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En ce jour de #WorldRefugeeDay #JournéeDuRéfugié il est essentiel de rappeler que personne n'affronte la mort sur la route de l’exil par simple plaisir et à quel point il est essentiel que les États se rappellent tant de la Convention de Genève que de son esprit.
Non, ces hommes, femmes et enfants ne risquent pas leur vie des dizaines de fois, ne laissent pas derrière eux tout ce qu’ils ont connu par volonté. Il n’y a pas de choix lorsque votre vie ou votre intégrité physique est en jeu et que la seule possibilité est de fuir.
A l’heure où la xénophobie ne cesse de se répandre, tout comme les allocutions démontrant l’ignorance de leurs auteurs quant à la réalité de l’asile, il est essentiel de se rappeler de ce qu'est le monde et de la violence qui sévit à des milliers de kilomètres de chez nous.
Guerres, pratiques pouvant être qualifiées de barbares, assassinats politiques, mariages forcés, violences familiales, violences sexistes, le monde continue d’être rempli de ce que nous interdisons chez nous, sans que les autorités de ces pays n’agissent contre ces faits.
Il est de notre devoir de respecter la Convention de Genève qui nous impose de protéger celles et ceux qui sont persécutés, par humanité, et parce qu'il serait inimaginable de les renvoyer entre les griffes de leurs agents persécuteurs après le courage dont ils ont fait preuve.
Or, ce à quoi nous assistons depuis plusieurs années est l’organisation par l’Union européenne et certains Etats-membres d’une politique de refoulement ou de mise en place d’obstacles entrainant des tueries de masse sans aucun sursaut d'état d'âme.
Comment justifier les fonds donnés aux gardes-côtes libyens qui emprisonnent, violent, torturent, exploitent, réduisent en esclavage les exilés, et faisant de l'UE un complice de ces tortionnaires, assassins et meurtriers (investigaction.net/fr/un-rapport-…)
Comment justifier les fonds alloués par l'UE au Soudan pour empêcher notamment les Darfouris, avec le concours des janjawids (maintenant FSR), dirigées par Hemetti, génocidaire bien connu, de quitter ce pays qui les massacre ? rfi.fr/fr/afrique/201… Image
Comment justifier les millions promis à la Tunisie pour un meilleur contrôle de ses frontières alors que tant d’hommes et de femmes venus demander l’asile dorment à la rue et arrivent à la CNDA en ayant dormi sur un trottoir la veille de l’audience ? liberation.fr/international/…
L’Union européenne, la France y compris, participe à un système meurtrier visant à dissuader les exilés de venir jusqu’à ses frontières ou tout simplement à diminuer le nombre de celles et ceux qui y parviendront en vie. C'est l'effet recherché par toutes ces mesures.
Les morts en Libye, les morts en Méditerranées, les morts dans les montagnes à la frontière franco-italienne, les morts dans nos rues, notre politique cautionne tout cela et ce sont nos représentants qui font semblant de ne pas voir les conséquences de cette politique mortifère.
Il y a un cynisme à peine voilé à donner de l’argent aux génocidaires soudanais alors que les Darfouris sont arrêtés, torturés, massacrés, violés depuis des années dans une quasi indifférence générale. Ce sont des ethnies complètes qui demeurent menacées de disparition.
Nous sommes en partie responsables, par la mise en place de tous ces obstacles meurtriers, de l’état psychologique des exilés à leur arrivée, qui trouvent difficilement un suivi alors qu'ils doivent être traités pour toutes les horreurs endurées pour avoir simplement voulu vivre.
Car la réalité de l'absence de prise en charge psychologique est le risque d'une aggravation de leur état de santé, que les autorités françaises viendront ensuite leur reprocher et retenir à leur encontre pour soutenir qu'ils représentent une "menace à l'ordre public".
On peut se dire que l'UE ne participe pas directement à cette tuerie de masse que constitue notamment la Méditerranée, mais quand vous mettez en place tout un système d'obstacles meurtriers, vous êtes aussi responsable que celui qui appuiera sur la détente de son arme.
Il faut s’imaginer ce que c’est de traverser la Méditerranée dans le noir, sur un bateau menaçant de couler à tout moment, sur lequel vous voguez au rythme des cris, des hurlements des noyés et de ceux tentant de les sauver avant de se noyer à leur tour.
Il faut avoir vécu les audiences où à la simple évocation de cette horreur, le requérant qui a connu cela à 14 ans se remet à pleurer toutes les larmes de son corps parce que tous ces cris qu'il avait réussi à faire taire se font de nouveau entendre dans sa tête.
Il faut imaginer ce que c’est de passer des heures ainsi, à vivre dans ce silence de mort, où votre vie ne tient qu’à un fil et à la capacité de chacun à contrôler sa peur, après avoir connu les tortures des prisons libyennes surpeuplées.
Il faut imaginer ce que c’est devoir quitter son pays parce que votre famille a été abattue devant vous de sang-froid dans un massacre parce qu’elle appartient à la mauvaise ethnie, avec l’idée que peut-être seule la mort vous attend sur le chemin.
Il faut imaginer ces hommes et ces femmes exploités par des tortionnaires et des passeurs, subissant un nombre incalculables d'horreurs, dans le simple espoir de rester en vie et connaitre un monde dans lequel la violence n'existera pas.
Tout cet argent utilisé pour tuer le plus d'exilés possible sur la route les menant à l'UE pourrait servir à leur accueil, à des soins, à une prise en charge. Mais non, il a été jugé plus utile de faire de cet argent un instrument de mort plutôt qu'une aide à la vie.
Pour celles/ceux qui sont arrivés, ce sont de nombreuses personnes qui les accompagnent/pallient les carences de l’État : associations, assistantes sociales, juristes, avocats. Nous sommes nombreux/ses à tenter de leur apporter ce dont ils ont besoin après avoir vécu l'horreur.
Et j'estime qu'en tant qu'avocats, nous ne faisons pas le travail le plus difficile. Le travail le plus rude c'est celles et ceux qui sont à leur contact tous les jours parce qu'il faut parfois leur réapprendre à vivre, à prendre leurs marques dans ce nouveau pays.
C’est difficile d’entendre à longueur de journées des récits de violences, de viols, de tortures, de massacres, de détentions arbitraires, et oui il est difficile de laisser cela dernière nous en fermant la porte de nos cabinets, de nos bureaux, de nos associations.
Mais nous leur devons, à ces hommes et ces femmes qui ont montré un courage que nous n’aurons jamais à avoir, celui d’avancer pas après pas sur des milliers de kilomètres en risquant la mort, de monter dans un bateau pouvant être leur cercueil, au milieu du noir et du silence.
Alors à l’heure où le futur projet de loi immigration veut passer au juge unique généralisé à la CNDA, réduire encore davantage le temps avant une audience, c’est tout le mécanisme de l’asile qui est mis en danger dans la continuité de la politique mortifère existante.
Récupérer des documents depuis le pays d’origine prend du temps, tout comme le fait que les personnes puissent parler de toute leur histoire impose de pouvoir surmonter les traumatismes existants, ce qui ne peut se faire souvent en quelques semaines.
Notre système soit-disant de protection des libertés et des droits ne protège que ceux qui sont de la bonne couleur ou nés au bon endroit. Hors de cette catégorie, on estimera que vous n'êtes "pas légitimes", que vous n'avez pas le droit" aux droits les plus essentiels.
Il n’y a pas de respect de la Convention de Genève lorsqu’est organisé un système de tueries programmées ou espérées dans le but de limiter le nombre d'arrivants qui pourraient solliciter une protection en raison des persécutions endurées et risquant d'être endurées à nouveau.
Au-delà de l’émotion causée ponctuellement par des drames humains mis en lumière, nous appartenons à un système qui est à l’opposé de ce qu’il prétend être ou qui dans les faits ne protège que ceux qui sont parvenus à survivre aux obstacles meurtriers qu'il met lui-même en place.
Alors oui il en faut du courage pour partir de chez soi, risquer la mort de multiples fois, survivre aux violences et aux tortures, braver la mort dans le noir sans savoir nager, arriver jusqu'à chez nous, et croire en un pays qui a espéré que vous seriez mort sur le trajet.
Mais nous resterons là à nous battre, associations, assistants sociaux, juristes, avocats, médecins, pour que leur courage soit récompensé et pour qu'un jour, ce jour des réfugiés ne nous rappelle plus que l'UE est une usine à plans meurtriers dirigés contre les exilés.
Parce que nous leur devons, car c'est un devoir humain. C'est l'esprit de la Convention de Genève et c'est grâce à ce combat qu'il survivra aux attaques qui se multiplient de tous les côtés face à ceux ayant une vision comptable de l'exil.
Et si vous pensez "On ne peut pas accueillir toute la misère du monde", prenez vous plutôt un vol direct pour Khartoum ou Kaboul, cela fera du bien à tout le monde et nous fera des vacances.

#WorldRefugeeDay #JournéeDuRéfugié #WelcomeRefugees

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Sep 9, 2022
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🤷‍♂️🤷‍♂️🤷‍♂️🤷‍♂️
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