Dans son dernier livre, @raphaeldoan imagine une uchronie. Une uchronie, c’est une histoire qui n’a pas eu lieu, à partir d’un « turning point » : et si Napoléon avait perdu à Austerlitz ?
En l’occurrence : et si les Romains avaient inventé la machine à vapeur ? Un thread ⬇️!
Ce n’est pas du tout absurde. Comme le rappelle l’auteur, une machine à vapeur très embryonnaire était connue dans l’Antiquité. Mais elle était trop peu efficace. Il aurait suffi de quelques tuyaux plus étanches et pouf, voilà des Romains en pleine révolution industrielle...
En outre, les Romains aimaient l’innovation technologique, souvent soutenue par l’Etat impérial. Meilleures grues, meilleures techniques de construction, automates, etc... Pas improbable d’imaginer qu’une telle machine aurait rencontré un grand succès.
A partir de là... Les Romains modernisent et étendent leur empire, inventent l’électricité et le moteur à explosion, se posent sur la lune, etc. Rome ne « chute » jamais et reste, 2000 ans plus tard, le cadre politique à travers lequel tout le monde pense.
Encore une fois, ça vous semble absurde, impossible ? Mais pourquoi ? Il y a moins de deux siècles entre la machine à vapeur de Watt et la mission Apollo 11. Donc, une telle évolution AURAIT PU avoir lieu entre 50 et 250 ap J.C. ! Les siècles étaient aussi longs à l'époque...
C’est l’intérêt de l’uchronie. Ca nous force à réfléchir sur les moteurs des évolutions, les freins, les limites structurelles. Ce qui aurait pu changer, ce qui aurait été pareil...
Par exemple, R. Doan imagine une grande guerre civile à l’échelle mondiale : logique car, en elle-même, la machine à vapeur n’aurait pas changé le fonctionnement politique de l’Empire romain. Donc guerres civiles permanentes, mais avec des avions et des fusils.
L’ouvrage de @raphaeldoan, publié par @PComposes, est coécrit par... une intelligence artificielle de type chatGPT. Cette dernière écrit donc des passages fictionnels, déroulant les conséquences d’une telle invention sur la société, l’économie, la religion...
Et à chaque fois, l’auteur, historien spécialiste de l’Antiquité, apporte un commentaire, des précisions, des corrections.
Ce dialogue est passionnant et révèle tout le potentiel de ces nouvelles technologies, qui fournissent du matériau qu’on peut ensuite analyser.
De même, le livre est illustré par des images produites la aussi par une intelligence artificielle (type Midjourney). Ça donne de supers "faux objets archéologiques", par exemple ce bas-relief ou cette mosaïque représentant une machine à vapeur !
La démarche de @raphaeldoan fait penser à celle de @LaurentBinetH qui dans son superbe roman Civilizations fait l'effort "d'inventer des sources" pour cette version alternative de l'histoire qu'il déroule.
Les uchronies sont utilisées depuis longtemps par les historiens et historiennes, comme expérience de pensée permettant de mieux comprendre une période. Le fait de pouvoir « faire produire » des sources (images, objets ou textes) par une IA est fascinant.
Les possibilités pédagogiques, notamment, me semblent enivrantes. On pourrait demander à des élèves de réaliser un petit scénario uchronique, et de faire/faire faire à une IA des images pour l’illustrer. Travail sur la causalité, le vrai/faux, l'esprit critique, les sources...
Le livre vaut vraiment le détour, ne serait-ce que pour l’intro, dans laquelle @raphaeldoan interroge finement cette révolution des intelligences artificielles : qu’est-ce que ça va changer ? Pas tout, mais sûrement pas mal de trucs. Autant s’en emparer dès maintenant...
Alors, si vous aimez... 1/ l'histoire (antique), 2/ les Romains, 3/ les uchronies, 4/ la révolution industrielle, 5/ les intelligences artificielles...
Un mari jaloux, une femme adultère, et des perroquets... Ce sont les ingrédients d'un conte du Moyen Âge, datant du XIVe siècle.
Je vous le raconte ! Un thread ⬇️
Ce conte est inséré dans un roman, Le Chevalier errant, écrit à la fin du XIVe siècle par Thomas de Saluces.
C'est l'histoire d'une femme "mal mariée", autrement dit mariée à un vieil homme (motif classique des fabliaux). Jaloux, il la fait surveiller par trois "papegaux", ces oiseaux qu'à l'époque on ne nomme pas encore des perroquets...
Cette année, en partenariat avec @Histoirepublik, @boite_histoire et @maglhistoire, je co-organise et co-préside le premier Prix du Jeu de Société Historique !
Un thread pour vous présenter ce prix... ⬇️
Le but de ce prix est de récompenser un jeu, publié en 2024, qui utilise l'histoire, la réinvente, s'en sert pour proposer une expérience ludique. Tous les types de jeux, tous les formats sont éligibles. Voilà un texte qui présente le Prix !
Pour cette première édition, le jury se compose de 5 historiens et historiennes (Martin Gravel, Soizic Croguennec, Claire Milon, Pauline Ducret et moi-même), de Julia Bellot, journaliste à @maglhistoire, et de Romane Penet, stagiaire à @boite_histoire
On est en 607 après J.-C., dans le domaine royal de Bruyères.
Une terrible dispute oppose Brunehaut, la grand-mère du roi, et Colomban, un moine irlandais. Celui-ci vient en effet de traiter les princes de... fils de pute 🗯️🤬.
Un thread ⬇️!
Revenons en arrière. Brunehaut, veuve du roi Sigebert d'Austrasie, grand-mère de l'actuel roi Thierry II, est une femme puissante, qui a la charge des enfants du roi. Elle les mène devant Colomban, célèbre abbé de Luxeuil, pour obtenir sa bénédiction. Mais celui-ci refuse !
Pire : il les insulte, en disant "ils ne deviendront jamais rois, car ils nés d'une prostituée".
La colère de Brunehaut est terrible et Colomban paye cher sa provocation, car il est chassé de son monastère. Mais comment comprendre ce clash ?
L'historienne Catherine Rideau-Kikuchi est plongée ces jours-ci dans les archives de Bologne. En direct, elle nous partage ses découvertes... Aujourd'hui, un manuscrit enluminé du XVe siècle ! Un thread ⬇️
Il s’agit d’un document de la corporation des spiziari, ceux qui vendent des épices, mais aussi des produits importés (poivre, sucre), transformés (bougies, papier), utiles pour la médecine (thériaque). C’est un métier important à la fin du Moyen Âge, et qui rapporte bien…
Ici, il s’agit de la liste des membres de la corporation, ce qu'on appelle une mariegola : une liste qui recense les personnes qui ont le droit d’exercer ce métier et qui bénéficient des privilèges de la corporation. Les noms sont superbement calligraphiés, surtout au début.
Comment ça, vous ne connaissez pas ce mot ? "Gaber" ? C'est un verbe médiéval, qui veut dire se moquer des autres en se vantant.
Selon une légende, Charlemagne aurait lancé un concours de gabs à la cour de Byzance... Un thread ⬇️!
Dans Le pèlerinage de Charlemagne, une chanson de geste du XIIe siècle, Charlemagne et ses chevaliers en route pour Jérusalem se retrouvent à Constantinople, à la cour de l’empereur byzantin nommé Hugon. C'est bien sûr une scène fictive.
Une nuit, Charlemagne et ses chevaliers, bien bourrés, se lancent dans un concours de gabs. Il s'agit donc de se vanter d'accomplir un truc incroyable, en essayant de surpasser celui qui vient de parler.
Un peu comme une battle de rap, quoi.
Connaissez-vous les 7 péchés capitaux ? C'est comme les 7 nains, généralement on en oublie un...
En 1475, un enlumineur propose une superbe version illustrée dans un Livre d'heures copié à Poitiers (@MorganLibrary MS M.1001).
Un thread ⬇️!
On commence par l'orgueil, en latin "superbia". Le péché est représenté par un beau jeune homme s'admirant dans un miroir, monté sur un lion. En bas, le démon associé au péché est Lucifer, pointant vers une femme dédaigneuse et méprisante...
Numéro 2, l'envie. Incarné par Belzébuth, ce péché est symbolisé par la pie (oiseau voleur) et, en bas, par des gens qui convoitent le bien d'autrui.