Thread by @J_Haddane

#concours #prepaecg #lemonde

Sujet : Peut-on quitter le monde ?

Probabilités indicatives : ESSEC 45%, HEC 50%

Marque-pages :
(1) Questionner la question.
(2) Regarder « en enfant » grâce au « deuxième terme ».
(3) La PBL, encore la PBL, toujours la PBL.
(4) Décliner, de façon consciente, le monde.
(5) Ménager des bouffées d’air frais.

Si vous avez passé l’épreuve Ecricome, remémorez-vous la avant de lire ce qui suit. Si vous ne l’avez pas passé, imaginez que vous recevez le sujet « Être hors du monde ». Soyez honnête avec vous-même : quelle a/aurait été votre première réaction ?

Il est plus que probable que vous avez dû vous dire « ce sujet semble trop simplet », « j’en ai déjà vu 10 des comme ça dans l’année » et autres lamentations paralysantes. Le fait est que vous aviez peut-être raison de le penser initialement.

(2) Mais pour bien traiter un sujet, il faut l’attaquer en puceau. Penser que vous n’avez jamais étudié « le monde ». Vous émerveiller (cf. Méthodologie 2…). Et pour cela, il faut impérativement s’attarder sur le « deuxième terme ».

Pause. Dites-vous maintenant que vous devez traiter 2 sujets en 4 heures. « Être hors du monde » et « Peut-on quitter le monde ? ». Esquissez deux plans, très rapidement, dans votre esprit. Ils sont très certainement similaires. C’est mal.

Cet exercice de pensée, vous devez le faire pendant votre problématisation, vous demander « suis-je bien en train de produire une dissertation unique, qui ne pourrait répondre qu’à ce sujet et pas à un autre ? ». Mais alors, peut-on quitter le monde ?

(1) Il ne vous aura pas échappé que ce sujet prend la forme d’une question, comme il pourrait la prendre pour le sujet HEC ou le sujet ESSEC. Il convient de montrer au correcteur que l’on a remarqué ce détail pas si insignifiant.

Le sujet n’est pas « Quitter le monde » ou « La sortie du monde ». Il faut questionner le fait que le sujet soit une question. Keksekça ? Tout simplement se demander pourquoi une telle question émergerait ? Qui se la poserait dans quelles conditions ?

Une forme interrogative, ce n’est pas anodin. C’est un choix conscient. Alors montrez bien que vous avez repéré ce choix conscient. En l’occurrence, ici, est-ce un marginal qui se demande s’il est possible de quitter le monde ? Est-ce un établi qui envie les marginaux ?

Est-ce un scientifique qui pense aux frontière du monde et à leur perméabilité ? Et puis, est-ce une question qui a vocation à trouver réponse à son pied ? Est-ce une question rhétorique ? Bref, vous avez compris l’idée : mettez la question en abîme.

(3) Après cette étape cruciale, il vous faut évacuer le besoin animal de reprendre le sujet-question tel quel et d’en faire une problématique. Il faut impérativement que votre PBL se distingue du sujet, encore plus quand c’est un sujet-question.

Pour ce faire, vous pouvez par exemple relire le point sur l’Anneau de Sauron dans ce sujet :

https://twitter.com/J_Haddane/status/1646920966499360775?s=20

Et surtout lire et relire ce point méthodologique :

https://twitter.com/J_Haddane/status/1648187693178732544?s=20

Dans notre cas, la question centrale pourrait tourner autour du concept d’évasion qui agit lui-même comme une chimère. Pour contrer la volonté de quitter le monde, le monde érigé en Moloch tout-puissant et tout méchant,

il est tentant de faire de l’évasion une sorte de pendant négatif de ce monde nocif. Ainsi, le pôle « positif » de l’évasion atténuerait dans notre esprit le pôle « négatif » que représenterait l’action de rester dans le monde. Nous allons précisément

nous placer au cœur de cette alternative et tenter de la remettre en question. Ce qui compte désormais dans notre PBL, ce n’est plus de savoir si l’on peut ou pas quitter le monde (PBL trop collée au sujet). Ce qui compte, c’est de savoir si

l’action de quitter le monde n’est pas trop souvent érigée en totem protecteur, ce totem finissant par avoir les mêmes tares que le totem répulsif que l’on fuit (le totem « rester dans le monde »). Transformez cette dernière phrase en question. Vous avez votre PBL.

I/Quitter le monde est une odyssée qu’il est possible d’entreprendre mais dans laquelle on peut aussi échouer.

(4) Il vous faut absolument rendre conscient votre « jeu » avec les différents sens du mot monde. Chaque fois que vous l’écrivez, demandez-vous « je pense au monde comme dans le monde des humains contre le monde des animaux ?

Comme dans le monde de la planète Terre contre le monde spatial ? Comme dans le monde des riches contre le monde des pauvres ? Si vous le voulez, vous pouvez même consacrer des sous-parties entières à une acception précise du monde.

Mais il faut le faire de manière consciente. Il faut qu’une phrase telle que « parmi les nombreux sens du mot monde, attardons-nous sur celui-là ou sur ceux-là » soit présente au moins une fois au début de votre copie. Pourquoi ?

Cela témoigne simplement d’une capacité à discriminer les multiples sens d’un même concept, cela prouve que votre année passée sur un thème s’est soldée sur des tiroirs de sens bien rangés et non sur un enchevêtrement incompréhensible.

II/Le danger pour qui se demande s’il peut quitter le monde est surtout de croire pouvoir invariablement résoudre les obstacles du présent par la fuite.

III/Envisagée en réponse à une volonté propre et non en réaction à des circonstances extérieures, l’action de quitter le monde peut retrouver ses lettres de noblesse, notamment sous l’impulsion du Voyageur ou du Poète.

Sachez-le, toutes les références liées à la littérature de voyage qui seront poussées, de première main et témoignant d’une certaine sensibilité seront valorisées. Car elles apportent, avec les références à la poésie ou aux arts, des bouffées d’air frais.

(5) Le Voyageur est celui qui quitte son monde, pour aller en voir d’autre, dans le pur désintéressement de son œil subtil. Le Voyageur ne quitte pas le monde dans lequel il évolue à cause du monde dans lequel il évolue.

Il le quitte pour explorer la beauté et la richesse du Monde (avec un grand M) dans toute sa complexité et sa diversité.

Plus intéressant encore, le Poète quitte le monde sans le quitter. Il y’a la perspective baudelairienne de l’Albatros qui souffre de ses « ailes de géant ». Mais on peut aussi renverser cette conception en expliquant que le Poète crée son « propre monde ».

Au milieu de nous, il prend ses aises, s’étend, s’épanche et sublime la lourdeur absurde du monde qui l’entoure. Dans son voisinage, l’intensité de la pesanteur « g » chute brutalement. Que les cours de physique semblent loin…

Il est vain de s’attarder sur ses performances passées lors d’un concours. Il faut vite passer à l’épreuve suivante. Mais il est très fécond de revenir brièvement sur ses épreuves passées en questionnant, non le fond mais la forme, la posture.

Êtes-vous resté froid en lisant le sujet ? Vous êtes-vous constamment dit que votre objectif n’est pas de faire étalage de vos connaissances mais bien plutôt de montrer que vous pouvez mettre ces dernières au service d’un sujet précis.

Avez-vous gardé ce souci de « traiter précisément le sujet » tout du long de l’épreuve ? Si la réponse est non, anticipez votre perte de contrôle à venir et préparez-vous à la renverser. En entrant dans la salle de votre prochaine épreuve dissertative,

ne pensez qu’à cela : satisfaire le correcteur en lui donnant ce qu’il attend.

Vous avez deux bras deux jambes, vous mangez, vous buvez, vous déféquez comme ceux qui réussissent. Alors en joue et sus à l'ennemi. Bon courage.