Charlotte Piret Profile picture
Mar 8, 2023 41 tweets 7 min read Read on X
Bonjour à tous,

En direct de Bruxelles, sous la neige, aujourd'hui. De retour au procès des attentats du #22Mars 2016 à l'aéroport de Zaventem et dans la station de métro Maelbeek.
Le procès se tient depuis début décembre et les témoignages des victimes de ces attaques ont commencé devant la cour d'assises.
Pour les écouter : la cour et les jurés populaires
Les accusés aussi, à l'exception de Salah Abdeslam qui refuse de venir à l'audience depuis qu'il a indiqué avoir été frappé par des policiers, et des deux accusés qui comparaissent libres, représenté par leurs avocats.
Ici, en Belgique, la tonalité est très différente des procès d'attentats qu'on a connu en France, V13 ou le procès de l'attentat du #14Juillet, par exemple."
La présence de jurés populaire y est pour beaucoup. Mais pas seulement.
Le ton très maternel de la présidente aussi.
La présidente, qui prend par exemple, longuement le temps d'accueillir la victime qui s'avance à la barre pour témoigner
(en réalité, elle s'assied' à la table installée devant la cour).
"Vous êtes déjà venue? Vous savez qui est qui dans la salle?", s'enquiert la présidente.
Danielle, débute son récit, en néerlandais. Elle travaillait à l'aéroport ce 22 mars. Elle avait pris son service à 7h30. "Soudain, un bruit sourd, j'ai immédiatement pensé à une explosion."
Danielle : "peu après, une deuxième explosion à suivi, j'ai senti un souffle brûlant et je me suis mise à courir pour ma vie. Je n'ai pas osé courir vers la sortie car le Bataclan était encore frais dans ma mémoire et j'étais persuadé que des gens nous attendaient dehors."
Danielle : "alors, j'ai couru jusqu'à mon bureau au 5e étage et j'ai fui par le toit. Ce que j'ai vu au cours de ma course restera à jamais gravé dans ma mémoire."
Quelques mois après l'attentat, Danielle, qui a aussi perdu une collègue et amie, Fabienne, a tenté de reprendre son travail, ce travail qu'elle faisait depuis 23 ans.
"En septembre, j'ai été licenciée par mon employeur pour cas de force majeure, ça a été très difficile".
"Je ne suis plus la femme forte que j'étais avant. Je ne suis plus la même Danielle, plus la même épouse, plus la même mère, plus la même amie que j'étais. Et c'est très difficile à vivre."
A la lecture de son témoignage, Danielle, a parfois des sanglots. Sa main droite ne lâche pas une balle anti-stress qu'elle triture nerveusement.
"Vu de l'extérieur, nous semblons parfois aller très bien. Mais à l'intérieur, il y a souvent une grande tristesse, un grand chaos"
Danielle achève son témoignage : "je suis heureuse de pouvoir témoigner librement. Mais je crains qu'à l'issue de ce procès, nous soyons oubliés à jamais.
A touts mes compagnons d'infortune, je dirais : "ne perdez pas courage, ensemble, nous continuerons à nous battre".
Debora, 54 ans et Philippe, 55 ans, parents de Bart Migom qui est mort à 21 ans dans l'attentat de Zaventem, témoignent à leur tour.
Il parle "d'un tsunami émotionnel" depuis la mort de son fils : "la peine, le désarroi, la détresse".
Philippe : "toutes les images reviennent, dont celles du corps mutilé de notre fils.
Ce qui me tient debout c'est le souvenir de Bart enfant, puis adulte. Son sourire, son amour éperdu pour sa copine américaine".
Philippe poursuit son récit alors que trois photos d'un jeune homme souriant s'étalent sur le grand écran de la cour d'assises : "il allait se marier, la date était fixée".
Il a fallu plusieurs jours aux parents de Bart pour recevoir la confirmation de la mort de leur fils, grâce à l'ADN prélevé sur ses vêtements.
"Toutes les deux heures, la Croix rouge renouvelait sa liste des victimes. Mais jamais de nouvelles de Bart."
La famille de Bart le cherche partout, scrute les médias en boucle : "on regardait les images, en craignant de voir Bart en train de souffrir ou crier ..."
Avec, toujours, l'espoir qu'il soit vivant, inconscient dans un hôpital.
C'est finalement 2 jours après l'attentat, qu'un policier se présente au domicile de Philippe "pour nous annoncer la mauvaise nouvelle : l'ADN confirmait à 100% qu'il s'agissait bien de Bart".
"Il était près du 1er kamikaze quand il a explosé. Il a été catapulté par le souffle".
Philippe : "il faut savoir que Bart est le second enfant que Debora et moi avons enterré.
Ca m'a démoli".
Philippe souhaite s'adresser aux accusés : "je ne sais pas qui est coupable et qui ne l'est pas. Ce n'est d'ailleurs pas à moi de décider. Mais quelle que soit la responsabilité de chacun, aussi minime qu'elle puisse être, c'est une responsabilité écrasante".
Débora, maman de Bart, prend la parole à son tour.
"Bart était non seulement notre fils, mais aussi un frère, le 2e d'une fratrie de 5, un cousin, un petit-fils, un ami ..."
Elle est submergée par l'émotion.
"Il était aimé ..."
Débora : "quand je pense à mon fils, je le vois comme vous le voyez là, avec son grand sourire", dit-elle en montrant les photos toujours affichées sur l'écran géant.
"Il était très grand. Comme un grand nounours avec un coeur en or".
Débora : "on essaie de trouver des réponses. De comprendre pourquoi ces jeunes qui avaient environ le même âge que mon fils ont commis de telles horreurs. Mais au fil du temps, on réalise qu'on n'aura pas de réponse. Et on doit apprendre à vivre avec ça".
Débora : "et puis, on essaie aussi d'accepter la manière atroce dont il est mort. Mais en fait c'est impossible, tant de cruauté. Alors, on finit par renoncer d'accepter ça".
Face aux accusés, qui ont participé à ces attentats au nom d'un dieu, Débora évoque "le soutien de Dieux" qui l'aide à tenir aujourd'hui.
Les accusés auxquels la maman de Bart réserve ses derniers mots : "vous avez certains choix et ces choix ont mené à ce que vous soyez ici."
Débora : "mais même encore maintenant, il vous reste plusieurs choix : soit vous continuez ce que vous avez fait jusqu'à présent. Soit vous pouvez regarder votre vie droit dans les yeux et vous demander quel mal vous avez fait."
Débora : "cela requiert un peu de courage. Mais vous avez le choix de prendre vos responsabilités. Et ce sans mensonges. J'espère que vous le ferez."
Place au témoignage de Caroline, 48 ans.
"Merci d'être venue depuis les Etats-Unis puisque vous venez d'atterrir", l'accueille la présidente.
"Le 22 mars 2016, il était plus ou moins 7h45, je suis arrivée à l'aéroport pour rentrer aux Etats-Unis", témoigne Caroline.
Caroline : "j'ai commencé le processus de check-in. J'étais debout, avec mon chariot devant moi. J'ai entendu un grand boum derrière moi. J'avais encore en tête les explosions au Stade de France.
Je me suis tout de suite mise en alerte".
Caroline : "on pense à sortir au plus vite. Je suis sortie et j'ai vu une dame, au téléphone, avec du sang sur son pantalon.
C'est à ce moment-là que j'ai compris la réalité des bombes".
Caroline : "et là je me suis dit : "je vais y aller". Je suis retourner vers l'aéroport, vers le côté où il y avait le plus de dégâts. Il y avait un homme par terre avec un énorme hématome sur son ventre, il était conscient, donc ça allait encore".
Caroline : "et puis je suis arrivée vers les fenêtres où tout était détruit. Il y avait du sang partout.
Un jeune femme et un homme essayait de tirer un jeune asiatique de dessous les débris.
Il y avait un amas incroyable de débris en tous genre."
Caroline : "il y avait une personne vivante, les deux membres arrachés, elle se vidait de son sang. J'ai essayé de faire un garrot avec mon pull. J'hésite à dire son nom car je sais qu'elle est décédée et je ne sais pas l'effet que ça peut avoir sur ses proches".
Caroline a aussi pris des photos, dans l'immédiat après l'explosion : "il y a une photo, prise une demi-heure après l'explosion. On voit UNE ambulance."
Présidente : "vous voulez dire qu'il a fallu du temps pour que les secours arrivent?"
- effectivement. Beaucoup de temps.
Caroline ferme les yeux pour se souvenir, le visage crispé. Elle raconte au présent : "il n'y a pas beaucoup de cris. Il y a du sang, c'est un chaos insupportable. C'est l'impuissance totale. Tout est détruit. Il y a des gens en train de mourir. Et on ne sait rien faire."
Caroline : "il n'y a pas de mots, tellement c'est horrible. Il n'y a pas de mots pour décrire".

La cour fait alors projeter les photo prises par Caroline juste après les explosions.
On découvre un amas de débris en tous genre. "Il y avait un couple dessus", explique Caroline.
Sur une autre photo, une jeune femme essaie de sortir un corps de la montagne de débris. "Il est mort, le jeune homme dessous", poursuit Caroline, avant de s'effondrer en pleurs.
Sur la photo suivante, les premiers secours s'affairent autour d'un corps, toujours au milieu de quantité de débris. Les sanglots de Caroline résonnent encore dans le micro de la salle d'audience, pétrifiée.
Sur cette même photo, on voit un homme agenouillé auprès d'un corps.
"S'il se reconnaît, j'aimerais savoir qui c'est, dit Caroline, c'est un monsieur formidable, il s'est occupé d'un jeune homme aux jambes arrachées et qui est décédé. Il est resté près de lui".
Caroline : "tout le monde faisait ce qu'il pouvait, avec les moyens du bord. Mais bon..."
Puis, se souvient Caroline, un sirène a retenti et tous les secours sont sortis en courant.
La troisième bombe, celle que Mohamed Abrini a renoncé à faire exploser, venait d'être retrouvée.
Caroline : "j'aimerais exprimer mon sentiment pour terminer. Aux terroristes et à Mohamed Abrini en particulier. Je suis face à vous aujourd'hui, grâce à votre lâcheté. Des milliers de bombes de changeront jamais rien au désir de s'entraider, de s'aimer. You loose".

• • •

Missing some Tweet in this thread? You can try to force a refresh
 

Keep Current with Charlotte Piret

Charlotte Piret Profile picture

Stay in touch and get notified when new unrolls are available from this author!

Read all threads

This Thread may be Removed Anytime!

PDF

Twitter may remove this content at anytime! Save it as PDF for later use!

Try unrolling a thread yourself!

how to unroll video
  1. Follow @ThreadReaderApp to mention us!

  2. From a Twitter thread mention us with a keyword "unroll"
@threadreaderapp unroll

Practice here first or read more on our help page!

More from @ChPiret

Mar 28
Palais de justice de Paris, salle Diderot.
Au procès dit du #VioleurdeTinder l'heure est au réquisitoire de l'avocat général, Philippe Courroye.
Rappelons que Salim Berrada est jugé pour 17 viols et agressions sexuelles et encourt 20 ans de réclusion.
"Vous les avez vues, entendues. Vous avez entendu le récit des viols et des agressions sexuelles subies par ces 17 victimes. Vous avez vu ici, à cette barre, celles qui ont eu la force de venir raconter leurs souillures", entame l'avocat général dans son réquisitoire.
"Et lui, les a-t-il seulement vues, entendues ? La question se pose tellement, tout au long de cette audience est resté imperturpable, comme bunkérisé dans le béton de ses dénégations", poursuit l'avocat général.
Read 25 tweets
Mar 27
Bonjour à tous,
De retour salle Diderot au palais de justice de Paris. Procès dit du #VioleurdeTinder
Dernier jour des débats aujourd'hui avant les plaidoiries et réquisitoire prévus demain.
Ce matin, la dernière partie civile s'exprime à la barre. Nous l'appellerons "Rania".
"Rania" raconte à son tour la prise de contact sur Tinder, le rendez-vous pour une séance photo. "J’avais apporté des vêtements dans un sac, on a commencé à discuter. Il m’a proposé un shot d’alcool, puis il m’a parlé des fêtes qu’il faisait, de la drogue … ça m’a paru étrange"
"Je me sentais totalement euphorique", se souvient Rania. Puis, alors que je regardais les photos qu'on venait de faire, il s'assied à côté de moi et m'embrasse. Je l'ai repoussé et lui ai dit :"je ne veux pas ça, tu ne m'attires pas". Mais il revient vers moi et dit "essaie".
Read 29 tweets
Mar 22
Bonjour à tous,
Salle Diderot, palais de justice.
De retour au procès dit du #VioleurdeTinder : Salim Berrada comparaît devant la cour criminelle départementale pour les viols et agressions sexuelles de 17 femmes lors de séances photo à son domicile.
Celle que nous appellerons Charline est la neuvième victime dont les faits dénoncés sont examinés par la cour. Elle a aujourd'hui 26 ans et est comédienne, explique-t-elle.
"Je vous laisse la parole", déclare le président à "Charline"
Long silence de la jeune femme.
"Quand j’ai découvert le travail de monsieur Salim Berrada, j’étais mineure à l’époque. Mais j’étais déjà modèle. Je faisais principalement du portrait."
Read 53 tweets
Mar 19
Retour au procès dit du #VioleurdeTinder devant la cour criminelle départementale de Paris.
Salim Berrada, ancien photographe de mode, comparaît depuis hier pour les viols et agressions sexuelles de 17 jeunes femmes qu'il avait contactées pour de séances photo.
Cet après-midi les premières parties civiles témoignent à la barre. Louise (le prénom a été modifié) a tout d'abord raconté l'agression sexuelle qu'elle dit avoir subie de l'accusé. "Soudainement, il s'est jeté sur moi, il m'a embrassée avec la langue. Je ne voulais pas"
A la barre en ce moment, Caroline, maquilleuse qui a travaillé avec l'accusé.
"Avec l’affaire Salim Berrada, il y a eu un avant et un après : les gens ont commencé à parler"
"C’est un peu le #MeToo de la photographie ?" relève le président.
- C’était avant MeToo, mais oui.
Read 21 tweets
Mar 18
Bonjour à tous,
Palais de justice de Paris, île de la Cité.
Dans la (petite) salle Diderot s'ouvre aujourd'hui le procès de Salim Berrada, ancien photographe de mode de 38 ans. Surnommé le #VioleurdeTinder , il comparaît pour les viols et agressions sexuelles de 17 femmes.
L'accusé, petites lunettes rondes, coupe afro, collier de barbe, est installé dans le box vitré.
Il avait été remis en liberté après un peu plus de deux ans de détention provisoire ... avant d'être réincarcéré à la suite de nouvelles plaintes pour viol.
Sur les bancs de bois de la salle d'audience criminelle départementale, plusieurs parties civiles. Ce femmes qui ne se connaissaient pas dénoncent toutes un scénario très similaire sur ces rendez-vous pour une séance photo qui ont tourné au viol.
Read 27 tweets
Feb 28
Bonjour à tous,

Aujourd'hui, nous sommes au tribunal judiciaire, quartier des Batignolles. Une salle du 4e étage pour le procès de l'influenceur d'extrême-droite Papacito devant la 17e chambre correctionnelle.
Le Youtubeur toulousain encourt sept ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour provocation publique, propos homophobes et incitation à commettre une atteinte à l'intégrité physique d'une personne.
En l'occurrence, la personne visée dans 2 vidéos du youtubeur est le maire de Montjoi, village de 169 habitants où un banal litige sur l'usage d'un chemin rural a viré au règlement de compte sur les réseaux sociaux.
Harcelé et menacé de morts, le maire du village a porté plainte
Read 39 tweets

Did Thread Reader help you today?

Support us! We are indie developers!


This site is made by just two indie developers on a laptop doing marketing, support and development! Read more about the story.

Become a Premium Member ($3/month or $30/year) and get exclusive features!

Become Premium

Don't want to be a Premium member but still want to support us?

Make a small donation by buying us coffee ($5) or help with server cost ($10)

Donate via Paypal

Or Donate anonymously using crypto!

Ethereum

0xfe58350B80634f60Fa6Dc149a72b4DFbc17D341E copy

Bitcoin

3ATGMxNzCUFzxpMCHL5sWSt4DVtS8UqXpi copy

Thank you for your support!

Follow Us!

:(