Le #Mali retire son consentement à la présence de la MINUSMA et demande son retrait sans délai. Quelques réflexions non exhaustives:
- Si la décision s'inscrit dans la logique initiée par Bamako vis à vis des acteurs internationaux depuis mai 2021, elle surprend néanmoins 1/
Comme beaucoup d'autres observateurs, j'avais parié sur un scénario de "zombification", pas d'une demande de retrait fracassante. Le timing de l'annonce est-il lié à la proximité avec le référendum? Possible pas mais pas entièrement convaincant 2/ dandurand.uqam.ca/wp-content/upl…
- A Bamako, depuis des mois, la MINUSMA a joué à fond la carte de l'auto-préservation, au prix de nombreuses couleuvres avalées. Résultat: elle se fait virer sans gloire comme Barkhane. Jouer l'agneau ne suffit pas à Mali Kura 3/
- S'amuser à debunker les mensonges de la junte est vain et sinistre. N'empêche, entendre Diop dire que la MINUSMA alimente les tensions communautaires dans ce pays où l'armement par l'État de milices ethniques est un sport national me retourne les tripes 4/
NB: non seulement on arme les milices ethniques mais on leur offre aussi l'impunité pour leurs multiples crimes 5/
- Le retrait va prendre des mois voire des années; la MINUSMA ne va pas partir du jour au lendemain. Mais quoi qu'il en soit, elle agira désormais sans légitimité politique, comme une anomalie du paysage national. Bon courage aux staffs qui vont vivre ça 6/
- Les conséquences du retrait pour le Mali sont lourdes; elles concernent au moins quatre domaines: i) l'APR est en danger. Le spectre de la guerre avec Kidal revient à grande vitesse; ii) la MINUSMA protège les villes secondaires... 7/
... son retrait engendre de facto un affaiblissement sécuritaire qu'il faudra combler; iii) une vaste et rémunératrice économie politique s'est installée autour de la MINUSMA faite de QIPs, de sous-traitance etc. Gros impact économique à prévoir 8/
iv) les capacités de la MINUSMA à documenter les violations des DH étaient déjà limitées, elles seront réduites à néant. Les bourreaux de tous bords se réjouissent 9/
- à l'échelle internationale, la demande de retrait de la MINUSMA est une secousse majeure pour l'architecture sécuritaire multilatérale. Elle révèle une crise profonde de l'acceptabilité des missions de paix 10/
Un résultat robuste des analyses du maintien de la paix est que les missions de paix contribuent significativement à la fin des hostilités et à la diminution du nombre de victimes 11/ prio.org/publications/1…
Mais la question que pose la demande du Mali se situe en amont de celle de l'efficacité: elle concerne la faisabilité politique du déploiement d'une mission de paix. Un pas de plus dans le détricotage de l'ordre international post-WW2 FIN/
Voici un 🧵 en 🇫🇷 sur un rapport que Ferdaous Bouhlel et moi venons de rédiger sur les interactions entre djihadistes et cvils au Mali (Cercle de Djenné) et au Niger (Tillaberi). Il est un peu long, pour compenser le fait que le rapport n'existe pas en français pour l'heure 1/
Un peu de cadrage institutionnel pour commencer. La recherche a été financée par le gouvernement 🇬🇧 (qui n'est pas engagé par son contenu) et exécutée avec l'équipe (de choc) suivante 👇🏽 2/
L'étude est basée sur des dizaines de témoignages de civils exposés à la présence djihadiste sur trois sites, deux au Niger, un au Mali. Ces entretiens ont été complétés par de nombreux autres à Niamey et Bamako
J'ai toujours été excessivement réticent à employer à propos du Sahel des mots aussi explosifs que "épuration ethnique" ou "génocide", notamment au moment d'Ogossagou. La question de l'usage ou non de ces mots se pose aujourd'hui avec plus d'acuité 1/
Et la raison du changement est simple: qu'il s'agisse du Burkina avec ses VDP ou du Mali avec la lune de miel entre Wagner et Dan Na Ambassagou, les pires projets d'assassinat sur base ethnique bénéficient de l'aval tacite voire des moyens militaires de l'Etat 2/
Par ailleurs, dans l'espace virtuel plus aucune digue ne retient la haine des supporters des régimes malien et burkinabè. Les officiels ne leur emboitent pas forcément le pas mais emploient néanmoins des expressions déshumanisantes ("forces du Mal") 3/
Il est peut-être temps de prendre au sérieux l'émergence de logiques génocidaires au #Sahel et de se rappeler également deux observations de Scott Straus, dans son ouvrage Making and Unmaking Nations...
La 1ère: une planification sophistiquée n'est pas nécessaire pour qu'un génocide ait lieu; des discours et instructions relativement vagues peuvent suffire. La 2nde: les leaders politiques ont un rôle essentiel à jouer dans l'escalade génocidaire ou le désmorçage des tensions
Dix ans de guerre au #Sahel viennent de donner naissance à deux dictatures militaires. On pouvait s'attendre à ce que la guerre contre la terreur fabrique des régimes autoritaires militarisés mais la manière dont ils sont advenus n'est pas forcément celle anticipée 1/
Le scénario auquel avaient pensé des sceptiques de la guerre contre la terreur (à commencer par moi) après 2013 était celui d'un glissement vers l'autoritarisme des régimes en place, pas forcément leur renversement par des forces politiques (des juntes) encore plus brutales 2/
La guerre contre la terreur au Sahel, telle qu'encouragée par les puissances occidentales a renforcé les tendances existantes des régimes en place, vaguement démocratiques. L'autoritarisme n'était peut-être pas au fond la pente naturelle dominante de ces régimes 3/
Une frange difficile à estimer mais bruyante de l'opinion publique malienne considère les ex-rebelles du MNLA (désormais regroupés dans la CMA) comme des "terroristes". Cette vision semble aujourd'hui défendue par le Premier ministre lui-même 1/ fr.sputniknews.com/20211008/le-pr…
Au contraire de cette frange de l'opinion, les Français, en intervenant militairement en 2013 dans le cadre de l'Opération Serval, ont établi une séparation nette entre mouvements armés du Nord. Ils n'ont appliqué le label "terroristes" qu'aux seuls mouvements djihadistes... 2/
... faisant des séparatistes du MNLA des interlocuteurs politiques légitimes et permettant leur ré-installation dans leur bastion de Kidal. Rétrospectivement, ce choix est vu comme le péché originel de la France qui empoisonne les relations entre Paris et Bamako 3/