Retour rapide sur le fameux SNMO, schéma national de maintien de l'ordre. D'abord qu'est-ce que c'est? Ce n'est pas une doctrine. C'est plutôt un recueil (pas inutile d'ailleurs) des principes du droit, du code de déontologie, d'aspects relatifs à procédures pénale ou aux armes.
Par moment, le SNMO prétend être une doctrine. Mais l'étiquette est trompeuse: une doctrine articule de façon cohérente des principes généraux et des guides des pratiques. Or les principles sont traités en un encadré au début du texte, et ensuite on ne parle des techniques.
On y trouve aussi des affirmations, par ex. l'idée non démontrée et non fondée par les principes généraux que l'usage des armes "moins mortelles" et des unités les moins professionnelles (Brav-M et BAC) sont de bonnes pratiques. Contrairement à recommandation du @Defenseurdroits
et c'est contraire à la tradition française de professionalisation. On ne peut pas dire "professionnalisation" d'un côté et mobilisation d'unité non professionnalisée de l'autre. Bref, c'est un patchwork, du "work in progress", pas une doctrine.
Quelle lecture politique du #SNMO ? Dans la version 2020, @GDarmanin a fait un "édito". L'accent: la menace des casseurs. La porte d'entrée politique de la réflexion, ce n'est pas le droit (de manifester notamment).
Dans l'édito, la focale c'est casseurs, exactions, tactiques, mobilité, dispositifs (d'information). Il y a aussi une référence au droit de s'exprimer et à la liberté de manifester.
Dans le corps du texte du schéma national, les droits sont les grandes absents, car ils servent de couverture à l'approche agressive du maintien de l'ordre. Je vais résumer: les nasses, les LBD, les grenades, c'est pour le bien des manifestants. Les seules références au droit...
portent sur le droit de la presse de filmer et à l'instruction ministérielle du 23 décembre 2008: "Les policiers ne bénéficient pas de protection particulière en matière de droit à l'image", sauvegardée par la grande mobilisation contre la V1 du #snmo...
qui portait gravement atteinte à la loi sur la liberté de la presse loi du 29 juillet 1881. La commission Delarue, chargée par le PM en décembre 2020 de "concilier le travail des journalistes et celui des FDO". Après 4 mois d'auditions, elle a...
... aboutit au compromis qui est dans le #snmo 2021, avec une section entière, intitulée « Journalistes » dont les dispositions visent à la fois à « protéger le droit d’informer » et à garantir « la sécurité physique des journalistes ».
"La loi sur la presse érige le grand principe que l’expression publique doit relever de règles spéciales, et non générales. Cette philosophie a été instaurée en 1881 pour éviter qu’une réglementation trop sévère puisse sanctionner l’expression publique" (C. Bigot, avocat).
Le droit des citoyens de filmer a été lui protégé par la grande mobilisation fin novembre 2020 contre la "loi sur la sécurité globale". La mobilisation dans les rues a permis d'éviter une "loi bâillon" à la française (en modifiant la loi du 29 juillet 1881)
Revenons au #SNMO. Il manque le terme le plus importants de l'Etat de droit: la redevabilité. Le terme n'y apparait pas (pas plus que rendre des comptes). La redevabilité vis à vis de la loi, et vis à vis de la population, c'est une police qui respecte la loi et les règles...
...(ne tutoie pas, porte son RIO, ne porte pas de cagoule, n'abuse pas de son autorité, n'utilise pas les armes de façon disproportionnée...). Si on ne peut pas demander des comptes pour toute action, y compris le placement en GAV sans motif, et permettre l'identification ...
individuelle des fautes des agents, il n'y a pas de redevabilité. Pourtant, la redevabilité constitue le coeur de la police démocratique. Elle doit être placée au centre de toute doctrine de maintien de l'ordre.
PS: toutes les limitations au droit de manifester sont par contre bien listées dans la section "Judiciaire", d'engager des procédures de traitement rapide, de prononcer une interdiction de participer à une manifestation; recourir aux procédures de poursuite rapide etc...
PS2: la présentation des lois ne fait pas de place au droits fondamentaux, autre ex. On lit "La participation à une manifestation interdite est sanctionnée pour sa part d'une contravention (décret 2019-208 du 20 mars 2019). Mais on ne dit pas ...
qu'un citoyen ne peut PAS être sanctionné pour participation à une manifestation spontanée, et que donc les PV dressés dans ce cadre de manifestations ne sont pas valides. C'est le devoir de l'Etat de garantir les droits des citoyens, et ce role n'est pas rempli dans le #SMNO
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En France, le maintien de l'ordre est mal codifié, les libertés de protester ne sont pas protégées par le conseil constitutionnel (contrairement à l'Allemagne) et il n'existe pas de doctrine au sens fort du terme, juste des instructions ici ou la. De sorte que ce n'est pas la loi
mais les instructions politiques de l'heure qui priment totalement, avec les aberrations qu'on a pu constater (arrestations pour rien, humiliations, nasses illégales). Je reviens sur ces éléments successivement.
D'abord l'insuffisante protection légale. Le droit à manifester devrait être inscrit dans la constitution, et ne pas être une tolérance de l'administration à partir de critères flous. Cette tradition remonte à Clémenceau, ministre de l’Intérieur de 1906 à 1909.
Bilan de la nuit de la Saint Sylvestre : une lecture alternative. @GDarmanin a mis en avant sa performance ministérielle. Comme il se doit. Le principe est simple: si c'est bon c'est moi, si c'est mauvais, c'est la faute aux autres. J'ai reconstitué à partir des sources ouvertes
... la stratégie du ministère de l'intérieur depuis 2002. Plusieurs éléments ressortent. D'abord, la communication à géométrie variable. Quand ça ne veut pas aller (malgré le dévouement et l'efficacité exceptionnelles des policiers et gendarmes), la tactique consiste ...
à ne plus communiquer les chiffres du tout. «Je n'accepterai plus que ce moment de fête et de concorde nationale puisse être gâché par le comportement de voyous sans scrupule.» C'est la méthode Sarkozy-Hortefeux: lefigaro.fr/actualite-fran…
Le rapport obtenu par @CamillePolloni et rendu public par Médiapart soulève bien des questions. La première est de savoir comment dans une démocratie, concernant un droit fondamental qui n'est autre que l'égalité (ici devant la police), peut être soustrait du débat public par...
... les ministres de l'Intérieur et de la Justice. Les freins ordinaires et routiniers à la transparence de l'Etat sont impressionnants. L'Etat de droit sans la transparence n'a, faut-il le rappeler, pas de signification. Il est certain que les rapporteurs ont eu une tache très..
délicate: celle de naviguer entre le tabou gardé par les responsables politiques et des hauts fonctionnaires et le nombre de preuves accumulés sur la réalité du phénomène de la discrimination policière. Ils proposent d'ouvrir les yeux de l'Etat sur ses propres pratiques...
Le discours des policiers sur la fin de l'autorité, être craint, l'absence de reconnaissance caractérise-t-il les années 2020 ? Que nenni, on le retrouve, inoxydable, depuis des dizaines d'années, inchangé. A partir du travail de Lhuillier sur la psychologie armes & uniformes.
Le travail est n'est pas publié en 2010, ni même en 2000, mais en 1992, soit il y a trente ans. Extraits n°1. L'autorité non reconnue. La police ne fait plus peur.
Extrait n°2. les policiers ne font plus "le vrai travail" qui devraient être le leur.
Ce matin, la police compte un total de 12 tués par tir policier en un peu plus de 9 mois en France. Je ne connais aucun pays européen comparable. rtl.fr/actu/justice-f…
Par comparaison avec la France, et sans intégrer l'année 2022 et ses 12 tués par balle, la police France a tué en moyenne 50% plus souvent que l'Allemande, et 375% plus souvent que l'Anglaise.
Combien les policiers ont-ils tués de personnes en France depuis 10 ans? Cette question préoccupe les nations unies. Une agence 'UNODC) compare les décès de policiers en mission (c-a-d hors accidents de trajet par ex.) et les décès des personnes au cours des opérations de police.
A partir des données disponibles dans quelques pays, UNODC montre les deux valeurs, et calcule des ratios.
Pour les pays où les polices comptent parmi les plus violentes, voici les ratios. Spoiler: en matière de respect de la vie, la France n'a pas la pire police du monde en dépit de sa médiocrité en Europe.