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Apr 13, 2023 94 tweets 16 min read Read on X
Bonjour à tous,

De retour salle Victor Hugo, au vieux palais de justice, cour d'assises spécialement composé, procès de l'attentat du #Copernic en octobre 1980.

Journée cruciale aujourd'hui. Avec ce matin, l'audition des parties civiles qui souhaitent témoigner.
Et cet après-midi, l'audition des juges d'instruction qui ont ordonné un non-lieu pour Hassan Diab.
Avant que le parquet de fasse appel de leur décision et que la cour d'appel en décide autrement, d'où ce procès.
Mais pour l'instant donc, Oron Shagrir s'est avancé à la barre. Venu parler de sa mère, Alza.

"Ma mère avait 42 ans quand elle a été assassinée à Paris. Cela a détruit notre petite famille. Mon grand-père a succombé à un infarctus deux jours plus tard."
Oron Shagrir : "a mère passait rue Copernic au moment de l'attentat. Elle apportait des figues fraîches à une amie.
Je ne peux même pas vous décrire le choc que j'ai vécu après avoir appris la mort de ma mère. Je fêtais mes 19 ans à Jérusalem avec des amis quand je l'ai appris"
Place au témoignage de Patricia Barbé, fille de Jean-Michel Barbé, décédé dans l'attentat.

"Si vous me permettez, je vais vous lire une lettre que j'ai écrite à mon père, 40 ans après les faits", dit-elle en s'avançant à la barre.
"Aujourd'hui 3 octobre, je viens de faire un crochet par la rue Copernic. C'était il y a 40 ans, le mot attentat déchiquetais ma vie", lit Patricia Barbé.
"Comme tous les matins, j'embrasse mes enfants avant d'aller à l'école. Ni trop, ni trop fort pour ne pas les inquiéter."
"Saurais-je un jour pourquoi un prétendu suspect depuis 15 ans a finalement été libéré, faute de preuves, par un juge qui s'est attelé à défaire ce que le précédent juge avait fait? ", achève Patricia dans sa lecture.
Patricia avait 16 ans lorsque son père, le chauffeur d'une famille qu'il attendait devant la synagogue a été tué dans l'attentat.
Michael Williams, 79 ans, est le suivant à s'avancer à la barre. "J'étais le grand rabbin de la rue #Copernic pendant 40 ans.
Rabbin Williams : "j'ai du attendre plus de 30 ans pour qu'on me pose la moindre question. C'était en 2011 que deux agents de police sont venus me poser des questions comme "où étiez-vous à 17h45 le 3 octobre 1980?" "Aviez-vous remarquer quelque chose aux abords de la synagogue?"
Rabbin Williams : "le lendemain, je suis allé à l'hôpital Ambroise Paré. J'ai expliqué que j'étais le rabbin de la synagogue et je venais voir les blessés de l'attentat. On m'a répondu : "sortez d'ici, vous êtes responsable de tout cela". Ca m'a beaucoup marqué."
Président : "la synagogue était protégée? "

Rabbin Williams : "il y avait un policier devant la porte depuis quelques semaines parce qu'il y avait des actes antisémites à l'époque.
Il a dit qu'il avait été projeté contre le mur par l'explosion."
Président : "ce jour-là, la synagogue était pleine, plus que d'habitude, il y avait même des gens debout ..."
Rabbin Williams : "c'était shabbat et il y avait cinq bar-mitsva, et puis il y avait toujours beaucoup de monde à la synagogue de #Copernic "
Rabbin Williams : "je sais exactement à quel moment la bombe à explosé. C'était pendant une prière où on s'incline légèrement. J'ai pensé qu'il pleuvait dans la synagogue. Parce que la verrière a éclaté et on a reçu des morceaux de verre."
Rabbin Williams : "notre réaction, avec mon ministre officiant, était d'abord de continuer. Et puis, on s'est rendu compte qu'il y avait des blessés à gauche, là où le toit est tombé."
Benjamin Chambre, avocat général : je voulais vous dire qu'avec mon collègue, nous avons été sidérés de la manière dont les victimes avaient été traitées. En l'occurrence pas traitées du tout. C'est un regret pour nous."
Avocat général : "mais aujourd'hui, l'institution judiciaire a beaucoup évolué à l'égard des victimes. Ca ne se passe plus ainsi."
Corinne Adler, 56 ans, s'avance à la barre. Ce 3 octobre 1980, elle faisait partie des 5 enfants qui fêtait leur bar-mitsva. "Mes parents sont juifs allemands, ils ont fui l'Allemagne en 1938 après la nuit de Cristal. Mon grand-père paternel a été emmené par la Gestapo."
Corinne Adler : "j'ai grandi dans une famille juive libérale. Et la bar-mitsva se prépare pendant deux ans. On apprend à libre l'hébreu, à chanter les prières. C'est vraiment une célébration importante. C'est le passage vers la vie adulte."
Corinne Adler : "nous étions les 5 enfants réunis, très fiers. C'était un jour heureux.
Et au milieu de l'office, nous étions en train de nous recueillir face aux armoires qui contiennent la Torah. Tout a coup, j'ai entendu cette énorme déflagration, que j'ai encore en mémoire"
Corinne Adler : "mon premier réflexe a été de me cacher parce que je pensais que des gens aller entrer pour nous tuer. Donc je me suis cachée sous l'autel.
Et puis, il y a eu un mouvement de panique."
"Nous savions que cette bombe était prévue pour nous tuer à la sortie de l'office.
Raymond Barre nous a bien rappelé que nous n'étions pas français", déclare Corinne Adler en référence à cette déclaration du Premier ministre de l'époque

Corinne Adler : "un mois plus tard, j'ai perdu mes cils et mes sourcils du au choc. J'ai toujours une aversion pour les bruits de pétard, une porte qui claque, un ballon qui explose ..."
Corinne Adler : "c'est en 2010 seulement, pour les 30 ans de l'attentat que j'ai été contactée par l' @afvt_org et que je me suis portée partie civile."
Corinne Adler : "il y a toujours un traumatisme enfoui, avec lequel je vis et je fonctionne. Mais ça reste, ça ne peut pas être oublié. Même si ça fait 42 ans et demi, ça ne peut pas être oublié."
Corinne Adler : "l'autre fille qui faisait sa bar-mitsva avec moi, Françoise, a été en longue dépression, pendant de nombreuses années. Et elle a mis fin à ses jours, il y a cinq ans."
Corinne Adler : "moi, je suis devenue sage-femme, je pense que c'était pas par hasard. Je me suis tournée vers un métier qui a plus souvent trait à la vie et à la joie qu'aux difficultés, au malheur et à la mort".
Gérald Barbier, 70 ans, s'avance à son tour à la barre.
Nous l'avions rencontré pour @franceinter
A réécouter ici > radiofrance.fr/franceinter/po…
Gérald Barbier : "ce 3 octobre 1980, j'avais 28 ans, je travaillais dans le magasin d'électroménager de mes parents. Mon frère nous a rejoint, il est passé juste devant la moto et il venait de rentrer dans le magasin quand elle a explosé".
"Ca explose". Gérald Barbier est pris par l'émotion. Il marque une pause. "C'est extrêmement violent. J'ai subi comme une électrocution, le corps est extrêmement secoué. Et puis on est dans le noir. Mon frère et moi sommes ensanglantés. Mon père assez blessé, ma mère grièvement."
Gérald Barbier livre un récit un peu haché, des larmes dans la voix. Il s'excuse : "c'est assez difficile à revivre, on a les images qui reviennent".
Puis poursuit : "le plafond métallique s'est effondré, il y avait beaucoup de débris. Moi, j'ai pensé à une explosion de gaz."
Gérald Barbier : "après, il n'y a pas eu d'aide psychologique.
Pas non plus matérielle, on était dans un vide juridique total".
La boutique des parents de Gérard Barbier a été totalement détruite dans l'attentat. Pour faire reconnaître leur préjudice, il a monté une association
Président : "vos parents ont eu des séquelles ?"
Gérald Barbier : "ma mère est restée hospitalisée longtemps. Elle est restée avec des éclats de verre dans le corps. Pendant des mois, des morceaux de verre remontaient vers la surface. D'autres sont restés. Elle est décédée avec."
Gérald Barbier : "je tenais à dire que les premières victimes sont les fidèles de la synagogue. Je ne suis pas juif, mais je ne me suis toujours battu contre ceux qui voulaient leur faire porter une responsabilité. Ils n'ont aucune culpabilité à avoir. Ils sont victimes."
La prochaine audition se fait pas visioconférence depuis Tel-Aviv ... enfin plutôt par audioconférence car la connexion avec l'ambassade de Tel-Aviv n'arrive pas à se faire correctement.
Mais le témoin de 81 ans qui aurait rencontré à l'époque le poseur de bombe peine à entendre les questions du président. Et ses réponses sont également difficilement audibles.
Après quelques brèves questions, le président indique "comme on vous entend très mal, on va s'arrêter maintenant.
Merci de vous être déplacé jusqu'à Tel-Aviv pour cette audition, même si elle était courte."
Heureusement, la partie civile qui s'avance, Pierre Pollaschek est bien présente à l'audience.
"Mes parents sont Autrichiens, ils ont quitté l'Autriche au moment de l'Anschluss et se sont réfugiés en France fin 1938."
Pierre Pollaschek : "mon père a été déporté dans les camps de la mort. Ma mère et moi, on a été internés mais on a réussi à s'échapper et à fuir en Suisse.
Tout cela pèse très lourd, avant même l'attentat de la rue #Copernic "
Pierre Pollaschek : "j'haitais à l'époque rue #Copernic
J'étais allé acheter des ampoules avec mon fils dans le magasin à côté de la synagogue
Quand la bombe a explosé, je me suis retrouvé par terre, en sang. Je me suis réveillé à l'hôpital avec plus de 100 points de suture."
Pierre Pollaschek : "moi, je ne savais pas si j'allais retrouver la vue. Mon fils a été blessé à la tête, il m'a vu ensanglanté dans le magasin. Mais il n'a jamais été pris en compte comme victime de l'attentat, alors qu'il avait 9 ans à l'époque."
Pierre Pollaschek : "la question que je me pose c'est : au nom de qui l'attentat a été fait? Est-ce qu'on le sait?"
Président : "à ce stade de l'audience, un groupe palestinien est particulièrement visé : le Front populaire de libération de la Palestine"
- c'est le Fatah, quoi...
Pierre Pollaschek, qui n'a pas d'avocat, est venu avec plus de questions que de choses à dire. "Il n'est pas là?", lâche-t-il au sujet d'Hassan Diab. "Et il ne sera pas extradé?"
"Parce que la première fois, la procédure d'extradition a duré 6 ans. Moi j'ai 81 ans donc ..."
Alors que le victime confie sa souffrance et celle de son fils encore aujourd'hui, le président lui suggère de consulter : "
"c'est la plus vieille procédure que j'ai à juger depuis que je fais ce métier. Ne croyez pas que c'est trop tard, la preuve c'est que c'est encore vif."
L'audience reprend pour l'audition du juge d'instruction Jean-Marc Herbaut, co-auteur avec Richard Folzer (qui doit être entendu ensuite) de l'ordonnance de non-lieu.
Ordonnance qui a donc été infirmée par la cour d'appel qui a décidé du renvoi aux assises d'Hassan Diab.
Jean-Marc Herbaut, 59 ans, s'avance à la barre d'un pas vif.
"J'ai été cité aujourd'hui comme témoin et il était hors de question pour moi de me dérober à cette citation. Mais il s'agit là d'un incongruité juridique : je ne suis pas témoin des faits ...."
Jean-Marc Herbaut : "... je suis l'un des deux juges d'instruction qui a rendu une ordonnance motivée et susceptible d'appel. Et d'ailleurs elle a été infirmée par la chambre de l'instruction."
"Je suis donc dans la position de devoir défendre ma propre ordonnance, ce qui est une position un peu surprenante", achève Jean-Marc Herbaut en préambule.
Le juge d'instruction antiterroriste poursuit sur le rappel des faits et des débuts de l'enquête.
Jean-Marc Herbaut : "le tournant dans ce dossier arrive en avril 1999 quand les renseignements actent des éléments précis sur le FPLP-OS [Front populaire de libération de la Palestine - opérations extérieures, ndlr], l'organisation de ce groupe et les auteurs de l'attentat."
Jean-Marc Herbaut : "ces renseignements indiquent que les auteurs de l'attentat sont arrivés de Beyrouth en transitant par l'Espagne. Puis ont rejoint Paris en train, ont commis l'attentat et sont repartis par le même chemin."
Jean-Marc Herbaut : "concernant Hassan Diab, un autre élément nous parvient deux mois plus tard. A savoir que son passeport avait été saisi sur un cadre du FPLP à Rome et comportait des tampons d'entrée et de sortie d'Espagne à des dates encadrant l'attentat."
Jean-Marc Herbaut : "après un travail préparatoire, un mandat d'arrêt est décerné contre Hassan Diab début novembre 2008.
Les perquisitions à ses domicile ne vont rien donner. Il faut dire qu'Hassan Diab avait été averti 13 mois plus tôt par un journaliste allé l'interviewer"
Jean-Marc Herbaut : "quand je récupère ce dossier, il y a effectivement des indices concordant contre Hassan Diab. Ce dossier est malgré tout fragile.
Pendant les 2 ans et 1/2 où j'ai instruit ce dossier, entre septembre 2015 et janvier 2018, il a toujours été ma priorité."
Jean-Marc Herbaut : "je le dis avec d'autant plus de force qu'à partir de 2015, nos services ont été très impactés par les attentats qu'on a connu en France. On a été submergés. Ces années ont été absolument terrifiantes pour nous."
Jean-Marc Herbaut : "et j'ai malgré tout continué à accorder la priorité absolue au dossier de la rue #Copernic. Parce qu'il était très ancien, que les faits étaient très graves."
Jean-Marc Herbaut : "j'ai procédé, aux 3 interrogatoires d'Hassan Diab, qui ont à chaque fois duré une journée."
Au cours de ces interrogatoires, Hassan Diab retrace son parcours : DEA de sociologie, travail à la banque centrale du Liban, installation aux Etats-Unis.
Ce moment où, au coeur du témoignage extrêmement précis et cadré, le juge antiterroriste qui a interrogé Hassan Diab, lâche : "j'ai compris que c'était manifestement un homme à femmes".
Jean-Marc Herbaut : "au sujet de son passeport, il indique qu'il l'a perdu car il se trouvait dans une sacoche accrochée à l'arrière de sa moto qu'il a perdue. Mais n'a pas tout de suite réalisé que son passeport se trouvait dans sa sacoche."
Jean-Marc Herbaut : "je l'interrogeais sur les portraits robot, il ne se trouvait aucune ressemblance avec ces portraits. Et enfin, je l'interrogeais sur le lieu où il se trouvait en octobre 1980. Il me répondait qu'il était en train de passer ses examens à Beyrouth."
Jean-Marc Herbaut : "quelques sentiments personnels sur ces interrogatoires : c'est un homme très intelligent courtois, qui ne s'est dérobé à aucune question même lorsque je l'ai malmené. Il n'y a que sur la question du passeport que je l'ai senti un peu vague."
Jean-Marc Herbaut : "je sais d'expérience qu'un dossier n'a parfois pas la même physionomie avant qu'un suspect soit interpellé et après. Il arrive que les explications d'un suspect change la vision du dossier et c'était le cas d'Hassan Diab."
Jean-Marc Herbaut : "il donnait des explications plus ou moins crédibles, mais qui en tous as ne pouvaient pas être balayées de la main. Et j'ai su très vite que ça allait être difficile."
Jean-Marc Herbaut : "ces éléments affaiblissaient sérieusement l'accusation d'Hassan Diab. Et donc en 2016, j'ai décidé de remettre Hassan Diab en liberté. Je ne voulais pas garder en détention provisoire quelqu'un pour qui il y avait un fort risque de non-lieu ou d'acquittement"
Jean-Marc Herbaut : "mais mon ordonnance a été infirmée par la chambre de l'instruction. J'ai tenté à 4 reprises de le remettre en liberté. Et à 4 reprises, j'ai été infirmé par la chambre de l'instruction."
Jean-Marc Herbaut : "après avoir examiné soigneusement et soupesé les éléments qui pouvaient être retenus contre Hassan Diab, nous avons décidé de prononcer un non-lieu.
Je rappelle que pour renvoyer quelqu'un devant une cour d'assises, il faut des charges ou bien des preuves".
Jean-Marc Herbaut : "au sujet des expertises en écritures, je vais me montrer assez direct avec la cour : je n'accorde strictement aucun crédit à ces expertises. Je dis bien : aucun crédit. J'ai une certaine expérience avec ce type d'expertises et j'ai eu beaucoup de déconvenues"
Jean-Marc Herbaut : "en l'espèce, l'écriture provenait d'une fiche d'hôtel : il n'y avait que 5 mots inscrits, on ne peut pas dire que ce soit très consistant, 4 mots étaient en écriture majuscule qui n'est pas naturelle. Pour toutes ces raisons, je n'y ai pas accordé de crédit."
Jean-Marc Herbaut : "sur les portrait -robots, les témoignage comportent des contradictions, mais c'est normal. On connaît la fragilité des témoignages humains. Et en plus, il s'agit d'une description très commune : corpulence mince, moustache, cheveux longs ou mi-longs."
Jean-Marc Herbaut : "quand on vigile qui a identifié Hassan Diab sur photo, il s'agit d'une reconnaissance faite plus de 20 ans après les faits pour un homme qu'il a vu quelques minutes."
Jean-Marc Herbaut : "par ailleurs, ces éléments à charge sont compensés par des éléments à décharge comme le fait qu'aucune des empreintes digitales ne correspond à Hassan Diab."
Jean-Marc Herbaut : "avec tout cela, on ne peut pas exclure qu'Hassan Diab soit le poseur de la bombe, mais c'est difficile d'aller plus loin."
Jean-Marc Herbaut : "je suis juge d'instruction depuis 33 ans. Et dans quasiment toutes les empreintes criminelles d'envergures, il y a en général à l'origine des renseignements. Ces renseignements sont essentiels pour mettre les policiers sur la piste des suspects."
Jean-Marc Herbaut : "mais ces renseignements ne peuvent jamais devenir en eux-mêmes des éléments de preuve. On ne sais pas si ce sont des sources de première main, quelle est sa position, sa fiabilité."
Jean-Marc Herbaut : "dans le dossier de la rue #Copernic plus que dans tout autre dossier, il faut manier ces renseignements avec beaucoup de pincettes. Et on n'est pas à l'abri d'une manipulation d'un Etat. Israël, par exemple, avait tout intérêt à faire discréditer le FPLP."
Jean-Marc Herbaut : "dans les renseignements israéliens, on relève un nombre invraisemblable d'incohérences. Et les renseignements israéliens remontent à 1984 mais arrivent à la France 19 ans après les faits, à une époque où toutes les preuves ont disparu."
Jean-Marc Herbaut au sujet de l'élément à charge le plus lourd du dossier, à savoir le passeport d'Hassan Diab et ses visas espagnols : "on n'a jamais eu le vrai passeport entre les mains, mais seulement une piètre copie. Et on a aucune certitude que les visas soient vrais."
Jean-Marc Herbaut : "plusieurs éléments et témoignages laissent par ailleurs à penser qu'Hassan Diab était vraisemblablement à Beyrouth en octobre."
Jean-Marc Herbaut conclut : "au terme de cette instruction, nous avons donc fait le constat que nous ne savions pas qui était le poseur de bombe. Qu'il existait des éléments à charge contre Hassan Diab mais qu'ils étaient trop ténus pour le renvoyer devant une cour d'assises."
"Pourquoi en 3 ans d'instruction, vous n'avez jamais rencontré les parties civiles?" demande une avocate de victimes.
"C'est une bonne question et je suis désolé de ne pas l'avoir fait, reconnaît Jean-Marc Herbaut. "Mais c'est années [2015-2018, ndlr] ont été cauchemardesques."
Jean-Marc Herbaut : "je ne dis pas ça pour faire pleurer dans les chaumières, mais pendant ces années là, j'ai travaillé tous les soirs, week-ends, vacances. J'étais aussi saisi du dossier des attentats du #13Novembre et j'ai fait ce que je pouvais. Mais je m'en excuse."
Jean-Marc Herbaut : "je ne voudrais pas que les victimes présentes dans cette salle s'imaginent qu'ils ont eu affaire à des juges laxistes ou influencés par la cause palestinienne. On a consacré notre carrière professionnelle à traquer les criminels et les terroristes."
Jean-Marc Herbaut : "je n'ai aucune sympathie pour la cause palestinienne. Pour moi un terroriste et un terroriste et il ne faut pas le laisser en liberté.
Et je ne pense pas avoir la réputation d'être un juge laxiste."
Benjamin Chambre, avocat général : "nous avons un point commun avec la défense, c'est l'estime que nous vous portons. Me Bourdon chante vos louanges chaque jour"

Me Bourdon s'insurge : "ce que vous dites est caricatural ! Modérez-vous un peu !"
Avocat général : "nous partageons l'estime et votre compétence comme juge d'instruction antiterroriste, mais ma question est de savoir si la chambre de l'instruction détiens aussi toutes les compétences?"
Jean-Marc Herbaut : "oui, elle a eu une autre appréciation du dossier"
Olivier Dabin, avocat général : "est-ce que vous avez l'impression qu'Hassan Diab vous a menti au-delà de son interrogatoire?"

Jean-Marc Herbaut : "il est possible qu'il m'ait menti, mais je n'en ai aucune certitude."
Avocat général : "moi, il me semble qu'il a menti à plusieurs reprise. Par exemple sur sa pratique du français ..."
Jean-Marc Herbaut : "je l'ai interrogé au moins deux fois là-dessus. Il m'a expliqué qu'il avait une certaine connaissance mais incapable de faire une phrase."
Jean-Marc Herbaut : "on voit souvent dans les dossiers des mis en examen qui prétendent ne pas connaître le français pour bénéficier du temps de traduction de l'interprète pour réfléchir à une réponse. Mais là, j'ai eu le sentiment qu'il attendait vraiment l'interprète."
Avocat général : "pourtant, il a étudié le français ..."
Jean-Marc Herbaut : "alors, je vais vous faire une confidence : j'ai étudié l'allemand en première langue pendant toute ma scolarité et je suis incapable de faire une phrase en allemand."
Me Cagnat (défense): "qu'avez-vous pensé du témoignage des étudiants libanais?"
Jean-Marc Herbaut: "je les ai trouvé extrêmement crédibles. Mais je me méfie toujours de mes sentiments parce qu'il m'est arrivé de me faire rouler dans la farine par des mis en examen ou des témoins"
Place au deuxième juge d'instruction signataire de l'ordonnance de non-lieu, Richard Foltzer qui renchérit : "on a assez d'éléments qui nous laissent penser qu'Hassan Diab était au Liban au moment de l'attentat."
Richard Foltzer : "37 ans d'instruction, une frustration immense, y compris pour nous juges d'instruction. Et un sentiment d'impuissance.
Des indices graves et concordants, oui. Mais des charges suffisantes à la fin du dossier, non."
Richard Foltzer : "dans un dossier de cette densité là, on n'arrive pas un jour dans un bureau avec son collègue pour discuter de ce qu'on va faire. J'ai eu la même évolution que tout le monde : je pars de pistes où on se dit "c'est bon". Et au final, on a signé le non-lieu."
Me William Bourdon (défense) : "vous avez rendu beaucoup de non-lieu dans votre carrière?"

Richard Foltzer : "oui, j'en ai rendu. Mais en revanche, pour une personne détenue, c'était la première fois de ma carrière."
Fin de l'audience du jour.
Bonne soirée à tous.

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Mar 28
Palais de justice de Paris, salle Diderot.
Au procès dit du #VioleurdeTinder l'heure est au réquisitoire de l'avocat général, Philippe Courroye.
Rappelons que Salim Berrada est jugé pour 17 viols et agressions sexuelles et encourt 20 ans de réclusion.
"Vous les avez vues, entendues. Vous avez entendu le récit des viols et des agressions sexuelles subies par ces 17 victimes. Vous avez vu ici, à cette barre, celles qui ont eu la force de venir raconter leurs souillures", entame l'avocat général dans son réquisitoire.
"Et lui, les a-t-il seulement vues, entendues ? La question se pose tellement, tout au long de cette audience est resté imperturpable, comme bunkérisé dans le béton de ses dénégations", poursuit l'avocat général.
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Mar 27
Bonjour à tous,
De retour salle Diderot au palais de justice de Paris. Procès dit du #VioleurdeTinder
Dernier jour des débats aujourd'hui avant les plaidoiries et réquisitoire prévus demain.
Ce matin, la dernière partie civile s'exprime à la barre. Nous l'appellerons "Rania".
"Rania" raconte à son tour la prise de contact sur Tinder, le rendez-vous pour une séance photo. "J’avais apporté des vêtements dans un sac, on a commencé à discuter. Il m’a proposé un shot d’alcool, puis il m’a parlé des fêtes qu’il faisait, de la drogue … ça m’a paru étrange"
"Je me sentais totalement euphorique", se souvient Rania. Puis, alors que je regardais les photos qu'on venait de faire, il s'assied à côté de moi et m'embrasse. Je l'ai repoussé et lui ai dit :"je ne veux pas ça, tu ne m'attires pas". Mais il revient vers moi et dit "essaie".
Read 29 tweets
Mar 22
Bonjour à tous,
Salle Diderot, palais de justice.
De retour au procès dit du #VioleurdeTinder : Salim Berrada comparaît devant la cour criminelle départementale pour les viols et agressions sexuelles de 17 femmes lors de séances photo à son domicile.
Celle que nous appellerons Charline est la neuvième victime dont les faits dénoncés sont examinés par la cour. Elle a aujourd'hui 26 ans et est comédienne, explique-t-elle.
"Je vous laisse la parole", déclare le président à "Charline"
Long silence de la jeune femme.
"Quand j’ai découvert le travail de monsieur Salim Berrada, j’étais mineure à l’époque. Mais j’étais déjà modèle. Je faisais principalement du portrait."
Read 53 tweets
Mar 19
Retour au procès dit du #VioleurdeTinder devant la cour criminelle départementale de Paris.
Salim Berrada, ancien photographe de mode, comparaît depuis hier pour les viols et agressions sexuelles de 17 jeunes femmes qu'il avait contactées pour de séances photo.
Cet après-midi les premières parties civiles témoignent à la barre. Louise (le prénom a été modifié) a tout d'abord raconté l'agression sexuelle qu'elle dit avoir subie de l'accusé. "Soudainement, il s'est jeté sur moi, il m'a embrassée avec la langue. Je ne voulais pas"
A la barre en ce moment, Caroline, maquilleuse qui a travaillé avec l'accusé.
"Avec l’affaire Salim Berrada, il y a eu un avant et un après : les gens ont commencé à parler"
"C’est un peu le #MeToo de la photographie ?" relève le président.
- C’était avant MeToo, mais oui.
Read 21 tweets
Mar 18
Bonjour à tous,
Palais de justice de Paris, île de la Cité.
Dans la (petite) salle Diderot s'ouvre aujourd'hui le procès de Salim Berrada, ancien photographe de mode de 38 ans. Surnommé le #VioleurdeTinder , il comparaît pour les viols et agressions sexuelles de 17 femmes.
L'accusé, petites lunettes rondes, coupe afro, collier de barbe, est installé dans le box vitré.
Il avait été remis en liberté après un peu plus de deux ans de détention provisoire ... avant d'être réincarcéré à la suite de nouvelles plaintes pour viol.
Sur les bancs de bois de la salle d'audience criminelle départementale, plusieurs parties civiles. Ce femmes qui ne se connaissaient pas dénoncent toutes un scénario très similaire sur ces rendez-vous pour une séance photo qui ont tourné au viol.
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Feb 28
Bonjour à tous,

Aujourd'hui, nous sommes au tribunal judiciaire, quartier des Batignolles. Une salle du 4e étage pour le procès de l'influenceur d'extrême-droite Papacito devant la 17e chambre correctionnelle.
Le Youtubeur toulousain encourt sept ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour provocation publique, propos homophobes et incitation à commettre une atteinte à l'intégrité physique d'une personne.
En l'occurrence, la personne visée dans 2 vidéos du youtubeur est le maire de Montjoi, village de 169 habitants où un banal litige sur l'usage d'un chemin rural a viré au règlement de compte sur les réseaux sociaux.
Harcelé et menacé de morts, le maire du village a porté plainte
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