Je présente par avance mes plus plates excuses aux locuteurs d’à peu près toutes les langues d’Asie de l’Est pour le massacre qui va suivre et demande aux linguistes de faire preuve d’indulgence à mon égard.
En mandarin, cette paire de symboles se lit (très approximativement) « weï-chianne » même si, en fonction accents régionaux, ça sonne plutôt comme « weï-sianne » ou « veï-si-hanne » ou, en langue minnan, « gweï-chiam ».
Ils sont aussi parfaitement intelligibles pour les locuteurs du cantonais à ceci près que ces derniers lisent (à peu près) « naï-hime » ce qui est d’ailleurs assez proche de la façon dont ça se prononce en langue hakka.
En revanche, en wu, ça donne plutôt « gné-chi », en mindong ça ressemble grosso modo à « waï-ède », les vietnamiens diraient « moui-hième », les Coréens « oui-hom » et les japonais prononcent ça « ki-kène ».
(En japonais, le deuxième symbole est un peu différent mais il semble que ça reste tout à fait intelligible dans les deux sens.)
Les espagnols disent « péligro », les italiens « péricolo », les allemands « artoungue », les anglais « dèngeur » et nous autres, francophones, prononçons ça « danger ».
Et là, vous êtes à certain nombre à vous demander si je ne suis en train de me payer votre tête : ces 4 dernières langues, pensez-vous, ne s’écrivent pas du tout avec des idéogrammes mais avec l’alphabet latin.
Vous avez factuellement raison mais vous passez là complètement à côté de la grande différence qui existe entre les idéogrammes (au sens strict du terme) et les alphabets.
Rien ne s’oppose à ce que vous prononciez ces deux idéogrammes « danger ». C’est exactement ce que ça signifie et la petite promenade que nous avons fait en Asie démontre qu’ils peuvent se prononcer de façons très différentes.
Avec un alphabet, vous formez des sons qui, mis bout à bout (et en fonction de qui vous écoute), finissent par faire des mots puis des phrases qui ont un sens dans une langue donnée.
Par exemple, *en mandarin et seulement en mandarin*, il est tout à fait possible de transcrire nos deux idéogrammes en utilisant le hanyu pinyin : ça donne « wéixiǎn ».
La difficulté étant que « wéixiǎn », pour un japonais, ça ne veut absolument rien dire (à moins que ça ressemble vaguement à quelque chose de tout à fait différent de la notion de danger, je n’en sais rien.)
C’est la grande force des idéogrammes : comme leur nom l’indique, ils représentent des idées et peuvent donc se lire dans à peu près n’importe quelle langue (pourvu que l’idée existe dans cette langue).
C’est notamment très pratique lorsque vous devez administrer un empire immense peuplé de quantités de gens qui ne parlent pas la même langue (l’empire perse des Achéménides, par exemple).
En revanche, ça implique une quantité phénoménale d’idéogrammes. Les langues chinoises, par exemple, en compteraient environ 50'000 (dont 5'000 *seulement* sont fréquemment utilisés).
Forcément, ça impose de mémoriser tout ça… Quoi que, si vous y pensez : nous aussi, nous procédons largement par reconnaissance de forme sur des mots entiers (sauf les mots très inhabituels ou inconnus).
Lorsque vous rédigez un manuscrit, les idéogrammes imposent une écriture très précise (raison pour laquelle, même lorsqu’ils utilisent notre alphabet, les chinois écrivent extraordinairement bien).
Et avec un clavier, il faut évidemment passer par quelques stratégies de contournement un brin complexes… Mais les progrès de la saisie assistée ont déjà rendu les choses beaucoup plus simples.
Bref, le fantastique avantage des idéogrammes c’est qu’ils peuvent se lire dans à peu près n’importe quelle langue.
C’est d’ailleurs une hypothèse implicite utilisée dans pas mal d’ouvrage de science-fiction : dans une ville où les gens parlent un grand nombre de langues différentes, c’est ce qu’il y a de plus simple. #Fin
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Dans votre main, il y a un smartphone. Dans ce smartphone, il y a un genre timbre poste appelé « microprocesseur ». C’est le truc qui calcule tout ce qui arrive dans votre smartphone.
Dans le timbre poste en question il y des transistors. Des petites bébêtes électriques très simples qui font des 1 (le courant passe) et des 0 (le courant ne passe pas).
Les bébêtes comme ça, sur les microprocesseurs les plus modernes, il y en a des millions en millimètre carré. (Relisez ça doucement).
Nous sommes très nombreux à avoir des compétences techniques (bassines, finance, nucléaire…) Mais le truc, c’est que nous avons tous un job lié à ces compétences qui nous occupe pas mal.
Le gros problème du débat public c’est que nous (définis ci-dessus) sommes confrontés à des gens qui mènent une carrière politique sans rien comprendre audits sujets.
Ça ne veut pas dire que les techniques définis ci-dessus ont toujours raison. Mais entre un rebouteux et un ingénieur en physique nucléaire, pardon, mais la question ne se pose même pas.
Déjà, pour commencer, il faut savoir d’où on vient.
Historiquement (et là, on parle de millénaires) on vient de la Grande Steppe.
Graphiquement, de la droite, par le nord de la mer noire — parce que l’Anatolie, les monts Taurus et le Bosphore, pardon mais non merci.
Une option, pour peu qu’on ait le pied marin, c’est la Méditerranée.
Sauf qu’après avoir passé le Bosphore, la mer de Marmara et le détroit des Dardanelles, si vous êtes toujours vivant, la route (en cabotage) ressemble à ça.