Thread by @qffwffq

Bon et sinon ce #UnLapinUnThread" c'en est où ?

Bah c'en est aux Beatles qui en vendant des disques ont permis à un anglais de faire de la radiologie avec des cerveaux de vache casher, sauver des millions de vie, et gagner le prix Nobel.

Oui ça fait beaucoup et une partie de cette affirmation a été embellie au fil du temps, mais il se trouve que c'est un résumé assez juste de la vie de Godfrey Hounsfield.

Nous sommes en 1937.

Godfrey vit en plein milieu de nulle part, et plus précisément à Sutton-on-Trent, vaste étendue heureuse peuplée de moutons qui boivent du thé et d'humains qui broutent de la marmite. Ou le contraire.

Godfrey, et c'est important pour la suite, est un bricoleur. Il répare le matériel agricole depuis qu'il a 12 ans, il s'est vautré depuis le toit d'une ferme en essayant d'inventer un planeur, et a failli mettre le feu à une grange en jouant avec des produits chimiques.

La 2e guerre mondiale lui permet de parfaire son éducation en bricolant encore plus de trucs, essentiellement des choses qui font boom.

Mais comme il s'intéresse à tout, il termine la guerre en ayant acquis une compétence dans le fonctionnement d'un truc tout nouveau : le RADAR

Une fois démobilisé il s'inscrit dans une école d'ingénieur où il n'apprend rien, car il sait déjà construire des choses auxquelles personne ne comprend rien.

Et plus particulièrement dans un domaine encore plus nouveau que les radars : l'électronique.

Il trouve donc rapidement un job qui le conduit à concevoir le premier vrai ordinateur commercial britannique : le EMIDEC 1100, en 1959.

Pour les curieux c'était un monstre de puissance avec 4ko de RAM et 20ko de mémoire de stockage sous forme de bandes magnétiques.

Sauf que voilà, la boîte pour laquelle il bosse, se désintéresse de la chose et Godefrey se retrouve placardisé.

C'est là que commence une partie de la légende.

Son supérieur lui-demande s'il n'aurait pas une idée de projet d'ingénierie...

...et comme c'est un ingénieur, il a évidemment une idée : faire des radiographies dans plusieurs plans, pour créer des images en coupes à l'aide d'un algorithme de calcul informatique, et ainsi mieux voir à l'intérieur d'objets qu'on ne peut pas ouvrir.

Et il a tout sous la main : ses connaissances en radars, en informatique, et du temps libre.

Et du coup son chef trouve l'idée absolument géni...nulle.

Nan parce que franchement, pourquoi faire tout ça alors qu'avec une bonne pioche on peut toujours regarder dedans les trucs.

Sauf que, son chef en aurait quand même parlé à son chef, qui en aurait parlé à son chef et ainsi de suite, jusqu'au grand chef, qui avec son flaire de grand chef aurait trouvé l'idée génia... encore plus nulle.

Sauf que la boîte en question, qui avait vendu les EMIDEC avait plein de départements différents.

Dont une branche qui s'appelait EMI records. Une branche qui dans les années 60 distribuait des petits groupes comme les Beatles.

Et donc qui avait de la THUNE.

Et qui pouvait donc se permettre de payer des ingénieurs à rien faire.

D'où le deal : avec le pognon des chansons pour futurs hippies, Godefrey serait autorisé à poursuivre ses recherches s'il trouvait un débouché commercial.

Du coup, Godefrey commence à en discuter autour de lui, et se dit que ça serait pas mal si sa machine permettait de voir l'intérieur de quelque chose de difficile à ouvrir avec une pioche sans entraîner quelques dégâts mineurs, comme par exemple...un cerveau.

Du coup il fait des essais avec des cerveaux morts, mais le principe du cerveau mort, c'est qu'il est mort. Et du coup il est uniformément rempli de liquide de conservation de cerveau mort, ce qui fait qu'il est uniformément pareil en termes de densités.

Pas découragé, il se dit qu'il va essayer avec des cerveaux frais, et quoi de mieux qu'un gros cerveau de vache dont le reste du corps vient d'être transformé en steak haché ?

Sauf que ça marche pas.

Parce que les vaches sont électrocutées avant d'être dépecées.

Et ça...bah ça fait saigner le cerveau qui devient une bouillie homogène de sang.

Un peu découragé, un ami lui fait alors remarquer que les vaches casher ne sont pas électrocutées et que le cerveau est ainsi conservé dans un bien meilleur état.

Et là...ça marche !

Il réussit à faire le premier SCANNER CÉRÉBRAL de bovin.

Reste à en faire chez des humains.

Il en parle donc à plein de radiologues et de neurologues, qui trouvent tous l'idée absolument génia...nulle.

Bah oui. Parce qu'à l'époque, on avait une super technique : injecter de l'air dans les ventricules, faire une radio de face et de profil, puis se lancer dans la divination pour identifier les éventuels problèmes de santé.

Si on en croit les témoignages des patients de l'époque, une ventriculographie gazeuse c'était aussi sympa que de se faire arracher les membres tout en accouchant avec une colique néphrétique.

Et ça c'était sous antalgiques.

Mais comme globalement il y a peu de survivants, on a un nombre de témoignages assez faibles. Peut-être que c'était pas si pire (...)

Sauf que la Godefrey (et la médecine) a un coup de chance inouï.

Il trombe sur un neuro radiologue qui trouve son idée absolument génia... ridicule.

Et ça ça change tout.

Parce que ridicule c'est déjà mieux que nulle.

Et comme les anglais n'ont jamais peur du ridicule, il parvient à convaincre le système de santé de sa majesté à acquérir 4 scanners sur...plan.

Et donc de leur filer du pognon.

Pour poursuivre les expérimentations sur les humains. Et ça c'est bien.

Sauf que, même dans les années 60, personne n'a vraiment envie de mettre sa tête dans une sorte de four à micro-ondes (même si le concept est encore inconnu du grand public).

Ils sont anglais mais pas cons.

Alors, Godfrey, qui n'a jamais hésité à se jeter dans le vide où à cramer des granges, essaye sur lui-même. Et là c'est absolument génia.. nul.

Parce que Godefrey n'est pas médecin et qu'il n'a aucune idée de la pertinence de ce qu'il voit

Et c'est dommage...parce que techniquement, c'est le premier humain à se voir lui-même (on est notre cerveau, tout le reste c'est de la déco) de son vivant...

Mais pas de panique, Godfrey a quand même des potes.

Et le 1er octobre 1971....

Un neurologue accepte de lui confier une femme de 50 ans qui a des signes cliniques de tumeur cérébrale (et qui est frontale, et qui du coup dit "ah oui c'est génial" quand on lui propose d'être un cobaye pour un scan cérébral).

Le scanner en lui-même dure 30 minutes pour 8 coupes de épaisses.

Le tout est enregistré sur des bandes magnétiques qui partent en taxi dans le labo de Godefrey.

Un ordinateur reconstruit les coupes pendant 2 heures et demi.

Et le résultat est pris en photo avec un polaroïd.

(d'ailleurs les radiologues à l'ancienne qui disent que les premiers scan étaient imprimés sur film et pas sur papier, et encore moins sur écran, n'ont aucune idée de ce qu'ils racontent puisque historiquement ça a été écran, puis papier puis film).

Et ce premier scan ça donne ça :

Et même sans être médecin, il est facile de voir que sur ce scan y'a un grand trou en haut à gauche de l'image.

C'est la première image connue de tumeur cérébrale, le premier diagnostic radiologique de tumeur d'où la première neurochrirugie de tumeur guidée...

Et donc l'image de la première personne qui est décédée d'une tumeur cérébrale en le sachant.

C'est une faible consolation mais quand même.

En 1979 Godfrey Hounsfield a reçu le prix nobel de médecine pour son invention alors qu'il n'était même pas médecin.

Quant à sa boîte, EMI, elle a laissé tomber ce marché sans avenir pour se concentrer sur la musique.

Tiens pour finir, voici une photo de Hounsfield avec le premier scan

(Cérébral hein, le scanner ça a été inventé pour voir des têtes).