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Jun 14, 2023 ‱ 8 tweets ‱ 6 min read ‱ Read on X
🔮 #VaccinCovid19

📍Le dĂ©mantĂšlement d'un nouveau mensonge : Des milliers de dĂ©cĂšs dus au #Covid19 sont Ă©vitĂ©s en #IsraĂ«l "grĂące Ă  la vaccination".

📍Le Dr Eyal Shahar, professeur Ă©mĂ©rite de santĂ© publique en Ă©pidĂ©miologie et biostatistique, prouve, dans un billet de blog
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Il existe plusieurs façons de dĂ©montrer la faussetĂ© des affirmations concernant les avantages "exceptionnels" des vaccins Covid. Je m'appuierai sur des donnĂ©es comparatives provenant de SuĂšde. Le pays qui a prouvĂ© au monde entier l'inutilitĂ© des blocages et de l'obligation de
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Contrairement Ă  IsraĂ«l, la SuĂšde a traversĂ© la vague hivernale sans ĂȘtre vaccinĂ©e. Lorsque la vague s'est calmĂ©e, Ă  la fin du mois de mars 2021, seuls 10 % de la population suĂ©doise avaient reçu au moins une dose de vaccin Covid, contre 55 % de la population israĂ©lienne. À la
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La figure 4 montre le nombre cumulĂ© de dĂ©cĂšs par Covid signalĂ©s dans chaque pays au dĂ©but et Ă  la fin de la pĂ©riode considĂ©rĂ©e, ainsi que le pourcentage de la population ayant reçu au moins une dose de vaccin Covid Ă  quatre moments diffĂ©rents. Les graphiques sont affichĂ©s sur
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Début novembre 2020, le taux de mortalité Covid était de 2,3 (=5 995/2 569). Fin mars 2021, il était de 2,2 (=13 583/6 205). Entre-temps, le ratio était de 2,1 (7 588 décÚs Covid-19 en SuÚde contre 3 636 en Israël). C'est exactement le ratio de mortalité typique de la SuÚde
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Comme le montre l'histogramme de droite, le mĂȘme ratio (1,9) a Ă©tĂ© maintenu entre novembre 2020 et mars 2021 : 43 954 dĂ©cĂšs en SuĂšde contre 22 830 en IsraĂ«l. Si la vaccination en IsraĂ«l permettait d'Ă©viter 5 000 dĂ©cĂšs, le ratio devrait passer d'un niveau de rĂ©fĂ©rence de 2 à
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Le ministÚre israélien de la santé a estimé une surmortalité de 9,5 % sur une période de quatre mois (à l'exclusion de novembre 2020), similaire à mon estimation la plus prudente (8,9 %), qui incluait le mois de novembre. Si 5 000 décÚs avaient été évités, la surmortalité au
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Dec 4
🔮 407 Mensonges : L'Autopsie d'un Systùme
par @gigicicicricri

📍Huit ans d'inversions, de dĂ©nis et de dissimulations. Ce dossier n'est pas un procĂšs politique, c'est une piĂšce Ă  conviction.

Il y a le mensonge banal, celui de la promesse électorale oubliée. Et il y a le mensonge systémique, celui qui devient une méthode de gouvernement.
Depuis 2017, la France vit sous un régime de réalité alternative. Quand le Président dit "Je protÚge", le systÚme précarise. Quand il dit "Souveraineté", il vend Alstom. Quand il dit "Transparence", il verrouille les documents Uber.
Nous avons documentĂ© 407 contradictions factuelles​. Ce chiffre, aussi massif soit-il, est vertigineux pour une autre raison : il est incomplet​.
Si l'on comptait un seul mensonge ou omission par jour depuis mai 2017, nous en serions à prÚs de 3 000. Ce dossier, fruit d'une investigation technique, n'a fait qu'effleurer la surface. Mais l'échantillon est suffisant pour dessiner une architecture précise : celle d'une liquidation contrÎlée du modÚle français, couverte par un brouillard de mots.
Voici l'inventaire de ce qui se cache sous la surface.
I - LA MÉCANIQUE DU MENSONGE
Comment fait-on pour dire tout et son contraire sans jamais payer l'addition politique ? En analysant 8 ans de discours, trois mécanismes apparaissent. Ils sont la signature du macronisme.
L'Inversion Orwellienne
C'est le pattern le plus fréquent (Note 9/10 sur l'échelle Truth Engine). Il consiste à nommer une mesure du nom de l'effet inverse qu'elle va produire.

‱ La "Loi pour la libertĂ© de choisir son avenir professionnel"​ ? Elle a rĂ©duit les droits au chĂŽmage et durci le contrĂŽle des demandeurs d'emploi.

‱ Le "Pacte enseignant"​ ? PrĂ©sentĂ© comme une revalorisation, c'est une surcharge de travail contractuelle ("travailler plus pour gagner plus").

‱ La "Loi de protection du pouvoir d'achat"​ ? Elle a actĂ© une dĂ©sindexation de fait des salaires face Ă  l'inflation rĂ©elle.

Ce n'est pas de la novlangue, c'est une technique de désarmement. Si le mot "Souveraineté" est utilisé pour justifier la vente de turbines nucléaires aux Américains, comment l'opposition peut-elle réclamer de la souveraineté ? Le mot a été volé et vidé de sa substance.

👉 ConsĂ©quence : Le dĂ©bat public devient impossible car les mots n'ont plus de sens commun.

Le DĂ©ni d'Évidence (Gaslighting d'État)
Face à une crise, le premier réflexe n'est pas l'explication, mais la négation pure et simple du réel.

‱ "Il n'y a pas de violences policiĂšres"​ (2020), alors que les vidĂ©os de gilets jaunes Ă©borgnĂ©s circulent dans le monde entier et que l'ONU s'inquiĂšte.

‱ "Je ne rendrai pas la vaccination obligatoire"​ (2020), alors que le Pass Vaccinal se prĂ©pare et rendra la vie impossible aux non-vaccinĂ©s quelques mois plus tard ("J'ai trĂšs envie de les emmerder").

‱ "Il n'y a pas de pĂ©nurie de masques"​, alors que les stocks stratĂ©giques ont Ă©tĂ© liquidĂ©s et non renouvelĂ©s.

Ce déni sert à gagner du temps. Le temps que la colÚre monte, on nie. Quand la colÚre explose, on passe à la répression.

‱ 👉 ConsĂ©quence : Une perte totale de confiance dans la parole scientifique et politique.

L'Amnésie Organisée
Emmanuel Macron est le maßtre du temps politique effacé. Il peut soutenir une thÚse le lundi et son exact contraire le mardi, sans jamais expliquer le revirement.
L'exemple le plus flagrant est le nuclĂ©aire​.

‱ 2017-2020​ : Fermeture de Fessenheim (centrale opĂ©rationnelle et rentable), promesse de rĂ©duire le nuclĂ©aire Ă  50%.

‱ 2022 (Belfort)​ : "Renaissance du nuclĂ©aire", annonce de 6 Ă  14 EPR2.

Entre les deux ? Aucune explication, aucune excuse. Fessenheim est fermée, l'outil industriel est cassé, et soudain, il faut tout reconstruire en urgence.

👉 ConsĂ©quence : Une planification erratique qui coĂ»te des milliards (23,7 Md€ pour l'EPR Flamanville) et fragilise la sĂ©curitĂ© Ă©nergĂ©tique.

II - L'ICEBERG FINANCIER : "UN POGNON DE DINGUE"
Pendant que l'on demande des efforts aux chĂŽmeurs et aux retraitĂ©s ("On ne peut đŸ”œImage
2.
pas dépenser l'argent qu'on n'a pas"), des flux financiers massifs et opaques irriguent des réseaux privés.

Le Scandale McKinsey
Ce n'est pas juste "quelques consultants". C'est une privatisation de la pensĂ©e de l'État.

‱ Les faits​ : 72,8 millions d'euros de contrats entre 2017 et 2022.

‱ Le mensonge​ : "Il n'y a pas de combine".

‱ La rĂ©alitĂ© (2025)​ : Une nouvelle perquisition a eu lieu le 6 novembre 2025. La justice enquĂȘte sur des soupçons de financement illĂ©gal de campagne (consultants travaillant bĂ©nĂ©volement pour En Marche en 2017 en Ă©change de contrats ultĂ©rieurs).

‱ Le dĂ©tail qui tue​ : McKinsey n'a payĂ© aucun impĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s en France entre 2011 et 2020, tout en conseillant l'État sur sa stratĂ©gie fiscale.

L'Affaire Kohler : Le conflit d'intĂ©rĂȘts au cƓur du pouvoir
Alexis Kohler est le SecrĂ©taire GĂ©nĂ©ral de l'ÉlysĂ©e, le "cerveau" du PrĂ©sident.

‱ Le mensonge​ : Macron a signĂ© une attestation assurant que Kohler n'avait jamais traitĂ© de dossiers liĂ©s Ă  l'armateur MSC (fondĂ© par la famille de sa mĂšre).

‱ La rĂ©alité​ : Kohler est mis en examen pour "prise illĂ©gale d'intĂ©rĂȘts". Il a participĂ© Ă  8 dĂ©libĂ©rations concernant MSC alors qu'il Ă©tait Ă  Bercy.

‱ 2025​ : La Cour de Cassation a ordonnĂ© en septembre le rĂ©examen de la prescription. L'affaire n'est pas finie, mais Kohler est restĂ© Ă  son poste crucial pendant des annĂ©es.

👉 ConsĂ©quence : L'État est gĂ©rĂ© comme une entreprise privĂ©e, au bĂ©nĂ©fice de rĂ©seaux d'influence (Uber Files, Alstom) plutĂŽt que de l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.

III - LA LIQUIDATION DE LA SOUVERAINETÉ
Le mot "Souveraineté" est dans toutes les bouches macronistes. Les actes, eux, organisent la dépendance.

La Vente d'Alstom : Péché Originel

C'est le dossier qui suit Macron depuis Bercy.

‱ L'acte​ : Autoriser la vente de la branche Ă©nergie d'Alstom (turbines nuclĂ©aires Arabelle) Ă  l'amĂ©ricain General Electric.

‱ La consĂ©quence​ : La France perd le contrĂŽle de la maintenance de ses propres centrales nuclĂ©aires et de ses sous-marins nuclĂ©aires.

‱ Le coĂ»t​ : EDF a dĂ» racheter ces turbines en 2022 pour un prix exorbitant (plus d'un milliard), aprĂšs que GE a supprimĂ© des milliers d'emplois. Une opĂ©ration perdant-perdant pour la France, gagnant-gagnant pour les banquiers d'affaires.

Le Mythe du "Cloud Souverain"

‱ Promesse​ : IndĂ©pendance numĂ©rique europĂ©enne.

‱ RĂ©alité​ : Le Health Data Hub​ (donnĂ©es de santĂ© de tous les Français) a Ă©tĂ© confiĂ© Ă  Microsoft (Azure). Les donnĂ©es sont techniquement soumises au Cloud Act​ amĂ©ricain.

‱ Le symbole​ : MĂȘme pour les Jeux Olympiques 2024, la cybersĂ©curitĂ© a impliquĂ© des prestataires Ă©trangers et Atos, fleuron français laissĂ© en perdition.

L'Effondrement Diplomatique

‱ Afrique​ : "Fin de la Françafrique" promise Ă  Ouagadougou. RĂ©sultat : expulsion humiliante des troupes françaises du Mali, du Burkina et du Niger. La Russie a pris la place.

‱ Liban​ : Des promesses de reconstruction et de garantie politique ("Je ne vous lĂącherai pas") qui se sont soldĂ©es par une impuissance totale.

👉 ConsĂ©quence : La France est plus isolĂ©e et plus dĂ©pendante (militairement, technologiquement, Ă©nergĂ©tiquement) qu'en 2017.

IV - LA RUPTURE DU CONTRAT SOCIAL
C'est la partie immergée la plus douloureuse de l'Iceberg. Celle qui touche la vie quotidienne.

La Casse des Services Publics

‱ HĂŽpital​ : "Pas de fermeture". RĂ©alitĂ© : 5 700 lits supprimĂ©s entre 2017 et 2019, puis des milliers d'autres aprĂšs le Covid. Les urgences sont en grĂšve perpĂ©tuelle.

‱ École​ : "PrioritĂ© Ă©ducation". RĂ©alitĂ© : Crise de recrutement inĂ©dite (le mĂ©tier n'attire plus), classes surchargĂ©es, Parcoursup qui trie les Ă©tudiants par des algorithmes opaques.

‱ Logement​ : Promesse d'un "choc de l'offre". RĂ©alitĂ© : effondrement de la construction (-22% en 2023), baisse des APL, explosion du nombre de SDF (+130%). đŸ”œ
3.
La Dette Cachée

‱ Le mensonge​ : "Gestion en bon pĂšre de famille", "Quoi qu'il en coĂ»te maĂźtrisĂ©".

‱ La rĂ©alité​ : La dette publique a explosĂ© de plus de 1000 milliards d'euros. Elle atteint 3 416 milliards (115,6% du PIB) mi-2025.

‱ La dissimulation​ : Une lettre de Bruno Le Maire datĂ©e d'avril 2024, alertant sur le dĂ©rapage du dĂ©ficit (5,8%), a Ă©tĂ© gardĂ©e secrĂšte jusqu'aprĂšs les Ă©lections europĂ©ennes et lĂ©gislatives. Le vote des Français a Ă©tĂ© Ă©clairĂ© Ă  la bougie.

👉 ConsĂ©quence : Les services publics s'effondrent alors que la dette explose. L'argent a disparu, mais pas dans les hĂŽpitaux ni les Ă©coles. OĂč est-il ? (Voir partie II).

V - POURQUOI IL EST ENCORE LÀ ? LE VERROUILLAGE DU SYSTÈME
Face à une telle accumulation de scandales (407 faits, rappelons-le), n'importe quel dirigeant d'une démocratie nord-européenne aurait démissionné dix fois. Pourquoi Emmanuel Macron est-il "indestructible" ?
Parce que la VĂšme RĂ©publique a Ă©tĂ© conçue pour rĂ©sister Ă  tout, mĂȘme Ă  la vĂ©ritĂ©.
Le Verrou Constitutionnel (Article 68 & 67)
La Constitution de 1958 est un gilet pare-balles.

‱ L'Article 67 (L'ImmunitĂ©)​ : Le PrĂ©sident est intouchable. Il ne peut ĂȘtre ni mis en examen, ni entendu comme tĂ©moin tant qu'il est Ă  l'ÉlysĂ©e. Les juges peuvent tourner autour (Kohler, Dupond-Moretti, collaborateurs), mais le centre est inaccessible jusqu'en 2027.

‱ L'Article 68 (La Destitution Impossible)​ : Pour destituer un prĂ©sident, il faut une majoritĂ© des deux tiers Ă  l'AssemblĂ©e ET au SĂ©nat. En pratique, c'est impossible sans une alliance contre-nature entre tous les opposants. Le "Bureau de l'AssemblĂ©e" filtre les demandes avant mĂȘme qu'elles soient dĂ©battues. C'est un systĂšme conçu pour protĂ©ger le monarque, quoi qu'il fasse.

Le "Mur de l'Argent" Médiatique
C'est l'autre pilier du maintien au pouvoir. En 2017 comme en 2022, l'élection s'est jouée sur une saturation médiatique.

‱ La Concentration​ : 90% des mĂ©dias privĂ©s français appartiennent Ă  9 milliardaires (Arnault, Drahi, Niel, BollorĂ©...).

‱ Le Deal Tacite​ : Ces capitaines d'industrie ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de mesures fiscales massives (fin de l'ISF, Flat Tax). En retour, leurs groupes de presse assurent un "service aprĂšs-vente" des rĂ©formes, qualifiant de "nĂ©cessaires" les rĂ©gressions sociales et de "complotistes" les critiques structurelles.

‱ L'Effet​ : Les scandales (Uber Files, McKinsey) explosent, font la Une 48h, puis sont recouverts par une autre actualitĂ©. Il n'y a pas de sĂ©dimentation de la colĂšre, juste une fatigue.

L'Opposition de "Confort"
Pourquoi les motions de censure ne passent-elles pas ?

‱ Parce qu'une partie de l'opposition (LR notamment) joue un double jeu : elle critique devant les camĂ©ras mais vote les textes essentiels (Retraites, Immigration) ou s'abstient au moment dĂ©cisif. Ils sont la bĂ©quille invisible du systĂšme.

‱ Le systùme tient par la peur du vide ("Moi ou le chaos"). Cette peur est entretenue quotidiennement pour paralyser toute alternative radicale.

👉 ConsĂ©quence : Le systĂšme est bloquĂ©. Il ne peut pas se corriger de l'intĂ©rieur. Il ne tombera pas par la loi, car il est la loi.

VI - LA FRACTURE MORALE : UN PRÉSIDENT CONTRE SON PEUPLE

Au-delĂ  des chiffres et des affaires, il restera de cette Ă©poque une trace indĂ©lĂ©bile : la violence. Jamais sous la Ve RĂ©publique un PrĂ©sident n'avait suscitĂ© une telle haine viscĂ©rale. Ce rejet n'est pas irrationnel , il est la rĂ©ponse d'un peuple qui s'est senti non seulement trahi, mais humilié​.

Le Mépris de Classe comme Langage Officiel

Emmanuel Macron n'a pas seulement menti sur ses actes, il a nié l'humanité de ses opposants.

‱ "Les gens qui ne sont rien"​ (2017) : L'acte fondateur. Une division ontologique entre l'Ă©lite et la plĂšbe.

‱ "Je traverse la rue, je vous trouve du travail"​ (2018) : La nĂ©gation de la rĂ©alitĂ© Ă©conomique, remplacĂ©e par la culpabilisation individuelle.

‱ "Les Gaulois rĂ©fractaires", "Les FainĂ©ants"​ : L'insulte faite au peuple qu'il est censĂ© reprĂ©senter. đŸ”œ
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Nov 19
🔮 Discours de John Mearsheimer devant le Parlement europĂ©en Ă  Bruxelles, le 11 novembre 2025. 

Devant un hémicycle pétrifié, le professeur Mearsheimer a asséné quelques vérités que personne ne voulait entendre.

📍Son titre : « L’avenir sombre de l’Europe ».

Son verdict : le continent est en train de basculer dans une Ăšre de dĂ©clin, de divisions et de dangers qu’il n’a plus connue depuis 1945.

« L'Europe traverse aujourd'hui une période de grande crise, principalement en raison de la guerre en Ukraine, qui a joué un rÎle déterminant dans la déstabilisation d'une région jusque-là largement pacifique.

Malheureusement, la situation ne devrait pas s'amĂ©liorer dans les annĂ©es Ă  venir. En rĂ©alitĂ©, l'Europe risque mĂȘme d'ĂȘtre moins stable qu'elle ne l'est aujourd'hui. 

La situation actuelle en Europe contraste fortement avec la stabilitĂ© sans prĂ©cĂ©dent dont elle a bĂ©nĂ©ficiĂ© durant la pĂ©riode unipolaire, qui s'est Ă©tendue approximativement de 1992, aprĂšs l'effondrement de l'Union soviĂ©tique, Ă  2017, annĂ©e oĂč la Chine et la Russie sont devenues des grandes puissances, transformant l'unipolaritĂ© en multipolaritĂ©. Nous nous souvenons tous du cĂ©lĂšbre article de Francis Fukuyama, paru en 1989 et intitulĂ© « La fin de l'histoire ? », qui affirmait que la dĂ©mocratie libĂ©rale Ă©tait destinĂ©e Ă  se rĂ©pandre dans le monde entier, apportant avec elle paix et prospĂ©ritĂ©. Cette thĂšse Ă©tait manifestement erronĂ©e, mais beaucoup en Occident y ont cru pendant plus de vingt ans. Rares Ă©taient les EuropĂ©ens qui imaginaient, Ă  l'apogĂ©e de l'unipolaritĂ©, que l'Europe serait aujourd'hui confrontĂ©e Ă  de telles difficultĂ©s. 

📍Alors, qu'est-ce qui a mal tournĂ© ? 

La guerre en Ukraine, que je soutiendrai avoir Ă©tĂ© provoquĂ©e par l'Occident, et notamment par les États-Unis, est la principale cause de l'insĂ©curitĂ© qui rĂšgne aujourd'hui en Europe. Toutefois, un second facteur entre en jeu : le basculement de l'Ă©quilibre des pouvoirs mondiaux en 2017, d'un systĂšme unipolaire Ă  un systĂšme multipolaire, qui menaçait inĂ©vitablement l'architecture de sĂ©curitĂ© europĂ©enne. Il y avait nĂ©anmoins de bonnes raisons de penser que ce changement dans la rĂ©partition du pouvoir Ă©tait un problĂšme gĂ©rable. Mais la guerre en Ukraine, conjuguĂ©e Ă  l'avĂšnement de la multipolaritĂ©, a engendrĂ© de graves troubles, qui ne sont pas prĂšs de se rĂ©sorber. 

Je commencerai par expliquer comment la fin de l'unipolarité menace les fondements de la stabilité européenne. J'aborderai ensuite les conséquences de la guerre en Ukraine sur l'Europe et la maniÚre dont elles ont interagi avec le passage à la multipolarité pour transformer profondément le paysage européen. 

📍Le passage de l'unipolaritĂ© Ă  la multipolarité 

La clĂ© du maintien de la stabilitĂ© en Europe occidentale pendant la Guerre froide et dans toute l'Europe durant la pĂ©riode unipolaire rĂ©sidait dans la prĂ©sence militaire amĂ©ricaine en Europe, intĂ©grĂ©e Ă  l'OTAN. Les États-Unis, bien entendu, ont dominĂ© cette alliance dĂšs sa crĂ©ation, rendant quasiment impossible tout conflit entre les États membres placĂ©s sous leur protection. De fait, les États-Unis ont exercĂ© une influence pacificatrice majeure en Europe. Les Ă©lites europĂ©ennes actuelles reconnaissent ce fait, ce qui explique leur profond attachement au maintien des troupes amĂ©ricaines en Europe et Ă  une OTAN dominĂ©e par les États-Unis. 

Il est important de noter qu'Ă  la fin de la Guerre froide, alors que l'Union soviĂ©tique retirait ses troupes d'Europe de l'Est et mettait fin au Pacte de Varsovie, Moscou n'a pas objectĂ© au maintien d'une OTAN dominĂ©e par les États-Unis. À l'instar des EuropĂ©ens de l'Ouest de l'Ă©poque, les dirigeants soviĂ©tiques comprenaient et apprĂ©ciaient la logique pacifiste. Cependant, ils s'opposaient fermement Ă  l'Ă©largissement de l'OTAN, mais nous y reviendrons. 

Certains pourraient affirmer que l'UE, et non l'OTAN, a Ă©tĂ© le principal artisan de la stabilitĂ© europĂ©enne durant la pĂ©riode unipolaire, ce qui expliquerait pourquoi elle a reçu le prix đŸ”œImage
2.
Nobel de la paix en 2012. Or, c'est une erreur. Si l'UE a Ă©tĂ© une institution remarquablement efficace, ce succĂšs repose sur le maintien de la paix en Europe par l'OTAN. Pour paraphraser Marx, l'institution politico-militaire constitue la base, tandis que l'institution Ă©conomique en est la superstructure. Autrement dit, sans l'appui des États-Unis, non seulement l'OTAN, telle que nous la connaissons, disparaĂźtrait, mais l'UE serait Ă©galement gravement fragilisĂ©e. 

Durant la pĂ©riode d'unipolaritĂ©, qui s'est Ă©tendue de 1992 Ă  2017, les États-Unis Ă©taient de loin la puissance dominante du systĂšme international et pouvaient aisĂ©ment maintenir une prĂ©sence militaire importante en Europe. Leurs Ă©lites en matiĂšre de politique Ă©trangĂšre souhaitaient d'ailleurs non seulement prĂ©server l'OTAN, mais aussi l'Ă©tendre en accueillant des alliances en Europe de l'Est. 

Ce monde unipolaire a disparu avec l'avĂšnement de la multipolaritĂ©. Les États-Unis n'Ă©taient plus la seule grande puissance mondiale. La Chine et la Russie Ă©taient dĂ©sormais des puissances majeures, ce qui impliquait que les dĂ©cideurs politiques amĂ©ricains devaient repenser leur vision du monde. 

Pour comprendre ce que signifie la multipolaritĂ© pour l'Europe, il est essentiel d'examiner la rĂ©partition du pouvoir entre les trois grandes puissances mondiales. Les États-Unis demeurent la premiĂšre puissance mondiale, mais la Chine a considĂ©rablement augmentĂ© son influence et est dĂ©sormais considĂ©rĂ©e comme un concurrent de taille. Son immense population, conjuguĂ©e Ă  une croissance Ă©conomique remarquable depuis le dĂ©but des annĂ©es 1990, en a fait une puissance hĂ©gĂ©monique potentielle en Asie de l'Est. Pour les États-Unis, dĂ©jĂ  hĂ©gĂ©mons rĂ©gionaux dans l'hĂ©misphĂšre occidental, la perspective de voir une autre grande puissance accĂ©der Ă  l'hĂ©gĂ©monie en Asie de l'Est ou en Europe est profondĂ©ment inquiĂ©tante. Rappelons-nous que les États-Unis sont entrĂ©s en guerre lors des deux conflits mondiaux pour empĂȘcher l'Allemagne et le Japon de devenir des puissances hĂ©gĂ©moniques rĂ©gionales en Europe et en Asie de l'Est, respectivement. Ce raisonnement reste valable aujourd'hui. 

La Russie est la plus faible des trois grandes puissances et, contrairement Ă  ce que pensent nombre d'EuropĂ©ens, elle ne reprĂ©sente pas une menace d'invasion de l'Ukraine entiĂšre, et encore moins de l'Europe de l'Est. AprĂšs tout, elle n'a passĂ© que trois ans et demi Ă  tenter de conquĂ©rir le cinquiĂšme oriental de l'Ukraine. L'armĂ©e russe n'est pas la Wehrmacht et la Russie – contrairement Ă  l'Union soviĂ©tique pendant la Guerre froide et Ă  la Chine en Asie de l'Est aujourd'hui – n'est pas une puissance hĂ©gĂ©monique rĂ©gionale potentielle. 

Compte tenu de cette rĂ©partition des puissances mondiales, il est stratĂ©giquement impĂ©ratif pour les États-Unis de contenir la Chine et de l'empĂȘcher de dominer l'Asie de l'Est. Cependant, rien ne justifie stratĂ©giquement le maintien d'une prĂ©sence militaire significative en Europe, la Russie ne constituant pas une menace hĂ©gĂ©monique. De fait, consacrer des ressources de dĂ©fense prĂ©cieuses Ă  l'Europe rĂ©duit celles disponibles pour l'Asie de l'Est. Ce raisonnement explique le recentrage des États-Unis sur l'Asie. Or, tout recentrage d'un pays sur une rĂ©gion s'Ă©loigne, par dĂ©finition, d'une autre, Ă  savoir l'Europe.

Il existe une autre dimension importante, sans lien direct avec l'Ă©quilibre des puissances mondiales, qui rĂ©duit encore la probabilitĂ© que les États-Unis maintiennent une prĂ©sence militaire significative en Europe. Plus prĂ©cisĂ©ment, les États-Unis entretiennent avec IsraĂ«l une relation particuliĂšre, sans prĂ©cĂ©dent dans l'histoire. Ce lien, fruit de l'immense influence du lobby pro-israĂ©lien aux États-Unis, implique non seulement un soutien inconditionnel des dĂ©cideurs amĂ©ricains Ă  IsraĂ«l, mais aussi une implication des États-Unis dans les guerres israĂ©liennes, directement ou indirectement. En bref, les États-Unis continueront d'allouer des ressources militaires. đŸ”œ
3.
considérables à Israël et de déployer d'importantes forces militaires au Moyen-Orient.

Cette obligation envers Israël constitue une incitation supplémentaire à réduire les forces américaines en Europe et à encourager les pays européens à assurer leur propre sécurité. 

En rĂ©sumĂ©, les puissantes forces structurelles liĂ©es au passage de l'unipolaritĂ© Ă  la multipolaritĂ©, conjuguĂ©es Ă  la relation particuliĂšre qu'entretiennent les États-Unis avec IsraĂ«l, risquent d'Ă©liminer le rĂŽle apaisant des États-Unis en Europe et de paralyser l'OTAN, ce qui aurait Ă©videmment de graves consĂ©quences pour la sĂ©curitĂ© europĂ©enne. Il est toutefois possible d'Ă©viter un retrait amĂ©ricain, ce que souhaite sans doute la quasi-totalitĂ© des dirigeants europĂ©ens. Pour y parvenir, il faut tout simplement des stratĂ©gies judicieuses et une diplomatie habile des deux cĂŽtĂ©s de l'Atlantique. Or, ce n'est pas ce que nous avons obtenu jusqu'Ă  prĂ©sent. Au lieu de cela, l'Europe et les États-Unis ont imprudemment cherchĂ© Ă  intĂ©grer l'Ukraine Ă  l'OTAN, ce qui a provoquĂ© une guerre perdue d'avance contre la Russie et accroĂźt considĂ©rablement les risques de dĂ©part des États-Unis d'Europe et d'effondrement de l'OTAN. Je m'explique. 

📍Qui a dĂ©clenchĂ© la guerre en Ukraine ?

L’opinion communĂ©ment admise 
Pour bien comprendre les conséquences de la guerre en Ukraine, il est essentiel d'en examiner les causes, car la raison pour laquelle la Russie a envahi l'Ukraine en février 2022 en dit long sur les objectifs de guerre de la Russie et sur les effets à long terme de cette guerre. 

L'opinion communĂ©ment admise en Occident est que Vladimir Poutine est responsable du dĂ©clenchement de la guerre en Ukraine. Son objectif, selon cette thĂšse, est de conquĂ©rir l'Ukraine entiĂšre et de l'intĂ©grer Ă  une Russie plus vaste. Une fois cet objectif atteint, la Russie s'attacherait Ă  crĂ©er un empire en Europe de l'Est, Ă  l'instar de l'Union soviĂ©tique aprĂšs la Seconde Guerre mondiale. Dans ce rĂ©cit, Poutine reprĂ©sente une menace mortelle pour l'Occident et doit ĂȘtre neutralisĂ© avec force. En rĂ©sumĂ©, Poutine est un impĂ©rialiste dont le plan directeur s'inscrit parfaitement dans une riche tradition russe.

Ce récit comporte de nombreuses failles. Permettez-moi d'en exposer cinq. 

PremiĂšrement, rien ne prouve, avant le 24 fĂ©vrier 2022, que Poutine ait souhaitĂ© conquĂ©rir l'intĂ©gralitĂ© de l'Ukraine et l'annexer Ă  la Russie. Les partisans de cette thĂšse ne peuvent citer aucun Ă©crit ni aucune dĂ©claration de Poutine indiquant qu'il considĂ©rait la conquĂȘte de l'Ukraine comme un objectif souhaitable, rĂ©alisable, ou qu'il avait l'intention de le poursuivre.
InterrogĂ©s sur ce point, les tenants de l'opinion communĂ©ment admise mettent en avant l'affirmation de Poutine selon laquelle l'Ukraine Ă©tait un État « artificiel », et notamment son point de vue selon lequel Russes et Ukrainiens ne forment qu'un seul peuple, thĂšme central de son cĂ©lĂšbre article du 12 juillet 2021. Ces propos, cependant, n'Ă©clairent en rien les raisons de son entrĂ©e en guerre. En rĂ©alitĂ©, cet article apporte des preuves significatives que Poutine reconnaissait l'Ukraine comme un pays indĂ©pendant. Par exemple, il dĂ©clare au peuple ukrainien : « Vous souhaitez crĂ©er votre propre État : vous ĂȘtes les bienvenus ! » Quant Ă  la maniĂšre dont la Russie devrait traiter l'Ukraine, il Ă©crit : « Il n'y a qu'une seule rĂ©ponse : avec respect. » Il conclut ce long article par ces mots : « Quant Ă  l'avenir de l'Ukraine, il appartient Ă  ses citoyens d'en dĂ©cider. » 

Dans ce mĂȘme article, puis lors d'un discours important prononcĂ© le 21 fĂ©vrier 2022, Poutine a soulignĂ© que la Russie acceptait « la nouvelle rĂ©alitĂ© gĂ©opolitique nĂ©e de la dissolution de l'URSS ». Il a rĂ©itĂ©rĂ© ce point une troisiĂšme fois le 24 fĂ©vrier 2022, en annonçant l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Toutes ces dĂ©clarations contredisent frontalement l'affirmation selon laquelle Poutine souhaitait conquĂ©rir l'Ukraine et l'intĂ©grer Ă  une Grande Russie.Â đŸ”œ
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Nov 17
🔮 Dialogue à Hiroshima
par Emmanuel Todd

📍Le 18 octobre dernier j’ai Ă©tĂ© invitĂ© par monsieur Mitsuo Ochi, prĂ©sident de l’universitĂ©, Ă  donner une confĂ©rence Ă  Hiroshima. J’avais dĂ» annuler il y a juste un an une premiĂšre invitation pour raison de santĂ© mais il Ă©tait important pour moi, compte tenu de l’ambiance guerriĂšre qui nous envahit, de retourner Ă  Hiroshima.

Suivent :

- la prĂ©sentation de la confĂ©rence par l’universitĂ©,
- le texte de ma conférence
- enfin le rĂ©sumĂ© par l’universitĂ© de la discussion que nous avons eue, monsieur Mitsuo Ochi et moi, aprĂšs la confĂ©rence.

Monsieur Ochi est nĂ© en 1952. Je suis moi-mĂȘme nĂ© en 1951. Il a Ă©tĂ© diplĂŽmĂ© de la facultĂ© de mĂ©decine de l’UniversitĂ© d’Hiroshima en 1977, professeur Ă  l’UniversitĂ© de mĂ©decine de Shimane en 1995. AprĂšs avoir Ă©tĂ© directeur de l’hĂŽpital universitaire d’Hiroshima, il est devenu prĂ©sident de l’UniversitĂ© de Hiroshima en 2015. Il est chirurgien orthopĂ©diste spĂ©cialisĂ© dans l’articulation du genou et la mĂ©decine du sport. Membre du Conseil scientifique du Japon (2017-2022), Membre associĂ© du Conseil scientifique du Japon (2011-2017 et depuis 2022).

« Le Japon d’aujourd’hui face Ă  la crise morale de l’Occident » — Les choix du monde et du Japon, et une rĂ©flexion sur la paix —
Le 18 octobre 2025, sur le campus Kasumi de l’UniversitĂ© de Hiroshima, nous avons eu l’honneur d’accueillir l’historien, dĂ©mographe et anthropologue de la famille français, M. Emmanuel Todd, pour une confĂ©rence intitulĂ©e « Le Japon d’aujourd’hui face Ă  la crise morale de l’Occident ». M. Todd a analysĂ© avec perspicacitĂ©, depuis sa perspective unique, la crise Ă©thique et sociale Ă  laquelle la sociĂ©tĂ© occidentale contemporaine est confrontĂ©e, et a offert des propositions riches en suggestions sur le rĂŽle que le Japon pourrait jouer dans ce contexte. AprĂšs la confĂ©rence, il s’est entretenu avec le prĂ©sident de l’UniversitĂ© de Hiroshima, M. Ochi, approfondissant la discussion sous divers angles sur les thĂšmes de la pensĂ©e, de la culture et de la paix.

Ma conférence

Je suis trĂšs heureux et trĂšs reconnaissant Ă  monsieur Ochi, prĂ©sident de l’UniversitĂ© d’Hiroshima, de m’avoir invitĂ©. Je suis particuliĂšrement Ă©mu de revenir Ă  Hiroshima. C’est ma deuxiĂšme visite. J’étais venu une premiĂšre fois il y a 33 ans, lors de mon premier voyage au Japon. InvitĂ© par la fondation du Japon, j’avais demandĂ© que ce premier voyage inclue un pĂšlerinage Ă  Hiroshima. Je suis venu dans votre pays plus de vingt fois depuis.

Je suis retournĂ© hier au MusĂ©e pour la Paix afin d’y rĂ©flĂ©chir Ă  la bombe atomique. Ce musĂ©e, que j’avais dĂ©jĂ  visitĂ© il y a 33 ans, a changĂ©. Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est Ă  quel point j’ai Ă©tĂ© plus impressionnĂ© cette fois-ci. Je suis clairement plus prĂ©occupĂ© maintenant par la question de l’arme nuclĂ©aire.
Je crois que je sais pourquoi. 1992 Ă©tait un moment d’optimisme. Le communisme venait de s’effondrer. La guerre froide se terminait. Et mĂȘme si l’attaque nuclĂ©aire sur Hiroshima et Nagasaki apparaissait comme quelque chose de terrible, elle semblait vraiment appartenir au passĂ©. C’était terminĂ©. Une erreur de l’humanitĂ©, une erreur des États-Unis. Mais quelque chose qui Ă©tait dans le passĂ©.
Les valeurs dominantes de l’époque, vers 1992, Ă©taient celle d’un Occident libĂ©ral et prospĂšre. C’était d’abord, avant mĂȘme la consommation, la production, la production industrielle. C’était la libertĂ©, l’égalitĂ© : l’égalitĂ© entre hommes et femmes, aux États-Unis l’égalitĂ© entre Blancs et Noirs. Et par-dessus tout, un espoir de paix aprĂšs la guerre froide.
Mais maintenant, que voyons nous en Occident ? Je ne parle pas ici de valeurs, mais de la réalité. Nous voyons tout à fait autre chose. Nous voyons la désindustrialisation, la baisse du niveau de vie, le déclin des libertés.

Aux États-Unis, le dĂ©clin des libertĂ©s, ça va ĂȘtre la cancel culture du cĂŽtĂ© dĂ©mocrate et ça va ĂȘtre ensuite les attaques anti-libĂ©rales de Trump dans toutes sortes de directions.
Historiquement đŸ”œ

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2.
la France est un pays de libertĂ©. Mais moi-mĂȘme, en France, je suis pour ce qui concerne ma libertĂ© dans une situation trĂšs particuliĂšre. Mon Ă©diteur (les Ă©ditions Gallimard) est certes le plus prestigieux de France. Mais je ne peux plus m’exprimer, comme c’était le cas autrefois, sur les chaĂźnes publiques de l’audiovisuel comme France-Inter, France-Culture ou France 2. C’est comme si, au Japon, j’étais interdit d’expression sur NHK. Ma rĂ©putation au Japon m’a d’ailleurs protĂ©gĂ© contre ces interdictions françaises. Je suis infiniment reconnaissant au Japon de m’avoir protĂ©gĂ© contre le nouvel autoritarisme d’État français.

Au prĂ©sent, ce que l’on observe aussi, en Occident, ce n’est plus l’égalitĂ©, mais la montĂ©e des inĂ©galitĂ©s : aux États-Unis, en Europe. Aux États-Unis on ne marche plus vers l’égalitĂ© des Noirs et des Blancs mais on assiste Ă  un retour des obsessions raciales.

A l’échelle la plus globale, on voit aussi un incroyable retour de l’arrogance occidentale vis-Ă -vis du reste du monde.

Par-dessus tout, et c’est la raison ultime de ma prĂ©sence Ă  Hiroshima, nous devons admettre le retour de la guerre. D’abord la guerre dans la rĂ©alitĂ©, en Ukraine ou au Moyen-Orient, mais au-delĂ  de cette rĂ©alitĂ©, nous observons l’émergence d’une obsession de la guerre dans les mentalitĂ©s.

Je vais rapidement parler de la dĂ©faite militaire occidentale en Ukraine parce que c’est l’analyse de cette guerre qui m’a conduit Ă  travailler, en profondeur, sur l’ensemble de la crise occidentale. La guerre est un choc de rĂ©alitĂ© et c’est Ă  partir de la guerre d’Ukraine que j’ai commencĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir sur le problĂšme nouveau de la moralitĂ© occidentale.

Ce qui est d’abord incroyable, c’est la façon dont les États-Unis et l’Europe avaient surestimĂ© leur puissance face Ă  la Russie. Il est vrai que le produit intĂ©rieur brut de la Russie ne reprĂ©sentait, Ă  la veille du conflit, que 3% du produit intĂ©rieur brut de l’Occident (en incluant, le Japon, la CorĂ©e et TaĂŻwan). Et malgrĂ© cela, la Russie, avec 3% du produit intĂ©rieur brut de l’Occident, a rĂ©ussi Ă  produire plus d’armes que tout l’Occident. La guerre a dĂ©voilĂ© notre faiblesse industrielle et rĂ©vĂ©lĂ© que ce produit intĂ©rieur brut qu’on mesure par habitude ne reprĂ©sente plus une capacitĂ© rĂ©elle Ă  construire des choses.

Cette insuffisance industrielle m’a renvoyĂ© Ă  la faible capacitĂ© des États-Unis Ă  former des ingĂ©nieurs. La Russie, avec une population deux fois et demie plus petite que celle des Etats-Unis, forme plus d’ingĂ©nieurs. C’est la clef de la victoire russe.
Pour la formation des ingĂ©nieurs, la France et le Royaume-Uni ressemblent aux États-Unis.

Mais le Japon et l’Allemagne ressemblent plutĂŽt Ă  la Russie, parce que ces deux pays gardent une forte capacitĂ© Ă  former des ingĂ©nieurs. L’analyse de la guerre m’a donc amenĂ© Ă  m’intĂ©resser Ă  la crise de l’éducation aux États-Unis, Ă  la chute du potentiel Ă©ducatif, Ă  la fois en termes de nombre d’étudiants par gĂ©nĂ©ration et de niveau intellectuel de ces Ă©tudiants.

Ensuite, pour comprendre la chute Ă©ducative, je suis arrivĂ© au facteur ultime, celui dont tout dĂ©coule, la mutation religieuse des États-Unis. Ce qui avait fait la force des États-Unis, de l’Angleterre, du cƓur de l’Occident en fait, c’était la puissance Ă©ducative de la religion protestante. La disparition du protestantisme explique l’effondrement Ă©ducatif amĂ©ricain.

Ma rĂ©flexion sur la guerre, sur ce que tout le monde peut voir en regardant les informations tĂ©lĂ©visĂ©es (notre spectacle quotidien), m’a donc conduit Ă  un intĂ©rĂȘt nouveau pour la religion en tant que facteur historique. Observer au prĂ©sent les consĂ©quences de la disparition de la religion a mĂȘme ouvert pour moi un domaine de recherche complĂštement nouveau. Lorsque je dĂ©cris l’histoire de la disparition de la religion, je distingue dĂ©sormais trois stades : religion active, religion zombie, religion zĂ©ro.

La religion active, c’est quand les gens croient en leur dieu et lui rendent un culte. Je parle ici de đŸ”œ
3.
religion en un sens occidental, monothéiste. Je pense au christianisme, je pense au judaïsme.

Ensuite, le deuxiĂšme stade, c’est le stade zombie, quand la croyance en dieu a disparu, quand le culte a disparu, mais dans un monde social oĂč les habitudes morales associĂ©es Ă  la religion sont toujours vivantes. Les individus restent encadrĂ©s par un systĂšme de valeurs, ils restent capables d’action collective. La religion est remplacĂ©e par des idĂ©ologies de substitution, comme le sentiment national, les sentiments de classes, et toutes sortes de groupes idĂ©ologiques qui remplacent l’appartenance religieuse de dĂ©part.

Et puis il y a le troisiĂšme stade, dans laquelle nous sommes, le stade de la religion zĂ©ro, dans lequel les valeurs hĂ©ritĂ©es de la religion ont disparu. On entre dans un monde oĂč l’individu est vraiment privĂ© de valeurs fondamentales ; il est dĂ©sormais seul, privĂ© de la capacitĂ© d’action collective. C’est un individu affaibli parce que les valeurs inculquĂ©es par la religion, puis reprises par l’idĂ©ologie, Ă©taient une force pour sa personnalitĂ©.
Cet Ă©tat zĂ©ro des croyances religieuses n’est pas vĂ©cu par l’individu comme une vraie libertĂ©. L’ĂȘtre humain se retrouve confrontĂ© au problĂšme trĂšs banal du sens de la vie. Que fait-il sur terre ? Quel est le but de son existence ? Dans ce genre de contexte, on voit apparaĂźtre ce que j’appelle le nihilisme.
L’angoisse du vide se transforme en glorification, en dĂ©ification du vide. Une passion de la destruction des choses, de la destruction des hommes, de la destruction de la rĂ©alitĂ©, Ă©merge peu Ă  peu. L’état psychique actuel de l’Occident c’est en partie ça : le nihilisme, qui mĂšne Ă  une passion de la guerre dans les mentalitĂ©s, et Ă  une prĂ©fĂ©rence pour la guerre en gĂ©opolitique. Nous saisissons l’arriĂšre-plan moral de la nouvelle prĂ©fĂ©rence occidentale pour la guerre.

Je vais Ă©voquer quelques-unes des guerres dont l’Occident est responsable, mais sans que les Occidentaux, nihilistes sans le savoir, soient capables de comprendre leur responsabilitĂ©. C’est ça qui est impressionnant aujourd’hui : les Occidentaux provoquent des guerres, nourrissent des guerres en se racontant Ă  eux-mĂȘmes qu’ils sont du cĂŽtĂ© de la justice.
Commençons par la guerre d’Ukraine. La guerre d’Ukraine est vĂ©cue en Occident comme une invasion russe de l’Ukraine et j’admets bien sĂ»r que c’est l’armĂ©e russe qui est entrĂ©e en Ukraine. Mais la rĂ©alitĂ© historique, c’est que c’est l’expansion de l’OTAN vers la Russie, Ă  travers l’Ukraine, et la guerre menĂ©e par les Ukrainiens eux-mĂȘmes, poussĂ©s par les Occidentaux, contre les Russes du Donbass, qui sont les vraies causes du conflit. Il est tout Ă  fait exact que, pour les Russes cette guerre est dĂ©fensive. Il est pour moi Ă©vident que les AmĂ©ricains, les EuropĂ©ens, sont les agresseurs, arrivĂ©s Ă  moins de mille kilomĂštres de Moscou. VoilĂ  pour la situation objective. Ce qui est fascinant c’est que ces agresseurs pensent qu’ils sont agressĂ©s et qu’eux-mĂȘmes sont obligĂ©s de se dĂ©fendre. Il y a un Ă©lĂ©ment de folie dans notre situation en Europe.

Et puis il y a l’exemple encore plus Ă©vident du gĂ©nocide de Gaza. Le dĂ©but de gĂ©nocide a Ă©tĂ© perpĂ©trĂ© par l’État d’IsraĂ«l, c’est une autre Ă©vidence historique mais, selon moi, l’État d’IsraĂ«l est tĂ©lĂ©guidĂ© par les États-Unis. Sans les armes amĂ©ricaines, et tant d’autres formes de soutien, l’armĂ©e israĂ©lienne n’aurait pu faire ce qu’elle a fait, tout comme l’armĂ©e ukrainienne, sans les armes amĂ©ricaines, n’aurait pu mener sa guerre d’agression dans le Donbass.

Et encore une fois, ce qui est frappant, au-delĂ  de la violence et de la guerre, c’est la bonne conscience des AmĂ©ricains et des IsraĂ©liens, aprĂšs que 60 000, 70 000, 80 000 Palestiniens ont Ă©tĂ© tuĂ©s.
Nous arrivons ces jours-ci Ă  un problĂšme de comprĂ©hension historique trĂšs intĂ©ressant. Les États-Unis depuis bien longtemps, et Trump, plus rĂ©cemment, ont encouragĂ©, peut-ĂȘtre mĂȘme dĂ©cidĂ©, l’action israĂ©lienne. Trump, lors de sa premiĂšre prĂ©sidence, avait Ă©tabli đŸ”œ
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Nov 12
🔮 Les cadavres non enterrĂ©s :
Comment l’Empire AmĂ©ricain
recycle le fascisme.

📍Des nazis europĂ©ens aux criminels de guerre japonais ; des escadrons de la mort latino-amĂ©ricains aux djihadistes salafistes, les noms des acteurs et des ennemis peuvent changer, mais le scĂ©nario reste le mĂȘme.
par RYAN PERKINS

📍Introduction à L’Anatomie de l’Empire

Nous vivons un conflit mondial de crises interconnectĂ©es. Gaza, l’Iran, le Venezuela, la mer de Chine mĂ©ridionale et l’Ukraine, oĂč des bataillons arborant des insignes nĂ©o-nazis combattent avec des armes occidentales. Pendant ce temps, dans les couloirs du pouvoir europĂ©en, l’ascendance des dirigeants fait Ă©cho Ă  des collaborations fascistes. Ce ne sont pas des accidents historiques, mais les convulsions symptomatiques d’un Empire en continuitĂ©, rĂ©utilisant ses outils les plus anciens pour prĂ©server un noyau de pouvoir fondamentalement inchangĂ©. DerriĂšre les gros titres sur les alliances militaires et les batailles idĂ©ologiques se cache une vĂ©ritĂ© plus profonde et plus troublante : une guerre menĂ©e non pas contre le fascisme, mais avec lui.

Cette sĂ©rie, L’Anatomie de l’Empire, a retracĂ© le chemin obscur qui nous a conduits Ă  ce prĂ©cipice. Il s’agit d’une histoire non pas de hasard, mais de calcul froid ; non pas de compromis isolĂ©s, mais d’une logique systĂ©mique poursuivie avec une dĂ©termination implacable. Nous avons vu comment les moteurs de l’accumulation du capital exigent une expansion globale et comment la puissance militaire brute a Ă©tĂ© institutionnalisĂ©e pour la sĂ©curiser. đŸ”œImage
2.
Nous nous tournons maintenant vers l’adaptation la plus cynique et la plus durable du systĂšme : l’absorption intĂ©grale de son ennemi vaincu dans l’infrastructure mĂȘme conçue pour combattre le prochain ennemi.

Certaines parties de cette histoire sont familiĂšres, souvent prĂ©sentĂ©es comme des incidents isolĂ©s et justifiĂ©es comme des compromis moraux au nom du rĂ©alisme politique. Mais ce n’est pas vrai. Prises ensemble, elles reprĂ©sentent une stratĂ©gie froide, claire et calculĂ©e, exĂ©cutĂ©e avec une prĂ©voyance manifeste, pour incorporer intĂ©gralement l’infrastructure du fascisme dans l’architecture de la prochaine guerre choisie par l’Empire : la Guerre froide.

Ce n’était pas simplement le recrutement de quelques individus utiles, mais l’intĂ©gration systĂ©matique de personnel, de tactiques et d’idĂ©ologies dans les agences de renseignement, les programmes scientifiques et les commandements militaires. Une architecture clandestine dont le point d’aboutissement logique n’est pas la paix, mais un Ă©tat de guerre perpĂ©tuelle, non dĂ©clarĂ©e, menĂ©e avec des façades dĂ©mocratiques et des instruments fascistes.

C’était une prise de contrĂŽle corporative qui a transformĂ© un groupe d’entreprises rĂ©gionales disparates en une franchise globale.

Un oubli regrettable ?
Article de la BBC. đŸ”œImage
3.
En juin 2025, alors que le gouvernement britannique annonçait la nomination de Blaise Metreweli comme premiĂšre femme Ă  la tĂȘte de son Service secret de renseignement (MI6), une dĂ©couverte dans une archive allemande a provoquĂ© des remous dans le monde diplomatique. Le grand-pĂšre de la nouvelle maĂźtresse des espions, Konstantin Dobrovolsky, n’était pas seulement un soldat, mais un collaborateur nazi dĂ©vouĂ© en Ukraine occupĂ©e par les Allemands.

Des preuves d’archives, dont certaines Ă©taient encore recherchĂ©es par les autoritĂ©s soviĂ©tiques jusqu’en 1969, le dĂ©signent sous le nom de « Boucher » ou « Agent 30 ». Dans ses propres lettres Ă  ses supĂ©rieurs nazis, il Ă©crivait « Heil Hitler », se vantait de son implication personnelle dans « l’extermination des Juifs », et Ă©tait impliquĂ© dans le pillage des victimes et la moquerie de violences sexuelles contre des prisonniĂšres. De son cĂŽtĂ©, Metreweli n’a jamais rencontrĂ© son grand-pĂšre, et le Foreign Office britannique, minimisant le lien, a dĂ©clarĂ© que ses ancĂȘtres « prĂ©sentaient des traits de conflit et de division, comme beaucoup de personnes d’origine est-europĂ©enne ».
Ce n’est pas seulement un secret familial personnel ; c’est une ironie institutionnelle profonde. La nouvelle dirigeante d’une des agences de renseignement les plus puissantes de l’Occident est la descendante d’un homme qui servait l’idĂ©ologie mĂȘme que les AlliĂ©s avaient jurĂ© de dĂ©truire. Sa carriĂšre reprĂ©sente l’apogĂ©e du pouvoir Ă©tatique occidental, pourtant l’histoire de sa famille est enracinĂ©e dans les forces fascistes que ce pouvoir avait Ă©tĂ© mobilisĂ© pour vaincre. Cette contradiction n’est pas une anomalie, mais un schĂ©ma – un schĂ©ma qui a commencĂ© avant mĂȘme que les cendres de la Seconde Guerre mondiale ne soient refroidies.

Le cas de la famille de Blaise Metreweli montre comment l’hĂ©ritage de ces choix, et les ombres de ces fascistes recyclĂ©s, sont tissĂ©s dans le tissu mĂȘme de l’État de sĂ©curitĂ© moderne.

Ce scandale de 2025 trouve ses racines dans les dĂ©cisions immĂ©diates de l’aprĂšs-guerre, Ă  commencer par des figures comme le gĂ©nĂ©ral SS Karl Wolff. Voici l’histoire de la maniĂšre et des raisons pour lesquelles ces choix ont Ă©tĂ© faits.

Le sort en est jeté : un pacte avec le diable

Par un matin froid de mars 1945, alors que le TroisiĂšme Reich s’effondrait, le gĂ©nĂ©ral SS Karl Wolff, un homme intimement familiarisĂ© avec les mĂ©canismes du gĂ©nocide, franchit clandestinement la frontiĂšre suisse. Sa destination Ă©tait une villa tranquille au-dessus du lac de Lugano. En tant qu’ancien commandant du processus de dĂ©portation du camp d’extermination de Treblinka, Wolff Ă©tait responsable de la mort de centaines de milliers de personnes. Il Ă©tait prĂ©cisĂ©ment le genre d’architecte de la terreur que le monde s’attendait Ă  voir sur le banc des accusĂ©s Ă  Nuremberg, condamnĂ© Ă  la pendaison pour crimes contre l’humanitĂ©.

Au lieu de cela, il nĂ©gociait avec Allen Dulles, le maĂźtre-espion amĂ©ricain en Europe. L’accord qu’ils conclurent Ă©tait d’un pragmatisme glacial : en Ă©change de l’organisation de la reddition de toutes les forces allemandes en Italie du Nord, le passĂ© de Wolff serait discrĂštement oubliĂ©. Il marcherait libre. Dulles, qui deviendrait bientĂŽt le premier directeur civil de la Central Intelligence Agency, avait Ă©tabli un prĂ©cĂ©dent glaçant. Pour l’empire amĂ©ricain ascendant, l’ennemi existentiel n’était plus le fascisme – c’était le socialisme. Et les fascistes, loin d’ĂȘtre enterrĂ©s dans les dĂ©combres de Berlin, allaient ĂȘtre recyclĂ©s dans le nouveau projet global de Washington.

Ce n’était pas un acte isolĂ© de rĂ©alpolitik, mais un schĂ©ma fondateur. Des cendres de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis n’ont pas dĂ©truit le fascisme ; ils l’ont sĂ©lectivement sauvĂ©. Les forces mĂȘmes que le monde s’était uni pour vaincre militairement ont Ă©tĂ© systĂ©matiquement intĂ©grĂ©es dans l’architecture Ă©mergente de la Guerre froide occidentale. đŸ”œ
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Nov 12
🔮 Vues de Bruxelles : Michael von der Schulenburg & Jeffrey Sachs : « Le projet d’élites dĂ©connectĂ©es de la rĂ©alitĂ© »
Par Levana Zigmund sur Mea Sponte

📍AprĂšs avoir couchĂ© sur papier, dans la Partie I, les sombres prĂ©dictions faites sur l’Union europĂ©enne il y a vingt ans par le grand Vladimir Boukovski (il appartient Ă  chacun de juger Ă  quel point elles se rĂ©vĂšlent justes ou erronĂ©es aujourd’hui), je poursuis la sĂ©rie d’articles sur ce qui se passe Ă  et avec l’Union europĂ©enne par un dĂ©bat sur la situation actuelle.

Je joins ci-dessous la traduction des parties les plus importantes d’un entretien accordĂ©, il y a quelques jours, Ă  la plateforme Neutrality Studies par Michael von der Schulenburg, dĂ©putĂ© europĂ©en allemand et ancien diplomate ayant travaillĂ© plus de 30 ans Ă  l’ONU, notamment Ă  la tĂȘte du dĂ©partement des affaires politiques et du maintien de la paix, avec de nombreuses missions dans des zones de guerre (HaĂŻti, Pakistan, Afghanistan, Iran, Irak, entre autres). Depuis 2024, von der Schulenburg reprĂ©sente l’Allemagne au Parlement europĂ©en au nom de l’Alliance Sahra Wagenknecht, une organisation politique de gauche.

À la discussion participe Ă©galement le cĂ©lĂšbre Ă©conomiste et analyste Jeffrey Sachs, directeur du Centre pour le dĂ©veloppement durable de l’UniversitĂ© Columbia et prĂ©sident du RĂ©seau des solutions pour le dĂ©veloppement durable de l’ONU. Parmi d’autres projets et fonctions, Sachs est l’un des promoteurs les plus actifs et connus des objectifs de dĂ©veloppement durable de l’Agenda 2030, reprĂ©sentant du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des Nations unies AntĂłnio Guterres sur ces sujets, et un fervent dĂ©fenseur de l’ONU et de ses structures, qu’il considĂšre comme un facteur d’équilibre politique mondial. En mĂȘme temps, Sachs est – au moins depuis l’ascension de Donald Trump – un promoteur de l’indĂ©pendance de l’Union europĂ©enne vis-Ă -vis des États-Unis ; la confĂ©rence qu’il a donnĂ©e au Parlement europĂ©en en fĂ©vrier 2025 a fait le tour de la presse et des cercles politiques.

La plateforme Neutrality Studies est l’Ɠuvre du Dr Pascal Lottaz, chargĂ© de cours sur les Ă©tudes de neutralitĂ© Ă  l’Institut d’études avancĂ©es de Waseda, Ă  Tokyo, et auteur de plusieurs ouvrages de science politique et d’histoire.

La plateforme propose des analyses, des entretiens et des sĂ©minaires vidĂ©o sur la politique, la gĂ©opolitique, l’histoire et l’économie, et invite des voix importantes du monde entier et de tout l’éventail politique.

Je recommande de suivre l’intĂ©gralitĂ© du dĂ©bat ; l’espace m’a contraint Ă  sĂ©lectionner et Ă  condenser les principales dĂ©clarations des participants sur quelques thĂšmes. La discussion peut ĂȘtre visionnĂ©e intĂ©gralement, en anglais, ici :

youtu.be/FSKSUHbDnsU?si


J’ai choisi d’inclure la discussion des trois dans cette sĂ©rie « Vues de Bruxelles » car elle dĂ©crit quelques-unes des principales thĂ©ories ou opinions vĂ©hiculĂ©es par des experts et spĂ©cialistes sur ce qui arrive aujourd’hui Ă  l’Union europĂ©enne et Ă  l’Europe en gĂ©nĂ©ral.

Quel que soit l’endroit oĂč nous nous situons par rapport aux opinions exprimĂ©es dans ce dĂ©bat, elles appartiennent Ă  des personnes qui ont une proximitĂ© rĂ©elle avec les Ă©lites politiques europĂ©ennes (et pas seulement) et une longue expĂ©rience des relations internationales. Le fait que nous trouvions, mĂȘme Ă  ce niveau, une telle diversitĂ© de perceptions montre Ă  quel point la gĂ©opolitique actuelle est nĂ©buleuse et Ă  quel point la pĂ©riode que nous traversons est incertaine. C’est pourquoi il me semble important de connaĂźtre ces opinions, ces diffĂ©rentes interprĂ©tations, ces diffĂ©rentes prĂ©dictions, afin de nous forger une image de ce qui pourrait suivre pour l’Union europĂ©enne et. Tel est, d’ailleurs, l’objectif de cette sĂ©rie.

À noter que les opinions prĂ©sentĂ©es ci-dessous ne viennent pas de la droite politique, mais de ce qu’on appellerait aujourd’hui la gauche, au sens large. Bien que Sachs et von der Schulenburg prennent acte de l’émergence du monde multipolaire (qu’ils đŸ”œImage
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considĂšrent, en tant que fonctionnaires internationaux expĂ©rimentĂ©s, en pleine harmonie avec la Charte de l’ONU et les objectifs de l’ONU) et reconnaissent – outre les États-Unis, bien sĂ»r – le rĂŽle de la Chine et de la Russie (et, dans le cas de Sachs, de l’Inde) dans cette nouvelle configuration du pouvoir mondial, tous deux sont membres et promoteurs de la civilisation occidentale et luttent pour la prĂ©servation de ses rĂ©alisations et pour la prospĂ©ritĂ© de ses intĂ©rĂȘts. L’inquiĂ©tude et la critique viennent prĂ©cisĂ©ment du fait que, chacun Ă  sa maniĂšre, les deux perçoivent que les Ă©lites occidentales actuelles trahissent et mettent en grand danger ces rĂ©alisations et ces intĂ©rĂȘts.

Le professeur Sachs, amĂ©ricain et trĂšs proche de l’agenda de l’ONU, est beaucoup plus critique envers le prĂ©sident Donald Trump que von der Schulenburg, qui voit dans les efforts de l’administration Trump une possible chance d’arrĂȘter la guerre en Ukraine et d’éviter une guerre en Europe et, au-delĂ , une guerre mondiale – en particulier une guerre nuclĂ©aire.

Les deux commentateurs s’accordent Ă  dire que l’Union europĂ©enne doit revenir Ă  son caractĂšre initial, un projet de paix et de prospĂ©ritĂ© pour les peuples europĂ©ens, et que le projet des Ă©lites actuelles – y compris la militarisation extrĂȘme du continent, les politiques qui mĂšnent Ă  la destruction des Ă©conomies et des systĂšmes de services sociaux et les excĂšs antidĂ©mocratiques de plus en plus flagrants – est dĂ©sastreux pour l’Europe et les EuropĂ©ens.
D’autre part, contrairement au professeur Sachs, qui (s’alignant en grande partie sur la vision de la bureaucratie de l’ONU, dont l’UE semble ĂȘtre devenue le fief rĂ©siduel aujourd’hui) approuverait une Europe fĂ©dĂ©ralisĂ©e, un « État unique et puissant, au statut de superpuissance » dans le chƓur multipolaire (aux cĂŽtĂ©s des États-Unis, de la Chine, de la Russie et de l’Inde), mĂȘme au prix de renoncer Ă  la condition d’unanimitĂ© dans la prise de dĂ©cision au niveau du bloc europĂ©en, von der Schulenburg milite pour une « Europe des nations », beaucoup plus dĂ©centralisĂ©e qu’elle ne l’est aujourd’hui, avec la prĂ©servation de la spĂ©cificitĂ© culturelle de chaque pays membre et le respect de la souverainetĂ© politique et Ă©conomique.
L’animateur de la discussion, le Dr Lottaz, suggĂšre que le projet actuel de l’Union europĂ©enne serait subsumĂ© aux intĂ©rĂȘts de Washington, les Ă©lites europĂ©ennes Ă©tant membres des mĂȘmes « rĂ©seaux transatlantiques » qui dominent la politique europĂ©enne depuis la Seconde Guerre mondiale. Selon lui, la direction actuelle de l’UE, bien que catastrophique pour le continent, servirait les intĂ©rĂȘts des États-Unis, dans la prolongation de la politique transatlantique et de la gĂ©opolitique traditionnelle, qui visent, entre autres, Ă  empĂȘcher la formation d’une Eurasie puissante et Ă  maintenir l’Allemagne Ă©loignĂ©e de la Russie.
Opinion Ă  laquelle von der Schulenburg n’adhĂšre pas ; de son point de vue, le projet actuel de l’UE appartient exclusivement aux Ă©lites bureaucratiques europĂ©ennes, entrĂ©es dans un Ă©tat de panique maximale aprĂšs l’ascension de Donald Trump aux États-Unis. C’est un projet, dit-il, qui, dans le nouveau monde multipolaire, vise Ă  transformer l’Union europĂ©enne en superpuissance, la troisiĂšme grande puissance mondiale aprĂšs les États-Unis et la Chine, ce qui, dans la vision de ces Ă©lites, ne peut se faire sans la dĂ©faite et la neutralisation de la Russie, leur principale rivale perçue. Dans ces conditions, la relation de l’UE avec l’AmĂ©rique de Trump est, aujourd’hui, du point de vue du dĂ©putĂ© europĂ©en allemand, motivĂ©e non par la soumission du propre projet impĂ©rial europĂ©en aux projets amĂ©ricains, mais plutĂŽt par le besoin des Ă©lites europĂ©ennes d’obtenir le soutien des États-Unis dans la guerre contre la Russie, dont dĂ©pend de maniĂšre cruciale la rĂ©alisation de leurs propres plans. đŸ”œ
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Cet objectif – totalement irrĂ©aliste, selon von der Schulenburg – de transformer l’UE en superpuissance par la neutralisation de la Russie explique et dĂ©termine toutes les politiques actuelles de Bruxelles, de la relation avec les États-Unis et des efforts Ă©normes – et Ă©conomiquement et politiquement dĂ©sastreux – de continuation de la guerre en Ukraine Ă  la militarisation du continent, de la fĂ©dĂ©ralisation de plus en plus accentuĂ©e et rapide Ă  un expansionnisme insoutenable, tout cela en violation des principes dĂ©mocratiques et mĂȘme des dispositions des traitĂ©s fondateurs de l’Union europĂ©enne.

Selon von der Schulenburg, ce projet ne se rĂ©alisera pas ; l’Europe n’a pas les ressources nĂ©cessaires – ni Ă©conomiques, ni financiĂšres, ni militaires, ni diplomatiques, ni de prestige – pour le mener Ă  bien. Mais la poursuite sur cette voie dĂ©truira l’Ukraine et crĂ©era des effets catastrophiques Ă  long terme en Europe – politiques, Ă©conomiques, sociaux.

L’atmosphĂšre au Parlement europĂ©en

Michael von der Schulenburg : Permettez-moi d’abord de vous dire que, si vous me demandez oĂč est l’Europe aujourd’hui, je ne sais pas vous rĂ©pondre. Je viens de rentrer de Strasbourg, oĂč nous avons eu la session plĂ©niĂšre du Parlement europĂ©en. J’y ai passĂ© quelques jours et je dois dire que c’est un environnement choquant. Des deux cĂŽtĂ©s de l’échiquier politique, droite et gauche, on ne voit que la haine envers la Russie. C’est une hystĂ©rie guerriĂšre. C’est de la panique. On parle de gagner la guerre, de l’effondrement Ă©conomique de la Russie et d’autres choses de ce genre. C’est un environnement complĂštement irrĂ©aliste, et quiconque tient un discours diffĂ©rent est immĂ©diatement rĂ©duit au silence. [
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La situation est extrĂȘmement difficile, et ce qui se passe au Parlement est, je crois, symptomatique de ce qui se passe en gĂ©nĂ©ral dans les États membres de l’UE et de l’OTAN. Bien que pas nĂ©cessairement dans toute l’Europe. Je vais laisser [le professeur] Jeff [Sachs] dire quelques mots, mais ensuite je voudrais revenir sur ce qui motive ces gens. Parce qu’à premiĂšre vue, cela semble complĂštement irrationnel. Pourquoi ces choses arrivent-elles et que signifient-elles, y compris pour l’Ukraine ?

Le rîle de l’Europe dans la guerre en Ukraine

Prof. Jeffrey Sachs : Je crois que c’est le grand mystĂšre pour nous tous, nous qui avons vu tant de rampes de sortie vers la paix refusĂ©es par les États-Unis, et maintenant, alors que les États-Unis suggĂšrent une telle solution de paix, elle est refusĂ©e par l’Europe. C’est quelque chose de choquant.

Et nous, qui avons suivi les choses de prĂšs au cours des derniĂšres dĂ©cennies, savons que cette guerre en Ukraine Ă©tait totalement Ă©vitable. Elle aurait pu ĂȘtre Ă©vitĂ©e si les États-Unis n’avaient pas convaincu l’Europe d’accepter l’élargissement de l’OTAN en incluant l’Ukraine, surtout lors du sommet de Bucarest en 2008, qui s’est fait sous la pression des États-Unis, et oĂč la chanceliĂšre allemande Angela Merkel a fini par cĂ©der.

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Ensuite, l’Europe aurait dĂ» respecter l’accord conclu le 21 fĂ©vrier 2014, dans le contexte des protestations de MaĂŻdan, protestations provoquĂ©es par les États-Unis, lorsque trois ministres des Affaires Ă©trangĂšres europĂ©ens se sont mis d’accord avec le prĂ©sident Ianoukovitch pour organiser des Ă©lections dans huit mois, mais pas un coup d’État. Accord que l’Europe n’a pas respectĂ©.

Et puis, en 2015, il y a eu l’accord de Minsk, qui mettait fin Ă  une guerre naissante, sur la base de l’idĂ©e d’une autonomie rĂ©gionale pour la rĂ©gion russophone de l’est de l’Ukraine – un modĂšle d’autonomie rĂ©gionale copiĂ©, d’ailleurs, sur le rĂ©gime de la rĂ©gion du Tyrol en Italie. Ce n’était donc pas quelque chose d’inouĂŻ, cette autonomie des deux rĂ©gions. Mais, dans ce cas aussi, les États-Unis et l’Europe ont dit : Non, nous ne devons pas respecter ces accords. đŸ”œ
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Nov 3
🔮 Pourquoi l’Europe est-elle entiĂšrement engagĂ©e en Ukraine ?
Comment l’UE utilise la guerre pour repousser le dĂ©clin Ă©conomique

Si vous voulez vous prĂ©parer Ă  l’effondrement financier imminent de l’Europe, cet article explique en dĂ©tail ce qui se passe et pourquoi. Rien de nouveau, mais il est utile de tout voir si clairement exposĂ©.

📍L’économie allemande est en rĂ©cession. La fabrication a implosĂ©, en particulier dans le secteur automobile crucial, qui a supprimĂ© des centaines de milliers d’emplois depuis 2022 et perdu un tiers stupĂ©fiant de son volume de production depuis 2018. AoĂ»t a connu la plus forte baisse de la production industrielle en plus de trois ans, plus de quatre fois supĂ©rieure Ă  la baisse attendue par les analystes. Le secteur crucial de la machinerie a chutĂ© de 22 % depuis la pĂ©riode prĂ©-COVID, avec une baisse de 5,6 % prĂ©vue pour cette annĂ©e seule. Ces derniers mois, des baisses massives ont eu lieu dans les industries pharmaceutique, Ă©lectronique, Ă©nergĂ©tique, de la construction et de l’hĂŽtellerie.

Une combinaison brutale d’augmentations des prix de l’énergie, de rĂ©glementations accrues, de tarifs douaniers, de concurrence chinoise et de politiques gouvernementales a Ă©crasĂ© l’Allemagne, qui sous-tend l’économie europĂ©enne.

Les chaĂźnes d’approvisionnement de son secteur manufacturier s’étendent gĂ©nĂ©ralement Ă  travers toute l’UE, et la dĂ©molition contrĂŽlĂ©e de sa production productive a des effets en cascade sur le continent.

La solution allemande Ă  cela est la dette – beaucoup de dette. L’emprunt allemand a Ă©tĂ© extraordinairement rĂ©servĂ© pour un État occidental depuis que l’amendement du « frein Ă  l’endettement » adoptĂ© par le premier cabinet Merkel est entrĂ© en vigueur en 2016, limitant le dĂ©ficit Ă  0,35 % du PIB. En 2022, le chancelier Olaf Scholz a rĂ©ussi Ă  faire adopter un amendement Ă  la rĂšgle permettant la crĂ©ation d’un fonds de dĂ©fense de 100 milliards d’euros exemptĂ© du frein. Au printemps de cette annĂ©e, Scholz et le chancelier entrant Friedrich Merz ont convenu d’un autre amendement exemptant les dĂ©penses de dĂ©fense supĂ©rieures Ă  1 % du PIB. MalgrĂ© les dĂ©fis de l’AfD, du FDP et de Die Linke, l’amendement a Ă©tĂ© adoptĂ© fin mars. Dans les deux cas, la guerre en Ukraine Ă©tait la justification explicite pour contourner les limites d’endettement de l’Allemagne.
Avec les dĂ©penses de dĂ©fense en dĂ©ficit dĂ©sormais libĂ©rĂ©es des contraintes constitutionnelles, le gouvernement allemand a annoncĂ© plus tĂŽt cette annĂ©e qu’il prĂ©voyait de doubler ses niveaux actuels de dĂ©penses de dĂ©fense au cours des cinq prochaines annĂ©es. 761 milliards de dollars seront dĂ©pensĂ©s d’ici la fin de 2029. Plus de la moitiĂ© – 469 milliards de dollars – de ce total sera financĂ©e par de nouvelles dettes. L’emprunt net du gouvernement allemand a dĂ©jĂ  plus que doublĂ© cette annĂ©e, passant de 38 milliards de dollars en 2024 Ă  au moins 95 milliards de dollars d’ici la fin de 2025. Le plan de dĂ©penses sur cinq ans inclut au moins 10 milliards de dollars d’aide directe Ă  l’Ukraine.

Bien qu’il puisse sembler imprudent pour le gouvernement allemand de tenter de rĂ©nover la Bundeswehr tout en finançant une guerre par procuration au milieu d’un dĂ©clin Ă©conomique historique, il y a une certaine logique en jeu. Dans cet article, nous explorerons comment les Ă©conomies de l’UE bĂ©nĂ©ficient de la poursuite de la guerre en Ukraine, et comment elles utilisent la guerre pour compenser les effets de la dĂ©sindustrialisation.

Les dĂ©penses de dĂ©fense de l’UE depuis le dĂ©but de la guerre ont augmentĂ© de plus de 50 %, passant de prĂšs de 150 milliards de dollars par an de 2021 Ă  2025. Le seul État de l’UE qui n’a pas connu une croissance Ă  deux chiffres des dĂ©penses de dĂ©fense depuis 2021 est la GrĂšce, qui a modestement rĂ©duit ses dĂ©penses.

Ces chiffres n’incluent pas les 70 milliards de dollars d’« aide » militaire Ă  l’Ukraine fournie pendant cette pĂ©riode, dont une partie est considĂ©rĂ©e comme un investissement plutĂŽt qu’une dĂ©pense đŸ”œImage
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car elle prend souvent la forme de prĂȘts. L’Ukraine doit actuellement 117 milliards de dollars de dette Ă  des crĂ©anciers externes, dont 50 milliards de dollars Ă  des institutions de l’UE, et le reste Ă  des prĂȘteurs internationaux par lesquels l’UE a une exposition significative, comme le FMI et la Banque mondiale. Au total, l’UE a fourni juste sous 200 milliards de dollars d’assistance Ă  l’Ukraine, et 170 milliards de dollars supplĂ©mentaires d’assistance aux rĂ©fugiĂ©s ukrainiens rĂ©sidant dans l’UE.

En termes cumulatifs depuis le dĂ©but de la guerre, et projetĂ©s vers l’avant en ligne avec les dĂ©penses prĂ©vues et les augmentations de dette Ă  travers l’UE, la guerre en Ukraine est la justification pour une injection Ă©norme d’argent empruntĂ© dans l’économie europĂ©enne Ă  une Ă©chelle *roughly* comparable au sauvetage bancaire d’urgence de 700 milliards de dollars lors de la crise financiĂšre amĂ©ricaine de 2008. Contrairement au sauvetage de 2008, cependant, ce projet est passĂ© largement inaperçu – Ă©tant blanchi Ă  travers des messages autour de « la paix par la force » ou de la « dĂ©fense de la dĂ©mocratie », plutĂŽt que d’ĂȘtre pris comme une mesure d’urgence pour repousser le dĂ©clin Ă©conomique.

Bien que ces chiffres puissent sembler astronomiques, l’UE ne fait que commencer. En juin, l’OTAN a collectivement convenu d’atteindre la cible demandĂ©e par Trump de 5 % du PIB pour les dĂ©penses de dĂ©fense. Tous les États membres de l’OTAN sont en voie d’atteindre la cible initiale de 2 % d’ici la fin de cette annĂ©e, ce qui signifie que les dĂ©penses plus que doubleront d’ici 2035. Les dĂ©penses spĂ©cifiquement pour l’Ukraine compteront pour la cible.

Nulle part la substitution des dĂ©penses de dĂ©fense Ă  l’activitĂ© Ă©conomique typique n’est plus Ă©vidente qu’en Allemagne. Alors que le cours des actions des constructeurs automobiles comme Porsche (-41 % depuis l’IPO), Mercedes (-21 %) et Volkswagen (-51 %) est restĂ© stagnant ou a chutĂ© dramatiquement depuis le dĂ©but de la guerre, l’industrie de dĂ©fense allemande a explosĂ©. Rheinmetall, le deuxiĂšme plus grand contractant de dĂ©fense allemand, a vu sa valeur boursiĂšre augmenter de 2 522 % depuis 2020, et Airbus, le plus grand d’Allemagne, a bondi de 224 %. L’indice STOXX, qui suit le marchĂ© total de l’aĂ©rospatiale et de la dĂ©fense en Europe, a affichĂ© des gains de 229 % depuis fĂ©vrier 2022.

Cela a entraĂźnĂ© un phĂ©nomĂšne intĂ©ressant – des usines automobiles allemandes converties Ă  la production du secteur de la dĂ©fense.

« Nous pensons qu’il est trĂšs important pour l’industrie allemande et pour nous de trouver de nouveaux marchĂ©s. Et oĂč sont les nouveaux marchĂ©s ? Eh bien, le gouvernement s’est engagĂ© Ă  fournir beaucoup de nouveaux fonds pour la dĂ©fense. Nous sommes assez proches de ce dont l’industrie de la dĂ©fense a besoin, il est donc trĂšs Ă©vident pour nous de regarder ce marchĂ©. » – Marin Buchs, groupe JOPP (NPR)

Les fournisseurs automobiles Ă  travers l’Allemagne ont Ă©vitĂ© la fermeture en passant Ă  la production de drones militaires, de moteurs pour vĂ©hicules blindĂ©s et de canons d’artillerie. Rheinmetall, qui fabrique lui-mĂȘme des composants automobiles pour le marchĂ© civil, a commencĂ© Ă  convertir deux de ses usines Ă  des produits de dĂ©fense, et prĂ©voit d’acheter une usine VW qui employait autrefois 2 300 personnes mais a fermĂ© en 2024. La division automobile de Rheinmetall a connu des baisses constantes de revenus tandis que ses divisions de dĂ©fense affichent des augmentations de bĂ©nĂ©fices d’exploitation Ă  trois chiffres. Le groupe de dĂ©fense germano-français KNDS a annoncĂ© un plan similaire pour rééquiper une usine d’Allemagne de l’Est qui fabriquait autrefois des locomotives de train pour fabriquer Ă  la place des vĂ©hicules blindĂ©s Puma et Leopard 2. KNDS prĂ©pare une IPO, tandis que Thyssenkrupp se prĂ©pare Ă  scinder sa filiale de dĂ©fense navale TKMS.

Les plans des contractants de dĂ©fense europĂ©ens reposent universellement sur des garanties de minimums d’achat de la part de leurs đŸ”œ
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gouvernements respectifs. Rheinmetall a demandĂ© un contrat pour au moins 1 000 vĂ©hicules blindĂ©s afin d’aller de l’avant avec sa proposition d’achat de l’usine VW dĂ©funte. Bien que la construction de la Bundeswehr nĂ©cessitera de vastes quantitĂ©s de nouveaux vĂ©hicules, il n’y a pas de meilleure justification pour de grands contrats que la guerre en Ukraine. Le conflit a aspirĂ© des dizaines de milliers de vĂ©hicules de combat d’infanterie, de MRAP, de voitures blindĂ©es et de chars, et comme une grande partie de ce matĂ©riel est destinĂ©e Ă  ĂȘtre dĂ©truite, il y aura toujours un besoin de plus. Le carnet de commandes de Rheinmetall au dĂ©but de l’annĂ©e s’élevait Ă  65 milliards de dollars – six annĂ©es complĂštes de ventes aux niveaux actuels.

Le succĂšs de l’industrie de la dĂ©fense au milieu du dĂ©clin de l’industrie automobile est le rĂ©sultat d’une simple asymĂ©trie. Alors que les constructeurs automobiles concurrencent sur un marchĂ© relativement ouvert, les contractants de dĂ©fense ne le font pas. Les prĂ©occupations comme les coĂ»ts de l’énergie et de la main-d’Ɠuvre crĂ©ent des obstacles insurmontables Ă  la fabrication en Europe, car les consommateurs ont la possibilitĂ© de choisir des options moins chĂšres de fabricants dans des endroits comme la Chine. Avec des revenus rĂ©els pour la population allemande encore infĂ©rieurs aux niveaux prĂ©-2022, l’accĂšs Ă  des biens Ă©trangers bon marchĂ© est essentiel pour empĂȘcher une baisse prĂ©cipitĂ©e de la qualitĂ© de vie.

L’industrie de la dĂ©fense n’a pas besoin de jouer selon ces rĂšgles. Les accords d’armement n’adhĂšrent pas aux principes du libre-Ă©change, et sont souvent nĂ©gociĂ©s par une combinaison de pression politique, de pots-de-vin et de subventions gouvernementales. Les coĂ»ts d’entrĂ©e, comme l’énergie, sont largement irrelevants, et le prix d’achat n’est pas une prĂ©occupation significative. Cela n’est nulle part plus vrai qu’en Ukraine, oĂč toute notion de concurrence de marchĂ© libre est insensĂ©e. Pour comprendre cela, nous analyserons comment les contrats de procurement entre l’AFU et le secteur de dĂ©fense europĂ©en fonctionnent en termes pratiques.

📍Subventions
Il y a trois types superposĂ©s d’aide militaire Ă  l’Ukraine : subventions, prĂȘts et le « modĂšle danois ». L’Allemagne a Ă©mis un paquet d’aide de 5 milliards d’euros Ă  l’Ukraine sous forme de subvention en mai de cette annĂ©e, tirant l’argent de son budget de dĂ©fense. Ce paquet a dĂ©bloquĂ© des contrats majeurs qui Ă©taient en prĂ©paration depuis des mois, y compris un avec la firme allemande Helsing pour fournir des milliers de drones d’attaque HF-1 et HX-2. FondĂ©e en 2021, Helsing est la startup de technologie de dĂ©fense la plus valorisĂ©e d’Europe, et est actuellement Ă©valuĂ©e Ă  plus de 12 milliards d’euros. L’entreprise est bien connectĂ©e et financĂ©e – son cofondateur et co-PDG Gundbert Scherf a passĂ© deux ans au ministĂšre de la dĂ©fense allemand sous la prĂ©sidente de la Commission europĂ©enne Ursula von der Leyen. Elle a concurrencĂ© directement le contractant de dĂ©fense amĂ©ricain Anduril, remportant un contrat pour travailler sur une mise Ă  jour du paquet logiciel de l’Eurofighter Typhoon.

AprĂšs avoir livrĂ© des centaines de drones de 2022 Ă  2024, Helsing avait dĂ©jĂ  commencĂ© la production du HX-2 avant que les fonds du gouvernement allemand ne soient disponibles, et a signĂ© un contrat provisoire avec le ministĂšre de la DĂ©fense ukrainien pour livrer jusqu’à 10 000 unitĂ©s. Le HF-1 antĂ©rieur, dont Helsing est en train de livrer 4 000 unitĂ©s, est fabriquĂ© comme le AQ 100 Bayonet dĂ©libĂ©rĂ©ment bon marchĂ© (son cadre est en contreplaquĂ©) par un petit contractant de dĂ©fense ukrainien appelĂ© Terminal Autonomy. Le systĂšme est ensuite transfĂ©rĂ© Ă  Helsing, qui modifie le drone avec des Ă©lectroniques mises Ă  jour et le logiciel de ciblage de Helsing, appelĂ© Altra.

Le HF-1 a fait l’objet d’énormes critiques de la part des Ukrainiens. En mars, le serviceman de l’AFU et expert en drones Oleksandr Karpyuk a postĂ© une longue diatribe attaquant le HF-1 đŸ”œ
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