Parmi les classiques des sciences sociales, je crois que c'est celui qui a donné les outils les plus affutés pour comprendre le problème socio-économique du climat.
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Son premier livre, La théorie de la classe de loisir, introduit la notion de "consommation ostentatoire".
Cela veut dire que l'expression principale du pouvoir politique est la capacité à gâcher des ressources pour montrer son statut.
Cette notion ressemble un peu à ce que Mauss étudie un peu plus tard dans l'Essai sur le don.
Elle a aussi influencé la théorie de la distinction de Bourdieu.
Et on voit bien le lien avec le croisement entre classes sociales et consommation d'énergie.
Sa pensée se structure ensuite autour de la distinction entre business et workmanship.
Son idée est que la culture technique moderne a progressivement été supplantée par la culture du profit : les savoirs faire productifs ont été subordonnés aux techniques commerciales.
Veblen montre que les pathologies de la modernité viennent non pas d'un excès de technique, mais d'une incapacité à en gouverner les conséquences.
Veblen est un inspirateur du mouvement "technocratique", qui vise à réorganiser la société autour de ses infras matérielles.
Pour Veblen, la principale conséquence du renversement de l'artisan par le financier est l'usage inefficace et destructeur des ressources physiques.
Il rejoint sur ce point Gifford Pinchot, figure clé du mouvement de conservation de la nature conçue comme atout pour l'avenir.
Le concept central de Veblen est "waste" : terme qu'on traduit mal en français car il renvoie aux déchets (ce qui sort du circuit écon en perdant toute valeur) et à l'inefficacité (le gâchis).
Veblen en ce sens inspire une réflexion sur l'économie circulaire.
Dans un texte des années 1920, il va même jusqu'à recommander la formation d'un "soviet des ingénieurs" pour gouverner les USA.
Un club d'experts techniques capables d'orienter l'usage des ressources et du travail pour l'intérêts commun des humains et de leur milieu.
Au-delà de cette idée un peu loufoque, ses idées résonnent très fort ajd.
Car si on intègre la gestion rationnelle du climat (ce qu'il n'avait pas en tête) à la gestion rationnelle du travail et des ressources, alors on a un modèle éco adapté à la crise actuelle.
Ex ci dessous.
Une biographie récente, chroniquée ici par @simontorracinta, a rappelé l'importance de Veblen dans l'histoire des idées (même si sa carrière a été un peu compliquée par sa personnalité...difficile).
@simontorracinta En conclusion, je pense que Veblen est l'un des seuls théoriciens de l'économie de la société pour qui le processus de modernisation et l'impératif d'économie des ressources ne sont pas contradictoires.
C'est honnêtement le credo que j'essaie de poursuivre à ma manière.
@simontorracinta Dernier truc : Veblen, c'est incroyable, n'est pas traduit en français !
On a son premier livre, c'est tout (oeuvres complètes en GB à peu près 10 volumes...).
Heureusement Alice Le Goff en a proposé une bonne synthèse en français récemment.
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Aucun blâme sur les personnes qui le font, je le ferai sans doute aussi à l'avenir.
Mais on ne peut pas lutter quand le cadre éditorial est pourri. La confusion l'emporte toujours sur la clarté.
Déjà qu'on nage dans un océan de mauvaises nouvelles sur le front climat biodiv, si en plus on doit se battre dans les média contre l'idéologie de l'équilibre entre les positions (un ecolo, un abruti en face qui fait de la diversion) on ne s'en sortira pas.
Comme aujourd’hui c’est la journée mondiale de l’environnement, je voudrais faire un fil pour vous expliquer l’environnementalisme…c’est terminé.
Hé oui.
Place aux politiques climatiques.
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Pour comprendre le clivage grandissant entre environnement et climat, prenons l’exemple de l’installation d’une usine de batteries électriques ou l’ouverture d’une mine de lithium.
Cela fera sursauter les environnementalistes, qui y verront (à juste titre) une pollution locale.
Mais les défenseurs du climat y verront l’opportunité de décarboner l’approvisionnement électrique. Ils y verront le signe que l’Etat se lance dans des politiques industrielles ambitieuses, dans l’innovation pour trouver un modèle économique qui intègre le travail et la planète.
Les événements récents (Ste Soline et sa criminalisation) ont porté l'attention sur une écologie du vivant, de l'occupation des grds projets, de la valeur de la terre, dans une tradition autonome qui veut faire écho aux mouvement subalternes.
Le développement de ces luttes ouvre un fossé entre elle et un autre style politique : celui de la stratégie industrielle de transition.
Une écologie de construction, qui s'adresse aux classes populaires et demande à l'Etat un effort d'organisation.
Un fil qui résume bien une forme d'environnementalisme encore malheureusement trop courant : "Tant que vous acceptez de protéger les animaux, vous pouvez développer l'idéologie que vous souhaitez".
Bon, je n'avais pas compris que Hugo Clément dit tout le temps des trucs du genre.
Ici : "L'écologie prepare le terrain pour une grande réunion autour de l'extrême droite".
Terrible...
Des années à tourner autour du pot de façon menaçante en parlant "d'éco-terrorisme", pour finalement traiter une petite organisation de défense des terres paysannes comme un véritable groupe terroriste.
Je n'en reviens pas je l'avoue, même si c'était bien préparé...
Je ne partage pas toute la philosophie et la stratégie de ce mouvement, j'ai la chance de travailler dans une institution qui n'inspire pas la crainte du pouvoir.
Mais cette criminalisation fait porter une menace tous azimuts.
Combien de temps avant de voir la police un cours ou une conférence universitaire ?
Combien de temps avant de voir de simples militants écologistes emprisonnés ou inquiétés par la justice ?
C'est monnaie courante dans bcp de régimes politiques...
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Je voudrais vous faire un petit fil explicatif sur ce texte, car je crois qu'il contient tout ce qu'il faut savoir sur la conception dominante du problème climatique.
C'est vraiment essentiel et très éclairant.
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L'auteur : Thomas Schelling, prix nobel d'économie, il a eu un rôle important dans la formation de la rationalité stratégique de guerre froide (dissuasion nucléaire, etc.), c'est un expert des dilemmes de l'action collective.
Il s'est intéressé sur le tard au problème climatique.
Il a été intégré aux travaux de l'académie des sciences US dans les 80', car on concevait la question climatique dans le prolongement de la rivalité stratégique avec l'URSS : qui avait le plus à perdre, comment négocier l'éventualité d'un retrait des fossiles, à quel rythme.