#JacquesChirac est mort jeudi dernier et a été enterré en grande pompe lundi : exposition du cercueil, discours, minute de silence dans les écoles, etc... Au Moyen Âge, la mort du roi est également un moment politique crucial. Un thread ⬇️ ! #histoire#medievaltwitter
Précisons d'abord que le rituel des funérailles royales varie beaucoup en fonction des royaumes, et au fil du temps. Entre le VIIe et le XVIe siècle, en France, on n'enterre plus du tout les rois de la même façon. Impossible donc de généraliser sur « la mort du roi au Moyen Âge »
Y a-t-il des points communs avec aujourd'hui ? Clairement, oui. La nouvelle de la mort du roi est annoncée dans tout le royaume. En Catalogne, par exemple, on sonne le tocsin dans toutes les villes et les officiers royaux crient partout « le seigneur roi est mort ! »
On décrète plusieurs jours de deuil à l'échelle du royaume. Les villes doivent organiser des processions et on met les petits plats dans les grands : flambeaux, discours, rues décorées, etc. Bref, dès cette époque, la mort du roi est un événement médiatique
Autour du corps du roi défunt se déploie une grande cérémonie, destinée à le glorifier. En 1189, Henri II Plantagenêt (roi d'Angleterre) est enterré « portant sa couronne, tenant le sceptre royal, avec des des chaussures tissées d'or, un baudrier et une épée » #rienqueça
D'ailleurs les rois se soucient de leur futur enterrement : le testament du roi de Catalogne Pierre le Cérémonieux précise qu'il faudra l'enterrer avec tous les « signes de la royauté », notamment une superbe couronne d'argent, d'or et de cristal...
Lors de la cérémonie, on prononce l'oraison funèbre du roi défunt, rappelant ses exploits, sa grandeur d'âme, sa justice. Le but est bien d'héroïser le souverain défunt, en passant sous silence évidemment ses défauts et ses échecs. Comme aujourd'hui, là encore...
La cérémonie attire les élites politiques du temps (notamment ecclésiastiques), mais aussi des souverains étrangers : Poutine est venu aux obsèques de Chirac ; en 1223, pour les funérailles de Philippe Auguste, on trouve dans l'assistance Jean de Brienne, roi de Jérusalem
Le peuple participe, ne serait-ce qu'en pleurant quand passe le cortège royal. Les chroniqueurs insistent sur la tristesse de la foule, symbole d'unité du royaume. C'est le but recherché avec la minute de silence dans les écoles : faire l'unité par le deuil d'un dirigeant
Où enterre-t-on le roi ? Le tombeau royal est un lieu de mémoire important pour la dynastie. Il attire des visiteurs et des pèlerins – et peut être tellement rentable que parfois les églises du royaume se disputent violemment l'honneur d'accueillir le corps du roi !
Certains rois choisissent une église/une abbaye particulière, à laquelle ils sont attachés. D'autres voient leur corps dispersé entre plusieurs lieux. D'autres encore privilégient un même lieu, qui devient alors le conservatoire de la mémoire familiale
C'est notamment le cas des rois de France qui se font (presque tous) enterrer dans la basilique de #saintdenis. L'organisation des tombeaux, plusieurs fois remaniée durant la période médiévale, est un discours architectural mettant en scène la continuité de la lignée royale
Par contre, différence essentielle entre le Moyen Âge et ajd : on a enterré un ex-président, alors que le roi médiéval meurt en étant encore roi, puisque c'est une fonction que l'on occupe à vie. Dès lors sa mort rime toujours avec une succession politique
Peu à peu, en France, une nouvelle formule se développe : « le roi est mort, vive le roi ! » (attestée en 1498 sous cette forme). La phrase affirme la continuité automatique de la lignée royale : à l'instant même où le vieux roi décède, un nouveau roi apparaît
Cette phrase participe du développement du principe dit des « deux corps du roi » : le roi a un corps mortel, qui meurt, et un corps immortel, continué par son successeur #Kantorowicz
D'ailleurs, le corps du roi est placé au cœur de la cérémonie : il est notamment exposé à visage découvert. Ce qui n'est pas évident, car figurez-vous qu'un corps mort se décompose assez vite... ! poke @lebizarreum1
@lebizarreum1 Philippe III meurt ainsi le 5 octobre 1285, à Perpignan. Son corps n'arrive à Saint-Denis que le 3 décembre, toutes les villes sur le passage ayant tenu à honorer le roi défunt. On imagine assez bien l'état du royal macchabée, trimbalé depuis deux mois dans un cercueil de bois...
@lebizarreum1 Pour retarder la décomposition, on fait parfois des choix radicaux : quand Baudouin Ier de Jérusalem meurt, en 1118, en Egypte, on l'éviscère et on le remplit de sel et d'herbes aromatiques, pour qu'il soit un minimum présentable au moment de l'enterrer à Jérusalem... #topchef
@lebizarreum1 Petit à petit, on prend l'habitude de faire réaliser une effigie du roi défunt (en bois et en cire), qu'on exhibe et qu'on traite comme si elle était vivante. Symboliquement, le roi ne meurt que quand on ferme sa tombe
@lebizarreum1 Conséquence intéressante de cette innovation : à partir du milieu du XVe siècle, le nouveau roi ne peut plus assister aux funérailles de l'ancien, car sinon, il y aurait deux rois de France présents au même moment ! Le fils n'assiste dès lors plus à l'enterrement de son père...
@lebizarreum1 Aujourd'hui, le pouvoir ne se transmet plus héréditairement : les enjeux des funérailles royales et présidentielles sont donc forcément très différents. Reste que, lundi dernier, on a bien cherché une forme de sacralité politique
@lebizarreum1@acrimed_info Au Moyen Âge, ces grandes cérémonies servaient avant tout à mettre en scène le prestige de la dynastie, et dès lors à conforter l'autorité du nouveau roi. En pleurant l'ancien souverain, on accepte du même geste (pas forcément consciemment !) son successeur...
L'#antisemitisme est au cœur de l'actualité. Comme souvent, prendre un peu de recul historique est utile pour mieux comprendre notre présent.
Donc : la haine des Juifs au Moyen Âge, un thread, coécrit avec @alecmimoun ⬇️! #histoire #medievaltwitter
Pendant le Haut Moyen Âge, les Juifs, présents en Occident sous la forme de petites communautés, le plus souvent en ville, sont globalement bien intégrés et tolérés partout, malgré quelques écrits polémiques ponctuels. Les choses se gâtent à partir du XIe-XIIe siècle.
Les historiens ont proposé plusieurs raisons à cette évolution. J. Cohen voit ce tournant vers la fin du XIIe s, avec l’émergence des Ordres Mendiants qui sous couvert de lutte contre l’hérésie s’engagent dans un véritable harcèlement contre les Juifs (bûchers du Talmud, etc).
Saviez-vous que les Vikings n'existent pas ? Eh oui : il faut parler des vikings... Promis, ce n'est pas un détail ni un truc relou d'historien : c'est vraiment important pour comprendre qui ils étaient...
Un thread ⬇️ ! #histoire #medievaltwitter
En réalité, c'est tout simple. Quand on écrit Vikings, avec une majuscule, on en fait un peuple, comme les Perses, les Francs, les Allemands, ce que vous voulez...
Or on associe souvent l'idée de peuple avec l'idée d'une unité culturelle, linguistique, etc. On va donc souvent parler de "la religion des Vikings" par exemple.
#Ciotti exclu des #Républicains mais qui affirme qu'il en reste le président... Ça s'appelle un #schisme ! Ou un début de schisme.
Et le médiéviste (un peu mort de rire devant ces événements, avouons-le) dégaine alors... LE GRAND SCHISME ! Un thread ⬇️
On est en 1378 et le pape vient de mourir. Depuis quelques années, la papauté s'est installée à Avignon, pour fuir le climat de Rome... et les Romains trop souvent révoltés. Grégoire XI a tenté de reprendre Rome et c'est là qu'il meurt
Les cardinaux se réunissent alors (c'est ce qu'on appelle un conclave) et élisent l'archevêque de Bari, qui prend le nom d'Urbain VI. L'élection s'est faite en partie sous la pression de la foule romaine qui réclame un pape italien...
Connaissez-vous Yde ? Héroïne d'une chanson de geste de la fin du XIIIe siècle, c'est une princesse-chevaleresse qui épouse une autre femme...
Un thread ⬇️! #histoire #medievaltwitter
La chanson d'Yde et Olive est peu connue. Elle vient d'être superbement éditée, avec intro et appareil critique, par E. Podetti chez @HonoreChampion (attention, ce n'est pas une traduction en français moderne, mais E. Podetti est en train d'en préparer une !)
@HonoreChampion C'est une chanson en ancien français, inscrite dans le cycle de Huon de Bordeaux, un héros épique très célèbre au Moyen Âge, un peu oublié aujourd'hui...
Le 15 juin 1944, le New-Yorker consacre sa Une au Débarquement avec une illustration médiévaliste : une reprise et actualisation de la broderie (pas tapisserie) de Bayeux ! Petit thread pour décrypter chaque case... ⬇️ ! #histoire #6juin2024 #DDay
Dans la première case, on voit à gauche le roi Georges, le président étatsunien Roosevelt et le Premier ministre Churchill. Le texte latin dit "George Rex absit invidia", donc "le roi George repousse les querelles".
Cette case reprend explicitement la première partie de la broderie de Bayeux, qui montre le roi Edward discutant avec Harold, futur roi d'Angleterre. Notez que le décor est exactement le même.
Au Moyen Âge, les juristes aiment bien travailler à partir de cas extrêmes. L'un d'eux est particulièrement épineux : comment juger un pape criminel ?
Vous allez voir que la question et, surtout, ses réponses sont d'une grande actualité...
Un thread ⬇️ ! #histoire
Au XIIe siècle, Huguccio est l'un des plus importants canonistes, un spécialiste du droit canon. Il invente une petite fiction légale : que se passe-t-il si le pape, chef suprême de l'Eglise, devient hérétique... ?
Pour aller au bout du raisonnement, il imagine même que le pape prouve cette hérésie en couchant publiquement avec sa concubine, sur l'autel de l'église, en pleine messe...
(fiction légale VACHEMENT plus facile à imaginer à une époque où les papes n'avaient pas 103 ans 😅)