Depuis l’été dernier, le gouvernement a annoncé une privatisation d'ampleur des #barrages hydrauliques français. Mais... a-t-il le droit de faire ça ? Petite excursion dans le droit médiéval, aux sources de l'idée de "bien commun". Un thread ⬇️ ! #histoire#MedievalTwitter
Au milieu du XIIe siècle, de nouvelles idées politiques émergent. Des juristes, des historiens, des philosophes adaptent des concepts anciens (la « majesté », coucou la #teamromains !) ou fabriquent de nouveaux concepts. Et notamment celui de « royaume »...
Certes le terme royaume (regnum en latin) n'est pas neuf. Mais à cette époque il change peu à peu de sens. Le royaume ne se réduit plus à la personne royale ; au contraire, c’est de plus en plus le royaume qui définit le roi.
Ce qui revient à dire que le roi ne possède pas le royaume : il l’a reçu de Dieu et doit le gérer au mieux. A partir de là, les juristes élaborent (progressivement et ça varie beaucoup en fonction des lieux) un autre concept : celui d’inaliénabilité du domaine royal.
C'est une idée simple : le roi n’a pas le droit de vendre, de donner, d’échanger, bref d’amoindrir de quelque façon que ce soit le royaume. Le roi peut donner son cheval, son manteau ou sa bague : il ne peut pas donner son palais, une région du royaume ou ses forteresses...
Un exemple : en 1185, Baudouin IV de Jérusalem, le roi lépreux (oui, « comme dans Kingdom of Heaven »...) nomme comme héritier Guy de Lusignan et lui fait jurer « de ne pas transférer ou aliéner les villes et châteaux que le roi possède »
En 1264, à l'autre bout de la chrétienté médiévale, le prince de Novgorod s'engage de même devant ses sujets à « ne pas aliéner de territoire » sans le consentement de l'assemblée des Novgorodiens
Cette interdiction semble se traduire dans la pratique. Quand l’empereur byzantin Jean Comnène ordonne au prince d’Antioche de lui donner la ville, ce dernier répond qu’il n’en a pas le droit : il dirige certes la ville, mais elle appartient à l'ensemble des citoyens, pas à lui !
Et cette interdiction est bien affirmée dans les textes de lois : le premier chapitre du Livre au Roi (début XIIIe siècle, royaume de Jérusalem) explique avec insistance que le roi ne peut pas donner ou vendre les forteresses du royaume
L'interdiction concerne en particulier les ordres religieux-militaires (Templiers, Hospitaliers) et les communes marchandes italiennes. Ces entités n'ont donc pas le droit de recevoir des parties du royaume. Bref, osons l'anachronisme : on interdit les #privatisations !
Ajd, le gouvernement dit qu'il est nécessaire de vendre les barrages (ou la Française des Jeux, ou les aéroports de Paris...) pour trouver de l'argent. Argument apparemment imparable... mais les médiévaux y avaient déjà pensé !
Très précis, le Livre au Roi explique en effet que cette interdiction reste valable « peu importe le besoin que le roi pourrait en avoir ». Le roi ne peut donc pas arguer de son besoin d’argent : les biens du royaume sont intouchables, point.
Petit à petit, le royaume est ainsi défini comme un bien commun, appartenant à tous (enfin... à tous les nobles, au moins), comme une « chose publique » - en latin, « res publica », une autre idée redécouverte à cette époque
C'est à cette époque que le mot « publique » se multiplie dans les chartes, pour désigner une route, un puits, un moulin, etc, que les dirigeants peuvent exploiter mais pas détruire ou vendre. Une nouvelle conception du commun (et des communs) apparaît alors
Conception qui autorise même les soulèvements : selon le Livre au Roi, si le roi tente de vendre les forteresses, les chevaliers doivent se rebeller contre lui, car il "trahit" son devoir. La fidélité envers le royaume passe donc avant la fidélité envers le roi !
Ces textes médiévaux donnent ainsi une leçon politique claire : la « chose publique » est précisément ce que le dirigeant ne peut pas vendre. Par conséquent, quand l'Etat décide de vendre les barrages, NOS barrages, il trahit son identité profonde
En faisant des barrages une « chose privée » qu'il peut vendre à son gré (et à bas prix en plus... !), l'Etat semble oublier qu'il n'existe que pour servir le bien commun. Retrouvez notre article complet sur @libe : actuelmoyenage.blogs.liberation.fr/2019/11/04/fai…
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Je vous ai parlé il y a peu de la 4e croisade, celle qui aboutit en 1204 à la prise de Constantinople.
On accuse souvent les Vénitiens d'avoir orchestré tout ça pour s'enrichir... Mais cette vision est aujourd'hui critiquée par les médiévistes.
Un thread ⬇️! #histoire
Quelques rappels d'abord. Partie en 1202, cette croisade a pour objectif la conquête de l'Egypte. Les chefs croisés ont demandé à Venise de leur construire une flotte, mais ont oublié un détail : il faut la payer. Et évidemment ils n'ont pas assez d'argent...
Les Vénitiens leur proposent donc de s'emparer de Zara, une cité rebelle de Venise sur la côte dalmate, afin de rembourser le coût de la gigantesque flotte de guerre armée par le doge. Aussitôt dit, aussitôt fait.
J'ai enfin eu l'occasion de visiter l'expo "Cathares, Toulouse dans la croisade" organisée par le @MSR_Tlse. Elle est formidable : un thread ⬇️ !
L'exposition est sur deux lieux. Au @MSR_Tlse, toute la partie contexte et événements de la croisade contre les Albigeois, avec notamment une belle frise chrono pour retracer batailles et sièges, morts et redditions...
@MSR_Tlse Et de supers dispositifs muséo comme ces grands boucliers, réalisés sur mesure pour l'expo dans une démarche d'histoire vivante, pour présenter les différents protagonistes de cette croisade... #teamRaimondcomtedeToulouse ou #teamSimondeMontfort ?
L'#antisemitisme est au cœur de l'actualité. Comme souvent, prendre un peu de recul historique est utile pour mieux comprendre notre présent.
Donc : la haine des Juifs au Moyen Âge, un thread, coécrit avec @alecmimoun ⬇️! #histoire #medievaltwitter
Pendant le Haut Moyen Âge, les Juifs, présents en Occident sous la forme de petites communautés, le plus souvent en ville, sont globalement bien intégrés et tolérés partout, malgré quelques écrits polémiques ponctuels. Les choses se gâtent à partir du XIe-XIIe siècle.
Les historiens ont proposé plusieurs raisons à cette évolution. J. Cohen voit ce tournant vers la fin du XIIe s, avec l’émergence des Ordres Mendiants qui sous couvert de lutte contre l’hérésie s’engagent dans un véritable harcèlement contre les Juifs (bûchers du Talmud, etc).
Saviez-vous que les Vikings n'existent pas ? Eh oui : il faut parler des vikings... Promis, ce n'est pas un détail ni un truc relou d'historien : c'est vraiment important pour comprendre qui ils étaient...
Un thread ⬇️ ! #histoire #medievaltwitter
En réalité, c'est tout simple. Quand on écrit Vikings, avec une majuscule, on en fait un peuple, comme les Perses, les Francs, les Allemands, ce que vous voulez...
Or on associe souvent l'idée de peuple avec l'idée d'une unité culturelle, linguistique, etc. On va donc souvent parler de "la religion des Vikings" par exemple.
#Ciotti exclu des #Républicains mais qui affirme qu'il en reste le président... Ça s'appelle un #schisme ! Ou un début de schisme.
Et le médiéviste (un peu mort de rire devant ces événements, avouons-le) dégaine alors... LE GRAND SCHISME ! Un thread ⬇️
On est en 1378 et le pape vient de mourir. Depuis quelques années, la papauté s'est installée à Avignon, pour fuir le climat de Rome... et les Romains trop souvent révoltés. Grégoire XI a tenté de reprendre Rome et c'est là qu'il meurt
Les cardinaux se réunissent alors (c'est ce qu'on appelle un conclave) et élisent l'archevêque de Bari, qui prend le nom d'Urbain VI. L'élection s'est faite en partie sous la pression de la foule romaine qui réclame un pape italien...
Connaissez-vous Yde ? Héroïne d'une chanson de geste de la fin du XIIIe siècle, c'est une princesse-chevaleresse qui épouse une autre femme...
Un thread ⬇️! #histoire #medievaltwitter
La chanson d'Yde et Olive est peu connue. Elle vient d'être superbement éditée, avec intro et appareil critique, par E. Podetti chez @HonoreChampion (attention, ce n'est pas une traduction en français moderne, mais E. Podetti est en train d'en préparer une !)
@HonoreChampion C'est une chanson en ancien français, inscrite dans le cycle de Huon de Bordeaux, un héros épique très célèbre au Moyen Âge, un peu oublié aujourd'hui...