Thread by @qffwffq

Tiens avant le prochain #UnLapinUnThread sur les TDAH (trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité) petit sondage :

https://twitter.com/qffwffq/status/1625864716118630400

Selon vous depuis quand décrit-on une entité clinique associant hyperactivité, distractibilité, labilité des émotions et persévérations ?

Et deuxième grande question, à votre avis, en 2023, combien existe-t-il de grandes définitions du TDAH selon que vous êtes américain, irlandais ou suédois (désolé y'a pas français, même si certains publient quelques articles... confidentiels)

Et avant de commencer, un peu d'histoire parce que l'histoire c'est bien.

Entre les années 20 et 30 le monde est frappé par une épidémie qui n'a rien à voir avec les TDAH, épidémie dont on ne connait pas la cause, épidémie remise sur le devant de la scène par un livre...

...de 1973 écrit Sacks, intitulé "awakenings" qui a inspiré un film en 1990 resté célèbre pour l'interprétation de Robin Williams et Robert De Niro.

Et cette épidémie se nomme, encephalitis lethargica.

Le latin étant compliqué, on dit encéphalite léthargique en français.

Pour ceux qui ont vu le film, on suit l'histoire d'un homme qui suite à cette épidémie devient un quasi zombie, qui sort de sa léthargie grâce à un médecin qui leur file de la L-Dopa, qui redécouvre la vie, puis retombe dans son état léthargique.

C'est triste.

Et le film sous-entend que les nombreuses personnes victimes de cette encéphalite, suivent la même trajectoire : zombis -> éveil -> rechute -> générique de fin avec musique sombre.

Sauf qu'en vrai ça c'est pas vraiment passé comme ça, et plusieurs personnes victimes d'encéphalite léthargique se sont "réveillées" avec un spectre de séquelles variées dont...

Des troubles associant une hyperactivité, une distractibilité, un bordel émotionnel pas possible et d'autres troubles dont... La fréquence a conduit en 1930 à la publication d'un article par Strauss.

Et la conclusion de cet article est que ces troubles du comportement sont dus à une lésion du cerveau (ce qui était logique vu que les personnes étudiées étaient par définition toutes atteintes d'encéphalite).

Donc en 1930, hyperactif = lésion du cerveau.

Et cette idée est restée ancrée jusque dans les années 1960.

Elle était si bien ancrée, que tout enfant hyperactif, avec des troubles du contrôle des émotions, et une distractibilité, était considéré comme porteur d'une lésion cérébrale même en l'absence d'antécédent de trauma.

Notez qu'en l'absence d'imagerie (scanner ou IRM) il était facile de dire "rhalalala, le cerveau il est tout cassé, puisque de tout façon le contraire était impossible à prouver.

Et puis la médecine a évolué et on s'est plus intéressé à la clinique qu'au mécanisme (faux) avec des tentatives de définitions plus rigoureuses.

On va sauter quelques étapes et on arrive à 1990.

En 1990 Barkley synthétise la somme de savoirs acquis et publie : Attention Deficit Hyperactivity Discorder : a handbook for diagnosis and treatment.

C'est le premier usage clair du terme ADHD en anglais, traduit par TDAH en français.

Nous sommes en 2023 et la définition a continué son évolution. Je vais détailler celle du DSM-V, parce que vous allez voir que c'est un peu plus compliqué que "mon enfant n'écoute rien et fait le zouave".

Pour répondre à la définition de TDAH un enfant doit :
1/ faire preuve d'inattention avec
- 6 critères sur 9 avant 16 ans et 5 après.
- depuis au moins 6 mois.
- non conformes à ceux attendus pour l'âge.

Les critères étant : 1- difficulté à faire preuve d'attention 2- difficulté à maintenir l'attention 3- ne semble pas écouter quand on s'adresse directement à lui 4- ne suit pas ou incomplètement des instructions 5- difficulté à s'organiser.

6- évite les tâches nécessitant un effort mental sur une période longue 7- perd souvent les affaires nécessaires à l'accomplissement de ses tâches 8- est souvent distrait 9- oublie souvent ses activités quotidiennes.

Je sais que c'est long à lire et aussi passionnant qu'une roman nombriliste français. Mais chaque item compte.

Bref rien que sur ce premier item "inattention" vous voyez que c'est pas parce qu'un gamin perd ses moufles et n'aime pas les maths qu'il a un TDAH.

Et puis il faut aussi présenter une hypeerractivité et une impulsivité avec là encore 6 critères 9 avant 16 ans et 5 après pendant au moins 6 mois, les 9 critères étant : 1- n'arrête pas de jouer avec ses doigts, ses pieds ou ne tient pas en place 2- se lève souvent

3- cours ou grimpe alors que la situation ne s'y prête pas 4- incapable de jouer dans le calme 5- toujours prêt à faire quelque chose comme s'il avait un moteur en lui 6- parle trop 7- répond avant la fin des questions 8- n'attend pas son tour 9- interrompt les autres.

Bref là encore, vote ado qui s'ennuie en français et qui pose de questions n'est pas TDAH. Il faut un peu plus que ça.

Et si vous êtes en train de compter sur vos doigts si 6/9 x 2 = 42 dites vous que la définition que je vous ai détaillé est bien contestée par d'autres

Certains disent que l'inattention n'a pas vraiment d'importance et que le problème est celui d'une faible capacité d'inhibition

Pour eux, les personnes TDAH ont des difficultés dans 4 Fonction cognitives : 1- ils ont du mal avec leur mémoire de travail non verbale 2- avec le langage intérieur 3- avec l'auto-évaluation de la motivation 4- avec l'analyse du comportement des autres.

Si vous prenez le temps de lire, c'est beaucoup plus fin parce que ça sous-entend que les personnes avec un TDAH n'en font pas trop, mais sont incapables de ne pas en faire trop..

Et ça, ça a des implications thérapeutiques qu'on verra plus tard.

Et histoire de finir de vous embrouiller, alors que certains veulent simplifier les critères, d'autres veulent les complexifier, en ajoutant tout un tas d'ITEM. Ils en ajoutent tellement que ce qu'ils décrivent n'est plus intitulé ADHD mais DAMP.

Bref...en première synthèse, en presque un siècle, on est passé du concept de personne hyperactive victime d'une lésion du cerveau, à TDAH comme un ensemble de signes complexes dont les personnes atteintes ont comme point commun des difficultés à inhiber certains comportements.

Maintenant qu'on a à peu vu ce qu'était une personne avec un TDAH en théorie, voyons ce que ça donne en pratique, avec des chiffres. Plein de chiffres. Ça fait toujours bien les chiffres. Surtout quand ce sont des nombres.

Tout d'abord l'OMS a publié en 2005 un questionnaire avec 6 items qui permettent le dépistage du TDAH. C'est le ASRS (ADHD self report scale) qui a une sensibilité de 68,7% et une spécificité de 99,5%. Chez l'adulte.

Dans le TDAH on ne voit pas de différence entre les sexes concernant l'impulsivité, les performances scolaires, les conduites sociales, la motricité fine, l'éducation des parents, la dépression chez les parents.

Bref on oublie comme d'hab la psychanalyse à deux sous.

Par contre les filles ont en moyenne, un déficit cognitif plus important, une hyper activité moindre et sont moins agressives que les garçons.

Autre point super important 95% des enfants avec un TDAH vont nettement mieux une fois adultes.

C'est important de le rappeler pour rassurer les parents, ces enfants ont un trouble de la maturation, qu'ils rattrapent avec le temps.

Il est également à noter, qui si on n'associe plus depuis les années 60 ces troubles avec une lésion cérébrale, il y'a par contre un lien avec d'autres pathologies neuro comme par exemple l'épilepsie qui est retrouvée dans 31% des cas vs 6% dans le reste de la population.

(et pour ceux qui ont suivi les autres #UnLapinUnThread, il y'a entre autre un lien avec le pruning).

Tant qu'on est dans les nombres, un peu de stats sur le devenir.

Le problème du TDAH c'est qu'il survient essentiellement entre 6 et 18 ans et que c'est pile poil l'âge des acquisitions scolaires.

Et que l'éducation nationale étant ce qu'elle est, un enfant qui suit pas...

Et ça se voit.

En 1993 une étude sur 91 hommes qui ont présenté un TDAH a montré que 11% de ces adultes avaient un niveau scolaire bas, 16% consommaient plus de drogues que la population normale et 18% avaient un comportement qualifié d'antisocial (qui garde son sang froid).

Et en 2007 Satterfield a publié une étude prospective de 30 ans sur 179 personnes que :

Les enfants hyperactifs purs n'avaient pas de problème de délinquance à l'âge adulte.

Mais ceux avec un TDAH avec plus de problème de délinquance malgré une prise en charge psychiatrique.

Alors on parle d'une cohorte de 30 ans, ce donc personnes qui n'ont pas bénéficié au cours de leur enfance des thérapies actuelles.

Des données comme ça y'en a plein et la chose à retenir est que même si 95% vont aller mieux une fois adulte, il faut quand même les soigner avant.