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Feb 22 87 tweets 13 min read
Bonjour à tous,

Au procès de l'incendie de la rue #Erlanger l'heure est au réquisitoire de l'avocat général. La salle est comble pour l'occasion. Parties civiles, mais aussi public, venus écouter la peine que ca réclamer le représentant de la société à l'encontre de l'accusée.
Avocat général : "vous êtes la cour d'assises. Ce lieu d'aboutissement et de résolution de tous les drames que subit notre société. Et cette salle en est le lieu privilégié depuis bientôt 150 années."
Avocat général : "de nombreuses victimes, des auteurs, des centaines de personnes ont vu ici se dérouler des procès dans des moments d'explications, d'horreur, et de tentatives de réparation de vies brisées, déchirées par les crimes."
Avocat général : "les crimes sont punis des peines les plus élevées, prononcées par la cour d'assises.
Un drame, l'horreur de la scène d'incendie que nous imaginons telle qu'on nous l'a racontée. L'horreur, comparable à celle d'un attentat terroriste."
Avocat général : "c'est bien dans un contexte criminel que nous nous trouvons ici, depuis trois semaines, pour juger Essia B., auteure et seule auteure de cette terreur qui a emporté 10 personnes dans la mort, blessé une centaine d'autres personnes."
Avocat général : "10 personnes, on a parlé d'elles. On connaît leur vie, on sait qui elles étaient. Dix personnes de 16 à 92 ans. J'ai fait le calcul : l'âge moyen est de 44 ans. L'âge qu'a ajourd'hui Essia B. "
Avocat général : "votre mission et votre devoir consiste à être justes. Et vous l'avez juré.
Vous avez à juger un acte volontaire commis dans un contexte particulière par une personne addictive, avec les conséquences dramatiques que l'on connaît."
Avocat général : "mettre le feu par une certaine élaboration. Une certaine élaboration qui est le contraire même d'un geste impulsif. Un coup de couteau est un geste impulsif. Mettre le feu, non".
Avocat général : "le feu a pris dans des proportions majeures, causant des dommages dont les plus tragiques sont les 10 décès en lien direct et indiscutable avec le geste d'Essia B."
Avocat général : "vous répondrez par un oui de la culpabilité d'Essia B. pour l'ensemble des questions qui vous sont posées.
J'en arrive à la question centrale de la personnalité de l'accusé et de l'imputabilité de ces faits tragiques."
Avocat général : "Le droit français a pour principe qu'on ne peut être déclaré coupable que si on peut être déclaré responsable. On ne peut donc condamner pénalement ceux que l'on qualifie de fou.
Le code pénal distingue l'abolition et l'altération du discernement".
Avocat général : "la semaine dernière lors de son interrogatoire, l'accusée a dit elle-même : "c'est à cause de mon altération".
Essia B. a fait l'objet de deux expertises au vue des troubles de personnalité dont elle est atteinte, ce que tous, nous admettons."
Avocat général : "les experts ont conclu à l'altération du discernement d'Essia B.. La question est de savoir si le fait de mettre le feu doit s'interpréter comme un geste de délire. Les psychiatres excluent précisément le geste délirant."
Avocat général : "la prise d'alcool est chez elle excessive, ancienne, réitérée. Elle connaît son addiction à l'alcool et aux stupéfiants.
C'est vous qui déciderez si le discernement d'Essia B. est altéré ou non."
Avocat général : "je n'ignore pas ses nombreuses hospitalisations, je sais les troubles dont elle souffre, j'ai compris sa personnalité borderline. Je sais qu'elle n'a jamais pu se prendre en charge complètement pour cesser ces comportements nocifs pour elle-même et autrui."
Avocat général : "vous pourrez répondre positivement à la question qui vous sera posée sur l'altération de son discernement."
Avocat général : "c'est vrai que, nous l'avons vu, Essia B. a dit, avec des larmes, très sincèrement ne pas avoir imaginé que l'incendie causerait autant de dégâts. Mais elle a pris le risque. "
Avocat général : "il est probable qu'elle n'a pas imaginé que l'incendie allait prendre, comme l'expert a indiqué, et se propager du 2e au 8e étage en moins de dix minutes.
Mais elle ne pouvait ignorer les risques encourus en mettant le feu".
Avocat général : "j'en viens à la part la plus difficile de votre décision. Celle des peines que vous aurez à infliger à Essia B.
La peine est l'aboutissement du processus judiciaire en matière pénale. La sanction que vous prononcerez doit répondre à plusieurs impératifs".
Avocat général : "la peine prend en considération la gravité des faits. Ensuite, le danger que représente l'accusée pour la société. Puis, la prise en compte du préjudice et de la douleur des victimes, et elles sont nombreuses dans cette affaire."
Avocat général : "puis l'exemplarité de la sanction au regard du message social qu'il implique. Et enfin, car tout est dans l'espoir, l'amendement".
Avocat général : "son parcours montre des hospitalisations, des sevrages, des cures. Mais sans cesse des rechutes, des reprises d'addiction, des mépris des offres de cessation de consommation. Allant même jusqu'à reconnaître qu'elle continue à consommer du cannabis en détention".
Avocat général : "la peine doit également prendre en considération la souffrance et les dégâts causés chez les victimes, trop nombreuses dans cette affaire.
La lourdeur de la peine qi sera prononcée est un moyen d'y parvenir."
Avocat général : "une trop grande clémence viendrait contredire le devoir social que nous avons face à tout ceux qui ont trop souffert dans cette catastrophe."
Avocat général : "l'audience publique, la diffusion du déroulement de ce procès participe à la connaissance que l'on doit avoir de la justice et des sanctions qu'elle inflige au nom de l'intérêt général."
Avocat général : "pensant d'abord à l'avenir et revenant sur la nécessité de contraindre Essia B. à suivre des soins, je vais requérir une peine complémentaire qui sera applicable pendant sa détention et surtout après sa sortie. Il s'agit d'une mesure obligatoire de suivi."
Avocat général : "je vous demande de prononcer un suivi socio-judiciaire d'une durée de quinze années."
Avocat général : "le fait de mettre le feu volontairement et de causer la mort d'autrui fait encourir la réclusion criminelle à perpétuité. Si vous admettez l'altération, la peine encourue ramène la peine encourue à 30 années, ce qui deviendrait le maximum possible."
Avocat général : "dans de tels sommets de gravité, il est nécessaire d'élargir le champ de votre appréciation par le choix d'une peine adaptée à la gravité es faits. C'est pour cette raison que je vous demande de dire qu'il n'y a pas lui d'appliquer la diminution de peine."
Avocat général : "au regard de la gravité extrême de la tragédie survenue dans la nuit du 4 au 5 février 2019, par l'action volontaire, vengeresse et disproportionnée d'Essia B., je requiers la peine de 27 années de réclusion criminelle, assortie d'un période de sûreté des 2/3."
L'audience se poursuit avec les plaidoiries de la défense
Me Lea Hufnagel se lève la première : "avant de vous parler d'Essia B., je voudrais adresser quelques mots aux parties civiles que je croise depuis maintenant trois semaines, leur dire que je comprends leur détresse."
Me Hufnagel : "je voudrais dire à tous ceux qui considèrent qu'Essia B. n'assume pas les conséquences de ses actes, ce qu'a représenté cette audience pour elle.
Je voudrais dire que c'est elle qui a demandé son hospitalisation pour être en mesure de donner des explications."
Me Hufnagel : "il y a le jour où l'hôpital a oublié le traitement d'Essia B. et que c'est elle qui l'a réclamé : "je ne vais pas tenir".
il y a toutes les fois où elle s'est endormie dans le box à cause de ses médicaments. Il y a le jour où elle s'est urinée dessus."
Me Hufnagel : "quand j'entends les réquisitions déshumanisantes de l'avocat général, je voudrais vous rappeler que vous avez devant vous un être humain.
Quand je pense à Essia B., deux mots me viennent : maladie et souffrance."
Me Hufnagel : "borderline ne veut pas dire semi-malade. Le trouble de la personnalité borderline est une maladie psychiatrique, une maladie grave.
Non, ce n'est pas quelqu'un d'antisocial."
Me Hufnagel : "en préparant cette audience, j'ai demandé à Essia B., avec ses mots de me décrire sa maladie. Elle m'a dit : "c'est mon cancer de l'âme". "Et votre souffrance?" "Elle a toujours été là, depuis toujours, depuis l'enfance".
Me Hufnagel : "c'est une maladie peu connue en France, qui fait l'objet de peu de littérature scientifique et de recherche. A la différence des Etats-Unis. Les borderlines sont souvent délaissés par les patients, désemparés face à l'instabilité et la gravité des symptômes"
Me Hufnagel : "il y a ce qu'on appelle la labilité émotionnelle, C'est l'humeur qui change, sans raison apparente : angoisse, colère, tristesse. Aucune capacité à contrôler ses émotions.
C'est encore un sentiment persistant de vide. Pas comme chez vous ou moi, pas lié à un deuil"
Me Hufnagel : "ce trouble c'est également une colère, une frustration pathologique. Il y a également une impulsivité. Mais là encore, par une impulsivité comme vous et moi. Une impulsivité maladie.
Essia B. depuis qu'elle est petite, elle se déteste."
Me Hufnagel : "et c'est cette dévalorisation permanente d'elle-même qui entraînera le recours à l'alcool.
Dans les situations de stress, le borderline connaît des épisodes délirants, de persécution, des hallucinations sonores ou verbales".
Me Hufnagel : "il y a enfin la répétition d'automutilation et le recours au drogues.
Les signes avant-coureurs de cette maladie sont les troubles addictifs et ils concernent 65% des malades borderline. "
Me Hufnagel : "prendre des drogues ou boire de l'alcool ce n'est pas du défi, ce n'est pas être plus criminelle. C'est juste être plus malade.
Je vous rappelle qu'elle a fait l'objet d'une hospitalisation à 17 ans pour alcoolisation massive. Est-on vraiment alcoolique à 17 ans?"
Me Hufnagel : "Essia B., quelques jours avant les faits qui lui sont reprochés a connu une crise sans précédent dans la maladie. Et qui n'est pas liée à la prise de stupéfiant ou d'alcool."
Me Hufnagel : "elle se prenait pour la sainte Vierge. Arrivée à Sainte-Anne, elle a couru dans la salle jusqu'à ce qu'ils lui mettent la camisole.
Mesdames et messieurs les jurés, vous n'avez pas à être arbitres d'un prétendu délire, vous n'avez juste qu'à le constater."
Me Hufnagel : "le 18 janvier, c'est toujours la même chose, la patiente passe du coq à l'âne, impossible d'accéder à sa demande de sortie. Le 21 janvier, un autre docteur conclut au maintient de son hospitalisation. Le 23 janvier, c'est le jour de la fugue, elle est réintégrée."
Me Hufnagel : "24 janvier un médecin parle de propos hallucinatoires et délirants.
25 janvier, c'est la décision du juge des libertés et de la détention qui décide de poursuivre la mesure d'hospitalisation."
Me Hufnagel : "entre le 26 et le 29 janvier, c'est le trou noir. On ne sait pas vraiment ce qu'il s'est passé. Mais on sait qu'il y a eu une réunion avec la famille et sa mère vous a rapporté les propos du docteur : "vous voyez bien Essia, que vous n'êtes pas en état de sortir"
Me Hufnagel : "le 30 janvier, elle sort. Deux jours après cette réunion avec sa famille, elle sort avec soi-disant un projet d'hôpital de jour. Mais dans quel hôpital? Quel service? Dans quelles circonstances, on peut parler d'une amélioration médicale rapide?"
Me Hufnagel : "Essia B. sort de Sainte-Anne. Et là encore, j'aimerais qu'on arrive à un peu de nuance dans ce dossier. Quand elle rentre chez elle, non elle ne se prend pas pour la vierge Marie ou un chamane."
Me Hufnagel : "mais si elle n'était pas délirante 100% du temps, elle présentait a minima un épisode que je qualifierai d'aigü.
Elle va passer des appels à l'aide à tous ses amis, ses proches, mêmes des hommes qu'elle n'a pas vu depuis des années, qu'elle a croisé sur une plage"
Me Hufnagel : "alors c'est ça la criminelle, organisée, calculatrice, manipulatrice qu'on veut vous décrire?"
Me Hufnagel : "moi je vois une femme dont la solitude et la détresse sont à ce moment-là si importante qu'elle ne dort pas, ne supporte pas de rester chez elle. Au point d'aller dormir dans la tante d'un SDF."
Me Hufnagel : "on arrive au dimanche 3 février.
Charlotte B. vous a expliqué que son copain l'a retrouvée allongée par terre, grattant sa porte et disant qu'elle voyait des oiseaux".
Me Hufnagel : "le 4 février, quelques heures avant les faits, 17 heures. Son frère vous a dit qu'il a téléphoné à sa soeur. Elle passait du coq à l'âne, elle s'exprimait en citations de Joe Dassin, elle était délirante."
Me Hufnagel : "et puis avant que la situation de dégénère, elle a encore passé un appel à l'aide. "Diego, j'ai besoin de toi, là ça ne va vraiment pas."
La suite, on la connaît ...
Me Hufnagel : "elle chante, elle crie, elle hurle. Elle dit qu'elle va mettre le feu. Elle commence à chanter "Allô les pompiers, il y a la maison qui brûle ..."
Me Hufnagel : "Essia B. met le feu. Elle descend dans la cour, très rapidement. Mme T. vous a dit qu'elle l'entendait se parler à elle-même dans la cour. Est-ce que vraiment, à ce moment-là, on croise une femme qui est en train de fuir?"
Me Hufnagel : "il n'y a pas de rationalité quand Essia B. menace son voisin, insulte sa voisine de "sale pute", crie, chante, annonce qu'elle va mettre le feu, qu'elle met le feu,
Il n'y a pas de rationalité car cet acte est celui d'une femme qui n'est plus elle-même."
Me Hufnagel : "ce n'est pas forcément le geste d'une femme délirante, mais celui d'une femme dans un état très sévère et inquiétante.
D'ailleurs quatre médecins vont juger son état incompatible avec la garde à vue."
Me Hufnagel : "c'est bien évidemment au regard de tous ces éléments qui vous devez prendre en considération la diminution de la peine d'Essia B."
Au tour de Me Sébastien Schapira de plaider pour la défense d'Essia B..
Il a d'abord un mot pour Me Pierre Haïk "qui m'a appris, enseigné ce métier" et qui est décédé il y a quelques jours. "C'est à lui que je pense en prenant la parole aujourd'hui".
Me Schapira : "je veux saluer le courage des victimes. D'être venus à cette audience, le courage de certains dans l'incendie. Et puis le courage de vivre pour affronter l'absence, le vide, le courage de vivre. Et je voulais leur dire avec beaucoup d'émotion et d'admiration"
Me Schapira : "je veux aussi leur dire qu'évidemment, à la place qui est la notre, en défense, nous comprenons et Essia B. également que lorsqu'elle prend la parole, dit son mal être, ses souffrances, ses joies, lorsqu'elle parle de ses projets, de son enfant, elle est inaudible"
Me Schapira : "alors je parlerai de la souffrance d'Essia B. mais je ne veux pas une seconde que vous pensiez que je compare ou j'oppose à la souffrance des victimes. Mais on doit aussi parler d'Essia B."
Me Schapira : "Et je m'adresse à vous, mesdames et messieurs les jurés. Parce que vous êtes un fils, une fille, un frère, une soeur, un père, une mère, des habitants de Paris et on s'identifie aux victimes.
On a envie de pleurer et on se retient."
Me Schapira : "Alors comment allez-vous faire pour juger? Vous devez trouver cette distance pour juger. Cette distance qui fait qu'à la fin vous allez pendre une décision qui n'est pas seulement une émotion, pas seulement un raisonnement intellectuel mais une alchimie".
Me Schapira : "Essia B. recroquevillée dans le box et qui me regarde en attendant de savoir qu'elle sera son sort, a besoin de comprendre comment l'acte qui est le sien."
Me Schapira : "pendant le délibéré, demandez au président et ses assesseurs, avec l'expérience qui est la leur comment se comportent les vrais criminels? Ils vous donnent toutes les réponses que vous voulez, ils ont le bon ton.
Pas Essia B.
Parfois, elle n'a pas les bons mots"
Me Schapira : "vous la regardez Essia B. de temps en temps ? Parce que si vous aviez un doute sur le fait qu'elle allait mal, regardez là et emportez son visage dans votre délibéré."
Me Schapira : "on n'a pas eu, en 4 ans d'enquête, en 200 auditions, un seul médecin qui peut nous éclairer sur les soins qu'Essia B. a eu toutes ces années.
Essia B. n'intéresse personne. Elle n'a pas intéressé les enquêteurs. Ce qu'elle avait fait était tellement terrifiant..."
Me Schapira : "grâce à Léa Hufnagel, on en sait enfin un peu plus sur les borderline. Mais ça reste des généralités, il nous manque son cas à elle. Et ça, ça ne sera jamais réparé. Mais ce n'est pas à elle d'en faire les frais."
Me Schapira : "continuons à en faire un monstre qui a tous les torts. Mais ça n'est pas la justice.
Si la question de votre délibéré c'est de savoir si elle a mis le feu, je me rassois. La question c'est "qu'est-ce qu'on sait d'elle".
Me Schapira : "on dit qu'elle est bordeline. Mais qui ici avait vraiment compris ce que voulait dire bordeline? Donc on vous réclame 27 ans de prison contre quelqu'un pour lequel on bricole. "Tiens, je suis allé voir sur Google ce que c'était bordeline ..." Ce n'est pas possible"
Me Schapira : "alors, il y a eu une volonté de tout rationnaliser. C'est peut-être une technique pour pousser Essia B. dans ses retranchements. Mais ses retranchements, elle y est déjà. Elle a le poids de sa culpabilité, de ces morts, la peur de ce qui va lui arriver. "
Me Schapira : "des gens qui fument du cannabis, vous en voyez forcément beaucoup. C'est comme ça. Mais des gens qui allongé dans le couloir grattent la porte et voient des oiseaux, vous en voyez beaucoup ou pas? Parce qu'il faut aller au bout du raisonnement."
Me Schapira : "le temps maintenant pour vous de juger Essia B.
On vous demande, de façon complètement incohérente, de la punir de 27 ans de réclusion. C'est totalement irréaliste et vous le savez bien. Ces réquisitions sont à l'image de la manière dont le dossier a été traité"
Me Schapira : "encore une fois, ça souffrance est inaudible.
Les réquisitions vous disent : il y a altération. Et on en tire aucune conséquence.
On dit souvent, chez les pénalistes : "à moitié fou, double peine". Et c'est l'écueil que vous devez éviter."
Me Schapira : "ce qu'on vous propose, c'est juste inhumain.
Je pense que beaucoup de gens souhaitent qu'elle meure en prison. Et ce qui vous a été proposé c'est ce projet là : qu'elle meure en prison.
Si elle ne meurt pas, elle ressort. Et la question est : dans quel état?"
Me Schapira : "là, Essia B. est à la maison d'arrêt de Fleury-Merogis. Et c'est l'enfer. C'est d'autant plus l'enfer qu'elle n'est pas djihadiste, trafiquante de drogue. Elle est "la tarée du coin", celle que personne ne veut voir, sauf pour la racketter".
Me Schapira : "elle vit avec la culpabilité et avec sa solitude. Voilà les compagnons qui composent sa cellule. C'est ça la prison. C'est une zone de non-droit. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas envoyer des gens en prison, mais ce n'est qu'une partie de la solution."
Me Schapira : "et si elle en sort comme un débris, sans avoir été soignée, est-ce que c'est rassurant pour la société? En détention, là où elle sera désormais, elle voit un psy une fois par mois, une heure.
C'est ça qu'on vous propose pendant 27 ans?"
Me Schapira : "il faut que vous trouviez un équilibre, il est extrêmement difficile. Mais il y a un espoir, il y a un amendement. On la fera revenir parmi nous. Ce n'est pas un monstre."
Me Schapira : "vous êtes des jurés populaires, vous avez le droit d'être en colère contre cette peine qu'on vous réclame et qu'on appelle une peine d'élimination".
Me Schapira : "je voudrais simplement vous demander : prenez le temps. Prenez le temps d'une décision qui sera reçue, entendue des victimes. Mais il ne s'agit pas seulement de répondre comme on peut le faire dans un bistrot : "c'est une horreur". Il s'agit de rendre la justice."
Me Schapira : "ne pas oubliez cette petite fille qui a souffert, qui a souffert sans cesse au point de s'alcooliser dès qu'elle a 12-13 ans. C'est quelqu'un qui a connu la cruauté de la cour d'école et qui petit à petit s'est marginalisée."
Me Schapira : "c'est cette personne que vous avez à juger : quelqu'un qui est devenu au fil du temps une épave. Mais c'est quelqu'un de bien, qui a commis l'irréparable. Alors, on plaide coupable, mais on vous demande simplement de ne pas répondre par la loi du Talion".
L'audience est suspendue. Elle reprendra demain à 9h30 pour les derniers mots de l'accusée avant que les jurés ne partent délibérer.

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Feb 23
Bonjour à tous,
Dernier jour d'audience au procès de l'incendie de la rue #Erlanger
Essia B. s'apprête à se lever pour ses derniers mots.
Les jurés partiront ensuite délibérer en vue d'un verdict dans la journée.
Dans le box, comme on l'a souvent vue faire au cours de cette audience, l'accusée, sous très lourd traitement, prend ses médicaments.
Dans la salle, de nombreuses parties civiles sont venues assister à cette dernière audience.
Président : "Mme B., levez-vous. Avez-vous quelque chose à ajouter pour votre défense?"

Essia B. : "pour ma défense, non. Je voulais juste dire pardon pour tout. Voilà, pardon pour tout."
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Feb 17
Bonjour à tous,

Au procès de l'incendie de la rue #Erlanger c'est aujourd'hui le jour de l'interrogatoire de l'accusée Essia B. sur les faits qui lui sont reprochés (avoir incendié la porte de son voisin et provoqué la mort de 10 personnes) et lui font encourir la perpétuité.
Dans le box Essia B. se lève, cheveux très longs, T-shirt sombre.
"Quelles sont vos qualités?", l'interroge d'emblée le président.

Essia B. : "j'ai de l'empathie pour les gens. J'aime mon prochain. Je pense que c'est mon énorme souffrance qui a développé ces qualités"
Président : "et vos défauts? On a parlé de manipulation ..."

Essia B. : "s'il y avait eu manipulation c'était dans le but d'obtenir de la drogue. Mais après, c'était plus du charme, la volonté de séduire les gens. Pas de la manipulation."
Read 65 tweets
Feb 16
Au procès de l'incendie de la rue #Erlanger, l'heure est aux expertises de l'accusée.
Le professeur Daniel Zagury s'avance à la barre. Il a réalisé une expertise de l'accusée fin 2019, puis un complément le 7 août 2021, soit deux ans et demi après les faits.
Daniel Zagury au sujet de l’accusée Essia B. : “elle avait un certain recul sur son parcours chaotique. Et confronte d’emblée à la question d’un soin possible face à l’usage ancien et répété de toxiques [en l'occurrence, alcool, cannabis, cocaïne etc., ndlr]
L'expert psychiatre Daniel Zagury poursuit le compte-rendu de son expertise de l'accusée : "elle exprime de façon assez limpide :”je ne supporte pas la réalité”. Elle ne dit pas qu’elle ne comprend pas la réalité, mais qu’elle ne la supporte pas. Toute la nuance est là. "
Read 33 tweets
Feb 15
Bonjour à tous,
Au procès de l'incendie de la rue #Erlanger, les victimes continuent à se succéder à la barre.
Ce matin, Bénédicte, 33 ans, alors habitante du 7e étage depuis 5 ans.
"Cette nuit-là, je me suis couchée tôt. J’ai été réveillée une 1ere fois par une dispute."
Bénédicte : "j’ai entendu des menaces de mort et de la vaisselle qui tombait dans la cour intérieure. Ca semblait assez violent. Puis ça s’est calmé et j’ai réussi à me rendormir."
Bénédicte : "jusqu’à ce que je sois réveillée une seconde fois d’un sommeil assez profond."
Très émue, elle s’interrompt.
"Au loin, j’ai entendu des cris, des alarmes incendies mais assez lointains. J’ai allumé la lumière et j’ai vu de la fumée noire partout."
Read 84 tweets
Feb 10
Bonjour à tous,
Aujourd'hui, au procès de l'incendie de la rue #Erlanger la cour examine les conditions de l'intervention des pompiers. Premier témoin du jour : le lieutenant-colonel Xavier Guesdon.
Lieutenant-colonel Guesdon : "on a eu affaire à un incendie hors norme, ça n'arrive qu'une fois dans une carrière. Quant on est arrivé, il y avait énormément de gens aux fenêtres, ça n'arrive jamais.
Tout le monde a pris des risque insensés pour sauver 64 personnes."
Lieutenant-colonel Guesdon : "on n'a pas réussi à sauver tout le monde. On en est profondément meurtris. On a failli perdre des hommes. On a pris des risques insensés. Avec des échelles non accrochées, 19 kilos d'équipement sur eux."
Read 62 tweets
Feb 9
Bonjour à tous,
Au procès de l'incendie de la rue #Erlanger, qui a fait dix morts en février 2019, la cour entend les premières parties civiles.
Quentin s'avance à la barre. Il était l'un des habitants de l'immeuble et impliqué dans la dispute de voisinage à l'origine du drame.
"Je m'appelle Quentin, j'i 26 ans, je suis policier à Marseille. Au moment des faits, j'avais 22 ans, ça faisait 4 ans que j'appartenais au corps des sapeurs-pompiers de Paris. C'était pour moi une consécration professionnelle. J'avais pour objectif de devenir sous-officier".
Quentin : "je me préparais à l'examen de sous-officier, des longs mois de travail, de sacrifice.
Ce jour-là, la veille de mon examen, j'ai passé une journée de révision un peu compliquée, j'ai compris que j'étais pas forcément au niveau et ça m'a tendu, j'étais irritable."
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