Un dernier bilan porte à désormais 300 civils tués, fusillés et massacrés par des groupes armés en Syrie. J'avais évoqué, un des premiers en France, ces horreurs, notamment à al-Muktariyya et, plus globalement, dans la périphérie de Lattaquié.
Faisons le point sur la pire journée depuis la chute du régime d'Assad. Avec cette question : qui sont les responsables ? 1/
Pour le chef de l'Etat, Ahmad al-Sharaa, qui se voit rappeler que ses anciens combattants ne lui obéissent pas forcément, loin de là, sans parler de ceux ayant refusé de se soumettre en rejoignant la nouvelle armée, c'est un désaveu terrible.
Ses lignes directives pour une justice transitionnelle efficace, répétées fermement le 25 février dernier, n'ont pas été suivies. Menant à des horreurs. 2/
Les exécutions concernent très majoritairement des hommes. Prisonniers ou simplement abattus gratuitement dans certaines zones (comme à al-Shalfatiyya, où ils ont été abattus en pleine rue sommairement).
Elles ont aussi eu lieu dans des zones agricoles de l'arrière pays alaouite, avec des exécutions gratuites et sommaires, clairement à visées confessionnelles, contre des ouvriers, fermiers, etc. 3/
Il semble que les hommes aient été les cibles régulières. Un reportage, avec témoignages, de @jenanmoussa, confirmé des opérations de sélections des hommes pour être abattus dans les zones de Tartous notamment. 4/
Alors, posons, ce matin, les questions des responsabilités et des acteurs de ces actes sordides qui se sont déroulés sur une bonne partie de la journée du 7 mars 2025. Éloignons nous des théories complotistes pitoyables de piliers de bars et regardons les faits avec un contexte.
1) Le gouvernement ? Il n'est pas à la manœuvre. Ne contrôlant qu'une partie du pays et, plus grave et inquiétant, qu'une partie des hommes armés dans ce pays. De plus, le nouveau pouvoir lorgne sur la levée des sanctions internationales : il a besoin d'une stabilité et d'une gestion la plus acceptable possible vis à vis de la communauté internationale.
Ce gouvernement découvre surtout, ce matin du 8 mars 2025, que son autorité est désavouée par une partie des hommes armés du pays et que cela va créer des doutes sur sa gestion. 5/
2) Des membres des forces de sécurité du nouveau régime ?
C'est désormais de plus en plus clair : des membres des nouvelles forces de sécurité et de l'armée, anciens d'HTS ou d'autres formations ayant rallié la nouvelle autorité, ont participé, hier à ces exécutions. C'est le cas notamment dans la région de Tartous. Ils ont de facto rompu avec les ordres donnés et les appels à ne pas faire dans l'extra-judiciaire.
Il faudra saisir l'ampleur, au sein de ces forces, de ces hommes et de leurs idées. Purge probable à venir. 6/
3) Des jihadistes syriens et/ou étrangers ayant refusé de se soumettre aux nouvelles autorités ?
C'est une des grosses pistes sérieuses pour les massacres de masse. Principalement commis autour de Lattaquié. Il y a plusieurs semaines, j'avais documenté, seul en France, le meurtre de plusieurs fermiers par des jihadistes ouïghours et kirghizes stationnés alors près de Jableh. Suite à quoi, les jihadistes avaient été expulsés de la région par le nouveau pouvoir.
Il semble cependant que certains aient profité de la répression des insurgés pour mener des massacres. Plusieurs vidéos, désormais vérifiées, attestent de la présence de ces jihadistes hier dans la zone de Lattaquié. Principalement d'Asie Centrale. Correspondant bien à leur zone d'action, proche d'Idlib. Certains de ces jihadistes ont, pour beaucoup, refusé de se plier au nouveau pouvoir et considèrent qu'Ahmad al-Sharaa est un traître. 7/
J'ai été des premiers, dès le 8 décembre 2024, à évoquer le sentiment de trahison à venir des hardliners comme je les appelle. Ces hommes, syriens ou étrangers, qui ont combattu contre Assad, pour l'établissement d'un état islamique ferme, et qui se considèrent les "cocus" de l'affaire avec un Ahmad al-Sharaa qui discute avec les FDS, place des femmes laïques aux conseils de transition, ou encore accorde deux jours de fête fériée pour Noël (un seul jour sous l'ancien régime). Pour eux, et ils ne s'en cachent pas, al-Sharaa les a trahi.
Ces hommes, sans aucun contrôle de facto des autorités sur eux, forment un réel problème pour la suite. 8/
3) Des reliquats de l'ancienne ANS. Cette Armée Nationale Syrienne qui n'était en réalité qu'un corps syrien expéditionnaire au service des intérêts turcs. Fondée à partir de 2016. L'ANS a une histoire de banditisme, d'extorsion, de vols, de viols ou encore de massacres d'opposants, politiques comme armés (rappelons nous le meurtre d'Hevrin Khalaf, en illustration, en 2019).
Si une partie de l'ANS a annoncé son intégration au sein de l'armée, une autre n'a pas voulu se soumettre aux nouvelles autorités. Et l'on a pu voir, dès la nuit du 6 au 7 mars, une partie des convois de l'ANS rejoindre la région de Lattaquié. Zones des pires massacres. Certaines tenues de camouflage correspondent, sur certaines vidéos, à des tenues fournies à l'ANS.
Nous avons donc la certitude que des membres de l'ANS ont participé aux horreurs. 9/
Et rentrons désormais dans le détail.
Sur l'axe Tartous, les forces de sécurité et armées étaient notamment menées par un homme bien connu, mais en mal, des syriens : un certain... Abu Amsha. Ancien chef au sein de l'ANS, réputé pour être un bandit et un dangereux individu, a été nommé général de la division d'armée de Homs.
Celle qui s'est immédiatement mise en route vers Tartous dans la nuit du 6 au 7 mars 2025. Il a lui même été filmé cette nuit-là. Ce sont ses hommes qui ont participé aux opérations entre Homs et Jableh. Un homme qui a de très mauvaises relations, historiquement, avec Ahmad al-Sharaa. 10/
Les documents attestent de sa direction des opérations dans la zone s'étendant de Homs jusqu'à Jableh en passant par Tartous.
Cet homme, certes désormais impliqué dans l'appareil militaire, est connu pour ne rien respecter. Alors qu'Ahmad al-Sharaa évoquait la pluralité et l'apaisement en Syrie, il publiait, le même jour, sans aucun devoir de réserve, une critique frontale de la transition en cours... 11/
Ce matin, il faut, au vu des éléments en main, pointer clairement du doigt, dans la droite ligne de ce qu'il a commis depuis près d'une décennie, Abu Amsha.
Rappelons que c'est aussi l'ANS, au nord, près de Lattaquié, si vous avez suivi ce développement, intervenant depuis le Rif d'Alep, qui a participé aux massacres. L'ancienne formation et ses anciens cadres sont en roue libre et n'obéissent, de facto, à personne. La Turquie ne laisse pas un formidable cadeau à la Syrie post-Assad... 12/
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Bonjour à tous, pour ceux qui me suivent pour la question syrienne.
Après une nuit, on a enfin eu les résultats pour les élus de la ville d'Alep. Et cela après une nuit de chaos...
Qui sont les élus ? Et pourquoi un tel retard ? Pourquoi un tel enjeu ? 1/
Tout d'abord, je rappelle que la circonscription électorale d'Alep et sa campagne est la plus puissante de Syrie à elle seule : 20 sièges y étaient en jeu pour la part des sièges attribués pour les 70 % à élire par les collèges électoraux nommés par la présidence.
Tous les courants politiques se sont donc battus pour obtenir cette citadelle politique... 2/
Depuis hier après-midi, alors que les résultats étaient attendus, les rumeurs ont commencé à monter à Alep.
Un groupe aurait mis le chaos dans le vote puis dans le dépouillement, posant de potentiels problèmes de fraudes : les Frères Musulmans. L'organisation, très affaiblie, et désormais plutôt mal vue en Syrie, est marginalisée depuis la prise du pouvoir par Ahmad al-Sharaa. 3/
JOURNEE SPECIALE | Élections législatives indirectes en Syrie.
Bonjour à tous. J'entame ici le suivi des résultats de ces premières élections en Syrie depuis celles de juillet 2024 sous l'ancien régime. Les résultats tombent peu à peu depuis deux heures.
J'avais prévu une victoire des plus modérés, avec l'objectif d'Ahmad al-Sharaa de s'éloigner de ses anciens alliés les plus durs et conservateurs.
C'est parti pour une journée d'analyse. 1/
Tout d'abord, concentrons nous sur les résultats du seul bastion kurde qui était consulté ce 5 octobre 2025 : Afrin. Région qui fut longtemps tenue par le PYD puis occupée par la Turquie, qui y mena partiellement un nettoyage ethnique. Avant que le nouveau pouvoir n'autorise les kurdes à revenir.
La victoire est totale pour les kurdes qui remportent les trois sièges de la région. Les trois sont membres (ou associés) du Conseil National Kurde, qui milite pour une autonomie locale (mais c'est une coalition hostile au PYD et ses projets). 2/
Les célébrations à Afrin sont nombreuses depuis l'annonce de ces résultats.
Rappelons qu'Afrin doit servir de vitrine kurde, pour le nouveau pouvoir à Damas, face au modèle de l'AANES dans le nord-est de la Syrie. Ahmad al-Sharaa n'a pas hésité à ordonner de nombreuses expulsions de familles arabes et turkmènes ayant pris bien des logements dans la région après l'invasion turque et l'exode de nombreux kurdes. 3/
Ahmad al-Sharaa sera le premier chef de l'État syrien à venir s'exprimer devant l'Assemblée des Nations Unies à New York depuis 58 ans. Tout le monde en parle.
Je préfère donc m'attarder sur la dernière prise de parole d'un dirigeant syrien, en 1967 : le président Nurredin al-Atassi. 1/
Historiquement, et peu de le savoir, la Syrie a été très tôt impliquée dans le soutien à l'ONU et ses principes. En 1945, alors que le projet est sur la table, la Syrie y apporte son soutien sous le président Quwatli.
En 1947, pour le dévoilement du drapeau officiel de l'ONU, c'est notamment le premier ministre syrien Fares al-Khoury qui le tient (ici au centre). 2/
En 1947, la même année, ce fut un tremblement de terre dans le monde arabe. L'ONU soumettait le principe d'une partition de l'ancien mandat de Palestine pour y fonder un État juif, Israël, et un État arabe, la Palestine. Un vote à l'assemblée de l'ONU qui fut contesté et boycotté par les délégations arabes, y compris celle d'al-Khoury. 3/
En Syrie, les plus conservateurs et religieux de plus en plus déçus d'Ahmad al-Sharaa.
Campagne de levée de bannières du Tawhid (abandonné dès décembre par le nouveau pouvoir), contestation des programmes scolaires, dénonciations de l'accord sécuritaire avec Israël, rejet du principe électoral et de ses listes de candidats, etc...
Les mouvances salafistes et jihadistes qui ont combattu, et versé beaucoup de sang, pour la montée au pouvoir d'al-Sharaa, commencent à perdre patience.
On fait le point sur le divorce en cours entre le nouveau chef de l'Etat et une partie de ses anciens partisans. Mais comment aura lieu ce divorce ? 1/
Je ne commencerai que par une image symbolique : hier soir, pour célébrer une remise de diplômes, une grande fête a eu lieu à Damas. Musique de dancefloor et techno' à fond, femmes et hommes mélangés et dansant. Etc...
Beaucoup d'observateurs extérieurs à la Syrie de se dire que c'est bien. Mais d'oublier que les plus durs des soutiens à al-Sharaa y voit là tout le contraire de ce pourquoi ils se sont battus. Et c'est le sujet de ce matin. A Idlib, ancien bastion d'al-Sharaa, cette image eut été inimaginable. 2/
Depuis le 8 décembre 2024, c'est un peu la gueule de bois. Je l'avais prévenu avant même la chute d'Assad : il y aurait des déçus chez les plus conservateurs. Et nous y sommes.
Car une partie des hommes qui ont combattu pour la chute du régime depuis des années aux côtés d'Ahmad al-Sharaa avaient un agenda politique, et religieux annexe, très clair. 3/
Beaucoup semblent être tombés de leur chaise suite à l'interview d'Ahmad al-Sharaa ayant révélé avoir négocié avec les russes pour obtenir le départ d'Assad.
J'ai évoqué cela dès avant la chute du régime : les russes ne menaient plus aucune frappe dans la zone de Homs, puis, pendant près de 36 heures, l'autoroute entre Damas et la côte a été laissée ouverte et sécurisée, permettant à des centaines d'officiels et leurs proches de partir en ordre vers la Russie.
Ahmad al-Sharaa a simplement dit officiellement ce qui s'était passé. Ce n'est pas une révélation. Et c'est pour cela que je qualifie sa prise de pouvoir, tout en la cadrant dans un contexte révolutionnaire, de coup d'État. Cela en a bien plus la forme.
Une fois que l'on a établi ce constat, on peut alors installer Ahmad al-Sharaa dans une longue chronologie de coups d'Etat en Syrie. Y compris dans les méthodes : c'est une insurrection menée par plusieurs officiers venus du nord qui finit par effrayer Shishakli en 1954, le poussant à la démission.
On a un contexte, sur le temps très long, qui nous permet de voir que cet épisode de 2024 s'inscrit, toujours avec le contexte révolutionnaire que l'on ne niera pas, dans cette manière de prendre le pouvoir dans le pays. Shishakli au début des années 1950. Hafez al-Assad en 1970. Etc.
Et je ne parle même pas des tentatives très régulières : y compris au sein des clans familiaux. On se souviendra du coup d'État raté de Rifaat al-Assad contre son propre frère en 1984.
Cela ne vise pas à définir al-Sharaa par rapport à ces hommes précédents. Mais à rappeler que les persistances historiques.
Ce recul donné à voir que la chute du clan Assad n'est plus seulement un épisode, mais un énième événement politique dans un contexte d'instabilité profonde de l'Etat depuis l'indépendance de la Syrie.
Et dans la peau de celui qui veut mettre fin à ce chaos : Ahmad al-Sharaa. Prenant une posture très bonapartiste, oui, j'ose le dire, il indique en quelque sorte que le temps des régimes instables depuis les années 1940 doit prendre fin (avec lui au pouvoir). La révolution, selon ce qui se dessine, est terminée à ses yeux.
Sur Facebook, la branche gériatrie du web, la génération du baby boom se monte le bourrichon.
Et on a des moments formidables comme cette mise aux enchères de la semaine de travail. Michel dit 45 heures ! Corinne dit 48 heures ! Eric tente les 48 heures également. Qui dit plus ?
Comment voulez vous discuter avec ces inactifs ?
Les 39 heures, c'est 1982. Et c'est 'a génération qui était active quand elle a voté, pour elle même, les 35 heures via les législatives de 1997.
Les 40 heures, c'était même en... 1936.
Bref.
Merci Bayrou, car tu les fais sortir du bois aux yeux de tous les adolescents et actifs du pays qui voient comment se comportent ceux qui, avec le totem de l'âge désormais, se pensent intouchables et peuvent donc dire n'importe quoi.
Martine est en colère. Ça fait 27 ans qu'elle est en retraite après n'avoir travaillé que 33 ans dans sa vie. Dans la journée, sommet exceptionnel avec Louisette et François, ça va barder.
Rappel : on surendette le pays sur 5 générations, y compris celles qui ne sont pas encore nées, pour payer ces gens...
Parfois, ils ne se rendent même pas compte qu'ils disent publiquement qu'ils n'ont rien foutu. Philippe qui se souvient tout de même qu'il a travaillé 6 ans en temps plein dans sa vie.
Philippe vit sur le dos des actifs actuels qui travailleront temps plein pendant... 44 annuités à cotiser. Pour le payer lui et ses souvenirs indécents.