Nouvelle pétition pour la #DissolutionBravM dont on rappelle qu'elle n'est qu'un rebranding des voltigeurs de Pasqua, dissous après l'assassinat de Malik Oussekine en 1986, avec 37 ans d'innovations techniques des moyens de répression en plus.
Rappelons qu'à l'époque la police de métropole était encore théoriquement dans la doctrine "zéro morts"; ce qui explique 1. la dissolution des voltigeurs, 2. la visite de Mitterrand à la famille et 3. les excuses publiques de cette brute épaisse de Pasqua.
Nous avons quitté cette doctrine au cours des années 2000 (avec un tournant particulier en 2005), pour réintroduire un modèle colonial du maintien de l'Ordre d'abord dans les quartiers populaires avant que cette nouvelle doctrine ne s'étende (inégalement) sur tout le territoire.
Un événement significatif par sa charge symbolique illustrait ce changement presque trente ans après la mort tragique de Malik Oussekine.
Lors des “questions au gouvernement” à l'Assemblée nationale, le 2 novembre 2016, le député socialiste Pouria Amirshahi interpelle le ministre
de l’Intérieur Bernard Cazeneuve sur la responsabilité policière dans l’affaire Adama Traore. La réponse du ministre, en deux minutes, ne parle que de la difficile tâche de la flicaille (face au terrorisme, bien sûr, quoique ceci n’ait aucun lien avec l’affaire Traore), parle de
« mise en cause permanente et à longueur de semaine du travail fait par les forces de l’ordre », et prend la posture de celui qui demande que l’on sorte des postures, sans jamais, à aucun moment, dire le nom d’Adama Traore.
Quelque chose a changé pour qu’en trente ans on passe des excuses d’une brute de droite au mépris d’un ministre dit “socialiste”.
Quelque chose a aussi changé en 2002, quand Chirac a été élu avec les voix de la gauche pour faire barrage à le Pen père, dans les rapports que le pouvoir entretient avec la rue.
Ce jour-là, les politiciens ont compris une chose: ils n’avaient plus besoin d’une légitimité en
propre pour se faire élire. Le danger, réel, que représentait le Front National suffisait. Et la chose a eu une conséquence énorme: il est devenu pratiquement impossible de faire reculer un gouvernement dans la rue.
De piège tendu à la droite qu’il était, le FN est devenu solution pour un personnel politique qui justement peinait de plus en plus à maintenir cette illusion de légitimité. Le voilà maintenant libre de gouverner comme il l’entend, au prix relativement modique d’un peu
d’agitation dans les centres des grandes villes. Il n’y a pas de raison que ces irresponsables soient malheureux de la puissance d’un parti fasciste.
[NB. Quand je dis qu'il est "pratiquement impossible de faire reculer un gouvernement dans la rue" je ne veux pas dire que ça soit devenu impossible *tout court*. En revanche, les mouvements de ma jeunesse où *manifester suffisait* à faire pression sont du passé: maintenant il
faut beaucoup plus. Blocages, grève générale, etc.]
Tenter d’instrumentaliser un parti fasciste est, certes, un pari dangereux - mais c’est un pari que la bourgeoisie, et son personnel politique, ont souvent fait depuis que le fascisme est apparu: c’est ainsi parce que le personnel autour d’un président Hindenburg d’abord réticent
(il était partisan d’une droite autoritaire plus traditionnelle et méprisait Hitler notamment pour l’antichristianisme affiché du NSDAP) a réussi à convaincre ce dernier que le “petit peintre en bâtiment” serait facile à manipuler qu’il s’est résolu à l’appeler comme chancelier,
avant de lui accorder successivement tout ce dont Hitler avait besoin pour faire se confondre parti nazi et État allemand.
Faire barrage au FN/RN veut donc dire deux choses très différentes en fonction du côté de la porte des ministères derrière lequel on se trouve: pour nous, c’est répondre à l’urgence lors des échéances électorales, et donc voter pour le candidat opposé au candidat FN/RN; pour les
politiques, c’est pousser la thèse que le FN/RN pose de vraies questions (quitte à tout de même préciser que ses réponses sont fausses) et appliquer des politiques sécuritaires qui ont tété le lait du programme de ce parti.
Revenons-en à la police. La partie de la police dont la tâche est purement répressive, CRS, gendarmes mobiles, BRI, BAC, BravM, est massivement acquise à la cause du fascisme. Et ce, dans un moment qui a vu la doctrine d’État changer du consensus de la doctrine du zéro mort que
la France avait appliqué à sa métropole (réservant la militarisation du maintien de l’ordre à ses colonies) à un retour d’une police militarisée, d’abord dans les quartiers populaires, puis face aux mouvements sociaux. Il faut d’ailleurs constater que ce point est un mouvement
assez général dans les pays occidentaux (le journaliste de la chaîne de télévision américaine MSNBC Chris Hayse a sorti un livre, /A colony in a Nation/, dans la foulée de l'élection de Trump. Il y illustrait l’incompréhension des banlieues bourgeoises face aux dénonciations
populaires de la violence policière: les premiers sont confrontés à une police plus classique quand les seconds doivent se fader une police de logique “coloniale” - dans un contexte par ailleurs, mais ce point change peu en France, largement racial, une police pour les blancs,
une autre pour les noirs).
Et le fait que cette police de répression soit massivement acquise au RN a un impact majeur sur la relation que l’État, qui n’est pas (encore) fasciste, entretient avec sa police: si nos gouvernants n’ont plus à acheter auprès de nous leur légitimité, ils doivent maintenant
acheter le consentement de la police. Tous les ministres de l’Intérieur récents, de Sarkozy lui-même à Cazeneuve, ont été détesté par les policiers; et tous, de ce fait, ont passé énormément de temps à lui donner des gages de plus en plus exorbitants. Comme me l’avait dit le
jeune sociologue Pierre Douillard, lors d'un passage dans une radio de grève pendant le mouvement contre la loi Travail, « si tu cherches un syndicalisme qui fonctionne en France, regarde le syndicalisme policier. Ce sont les derniers à obtenir tout ce qu’ils demandent. »
Voilà bien pourquoi Cazeneuve répondait en 2016 par le mépris à une interpellation d'un député (de son propre parti) sur la violence policière, là où cette brute épaisse de Pasqua, trente ans avant, avait dû ravaler son chapeau et s’était excusé.
Au reste, ces gages, qui tuent des dizaines d’enfants du prolétariat racisé chaque année et marquent dans leur chair les acteurs des mouvements sociaux, ne coûtent rien à donner à un État qui voit sans mal le parti qu’il peut tirer de la violence policière.
Quant à la violence policière, oui, elle va, et va aller en s’aggravant. Mais des mouvements sociaux, des insurrections même, ont été victorieux quand c’était à la Troupe, aux fusils et aux canons qu’était dévolue la répression sociale. Nous vivons un niveau de violence policière
sans précédent /de notre vivant/, et savoir s’y adapter est un de nos gros enjeux, mais gardons à l’esprit qu’un mouvement peut triompher en affrontant bien pire, et que rien n’est impossible à l’avance.
Nous avons peu de raisons de nous réjouir, mais assez de ne pas désespérer.
[thread en partie recyclé d'un article écrit juste après la première élection de Macron en 2017, "Que Faire? II - The Mysterious Case of the Recurring Trap"]
[NB bien entendu quand je parle de niveau de violence sans précédent de notre vivant je parle de la métropole française. C'est évidemment pas très dur de trouver des niveaux de violence bien supérieurs ailleurs]
PS. Visiblement y'a des gens que ça fait marrer que je me serve d'une pétition (dont je n'ai pas la moindre illusion sur son utilité réelle) comme prétexte pour rebondir et développer.
Vous m'imaginez naïf jusqu'à quel point les gens?
Bref. Je pense pas que l’État va dissoudre la BravM parce qu'on lui demande gentiment (pour les raisons exposées dans ce thread entre autres) et je vois aucune raison de se limiter à la dissolution de ce que la police a de *pire* quand on voit à quoi son "moins pire" ressemble.
Bon ben nouvelle précision du coup: abolish the police, j'ai pas développé parce que c'était une réponse à un procès en naïveté qui voyait dans mon thread une dénonciation de la seule violence policière, mais c'était pas le sujet du thread.
Par ailleurs, si je devais parler de l'abolition de la police, partez du principe que je ne parle pas dans les nuées de l'Abstraction (et donc pas des fonctions que la police remplit). Je parle d'une réalité historique précise, la police au sens contemporain du mot, qui ne
remonte pas plus loin que la fin du XVIIIème siècle et qui s'est construite par étapes successives (par exemple, et pour la France, la création de la Police Judiciaire par distinction de la Police Administrative en 1795, les brigades mobiles de la PJ sous Clémenceau,
la concentration des fonctions policières dans la Police Nationale sous Vichy).
On en recausera peut-être à l'occasion. Pas maintenant, par contre. Trop fatigué.
(par contre je vais conserver ce même mot d'ordre, pour une raison simple: la police, comme institution historique, n'est pas une institution réformable sur le fond. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'en existe pas des formes pires que d'autres; juste que tout ce qu'on peut espérer
d'une réforme est une *atténuation* de ses problèmes intrinsèques, en aucun cas leur disparition. Alors oui on peut se dire que c'est déjà ça - et j'ai rien contre le réformisme comme tactique hein - mais d'une part je n'ai aucune raison d'espérer que des "réformes" iraient dans
le bon sens (pas vrai Joseph Robinet Biden?) et d'autre part l'idée d'un intérêt tactique à court et moyen terme finit par repousser perpétuellement dans un "après" qui recule à chaque pas, toute réflexion de fonds, parce qu'il y a *toujours* plus "urgent".)
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh
Allez on va réfléchir à voix haute.
Enfin, à tweet haut... arf ça sonne prétentieux. Bon VOUS M'AVEZ COMPRIS faites pas semblant.
Donc. Je repensais à cette """traduction""" depuis les science studies par les réalistes naïfs à la Sokal et Bricmont, de l'idée "les 'lois'
scientifiques sont des constructions sociales" en "ce sont de simples conventions sociales" (c'est une expression qui revient très régulièrement sous leur plume), que ce que la première phrase signifie, c'est qu'elles sont arbitraires (également, un mot qui revient souvent).
Thomas Kuhn n'est en général pas bien compris, y compris par des gens qui se pensent partisans de ce qu'il dit (un cas assez typique d'incompréhension par les "partisans" est le fait de prêter à l'expression "révolution scientifique" un sens mélioratif. Kuhn est pourtant assez
Petit rappel du jour: Noam Chomsky est un tas de merde.
(vu qu'il y a des *tonnes* de choses qui justifient cette assertion, je vais préciser celle qui vous vaut ce rappel: son copinage avec le pédocriminel Jeffrey Epstein)
Dans mon expérience, il y a aussi un certain usage militant chez les réductionnistes (de classe, surtout) qui permet, en désignant une question comme "sociétale", de la distinguer des questions "sociales" *vraiment* importantes (à leurs yeux), en clair, en rétablissant via la
sémantique le caractère subalterne de ce qu'on appelait encore dans les années 80 les "luttes partielles".
Ironiquement, c'est un usage en miroir de l'usage, disons, "savant", où c'est utilisé comme un marqueur de classe pour se distinguer du vulgus pecum (nous) qui dit "social", mal éduqué qu'il est. Mais c'est un peu le même genre de mépris.
Être à la hauteur de l'honneur de la Police Française-de-Souche c'est ce que "les gens" vous disent "sur les marchés" aussi, rigolo?
On parle d'une exécution sommaire de plus par les garde-chiourmes armés du Capital, et ce qui vous vient c'est leur reprocher de pas être à la
Mais triple buse, c'est *ça* la hauteur de leur uniforme. C'est *pour ça* que la police moderne a été créée, c'est *à ça* qu'elle est supposée servir. Mâter les populations subalternes. Quoique vous raconte ce monsieur Légens avec qui vous aimez tant
Merci beaucoup.
J'en profite pour rappeler que (du moins telle que je la conçois) l'opposition antivalidiste au suicide assisté n'est pas (et ne doit pas être) une opposition *de principe* mais une opposition *pratique*, parce qu'un "suicide assisté" mis en place par une société
eugéniste va nécessairement se retrouver à servir à l'eugénisme.
Et les positions de principe pro-"suicide assisté" (ça doit être "éclairé libre et consenti") n'aident pas, parce qu'elles ne s'interrogent pas assez sur ce que cache le mot "libre".
Si le choix pour un handi trop
pauvre par exemple, est entre la souffrance perpétuelle et incapacitante et le "suicide assisté", c'est rationnel de choisir le second - tant qu'on ne sort pas du cadre libéral du "choix" de l'individu pour comprendre dans quel environnement social ce choix "libre" est fait, on
Je suis en train de faire des recherches sur les sites anglosaxons d'évaluation des "biais" et de la "fiabilité" des médias.
Et ma question est: QUI EVALUE LES EVALUATEURS?!?
Où l'on apprend que le Daily Wire est juste "right leaning" (penchant vers la droite) et pour la fiabilité, est... moyen.
LE DAILY funckin'WIRE! Les producteurs du documenteur "what is a woman" du fasciste Matt Walsh! Qui hébergent Ben Shapiro et autres ordures d'extrême-droite!
Ils sont moyen-fiables et ils "penchent à droite"?
Et quand on regarde l'équivalent symétrique du biais politique, c'est Rolling Stones?! (qui par ailleurs est sensé être un bon cran moins fiable que le DW) Quelle sinistre farce.