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Blog de diffusion de la recherche en histoire médiévale. Compte Twitter tenu principalement par Florian Besson

Jun 4, 2020, 20 tweets

@lemondefr consacre un dossier aux #feminicides : l’occasion, avec @MGPerbellini, de réfléchir aux violences faites aux femmes au Moyen Âge. Un thread ⬇️ ! #histoire #medievaltwitter

Dans l’Occident médiéval, la femme est considérée comme inférieure à l’homme, ce qui se traduit notamment par le droit pour l’époux de la frapper pour la « corriger ». Cette violence est légalement autorisée, même si la justice tente de la modérer

La justice fournit de nombreux témoignages de femmes battues, humiliées et frappées, parfois jusqu’à la mort, par leur mari. On avait écrit un article (avec @CathKikuchi) sur ce sujet sur @FR_Conversation :
theconversation.com/actuel-moyen-a…

Dans certains cas, l’époux-meurtrier peut échapper aux poursuites judiciaires en dressant un portrait particulièrement diffamant de son épouse, afin d'obtenir le pardon de son crime.

Par exemple : à Loudun, en mars 1448, Jean Minot tue son épouse à coup d’écuelle (…), et justifie son crime en disant que son épouse est une ivrogne, qui prend des amants et dilapide sa fortune...

Cependant, ce type de cas n’est pas à généraliser ! La justice médiévale pouvait aussi se montrer sévère à l’encontre des violences faites aux femmes. De ce fait, elle sait entendre la cause de celles qui, pour la défense de leur vie, en viennent à tuer leur époux violent...

C’est le cas, par exemple de Marie la Murgière, en 1415, près de Bar-sur-Seine. Mariée à Symon de Breuil, violemment frappée lors d’une dispute, elle le tue mais la justice lui pardonne son geste car elle a longtemps supporté les coups de son mari

Derrière ces pratiques judiciaires transparaît une vision de l’épouse et du mariage où la femme doit se soumettre à la voix des hommes... et surtout à celle de son mari.

Les traités d’économie domestique, rédigés par des hommes, à l’image du Mesnagier de Paris (1392-94), ne cessent d’ailleurs de rappeler que la norme sociale est l’obéissance et la soumission des femmes, quitte à passer par la violence

À partir du XIIIe siècle, la Querelle des femmes, une polémique littéraire sur le statut des femmes dans la société, s’installe et fournit un foisonnant espace de débats où s’opposent violemment les discours « pro » et « anti-femmes ».

Parmi ces derniers, Les lamentations de Matheolus (v. 1295), furieusement virulent, n’hésite pas à dépeindre les femmes comme un péril constant. Celles-ci auraient même rendu son auteur chauve et à moitié aveugle...

En réponse, de nombreuses voix se sont élevées pour s’insurger contre ces idées et contre l’auteur même des Lamentations. Une femme surtout, Christine de Pizan, auteure de la Cité des Dames (1405) mais également des hommes ont pris position.

Le Moyen Âge, dans la condamnation de la domination masculine, aussi bien devant les tribunaux que dans la littérature, a ainsi été le théâtre de combats qui peuvent entrer en résonance avec ceux d’aujourd’hui.

Et il est intéressant de voir que les mouvements féministes contemporains sont allés chercher la figure de la « sorcière », devenue un symbole de la lutte contre la domination patriarcale... (poke @monachollet !)

Contrairement à ce qu’on pense souvent, la « chasse aux sorcières » caractérise surtout le XVIe siècle

Néanmoins, dès le XIVe siècle, accuser une femme (ou un homme !) de sorcellerie permet de nuire à sa réputation, mais peut aussi l’envoyer sur le bûcher... Le mot « sorcière », employé uniquement par des accusateurs, garantit alors l’exclusion du corps social

Dans de nombreux cas, devant les tribunaux, le soupçon de sorcellerie participe à construire la "mauvaise vie" des femmes qui sont accusées et contribue à précipiter leur marginalisation et leur condamnation.

C’est le cas par exemple de Casine La Mâtine, entendue au Parlement de Paris en 1414, accusée d’être rebelle, adultère, et d’avoir tué son époux par sorcellerie. Mais elle se défend ! Cf ce super thread de @MGPerbellini :

Lorsque les sources judiciaires le permettent, on voit ainsi que les femmes résistent de leur mieux à l’accusation de sorcellerie. Y compris par la violence : en 1408, à Guise, Marguerite de Flanguys tue son mari qui vient de l’insulter de « putain et sorcière »...

Entre violences conjugales et violences symboliques, meurtres et bûchers pour les sorcières, retrouvez notre article du jour, écrit par @MGPerbellini :
actuelmoyenage.wordpress.com/2020/06/04/cou…

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