. Une scène de chaos."
Bénédicte : "j’avais vue sur la tour Eiffel qui s’est mise à briller à ce moment-là, c’était un contraste saisissant. J’avais vue au loin sur des immeubles de la rue Michel-Ange où des habitants me disaient de ne pas sauter et que les pompiers arrivaient."
Bénédicte : "j’ai envisagé d’appeler mes parents parce que mon téléphone portable se trouvait dans mon sac à main. Mais je me suis dit que je pouvais pas leur faire ça. Je leur aurais dit quoi ? “Allo Papa, Maman, je suis au 7e étage et les pompiers n’arrivent pas?”
Bénédicte : "je voyais mon voisin Mathieu accroché à sa rambarde du 6e étage, suspendu dans le vide.
Puis en baissant les yeux, j’ai vu un corps au sol. C’était celui du jeune Adel."
Bénédicte : "puis j’ai vu un pompier au 5e étage. Je lui ai dit : “eh oh, je suis là”. Et là, j’ai vu son regard, il avait peur. Il a juste dit : “oh putain”. A ce moment-là, je commençais à recevoir des flammèches sur moi. Un pompier m’a fait descendre par une échelle."
Bénédicte : "la suite n’a pas été évidente. J’ai souhaité reprendre mon travail très rapidement parce que c’était ma seule stabilité dans ma vie. En plus de devoir se reconstruire, il faut aussi tout recommencer à zéro. On n’a plus rien."
Bénédicte : "il faut tout racheter, de la petite cuillère, au sel au poivre, tout ce que vous toucher chez vous, il faut se le réapproprier. Et puis, il y a une certaine honte et culpabilité de ne pas avoir pu aider. On se refait le film souvent."
Bénédicte : "Il me reste le bruit du feu. Il y a aussi le son des personnes qui sont en train de mourir. C'est comme un râle de quelqu'un à bout de souffle, qui souffre. Je ne peux pas vous le décrire précisément. Mais je ne le souhaite à personne."
Bénédicte: "si je suis là aujourd’hui, c’est que j’ai besoin de comprendre. J’avais besoin de voir la tête d’Essia B., son visage parce que je ne l’avais jamais rencontrée auparavant. Je souhaite que justice soit fait et qu'elle ne puisse plus représenter un danger pour personne"
Une photo de l'immeuble est projetée. On découvre la corniche de 30 à 40 centimètres, au 7e étage sur laquelle Bénédicte a passé une heure.
A gauche de l'endroit où elle se trouvait : la rambarde d'une fenêtre, à droite : le vide.
Bénédicte : "le feu était vraiment très près de moi. Je recevais des flammèches sur moi et aussi des matériaux brûlants. J'avais très peur parce qu'il y avait de la fausse fourrure sur la capuche de mon manteau et je me suis dis : si ça prend feu, c'est fini."
Au tour de Coralie, ancienne habitante du 6e étage, 23 ans à l'époque, raconte comment elle s'est d'abord réfugiée chez ses voisins en passant par les fenêtres.
"Par réflexe, on s’est dit qu’on allait se mettre dans la salle-de-bain parce que c’est un endroit où il a de l’eau."
Coralie : "dans la salle-de-bain, on avait beaucoup de mal à respirer parce qu’il y avait énormément de fumée."
Alors ils ressortent, se mettent à la fenêtre, sont aidés par un autre voisin. "Il était costaud parce qu'il nous aidé à monter au 7e étage où il y avait une corniche"
Coralie e ses voisins se retrouvent donc, eux aussi, sur cette corniche d'une trentaine de centimètres. "on a attend sur ce rebord. On était recroquevillés parce qu’on voyait le feu arriver."
Elle est finalement descendue en rappel par les pompiers.
Comme d'autres avant elle, Coralie explique que retrouver un logement a été compliqué. "Il y a beaucoup d'appartements en hauteur à Paris et ça je ne peux plus".
A la barre, s'est avancé le représentant de la SA Papillon, propriétaire de l'immeuble du 17 bis de la rue Erlanger.
"C’est une société foncière familiale qui détient un patrimoine de 902 logements. C’est le père qui a fait construire les immeubles au début des années 1900."
Représentant propriétaire : "cet immeuble a été construit entre 1930 et 1932 avec les standards de l’époque. On les a améliorés au fur et à mesure du temps puisqu’au départ il y avait des poêles à charbon dans les logements et des sanitaires sur le palier. "
Représentant propriétaire : "en 2011, il y a eu un feu dans un appartement. D’après les experts, c’est un appareil électrique en surchauffe qui en est à l’origine. Mais les pompiers ont réussi à circonscrire le feu dans l’appartement."
Le président rappelle que l'immeuble n'ayant pas fait l'objet de rénovation d'ampleur après 1986, la règlementation en vigueur ne l'obligeait pas à être aux normes incendie actuelles.
"Quel était le loyer mensuel global?"
Représentant propriétaire : "entre 50 et 55 000 euros"
Président : "pourquoi ne pas avoir fait de travaux de mise aux normes incendies actuelles?"
Représentant propriétaire : "il y a eu des travaux de maintenance courante mais pas d'ampleur
compte-tenu de la configuration de l'immeuble, il aurait fallu vider complètement l'immeuble"
Représentant propriétaire : "on a tous été très affectés. La société Papillon est une petite cellule, on est en contact direct avec nos locataires.
On s'est rendus compte qu'on n'était pas bien armés pour ce type de sinistre. On a organisé une prise en charge psychologique"
A la barre, le représentant du propriétaire explique que les experts ont estimé "que l'immeuble pouvait être rénové".
"Pour cette rénovation : on libère tous les plateaux complètement, l'escalier est déplacé à la place de l'ascenseur et l'ascenseur à l'opposé."
Représentant propriétaire : "les travaux ont débuté en février 2022 et ils sont sensés se terminer en avril.
On garde le même nombre de logements et les mêmes dispositions".
Président : "au sujet d'Essia B., vous avez des choses à signaler?"
Représentant propriétaire : "Papillon avait été alerté en 2016 pour des nuisances. Et on avait alors adressé un courrier à Essia B."
Il tend le courrier au président.
Le président lit le courrier datant de 2016 : "nous venons vers vous au sujet des nuisances répétées que vous causez dans l'immeuble.
Ces troubles ne peuvent plus être tolérés et doivent cesser. Sinon nous serons contraints de confier le dossier à notre avocat".
"Et après ce courrier?", interroge le président.
Représentant propriétaire : "après ça, on n'a plus eu de plainte, ni connaissance de ces problèmes."
Assesseure : "il ressort des témoignages que les gens se plaignaient que l'entretien de l'immeuble n'était pas très approfondi : panne d'ascenseur, moquettes qui n'étaient pas changées".
Représentant propriétaire : "on faisait régulièrement, on avait des contrats de maintenance"
Représentant propriétaire : "la société consacre plusieurs millions d'euros par an pour l'entretien de ses immeubles.
Et on a fait appel à un bureau d'études pour identifier les priorités pour engager de nouveaux travaux."
Interrogée sur le courrier qui lui a été envoyé par le propriétaire, Essia B. répond : "j'ai reçu un courrier concernant le départ d'un feu, me disant qu'on me soupçonnait, mais pas celui-là".
Avocat de partie civile : "quel est le chiffre d'affaires de la société ?"
Représentant propriétaire : "je l'ignore. Je m'occupe des entretiens des immeubles pas de la partie financière".
Avocat de parties civiles : "vous avez précisé que l'immeuble était en rénovation. Vous avez donc eu les autorisations d'accès pompiers?"
Représentant immeuble : "oui"
- et il prévoyait quels changements?
- Le couloir qui traverse pour accéder au n°17 n'a pas été remis en cause
Représentant propriétaire : "mais on a isolé l'escalier, isolé l'ascenseur.
Avocat PC : "et l'évacuation des étages élevés, comment est-il prévu?"
- par l'escalier encloisonné coupe-feu. Et on aura une colonne sèche qui n'était pas réclamée mais qu'on a choisi d'installer."
Représentant propriétaire : "au niveau de la réglementation, on satisfaisant ce qui était demandé mais on essayait toujours d'apporter plus de confort : la mise en place du double vitrage, de nouveaux sanitaires etc."
Morgane s'est avancée à la barre : "j'avais 21 ans au moment des faits, j'habitais au 4e étage. Je suis venue à Paris pour faire des études de design de mode.
Ce soir-là, je ne dormais pas, j'étais en train de faire un dessin pour un entretien le lendemain."
Morgane entend des cris. Elle ouvre sa porte d'entrée, découvre le feu. "J’ai fait tout ce que j’ai pu pour refermer cette porte, mais j’ai jamais réussi. Et donc j’ai créé un appel d’air. Je m’en suis voulue pendant des mois parce que ça avait aidé à propager l’incendie."
Morgane : "il y avait le feu partout. Je me suis dit : “voilà, je vais mourir”. Pour moi, c’était pas la peine d’appeler les pompiers vu qu’il y avait déjà le feu partout. Donc j’ai appelé ma mère pour lui dire aurevoir. Mais je n’arrivais à rien dire d’autres que “au secours”."
Morgane : "j'étais prête à accepter d'avoir vécu tout ça si c'était un accident. Ca peut arriver à tout le monde un accident. Mais ce qui m'a le plus choqué c'est d'apprendre que c'était le fait de quelqu'un. C'est quelque chose qui n'est jamais passé. Ca ne passera jamais."
Morgane : "je me suis retrouvée à devoir retourner chez mes parents dans un endroit pourri qui n'a rien à voir avec ce que je fais. Je n'ai pas pu commencer mon premier emploi. Je me suis retrouvée dans une situation financière catastrophique."
Morgane : "tout mon travail a brûlé dans mon appartement, j'ai perdu tout mon portfolio.
Je viens d'une famille qui n'a pas beaucoup d'argent, ma mère ne sait ni lire ni écrire. Et ça tenait très à coeur à ma famille que je fasse des études. Mais après, j'ai pas pu continuer."
Morgane explique que l'un de ses amis a quitté l'immeuble parce que Essia B. lui laissait des mots sous sa porte pour lui demander de l'argent. "Il disait : j'ai hâte de me barrer de cet immeuble de fous" parce que lui, il la trouvait folle. Mais moi, je ne la connaissais pas."
Morgane : "cet événement est intervenu quand j'étais jeune et m'a construit dans une direction très pessimiste. J'ai bientôt l'âge d'avoir des enfants. Et me dire qu'il y a des gens comme ça en liberté c'est pas possible quoi. Entendre la maman d'Essia B. c'est un contraceptif."
Morgane : "pour moi la justice me doit la réclusion à perpétuité pour elle. Elle nous la doit à tous."
Aline s'avance à la barre. Comme de très nombreux anciens habitants de cet immeuble qui comportait beaucoup de studios, elle est très jeune.
"A l'époque, j'avais 18 ans et deux mois. Ca faisait six mois que j'étais sur Paris pour faire mes études de médecine".
Aline : "c'était une année très compétitive, une année assez compliqué pour moi car je devais travailler beaucoup, apprendre à être seule. Je ne connaissais absolument personne sur Paris.
Ce soir-là, je travaillais mes cours d'anatomie."
Aline : "j'ai été réveillé par l'alarme incendie. J'ai eu peur car j'avais plusieurs fois oublié une marmite bouillir avec de l'eau. Donc j'ai tout de suite couru à ma cuisine. En m'approchant, je me suis rendue compte que la fumée était énorme et venait de la porte d'entrée."
Aline : "je n'arrivais pas à respirer. Je me suis mise à la semaine. Je voyais des flammes avec de la fumée de partout. J'entendais les fenêtres éclater autour de moi.
J'ai vu les pompiers arriver avec ces échelles à crochets qui faisait barrage avec leur corps pour descendre."
Aline : "en bas, j'ai vu le corps d'un des défenestré, je pense que c'était celui d'Adel [garçon de 16 ans, ndlr]. Un corps en caleçon, avec une flaque de sang à côté"
Puis j'ai vu le cadavre d'une dame."
Comme d'autres, Aline raconte : "je ne voulais pas appeler mes parents. Je me suis dis : si je m'en sors, tant mieux. Mais bon ... je vais leur faire une peur bleue pour rien".
Aline : "se retrouver SDF à Paris du jour au lendemain, c'est pas l'idéal. Je me suis retrouvée sans vêtements, sans rien."
Président : "qu'est-ce que vous attendez du procès?"
Aline : "d'avoir des réponses, de pouvoir reconstituer un peu l'histoire, comprendre comment on en est arrivé là parce que généralement une dispute, ça ne se termine pas par un incendie.
Et puis de passer à autre chose".
Boris, ancien habitant du 5e étage, 40 ans, attaché d’administration auprès du ministère de l’Intérieur, s'avance à la barre.
"Toute ma vie, j’ai cherché à atteindre un équilibre. Et quand enfin j’arrive à cet équilibre en 2019 un mois après, tout est réduit à néant en une nuit"
Boris : "je suis né en 1982 dans une famille très modeste. Mais parents avaient un passif extrêmement lourd avant ma naissance. Et j’avais une mère épileptique, des crises très violentes. Ca, c’est une maladie, une vraie maladie."
Boris : "j’ai aussi une soeur qui a connu la drogue. Et ça, ça n’est pas une maladie."
Boris : "c'est un immeuble où on était bien. Il n'était pas super bien entretenu, mais il n'était pas sordide. Et finalement, la vie d'un immeuble c'est surtout les habitants qui la font. Il y avait les fêtes sur le toit du 8e étage, on s'entendait tous bien."
Boris : "il devait être minuit quand on est allé se coucher. Et puis après l'enfer.
Je me lève, il y a déjà de la fumée assez épaisse qui passe par le dessous de la porte. Je savais que si j'ouvrais, j'étais mort.
Par la fenêtre, je vois que tout l'immeuble est concerné".
Boris : "notre voisin tambourine à la fenêtre. Il entre. On se met dans la chambre, pièce la plus éloignée du foyer;
J'ouvre les volets, je vois Mathieu à sa fenêtre. Et puis en bas, je vois un corps désarticulé."
Boris : "les minutes passent, la fumée est de plus en plus épaisse. Et le feu commençait à envahir notre appartement.
Et puis, au milieu de tout cela, les cris, les cris de douleur, d'appel au secours."
Boris : "c'était un feu tellement puissant qu'on voyait les garde-fous des balcons se tordre sous la chaleur".
Boris, sa compagne et son voisin sont finalement secourus : "on savait qu'en partant, on laissait tout ce qu'on avait. C'est que du matériel, c'est vrai. On nous l'a d'ailleurs beaucoup répété après. Mais on a quitté notre cocon de la manière la plus déséquilibrée qui soit."
Bruno : "et puis, on a appris que c'était pas un accident. Et là, j'ai vrillé. Pas un accident. La colère, quoi."
Il soupire lourdement.
"Bref ..."
Boris : "et puis pour l'après-incendie, c'est encore autre chose.
On a quitté un enfer pour découvrir un autre enfer. Un enfer administratif, un enfer relationnel ...
Vous êtes en pyjama dans la rue, vous n'avez plus rien."
Boris : "on a entendu des gens qui ont perdus tous leurs cours, leur outil de travail. Moi j'ai perdu tous mes souvenirs."
Et pas seulement dans l'incendie, mais aussi dans les nombreux vols dans les appartements de l'immeuble après l'incendie."
Boris : "ici, on juge l'incendie. Mais les conséquences de cet incendie pour chacune des personnes qui vivait dans cet immeubles sont incalculables. Incalculables."
Président : "qu'est-ce que vous saviez d'Essia B. ?"
Boris : "c'était la fille à problème de l'immeuble. J'ai entendu beaucoup de gens dire "la folle". Mais pour moi, il faut l'entendre dans son acceptation populaire, pas médicale".
Boris explique le traumatisme que constitue aussi aujourd'hui ce procès : "il se trouve que ma mère a été dans une cour d'assises il y a longtemps et qu'elle a purgé sa peine dans la prison où se trouve l'accusée".
Au tour d'Estelle, compagne de Boris de témoigner à son tour. Elle est très émue.
"Cet appartement c'est celui où j'ai vécu le plus longtemps.
A ce moment là, on a la trentaine et on est tout simplement heureux."
Estelle : "on va se coucher, moi je suis crevée et je m'endors instantanément. Je suis réveillée par un vacarme. Ca crie, ça cogne, ça hurle. J'entends une voix : "sauvez-nous". Et je comprends qu'il y a le feu".
Estelle : "Boris appelle les pompiers. Le coup de fil dure 39 minutes. Pendant 39 minutes, le pompier au téléphone dit : "restez calmes, on est là". Et nous, pendant 39 minutes, on leur dit : "mais non, on ne voit personne."
Estelle : "à un moment, dans la cage d'escalier en face, j'aperçois un éclat argenté. Je comprends que c'est un casque. Je vois un pompier monter. Et arrivé au 3e étage, il fait demi-tour. Et là, je me dis : "c'est foutu".
Estelle : "je vois un pompier. Il a l'air d'avoir 18 ans, il est tout petit. Son chef l'envoie chercher les gens là haut. Il met son échelle à crochet. Il monte deux barreaux et puis, il se fige et il dit : "chef, j'ai peur"."
Estelle : "ce qui me reste de cet incendie c'est que j'ai l'impression de devenir barge parce que j'ai des phobies de partout. Les relations autour de moi c'est très compliqué, nos amis ne comprennent pas, une certaine partie de nos familles nous tourne le dos."
Estelle : "il y a beaucoup de choses qui m'ont rassurée dans les récits des autres, comme par exemple le fait que presque aucun voisin n'arrivent plus à se coucher avant minuit et demi [heure de l'incendie, ndlr]."
Président : "qu'est-ce que vous attendez de la justice?"
Estelle : "moi je veux qu'on rende la justice. Je ne veux pas qu'on cherche des excuses.
Je pense aux futurs voisins d'Essia B. et j'ai extrêmement peur. Du jour où elle est dehors, elle recommence, j'en suis persuadée".
Au tour de Sarah, ancienne habitante du 4e étage. "J’étais arrivée 1 an ½ auparavant. C’était mon premier appartement, en tant qu’étudiante, pas loin de mon école de psychomotricité. J’étais étudiante, heureuse et insouciante à Paris."
Sarah dormait au moment de l'incendie. Lorsqu'elle est réveillée, elle se "dirige immédiatement vers ma porte d’entré et je comprends en l’espace d’une seconde que je suis prisonnière de l’incendie.
Je commence à préparer un corde avec mes draps, mais je n'ai pas le courage".
Sarah : "ma mère au téléphone me dit "on arrive". Je lui dis : "ça ne sert à rien, je vais mourir". Et j'avais l'angoisse de mourir brûlée".
Sarah : "ce procès a fait ressurgir des émotions dont une que je ne m'étais pas autorisée, c'est la colère. La colère contre cette femme. Jusque là, j'ai essayé d'avoir de la bienveillance, mais j'ai de la colère depuis l'ouverture de ce procès."
Sarah : "cette femme s'est fait un cadeau en mettant le feu puisque maintenant, elle est en détention, entre quatre murs, dans un cadre contenant. Et finalement c'est ce qu'il lui fallait.
Alors que nous, on vit désormais dans l'insécurité permanente."
Sarah : "cette femme est un danger. Elle a été, elle est et elle sera toujours un danger pour les gens.
Quand j'entends qu'elle reprend une vie professionnelle en détention, ça me fait très mal au coeur. C'est comme si elle avait une vie normale finalement."
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Au procès de l'incendie de la rue #Erlanger, l'heure est aux expertises de l'accusée.
Le professeur Daniel Zagury s'avance à la barre. Il a réalisé une expertise de l'accusée fin 2019, puis un complément le 7 août 2021, soit deux ans et demi après les faits.
Daniel Zagury au sujet de l’accusée Essia B. : “elle avait un certain recul sur son parcours chaotique. Et confronte d’emblée à la question d’un soin possible face à l’usage ancien et répété de toxiques [en l'occurrence, alcool, cannabis, cocaïne etc., ndlr]
L'expert psychiatre Daniel Zagury poursuit le compte-rendu de son expertise de l'accusée : "elle exprime de façon assez limpide :”je ne supporte pas la réalité”. Elle ne dit pas qu’elle ne comprend pas la réalité, mais qu’elle ne la supporte pas. Toute la nuance est là. "
Bonjour à tous,
Aujourd'hui, au procès de l'incendie de la rue #Erlanger la cour examine les conditions de l'intervention des pompiers. Premier témoin du jour : le lieutenant-colonel Xavier Guesdon.
Lieutenant-colonel Guesdon : "on a eu affaire à un incendie hors norme, ça n'arrive qu'une fois dans une carrière. Quant on est arrivé, il y avait énormément de gens aux fenêtres, ça n'arrive jamais.
Tout le monde a pris des risque insensés pour sauver 64 personnes."
Lieutenant-colonel Guesdon : "on n'a pas réussi à sauver tout le monde. On en est profondément meurtris. On a failli perdre des hommes. On a pris des risques insensés. Avec des échelles non accrochées, 19 kilos d'équipement sur eux."
Bonjour à tous,
Au procès de l'incendie de la rue #Erlanger, qui a fait dix morts en février 2019, la cour entend les premières parties civiles.
Quentin s'avance à la barre. Il était l'un des habitants de l'immeuble et impliqué dans la dispute de voisinage à l'origine du drame.
"Je m'appelle Quentin, j'i 26 ans, je suis policier à Marseille. Au moment des faits, j'avais 22 ans, ça faisait 4 ans que j'appartenais au corps des sapeurs-pompiers de Paris. C'était pour moi une consécration professionnelle. J'avais pour objectif de devenir sous-officier".
Quentin : "je me préparais à l'examen de sous-officier, des longs mois de travail, de sacrifice.
Ce jour-là, la veille de mon examen, j'ai passé une journée de révision un peu compliquée, j'ai compris que j'étais pas forcément au niveau et ça m'a tendu, j'étais irritable."
Au procès de l'incendie de la rue #Erlanger, l'audience reprend. Le président indique d'emblée que la jurée numéro 5 est absente.
"Elle nous a indiqué qu'elle avait vécu elle-même un incendie dans lequel deux personnes étaient décédées et qu'elle se trouvait donc dans l'incapacité de pouvoir juger sereinement cette affaire", précise le président avant de remplacer la jurée par un des jurés supplémentaires.
Michelle, mère de l'accusée est la première à être entendue ce matin, "retraitée de l'enseignement supérieur".
"Je voudrais prendre une minute pour m'adresser aux victimes."
Bonjour à tous,
Vieux palais de justice de Paris. Salle Voltaire, ses boiseries, ses tapisseries, ses plafonds décorés.
Aujourd'hui, s'ouvre le procès de l'incendie de la rue Erlanger, survenu il y a quatre ans, quasiment jour pour jour.
Ce 5 février 2019, une banale dispute entre voisins pour cause de musique trop forte a abouti à un drame : 10 morts et des dizaines de blessés.
Dans le box aujourd'hui, celle qui a mis le feu à la porte de son voisin : Essia B., 44 ans, longs cheveux châtains, le regard absent
Mr WaynZ se lève dans le box, pull col coulé, lunettes à grosses monture. Il s'exprime d'une voix un peu enrouée : "tout ce que j’ai entendu, les ¾ des choses sont vraies. J’avais beaucoup de problèmes et je les reportais sur les autres. "
Mr WaynZ : "j’ai pu m’en rendre compte grâce à la thérapie que j’ai commencé quand j’étais sous CJ.
Je me sentais agressé alors que finalement, il n’y avait rien. Je le comprends maintenant parce que j’ai fait un travail sur moi-même. "
Mr WaynZ : "j’étais une très mauvaise personne, c’est clair.
Quand j’entends tout ce que j’entends, je me dis : qu’est-ce que j’ai fait ?"
Il pleure.
"Je me comprends pas moi-même. Je sais que j’ai eu des problèmes dans mon enfance, mais ça excuse pas. "