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Jun 14, 2023, 17 tweets

#Thread Muhammad ibn ‘ABD AL WAHHÂB en CÔTE D’IVOIRE ? 🕋🇨🇮

TIÉKORO KAMAGATÉ : la « salafiya » contre les Français 🇫🇷 et le soufisme après la Guerre 🌍

#Islam #Musulman #Afrique #Mali #coran

J’ai déjà montré (et fait découvrir) le rôle capital du hajj et de la prédication salafi dans l’ancien Soudan français à partir de la fin du 19esiècle,...

devenu le cauchemar des colonisateurs français (al Madani, al Ifriqi, Mahmud Ba…)

Au lendemain de la WWII, l’autre bastion de la prédication salafi est la Côte d’Ivoire 🇨🇮.

Ce sont les dioulas de la région de Sikasso (sud Mali) et Bouaké qui s’y illustrent. Le célèbre prédicateur TIÉKORO KAMAGATÉ entre en scène.

Il est Issu d’une famille dioula du Mali versée dans le commerce et le din et installée en Cote d’Ivoire. Il fait un hajj périlleux en 1929 et passe plusieurs années à La Mecque puis au Moyen-Orient.

De retour en 1944, les shouyoukhs locaux reconnaissent sa science.

Problème : TIÉKORO KAMAGATÉ s’oppose à l’islam local et aux confréries : il appelle au tawhid et à l’abandon des superstitions.

L’administrateur colonial Beyries écrit dans son rapport secret sur l’islam en Cote d’Ivoire :

"Une des plus notables figures parmi les Musulmans ivoiriens est celle de Tiékoro Kamagaté, la première personne à avoir importé les idées d’Abd el Wahhab du Hejaz où il séjourna 7 ans.

Il a bataillé contre les clercs traditionnels (karamoko) vivant dans la région de Bouaké..."

Le 🇫🇷 poursuit:

" Il a fait siens les reproches faits par les Wahhabites contre les soufis, l'adoration des saints, les marabouts, il désire un Islam fidèle au Coran et il prie avec les bras croisés sur la poitrine".

La spécifité de sa da’wa, qui rencontre un énorme succès auprès de la jeunesse mais aussi des commerçant opprimés, au-delà de ses reproches classiques adressées aux soufis...

est d’appeler à une conscience politique : il ne s’agit pas d’une salafiya « apolitique »

Cette prédication est performante (et utile) : al-Hajj Kabiné Diané, imam de la mosquée de Bouaké est soupçonné de « wahhabisme » par Beyriès dans son rapport de 1952 ;

Avec son compagnon, Mamadou Cissé, professeur à la madrasa de Tingrela, ils prêchent le soir au peuple.

Fodé Souleyman Kante, érudit et linguiste respectant Kamagaté malgré certaines divergences, est quant à lui à l’origine du système d’écriture N’ko

Les marabouts et les confréries dénoncent KAMAGATÉ aux autorités coloniales. Le contexte est intéressant :

⬛️ d’un côté, l’administration coloniale et leurs alliés soufis ;

🟥 de l’autre, Kamagaté et sa salafiya... ET des indépendantistes ivoiriens !

Hophouet-Boigny (kafir), fondateur d’un mouvement politique indépendantiste, considère alors l’islam prêché par les salafi de Kamagaté comme un allié dans la lutte de libération.

Tiékoro Kamagaté est arrêté en 1947 et assigné à résidence en 1948 à Marabadiassa.

La République, du Sénégal à la Cote d’Ivoire, opère son virage et déclare alors la guerre au « wahabbisme », allié (tacite) des révolutionnaires.

Sur les ordres du savant soufi Ibrahim Kaba, les salafi sont persécutés :

les jeunes musulmans qui prient les bras croisés (qabd) ou parlent de « désaveu » sont tabassés et expulsés des villages et des mosquées. Les femmes en niqab sont déconsidérées.

Craignant pour leur renommée et leurs ressources, les marabouts proclament le takfir des « wahabbites ».

Leurs intérêts rejoignent alors ceux des Français, d’accord pour dénoncer de concert ET le « wahhabisme » de KAMAGATÉ…
ET le mouvement d’indépendance (laique).

À nouveau arrêté et jugé, mort en 1957, TIÉKORO KAMAGATÉ par sa da’wa sur le tawhid et les salaf, l’éducation populaire de ses compagnons et sa claire opposition aux Français...

a eu une influence MAJEURE sur l’islam dans toute la région
رحمه اللَّه تعالى

à lire:

- la société ivoirienne et les mouvements religieux, mémoire de Moustapha Bamba
- Youth, Islam and changing identities in Bouake, Marie Nathalie Le Blanc
- West African ʿulamāʾ and Salafism in Mecca and Medina, Chanfi Ahmed
- Le wahhabisme à Abidjan, Marie Miran-Guyon

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