Michaël Mangeon Profile picture
Histoires du #nucléaire. Docteur, chercheur associé @evsumr5600, consultant, enseignant. Mes tweets n’engagent que moi.

Apr 15, 2022, 20 tweets

Merci aux 1 212 participants et participantes à ce quizz #nucléaire !

La France a connu « au moins » 5 incidents/accidents de fusion de combustible (En l’état de mes connaissances).

Petit thread explicatif.

⤵️

1/ Cette liste est basée sur mes recherches passées et en cours sur l’histoire de la sûreté nucléaire. Néanmoins, il est tout à fait possible que je sois passé à côté de certains événements ! Ce thread n’a pas vocation à décrire finement ces accidents/incidents.

2/ Comme on va le voir, je parle d’incidents et/ou d’accidents de fusion de combustible alors qu’aujourd’hui, sur un réacteur nucléaire en exploitation en France, une fusion serait, de fait, considérée comme un accident nucléaire (Niveau 4 et + sur l’échelle INES).

3/ Tout d’abord, voici une définition de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur l’accident de fusion du cœur pour les réacteurs à eau pressurisée (REP, 56 en exploitation en France). En France, il n’y a jamais eu de fusion de combustible sur un REP.

4/ Vous êtes 45,7% à avoir répondu 0 ! C’est sans doute que vous avez pensé à un accident grave comme à Three Mile Island (TMI) en 1979 (REP, USA, classement 5 sur 7 Echelle INES) ou à Fukushima en 2011 (Réacteurs à eau bouillante (REB), Japon, 7 sur 7 sur l’échelle INES).

5/ Pour exemple, sur le réacteur à eau pressurisée (REP) n°2 de TMI en 1979, 45% du cœur a fondu, engendrant la formation de 20 tonnes de corium (mélange uranium et matériaux de gaines et de structures). En France, nous n’avons jamais connu d’accident d’une telle ampleur mais…

6/…cela ne veut pas dire que nous n’avons jamais eu de fusion du combustible. Si vous êtes familier de notre histoire nucléaire, vous connaissez sans doute les 2 accidents de fusion sur les réacteurs (Uranium naturel graphite gaz, UNGG) de Saint-Laurent-des-Eaux en 1969 et 1980.

7/ C’est pour cette raison que 37,9 % d’entre vous ont donné 2 comme réponse. Il s’agit d’accidents de fusion (50kg d’uranium en 1969 et 20kg en 1980) avec des rejets à priori faibles/limités dans l’environnement même si on trouve des traces de ces accidents dans la Loire (IRSN).

8/ Ce sont les seuls évènements classés comme « accident nucléaire » (4 sur 7 sur l’échelle INES) en France. J’avais réalisé un thread sur l’accident de 1969. Voici également un article que j’ai coécrit sur ces deux accidents : hal.archives-ouvertes.fr/hal-03477810/

9/ On est donc à 2 accidents sur 5. Vous pouviez trouver dans mes threads la fusion de combustible (un barreau d’uranium, entre 3 et 7 kg fondu selon les sources) sur le réacteur #nucléaire G1 (production de plutonium pour la bombe) de Marcoule en 1956.

10/ Cet incident est décrit dans l’excellente thèse de l’historien Cyrille Foasso : theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon…

On en trouve également un récit détaillé dans cet article d’Henri Joffre, spécialiste radioprotection au CEA à cette époque : sfrp.asso.fr/wp-content/upl…

11/ Un an plus tard, en 1957, c’est le réacteur de recherche EL3 de Saclay (photo de la mise en place de la cuve) qui subit une fusion de combustible (3 kg d’uranium selon Henri Joffre).

sfrp.asso.fr/wp-content/upl…

12/ Problème, je n’ai pas trouvé cette date dans des docs du CEA mais plutôt 1958 & 1959. Cyrille Foasso parle même de quelques g d’uranium fondu lors d’un incident en 1956 sur EL2. Hypothèse : Il y a eu plusieurs fusions de combustibles sur EL2 et EL3.

13/ A ce stade, et en attendant des recherches complémentaires (en cours), on va compter une seule fusion pour les réacteurs EL de Saclay. Enfin, la 5éme fusion de combustible s’est déroulée à Grenoble en 1967 sur le réacteur de recherche Siloé.

14/ On en trouve la trace dans ce rapport de l’AIEA. Il s’agit à priori de quelques grammes (36,8 g) d’uranium avec des rejets jugés « insignifiants ».

www-ns.iaea.org/downloads/ni/t…

15/ Pour conclure, on peut, à ce stade, décompter au moins 5 fusions de combustible sur les réacteurs nucléaires français (11,7 % ont donné cette réponse). La dernière s’est déroulée en 1980 sur un réacteur UNGG de Saint-Laurent-des-Eaux.

16/ En 1950-1960, il y a de fortes chances pour que d’autres fusions (Saclay/Marcoule) se soient produites (donc la réponse 7 (4,7%) n’est pas à exclure). A l’époque, ces fusions sont souvent considérées comme des incidents faisant partie de l’apprentissage des réacteurs.

17/ A travers mes recherches, j’ai l’objectif de leur trouver une place dans l’histoire de la sûreté nucléaire/radioprotection, qui fait souvent la part belle aux accidents graves. C’est aussi un devoir de mémoire qui me semble important pour l’industrie nucléaire et la société.

18/ On peut toutefois difficilement comparer ces fusions, souvent passées inaperçues, avec ce qui pourrait se produire sur un REP aujourd’hui en France : une fusion de combustible, même sans impact sur l’environnement, aurait un impact médiatique et politique majeur.

FIN

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