Thread by @Antoine_Herm

Justin Triet nous a livré un cri politique du cœur et de l'âme face à un néolibéralisme destructeur. Qu'est-ce que le néolibéralisme, d'où cela vient ? Pourquoi #Macron est néolibéral ? Au cœur, Lippmann, précurseur d'une pensée à la recherche d'une pédagogie autoritaire 1/25

Le « nouveau libéralisme » ou futur néolibéralisme emprunte au penseur Walter Lippmann (1889-1974), et vient s'opposer au naturalisme de Spencer, un ultralibérale adepte d'un laisse-faire sans limite 2/25

Le néolibéralisme est réfléchi à Paris, entre le 26 et le 30 août 1938 au Colloque Lippmann, par 26 économistes et intellectuels libéraux. C'est une réflexion sur l'échec du libéralisme, l'utilisation même du terme « libéralisme » ou l'adoption du « nouveau libéralisme ». 3/25

Cette réunion débouche sur un Manifeste, qui s'intitule “l’Agenda du libéralisme”, rupture avec la tradition du laisser-faire : “c’est à l’État qu’incombe la responsabilité de déterminer le régime juridique qui sert de cadre au libre développement des activités économiques” 5/25

On note une division entre les partisans d’une liberté maximale des entreprises (industriels et l’école autrichienne autour de Friedrich Hayek) et les défenseurs d’un interventionnisme étatique (l’ordolibéralisme allemand représenté par Wilhelm Röpke et Alexander Rüstow) 6/25

Fort critique, Rústow n'hésitera pas à dire que Hayek et les opposants à un État protecteur de la concurrence ne veulent rien changer. Ces derniers « ne trouvent rien d’essentiel à critiquer ou à changer au libéralisme traditionnel » 7/25

Lippmann est certes un penseur de référence pour tout personne néolibérale digne de ce nom, mais aussi, j'ose dire surtout, un fossaire de la vision du philosophe démocrate John Dewey, avec ce débat de la pédagogie, la même pédagogie sans cesse évoquée par la macronie 8/25

Revenons déjà sur John Dewey, sa pensée est tributaire de celle de Graham Wallas, dont il faut préciser l'ouvrage The Great Society (1914). Il convient de développer l'interprétation que Limppmann en fait, afin de montrer le dévoiement de la pensée de Dewey 9/25

Lippmann nous transmet que il y aurait une confrontation entre les individus et la mondialisation/révolution industrielle, ils ne seraient pas adaptés à leur environnement, créant un désajustement entre l'espèce humaine et son nouvel environnement. 10/25

Lippmann nous dresse le portrait d'une désadaptation qui expliquerait toutes les pathologies sociales et politiques. Lipman évite d'évoquer ce que la sociologie, notamment plus tard Bourdieu, évoquera comme autres causes de ces pathologies. 11/25

Il est vrai que Lippmann vise ici les difficultés d'adaptation aux changements industriels constants, désormais technologiques, cela me paraît aussi bien viser la difficulté idéologique de la classe laborieuse à s'adapter au capitalisme. 12/25

C'est là où surgit une vision dévoyée de Dewey par Lippmann, Lippman vise bien une vraie pédagogie de l'adaptation, à nous faire frémir tel le célèbre roman 1984 de Georges Orwell, sans doute un ministère de la Vérité (Miniver) sera en charge de cette pédagogie 13/25

Il est question pour Lippmann d'une action politique qui s'apparente à une intervention artificielle continue et invasive sur l'espèce humaine, afin de la réadapter aux exigences de son nouvel environnement. 14/25

Lippmann en appelle à la technocratie des experts des sciences humaines, économiques et sociales (du moins ceux qui vont dans le sens souhaité), le gouvernement va s'appuyer dessus pour surmonter le retard de l'espèce sur sa propre évolution. 15/25

Il convient d'adapter l'humanité à cette grande société capitaliste et néolibérale qui dépasse son entendement, notamment les classes laborieuses, perçues à la fois trop ignares pour comprendre, voire même pour décider. 16/25

Selon Lippmann, le problème, ce ne sont pas les inégalités, les exploitations, cette compétition est juste, donc les inégalités aussi justes et légitimes. 17/25

Lippmann exprime que cette compétition devra se ré-exposer à une nouvelle compétition, avec de nouveaux gagnants, finalement le renouvellement de nouveaux dominants. Gagner c'est dominer, exploiter dans le capitalisme. 18/25

À partir de ce moment, on ne croit plus du tout Lippmann, apparemment, il porte le remplacement des hiérarchies figées du capitalisme sauvage par les hiérarchies mobiles d'un capitalisme régulé par le droit, la justice et l'égalité des chances. 19/25

Silence sur le poids de l'héritocratie, structurant les grandes fortunes, et les déterminismes sociaux. À l'air des échanges de marchandises au bout du monde, la métaphore sonne si bien de Lippmann, le flux contre la stase, avec pour cap la mondialisation. Quel flux ? 20/25

Lippmann revient au sens grec de pédagogie de mener l'enfant, rééduquer les populations vers une seule direction néolibérale, car comme disait Thatcher "il n'y a pas d'alternative". C'est proposer un vrai changement anthropologique, censé se reposer sur la vision de Darwin 21/25

Darwyn, "La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe contre le spencérisme", perçoit la sociabilité, l'empathie, comme qualités sélectionnées au cours de l'évolution humaine, sans croire à un seul environnement possible Lippman est en négation de ces considérations 22/25

Lippmann dévoie la vision de Dewey qui établit un principe des mouvements sociaux avec coéducation des individus. Dewey prône la multiplicité face à la seule direction de Lippmann, en contradiction avec tout esprit démocratique et la protection même de l'environnement 23/25

Dewey met en exergue l'intelligence collective des publics, là où Lippmann fait tout reposer sur l'autorité incontestable des leaders et des experts. Cette autorité incontestable est le ciment du penchant autoritaire des néolibéraux, dont Macron se fait représentant. 24/25

Cette notion de pédagogie est au cœur de la prise de contrôle massive des médias par quelques personnes, ou cette novlangue de "pensée complexe" macroniste. Il y a cet avènement des médias dits manipulateurs ou « manufacture of consent » (la fabrique du consentement). 25/25