L’accélération de la fréquence des sécheresses et des canicules précipite le dépérissement de nos forêts. La biogéographie des espèces évolue rapidement, laissant certaines d’entre elles en dehors de leur zone climatique de tolérance. Depuis six ans, ce dépérissement s’intensifie brutalement. Si rien ne change, plusieurs espèces pourraient quasiment disparaître de nos paysages d’ici 2100.
Les forêts françaises telles que nous les connaissons aujourd’hui sont en sursis. D’ici 50 ans, elles pourraient avoir profondément changé de visage.
Je vous propose un thread à partir des données de ClimEssences, avec pour commencer… la claque que prend le bouleau, peu adaptée à la sécheresse estivale récurrente. Il possède un système racinaire peu profond, ce qui le rend particulièrement vulnérable.
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Le hêtre est une espèce adaptée aux climats frais, humides et tempérés. Il craint la chaleur estivale intense, les sécheresses prolongées et les sols superficiels ou mal alimentés en eau. Or, ces conditions deviennent de plus en plus fréquentes en plaine.
Le dépérissement du hêtre est déjà une réalité. Il devrait s'accélérer dans les années à venir.
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Le chêne sessile est moins exigeant en eau que le hêtre, mais plus sensible à la sécheresse que le chêne pubescent ou le chêne vert. Il apprécie des climats tempérés, des sols profonds, frais mais bien drainés et une absence de stress hydrique sévère en été.
Or, ce compromis est de plus en plus rare en plaine d'où il disparaîtra progressivement.
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L’épicéa est une espèce naturellement adaptée aux climats froids, humides toute l’année, avec une absence de sécheresses estivales.
Il tolère mal la chaleur et déteste la sécheresse du fait de racines superficielles. Pourtant, il a été massivement planté en plaine au XXe siècle (notamment dans le nord-est, en forêts de production), bien hors de son aire naturelle.
Les attaques dévastatrices de scolytes (Ips typographus) prolifèrent avec la chaleur et les arbres affaiblis et la mortalités en masse est déjà observées : Alsace, Lorraine, Vosges, Jura.
Depuis 2018, des dizaines de milliers d'hectares d’épicéas sont morts en quelques mois. C’est l’espèce forestière la plus sinistrée à ce jour en France.
L'épicea va pratiquement disparaître de France sauf en haute altitude.
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Le tilleul argenté (Tilia tomentosa), pourtant emblématique de nombreuses villes et parcs, est lui aussi menacé en France à long terme, en particulier en contexte naturel et rural, mais aussi en ville mal adaptée.
Il est apprécié pour sa tolérance à la chaleur et à la sécheresse modérée (en tout cas plus que les espèces précédentes), sa croissance rapide et sa bonne résistance à la pollution urbaine.
C’est pourquoi il a été largement planté en ville au XXe siècle, comme arbre d’alignement ou d’ombrage. Mais cette réputation de robustesse touche ses limites avec le climat du futur : il entre en stress hydrique dès 30–32°C prolongés avec sécheresse et il défolie prématurément en cas de canicule prolongée.
Sa régression sera cependant moins marquée que les espèces précédentes.
C'est une menace silencieuse pour nos villes qui profitent, pour le moment, de l'ombrage de cet arbre...
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Originaire du sud-ouest des États-Unis et du nord du Mexique, le cyprès de l’Arizona a été introduit en France, classé parmi les essences résistantes à la chaleur. Il gagne du potentiel en France. Mais son aspect couvrant et ses impacts sur la biodiversité sont faible. Ce qui n'offre pas une solution de remplacement aux espèces existantes dans nos forêts mais plutôt dans nos villes.
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Le Laurier noble (ou Laurier Sauce) est une espèce méditerranéenne autochtone, qu’on trouve dans les sous-bois humides et ombragés du sud de la France (Provence, Languedoc, Côte d’Azur). Il est naturellement limité par le froid en hiver et la sécheresse prolongée en été.
Le principal facteur limitant actuel est le gel hivernal sévère qui provoque des brûlures foliaires (ou la mort pour les sujets les plus jeunes). Mais ce facteur devient de moins en moins contraignant avec le réchauffement climatique : les gels sévères sont en net recul, et le laurier gagne du terrain vers le nord.
A l'inverse, avec la multiplication des canicules, sécheresses extrêmes et incendies, le laurier noble pourrait décliner dans son aire naturelle : la méditerranée.
Nos paysages français vont de plus en plus se méditerranéiser.
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Le pin d’Alep est l’une des espèces les plus tolérantes à la chaleur et à l’aridité : croissance rapide sur sols pauvres, capacité à s’implanter après incendie (grâce à ses cônes sérotines), système racinaire profond, permettant de survivre à de longs étés secs.
Il est ainsi considéré comme l’un des conifères les plus résilients en climat méditerranéen. Il devrait s'étendre à presque toute la France.
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Le caroubier est originaire du bassin méditerranéen oriental. C’est une espèce thermophile, adaptée à des températures élevées, des sols pauvres et rocailleux et des précipitations faibles (< 500 mm/an).
Il est très résistant à la sécheresse, grâce à son puissant enracinement profond. C’est une espèce pionnière de la végétation méditerranéenne extrême, qui pourrait remplacer localement les pins d’Alep ou les chênes verts trop affaiblis en région méditerranéenne laissant des paysages ressemblant plus à des steppes/savanes qu'à la garrigue.
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[10/10] Vous l’avez compris : nos paysages français vont peu à peu prendre des airs d’Aquitaine ou de Méditerranée.
Et la Méditerranée, elle, glisse lentement vers des paysages de steppes… voire de savanes.
On parle souvent de "grand remplacement" : oui, il existe. C’est celui de nos arbres.
Le changement climatique avance à une vitesse que la forêt ne peut pas suivre seule.
L’évolution naturelle des arbres fonctionne… mais beaucoup trop lentement : en moyenne 10 fois trop lentement par rapport au rythme actuel du réchauffement. Sans intervention, nombre d’espèces forestières ne pourront ni migrer, ni s’adapter à temps.
C’est pourquoi l’action humaine devient nécessaire. Mais attention : intervenir ne signifie pas planter à l’aveugle.
Il faut surveiller, accompagner, adapter intelligemment :
➡️Surveiller les jeunes arbres face aux sécheresses et mortalités.
➡️Observer les équilibres entre espèces et les éventuelles invasions.
➡️Préserver et accroître la diversité génétique, clé de la résilience future.
➡️Favoriser une migration assistée raisonnée : introduire certaines espèces du sud dans le nord sans rompre les équilibres écologiques.
🔴Nous fonçons droit vers un épisode météorologique historique, dont les impacts agricoles sont détaillés dans ce fil. Cette fois-ci, les 40°C ne seront pas des pics isolés, mais concerneront des régions entières. Les seuils de vigilance Rouge pourraient même être atteints*.
Cela fait maintenant neuf jours que les critères de vague de chaleur sont dépassés en France. Il est désormais certain que cette canicule durera au moins 14 jours, ce qui en fait la plus longue canicule pour un mois de juin.
➡️Celle de 1976 s’était étalée du 23 juin au 6 juillet (14 jours), mais avec une intensité bien moindre.
➡️Celle de juin 2005 avait duré 11 jours.
➡️La plus longue canicule française reste celle de juillet 1983, du 9 au 31 (23 jours).
Des températures minimales incroyables sont attendues en Méditerranée, entre 25 et 29°C à l’aube, en lien direct avec une mer qui bat actuellement tous ses records de chaleur pour une fin juin. Des après-midi qui pourraient dépassés les 41°C-42°C.
Nos végétaux sont à bout de souffle. L’indice hydrique des sols s’est effondré. Cultures comme forêts sont désormais dans un état de vulnérabilité extrême, avant même de subir deux journées qui s’annoncent parmi les plus chaudes jamais observées en France.
Dans ce fil, je détaille les principales conséquences cultures par cultures.
*Météo-France est l’organisme officiel chargé d’émettre les niveaux de vigilance.
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[Maraîchage] La croissance (en condition irriguée) de tous les légumes tempérés sera ralentie (exemple : tomate, salade, aubergine et carotte). Les seuils de brûlures végétales seront dépassés plus au moins largement suivant la sensibilité et la région.
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[Céréale] L'échaudage se fera sur de très vastes zones pour la dernière céréale potentiellement sensible à cette période de l'année : l'orge de printemps. Sur deux jours, les champs les plus exposés (sol peu profonde, plein période de remplissage du grain etc.) pourront perdre plus de 5% du rendement potentiel.
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[Thread] Le mois de juin est désormais un véritable mois d’été, aussi chaud que les juillet-août d’autrefois. Ce 11 juin, de très nombreuses stations affichent entre 35 et 37°C. Avec 24,63°C en moyenne nationale, jamais la France n’avait connu une telle chaleur aussi tôt dans l’année.
Si des valeurs similaires ont pu être relevées ponctuellement par le passé, c’est leur fréquence et leur précocité qui deviennent alarmantes.
Nos pics de chaleur gagnent du terrain sur le calendrier, menaçant directement les stades sensibles des cultures agricoles. Voici un thread à dérouler pour comprendre certains enjeux.
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[Blé] En ce moment, les grains de blé se remplissent : c’est cette étape cruciale qui détermine une grande partie du rendement.
Mais cette phase est très sensible aux fortes chaleurs (au-dessus de 30°C) et à la sécheresse. On parle alors d’échaudage.
Aujourd’hui, de nombreuses parcelles pourraient déjà avoir perdu 0.5 à 2 % de rendement. Cela peut sembler anodin, mais jour après jour, l’impact s’accumule… et devient significatif.
Ces nouvelles cartes sont disponibles gratuitement sur agrometeorologie.com
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[Maraîchage] La tomate est extrêmement sensible aux températures élevées pendant la floraison, en particulier entre l’apparition du bouton floral et la nouaison (formation du fruit). Des températures trop élevées altèrent la viabilité du pollen, inhibent la germination du tube pollinique et peuvent empêcher la fécondation. Résultat : pour les quelques tomates qui sont éventuellement déjà en fleurs, celle-ci peuvent avorter sans former de fruits.
Cet indicateur est aussi disponible sur Il sera étendu à une cinquantaine d'espèces. agrometeorologie.com
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Pour tous les rageux qui mettent des postes complètement stupides sous @JMJancovici : oui, la forêt est en train de crever. C'est exact et c'est indéniable.
J'en ai marre de lire des conneries alors je vais apporter les VRAIS chiffres.
Thread 👇
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[2/6] J'en ai marre d'entendre toujours les mecs arguments des personnes qui ne sont même pas du milieu et qui ne creusent pas leur sujet.
Oui, les surfaces forestières ont doublé. Mais c'est la SANTE de cette forêt qui nous importe.
[3/6] Eh bien regardons l'état de santé. Notre forêt a entamé un important cycle de dépérissement depuis 6 ans notamment dû au changement climatique et aux maladies sur arbres fragilisés par la sécheresse répétées.
➡️+80% de bois mort.
➡️Patch de mortalité visible par drone
Mon tweet a visiblement déclenché une invasion de climatosceptiques version comptoir PMU, experts autoproclamés du climat.
On reprend point par point, chiffres à l'appui, et je démonte les arguments les + absurdes que j’ai lus aujourd’hui. Accrochez-vous. Pas de quartier. 1/7
"Il a déjà fait plus chaud en mai"
Oui. Mais là, on est le 1er mai. Et en 95 ans de mesures, JAMAIS il n’a fait aussi chaud début mai. On explose tous les précédents, et DE LOIN. Et demain, on grimpe encore… avant la chute. 2/7
"Tu vends la peur avec un événement ponctuel."
Bah non. La récurrence de ces événements fait la climatologie. C’est quoi que t’as pas compris dans "récurrence" ?
À Paris en mai :
➡️ 2% de >30°C entre 1951-1980
➡️ 8% depuis 2000
Soit 4× plus. Voilà. 3/7
Je travaille sur de nouvelles modélisations de biogéographie (= aire de répartition des cultures) pour un réchauffement actuel (RCP6.0) jusqu'en 2100.
Thread sur l'olive, le niébé, le coton, la patate douce.
Voici l'olivier ⬇️ Un futur grand cru d'huile en Alsace en 2070 ? 1/4
[Coton] Le sud-ouest et la vallée du Rhône auraient la faculté de produire du coton français (!) dès 2040. En terme de création de filières (le plus long), 2040 c'est demain ! Attention, cependant, le coton a besoin d'eau. 2/4
[Niébé] C'est un haricot africain qui gagne énormément de potentiel. Vu que c'est une légumineuse, il serait intéressant d'en développer les débouchés et les habitudes alimentaires.
Le plus long n'est pas de planter, mais d'habituer les consommateurs et créer des débouchés. 3/4
[1/5] Paris vient de vivre l'année la plus humide depuis le début des mesures à Montsouris (1886, soit près de 150 ans) avec provisoirement 900.9 mm. C'est l'occasion de voir comment le changement climatique affecte la ville en une série de graphiques issus d'@infoclimat.
[2/5] Depuis 1886, au niveau des précipitations, on ne voit pas de tendance se distinguer (certains rapports montrent une légère hausse de +1 ou 2%).
D'ici 2050, on est dans l'incertitude au niveau annuel. Par contre, nous auront (à priori) une accentuation saisonnière.
[3/5] Au niveau de la température, ça monte sur tous les indicateurs :
➡️la température moyenne annuelle.
➡️le nombre de jours supérieurs à 20, 25 et 30°C.
➡️Extrême de l'année.