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#Thread đŸ§¶ : Les origines du diable

Le diable fascine autant qu'il effraie. Mais qui est-il vraiment ? Quelles sont ses origines ?

Dans ce thread, on retrace l'Ă©volution de Satan depuis les mythes proche-orientaux jusqu'au Coran, en passant par la Bible.—Image
Pour commencer, le thread s'appuiera en grande partie sur le livre incontournable de Neil Forsyth intitulé "The Old Enemy: Satan and the Combat Myth".

Dans cet ouvrage, l'auteur démontre que notre conception du diable découle d'une longue évolution qui plonge ses racines dans des mythes proche-orientaux qui mettent en scÚne un affrontement entre le « Bien » et le « Mal », qui sont incarnés par une (ou plusieurs) entité(s) surnaturelle(s).

On donnera ci-aprĂšs de nombreux exemples. —Image
Dans l'Égypte ancienne, il y a le combat bien connu entre le dieu Seth et son frùre Horus.

Seth est une divinité fonciÚrement mauvaise. Meurtrier de son pÚre Osiris, il est fréquemment représenté sous la forme d'un serpent ou d'un cochon, parfois de couleur rouge.

Les historiens estiment aujourd'hui que le combat entre les frĂšres ennemis reflĂšte en rĂ©alitĂ© les luttes dynastiques entre les rois de Haute-Égypte (Horus) et de Basses-Égypte (Seth).

Certains de ses traits physiques, comme sa couleur rouge et son aspect bestial influenceront durablement la représentation classique du diable, qui hérite également des cornes et de la queue d'Anubis.Image
On part maintenant en Mésopotamie, à la rencontre du célÚbre Gilgamesh.

Dans son Ă©popĂ©e, Gilgamesh se rend au bois de cĂšdres, gardĂ© par le monstre-dragon Huwawa, « l’adversaire ».

Vient-il simplement couper du bois ou, comme le disent des versions plus tardives, délivrer son peuple du mal, symbolisé par Huwawa ?

Quoi qu’il en soit, il rĂ©ussit Ă  le tuer, rapporte sa tĂȘte au
roi des dieux, Enlil, qui est furieux et déclenche une vague de terreur sur le pays.

Avec le temps, l’histoire va subir un certain nombre d’évolutions. La forĂȘt, qui symbolisait au dĂ©part la Syrie ou le Liban, le pays des cĂšdres (du grec lebanon, cĂšdre), devient le monde sombre et tragique prĂ©figurant l’enfer.

Certains Ă©pisodes viennent se greffer Ă  l’histoire d’origine : il y est question notamment d’un arbre sacrĂ© gardĂ© par un serpent, qui rappelle Ă©videmment le rĂ©cit d’Adam et Eve...Image
Dans la mythologie babylonienne, le thÚme du combat entre le Bien et le Mal revient de façon récurrente.

Il est question notamment d'un mythe qui met en scùne le combat de Ninurta contre l’oiseau Anzu, un messager du dieu Enlil.

Mais Anzu est un oiseau rebelle, qui complote contre Dieu afin de prendre son pouvoir. Il constitue ainsi le prototype de l’ange rebelle, bien connu de la tradition judĂ©o-chrĂ©tienne et musulmane.Image
Toujours chez les Babyloniens, on ne peut s'empĂȘcher d'Ă©voquer un autre mythe, dans lequel les hommes, nĂ©s du sang du dĂ©mon Kingu, sont intrinsĂšquement mauvais, et oĂč le mal se transmet de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration (vous avez dit pĂ©chĂ© originel ?)

Tous les maux de l'existence sont infligés par des démons aussi cruels qu'effrayants, à l'image de l'Assyrien Pazuzu, devenu mondialement célÚbre grùce au film L'Exorciste (l'originel de 1973, pas les remakes bidons !)Image
Chez les Grecs, comme chez les Romains, il n'existe pas de diable. La multitude des dieux limite la puissance de chacun et engendre des rivalités entre eux, qui suffisent à expliquer l'existence du mal.

À la rigueur, la figure qui se rapprocherait le plus du diable serait Pan, le dieu cornu à face de bouc.Image
Venons-en maintenant au diable mazdéen, Ahriman, souvent considéré par les historiens comme le prototype de Satan.

Dans la doctrine zoroastrienne, il existe un dieu suprĂȘme, Ahura Mazda, ainsi que deux esprits jumeaux, le bon, spenta manyu, et le mauvais, ahra manyu, ou
Ahriman, en lutte perpétuelle.

Ce dernier, représenté comme un serpent, possÚde une
armée de démons à son service : Azazel, démon des lieux déserts, qui sera incarné dans le Bouc émissaire, Léviathan et Rahab, démons du chaos, et Lilith.

La tradition judéo-chrétienne ainsi que musulmane héritera également de ces démons.Image
📚 Partie 2 : le diable dans la Bible

Jusqu'Ă  maintenant, on a parlĂ© des "ancĂȘtres" du diable dans les mythes du Proche-Orient. Mais qu'en est-il de la Bible ?

De maniĂšre surprenante, le diable est quasiment absent dans l'Ancien Testament.

Le nom satan vient de la racine hĂ©braĂŻque stn qui signifie « l’adversaire », « celui qui met obstacle », ou encore « l’accusateur ».

La traduction grecque de la Bible, la Septante, rendra le mot satan par diabolos, du verbe diaballein, « mettre obstacle ».

Mais dans l’Ancien Testament, satan n’est pas encore le diable Ă  proprement parler. Parfois, il dĂ©signe simplement un ennemi humain. Dans d'autres cas, il dĂ©signe un ange faisant partie de la cour de Dieu.

FidÚle serviteur de Yahveh, sa principale fonction est d'accuser les hommes auprÚs du tribunal céleste. Il parcourt la terre pour observer leur comportement et rendre compte à Dieu de leurs péchés.

Autrement dit, Satan est d'abord et avant tout un procureur, au sens littĂ©ral et juridique du terme. Dans la vision de Zacharie, il joue le rĂŽle de procureur dans le procĂšs du grand prĂȘtre JosuĂ© : « Le satan se tenait Ă  sa droite pour l’accuser » (Zacharie 3 : 1)Image
Évidemment, on ne peut parler du diable dans la Bible sans Ă©voquer le rĂ©cit d'Adam et Eve... et du serpent.

Mais contrairement Ă  ce que l'on croit habituellement, le serpent du Jardin d'Éden n'est pas le diable ! Il s'agit d'un simple animal, certes particuliĂšrement rusĂ©. On a vu que dans de nombreux mythe proche-orientaux, le serpent reprĂ©sentait les forces dĂ©moniaques, ce qui a pu faciliter le rapprochement avec le diable.

L'identification formelle entre le serpent et le diable est le fait de sectes juives postérieures.

Pour les auteurs anciens, le choix du serpent comme symbole du Mal était sans doute évident vu la terreur qu'inspire ce vil animal. Des études fort intéressantes montrent d'ailleurs que la peur des serpents, commune chez les primates, serait innée et proviendrait de notre évolution biologique.Image
Si le diable est absent ou presque dans l'Ancien Testament, il est en revanche incontournable dans les textes du Nouveau Testament.

Dans les Évangiles, Satan est prĂ©sent presque Ă  chaque page, et il est mĂȘme qualifiĂ© de « prince de ce monde ».

Alors comment est-on passé d'un personnage, serviteur de Dieu, à la figure du Mal par excellence ?

C'est qu'entre temps, plusieurs courants juifs sectaires sont passés par là. Ces courants, proches de la secte de Qumran, ont eu la bonne idée de laissé derriÚre eux de nombreux écrits, dont l'un aura une importance particuliÚre : le Livre d'Hénoch, du nom d'un patriarche mythique présenté comme l'arriÚre-grand-pÚre de Noé.

Influencés par les mythes babyloniens, ces écrits expliquent l'existence du mal par une révolte des anges conduits par leurs chefs Azazel et Semihazaz.

Attirés par la beauté des femmes, ils descendent sur Terre pour s'unir à elles, engendrant une race bùtarde qui sÚmera le chaos sur la Terre. C'en est trop, Dieu provoque alors la déluge pour débarrasser l'humanité de ce fardeau.

Les anges rebelles sont punis Ă©galement : selon certaines versions, ils deviennent des Ă©toiles qui tombent du ciel, ce qui donnera en latin l’expression Lucifer, « porteur de lumiĂšre ».Image
Conclusion :

Comme toute chose, le diable a une histoire. La sienne remonte aux mythes proche-orientaux oĂč s'affrontent le Bien et le Mal.

Dans l'Ancien Testament, Satan est une figure en retrait, et pas spécialement maléfique ou rebelle. Le changement s'opÚre peu avant notre Úre, dans des sectes juives, qui imaginent la figure du diable comme celle d'un ange déchu, devenu à la fois ennemi de Dieu et de l'homme.

Dans le prochain thread, on se concentrera spécifiquement sur le diable en islam, Iblßs. Nous verrons comment le Coran, et la tradition musulmane, reprennent à leur tour les mythes proche-orientaux, auxquels viennent s'ajouter les représentations rabbiniques et syriaques.

📚 Pour en savoir plus sur ce sujet passionnant, rendez-vous dĂšs maintenant sur notre site al-kalam.fr pour dĂ©couvrir notre article consacrĂ© Ă  IblĂźs : al-kalam.fr/rites-et-croya


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Nov 14
#Thread đŸ§¶ : Qui sont Harut et Marut ?

Dans la sourate 2, le Coran mentionne deux anges appelés Harut et Marut, qui enseignent la magie aux hommes.

Mais qui sont ces anges énigmatiques ?

Dans ce thread, on verra qu'ils sont liĂ©s Ă  plusieurs mythes proche-orientaux. —Image
đŸ‘Œ Deux anges zoroastriens dans le Coran

Harut et Marut sont mentionnés dans un (trÚs) long passage de la sourate 2. Il est dit que ces deux anges enseignent la magie qui sÚme la désunion entre l'homme et son épouse.

Curieusement, Harut et Marut ne font pas partie du répertoire des anges mentionnés dans la Bible ou dans les écrits juifs et chrétiens.

Les commentateurs musulmans avaient noté déjà au Moyen-Age que leur nom n'était pas d'origine arabe, sans toutefois parvenir à l'identifier correctement.

Il faut attendre pour la recherche orientaliste au 19e siÚcle, qui fait le lien avec deux entités mentionnées dans l'Avesta, le livre de l'ancienne religion iranienne.

Dans le mazdĂ©isme, il existe un dieu suprĂȘme : Ahura Mazda. À cĂŽtĂ© de lui, on trouve six divinitĂ©s secondaires, appelĂ©es « Saints Immortels ».

Parmi ces « Saints Immortels », figurent notamment Haurvatùt (qu'on traduit à peu prÚs par Abondance) et Ameretùt (Immortalité).

Haurvatùt et Ameretùt donneront leur nom aux deux anges Harut et Marut mentionnés dans le Coran.Image
Alors me direz-vous, comment est-on passé de Haurvatùt / Ameretùt à Harut et Marut ?

Certes, on perçoit un air de famille entre ces noms, mais ce n'est pas tout Ă  fait la mĂȘme chose non plus.

Eh bien entre le nom iranien et sa forme arabe, il y a un intermĂ©diaire manichĂ©en. Il revient Ă  un chercheur français, Jean de Menasce, d'avoir mis en lumiĂšre d'anciens fragments manichĂ©ens oĂč sont mentionnĂ©s hrwwt mrwwt (Haraut-Mauraut) d'oĂč provient probablement la forme arabe.

VoilĂ  donc pour ce qui est de leur nom. Mais cette histoire d'anges qui enseignent la magie aux hommes, d'oĂč vient-elle ?

Pour le savoir, on va s'intĂ©resser Ă  un autre mythe rĂ©pandu dans le Proche-Orient, celui des anges dĂ©chus. —Image
Read 10 tweets
Oct 24
#Thread đŸ§¶ : Une nouvelle source du Coran

Comme chaque vendredi, nouvelle publication sur !

Aujourd'hui, on dévoile une nouvelle source du Coran.

Notre analyse montrera aussi en quoi l'approche historico-critique permet de mieux comprendre le Coran. —al-kalam.frImage
On va s'intéresser à un passage de la sourate 2 qui parle d'un homme plongé dans un sommeil miraculeux de 100 ans.

Lisons ensemble le texte concerné :

Ou comme celui qui passait par un village dĂ©sert et dĂ©vastĂ© : « Comment Allah va-t-Il redonner la vie Ă  celui-ci aprĂšs sa mort ? » dit-il. Allah donc le fit mourir et le garda ainsi pendant cent ans. Puis Il le ressuscita en disant : « Combien de temps as-tu demeurĂ© ainsi ? » – « Je suis restĂ© un jour, dit l’autre, ou une partie d’une journĂ©e. » – « Non ! dit Allah, tu es restĂ© cent ans. Regarde donc ta nourriture et ta boisson : rien ne s’est gĂątĂ© ; mais regarde ton Ăąne
 Et pour faire de toi un signe pour les gens, et regarde ces ossements, comment Nous les assemblons et les revĂȘtons de chair. » (2 : 259).

Plusieurs questions peuvent se poser :

1) Qui est cet homme ? Les exĂ©gĂštes musulmans ne le savent pas, et ont proposĂ© de nombreuses hypothĂšses contradictoires : il s'agirait du prĂȘtre Esdras, du prophĂšte ÉzĂ©chiel, ou encore du mystĂ©rieux Khidr.

2) Quel est ce « village désert et dévasté » ? Là encore, le Coran demeure trÚs vague, ouvrant la voie aux spéculations exégétiques.

Dans ce qui va suivre, nous verrons que le Coran reprend une lĂ©gende du 2e siĂšcle. Cela nous permettra d'identifier correctement l'homme et son village. —
Les historiens ont reconnu depuis longtemps dans ce passage la légende d'Abimélec, qui figure dans les ParalipomÚnes de Jérémie, un texte judéo-chrétien du 2e siÚcle.

Dans ce texte, il est question d'un certain AbimĂ©lec, qui n’est autre que l’Éthiopien Ébed MĂ©lec qui sauva le prophĂšte JĂ©rĂ©mie.

Le texte raconte tout d’abord la destruction de JĂ©rusalem par les ChaldĂ©ens, Ă  laquelle AbimĂ©lec assiste impuissant.

Ensuite, il est dit qu'AbimĂ©lec s'endormit sous un figuier pendant 70 ans. À son rĂ©veil, il n'est pas conscient d'avoir dormi aussi longtemps. Dans son panier, ses figues sont encore bonnes et juteuses.

Ce n'est qu'en se rendant à Jérusalem qu'il découvre que sa maison a changé ; il ne reconnait pas ceux qui y habitent. I

PS : la citation entiĂšre du passage est dispo sur le site.Image
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Sep 7
#Thread đŸ§¶ : Muhammad Ă©tait-il (vraiment) orphelin ?

Selon la tradition islamique, Muhammad était orphelin. La chose est connue de tous : il perdit ses parents étant enfant et fut élevé par son grand-pÚre.

Pourtant, il y a de bonnes raisons de douter de ce narratif. —Image
📗 Une preuve coranique ?

L’idĂ©e que le ProphĂšte Ă©tait orphelin est souvent justifiĂ©e par le verset suivant :

« Ne t’a-t-Il pas trouvĂ© orphelin ? Alors Il t’a accueilli ! » (93 : 6)

Le terme utilisé en arabe pour dire "orphelin" est yatßm.
Mais la signification de yatĂźm est plurielle. Comme l'a montrĂ© Ahmad al-Jallad, dans les inscriptions prĂ©islamiques, le terme sert souvent Ă  dĂ©signer « un Ă©tat d’abandon par les dieux et de privation de la faveur divine ».

Or, ce sens primitif semble confirmĂ© par le verset suivant, oĂč nous lisons : « Ne t’a-t-Il pas trouvĂ© Ă©garĂ© ? » (93 : 7).

Compris de cette façon, le verset ne parle pas du statut d'orphelin (au sens propre), mais de l'état d'égarement dans lequel se trouvait la personne à laquelle il s'adresse.Image
Par ailleurs, on peut légitimement se demander qui s'adresse à qui dans ce verset.

Selon l'interprétation traditionnelle, c'est Allùh qui s'adresse directement à Son ProphÚte. Mais cela ne va pas forcément de soi.

L'interlocuteur auquel s'adresse la voix coranique est anonyme, et rien ne nous oblige à considérer que c'est Muhammad qui est visé ici.

Comme le note Guillaume Dye, il est possible qu'on ait affaire à "la stratégie rhétorique d'un prédicateur s'adressant à son audience, en interpellant individuellement chaque lecteur/auditeur par l'usage du pronom te/toi". On rajoutera que ce type de rhétorique est bien connu dans la littérature syriaque, auquel le Coran fait de nombreux emprunts.

En fin de compte, le verset peut se comprendre comme un prĂȘche du prĂ©dicateur coranique, rappelant Ă  chaque membre de son auditoire son ancienne condition d’égarĂ©/d'orphelin (ici compris de façon mĂ©taphorique).Image
Read 8 tweets
Aug 17
#Thread đŸ§¶ : Le vin dans l'islam – VĂ©ritĂ©s et lĂ©gendes.

L’islam bannit le vin
 en thĂ©orie.

En pratique, il a longtemps fait partie du quotidien des sociétés musulmanes.

De Muhammad aux califes, petit retour sur une histoire mĂ©connue. —Image
đŸ· Le vin chez les premiers musulmans

L'historien Jack Tannous note que malgré l'interdit coranique, la consommation de vin était répandue chez les premiers musulmans.

On rapporte que le ProphĂšte lui-mĂȘme et divers Compagnons consommaient un genre de vin appelĂ© nabĂźdh. L'encyclopĂ©diste Ibn ManzĂ»r en donne la dĂ©finition suivante :

"Cela est appelĂ© le nabĂźdh, car on prend des dattes ou du raisin puis on les vinifie dans un pot ou une outre en y ajoutant de l’eau, et on les laisse de cĂŽtĂ© jusqu’à ce qu’ils fermentent et deviennent intoxicants".

Jusqu'au 9e siĂšcle, on distribuait librement du nabĂźdh aux musulmans en pĂšlerinage Ă  La Mecque.Image
La plupart des califes omeyyades consommaient rĂ©guliĂšrement de l’alcool, Ă  commencer par Yazid b. MuÊżawiya, nĂ© d’une mĂšre chrĂ©tienne, qui avait gagnĂ© le
surnom de Yazid al-khumur, « Yazid l’ivrogne ».

Certains rĂ©cits rapportent qu’il organisait des fĂȘtes oĂč il chantait, dansait et buvait jusqu’à l’écroulement.

La plupart de ses successeurs s'illustrĂšrent Ă©galement pour leur penchant pour le vin. Suivant une coutume observĂ©e par les Perses, ils buvaient Ă  intervalles prĂ©cis : ‘Abd al-Malik buvait une fois par mois, et se faisait vomir pour se remettre en forme.

Al-Walid Ier organisait des beuveries un jour sur deux, Suleyman b. ‘Abd al-Malik, un jour sur trois, etc.

L’encyclopĂ©diste al-Jahiz (m. 868) nous apprend que
certains califes n’hĂ©sitaient pas Ă  danser et mĂȘme Ă  se dĂ©shabiller lors de ces festivitĂ©s.

Al-Walid II, connu pour ses mƓurs lĂ©gĂšres et ses idĂ©es religieuses « dĂ©viantes », Ă©tait surnommĂ© al-fĂąsiq, « le dĂ©bauchĂ© ». PoĂšte de grand talent, il organisait des orgies oĂč se mĂȘlaient chants et alcool.

Lors de son pĂšlerinage Ă  La Mecque, il installa mĂȘme Ă  cĂŽtĂ© de la Ka’ba une tente qui lui servait de vĂ©ritable
taverne. On rapporte Ă©galement qu’il faisait la tournĂ©e des monastĂšres afin de boire en toute quiĂ©tude !Image
Read 19 tweets
Aug 6
#Thread đŸ§¶ : le vin dans l'islam

Bonjour Ă  tous ! Dans ce thread, on va parler pinard, et de son statut dans l'islam.

Au programme : le vin chez les Arabes préislamiques, les ambiguïtés du Coran sur la question et l'étude d'un curieux manuscrit coranique.

Bonne lecture ! — Image
đŸ· Le vin chez les Arabes prĂ©islamiques

Avant l'islam, les Arabes étaient de grands amateurs de vin. Selon une légende rapportée par Diodore de Sicile, c'est le dieu égyptien Osiris qui découvrit la culture de la vigne et l'enseigna aux Arabes.

Ils le produisaient à partir de dattes, de vignes, de miel ou encore de céréales comme le blé et l'orge.

Chez les Nabatéens, DusarÚs, la principale divinité du royaume, était identifié à Dionysos, le dieu du vin de la mythologie romaine.

Les NabatĂ©ens organisaient rĂ©guliĂšrement des banquets oĂč se mĂȘlaient grands festins, musique, danseuses et bien sĂ»r vin. Ces banquets Ă©taient organisĂ©s dans des salles, comme celle-ci dĂ©couverte Ă  PĂ©tra —.Image
📗 Le vin dans le Coran

Venons-en maintenant au statut du vin dans le Coran.

Le moins qu'on puisse, c'est que la position du texte coranique est trĂšs confuse.

Le vin est d'abord qualifié de "signe" (ùya) divin :

« des fruits des palmiers et des vignes, vous tirez une boisson enivrante (sakaran) et un aliment excellent. Il y a là un signe pour les gens qui pensent » (16 : 67)

Un autre passage se montre plus nuancé :

« ils t’interrogent Ă  propos du vin et des jeux de hasard. Dis : “il s’y trouve Ă  la fois un grand pĂ©chĂ© et des choses profitables pour les gens mais le pĂ©chĂ© l’emporte sur le profit” » (2 : 219)

Ici, le vin est tout compte fait une "Ɠuvre de Satan" :

« O vous qui croyez, le vin, les jeux de hasard, les bĂ©tyles et les flĂšches divinatoires ne sont que des abominations, Ɠuvres de Satan ; Ă©vitez cela, vous serez peut-ĂȘtre gagnants » (5 : 90).

Pour ne rien arranger, le Coran affirme que des riviĂšres de vin couleront au paradis (83 : 25).

âžĄïž Comme le rappelle Gabriel S. Reynolds ("Le Coran des historiens", vol. 2a, p. 179), ces positions contradictoires ne reflĂštent pas forcĂ©ment l'Ă©volution de la pensĂ©e d'un seul homme (Muhammad ?), mais plus probablement diffĂ©rentes opinions qui existaient dans les milieux producteurs du Coran.Image
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Jul 14
#Thread đŸ§¶ : Muhammad a-t-il vraiment existĂ© ?

Bonjour à tous ! Dans un nouvel article sur notre site, on s'attaque à une question épineuse : et si, tout compte fait, Muhammad n'avait jamais existé ?

Que disent les historiens sur l'existence du ProphĂšte de l'islam ? —Image
📚 L'inventaire des sources

La premiÚre étape pour répondre à la question est de faire un inventaire des différentes sources qui mentionnent Muhammad.

Commençons par le Coran. Il s'agit, aprÚs tout, du plus ancien texte arabe et islamique.

Mais de façon surprenante, la figure de Muhammad est quasiment absente du Coran. Son nom n'y apparait que 4 fois. C'est beaucoup moins que Moïse (136 fois), Abraham (69) ou Noé (43).

De plus, le Coran ne fournit quasiment aucune information sur le milieu dans lequel Muhammad est supposé avoir vécu.

Les noms des Compagnons comme les principaux événements de sa carriÚre prophétique brillent par leur absence du texte coranique.

âžĄïž Les historiens qualifient le Coran de "texte sans contexte". À lui seul, il ne nous permet pas de connaitre la figure historique de Muhammad, ni mĂȘme d'Ă©tablir son existence avec certitude.Image
📗 La Sira - ou biographie traditionnelle

La seconde source que nous abordons est la Sira, c'est-à-dire la biographie traditionnelle de Muhammad, qui a vu le jour principalement dans les cercles savants de l'époque abbasside.

Ce qui frappe Ă  la lecture de la Sira, c'est l'abondance des dĂ©tails qu'elle nous livre sur Muhammad. Tous les aspects de sa vie y sont abordĂ©s, mĂȘme les plus intimes et les plus insignifiants, comme le nombre de poils blancs qu'il avait dans sa barbe !

Cette abondance d'information a contribué à maintenir l'illusion que Muhammad est une figure bien connue de l'histoire.

Mais ces informations sont sujettes Ă  caution. Comme le rĂ©sume Muhammad Ali Amir-Moezzi, elles « sont remplies de contradictions, d’invraisemblances, de falsifications historiques, de lĂ©gendes de toutes sortes et de toutes origines ».

En effet, la Sira n'est pas une "biographie" au sens moderne du terme, mais bien plutĂŽt une « lĂ©gende hĂ©roĂŻco-religieuse » (Alfred-Louis de PrĂ©mare, Les fondations de l’islam).

Les historiographes musulmans qui ont travaillé à la Sira avaient moins pour objectif de décrire l'histoire telle qu'elle s'était déroulée, que d'en donner une reconstruction mythique servant des intentions apologétiques, théologiques et politiques.Image
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