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1. Avant les commissions d'enquête et les procès, examinons dès à présent les responsabilités de l'exécutif dans la désastreuse gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19.
2. Double avertissement :

a) Ce fil est très long : 241 messages (~25 pages). On essayera de mettre un lien ThreadReaderApp à la fin.
b) Si vous estimez qu'il est « trop tôt » pour parler de cela ou que c'est « trop polémique », ne le lisez pas.
3. En ce qui nous concerne, la grosse ficelle de l' « union sacrée » qui ne vise qu'à mettre un coup de chloroforme sur la critique : non merci.

Ils disent que nous sommes dans le même bateau ? C'est faux — ou alors, disons qu'il y a une 1ère, une 2ème et une 3ème classe…
4. Certains corps sont plus sacrifiables que d'autres. Certains obtenaient "miraculeusement" des tests en l'absence de symptômes graves, d'autres non (y compris des soignants) ; certains prennent les décisions dans des bureaux, d'autres les subissent sur le terrain.
5. Nous ne sommes pas en guerre, nous sommes au milieu d'un désastre sanitaire à cause de l'impréparation totale du gouvernement, de sa sous-réactivité et de ses choix passés. Une grande partie de ce désastre était évitable. On aurait pu et dû faire beaucoup mieux.
6. On écrit aussi ce fil parce que le gouvernement (a) n'a toujours pas pris certaines mesures nécessaires, (b) semble s'être persuadé qu'il a bien géré cette crise et donc (c) va persister dans l'erreur, tout en reportant avec cynisme la faute sur la population.
7. Sommaire du fil.

On commencera par présenter rapidement ce qu'est une épidémie à croissance exponentielle.
8. On continuera avec un rapide historique de la crise, en s'appuyant notamment sur ce que disait l'Organisation Mondiale de la Santé et en partant d'un principe simple : ce que l'OMS sait, le gouvernement le sait aussi (et donc doit pouvoir anticiper et agir en conséquence).
9. On abordera ensuite la question des multiples pénuries, qui sont la marque la plus criante de l'incompétence gouvernementale. Enfin, on discutera de la stratégie de l'exécutif et, après avoir passé en revue quelques-unes de ses erreurs grossières, de ses priorités.
10. L'épidémie dans laquelle nous sommes a connu une croissance exponentielle. Sur une échelle linéaire, une exponentielle ressemble à cela : à partir d'un nombre initialement modeste, le nombre de cas va vite grimper en flèche et "exploser" au bout d'un certain temps.
11. On appelle taux de reproduction, noté R, le nombre moyen d'individus qu'une personne contaminée peut infecter. Si R = 2, alors chaque individu contaminé en infecte en moyenne 2 autres, qui à leur tour en contaminent 2 autres, etc.
12. Cette notion permet d'avoir une idée de l'ampleur et de la vitesse potentielles d'une épidémie. Ci-dessous, le nombre de contaminations à partir d'un seul cas au départ selon que ce R soit égal à 2 ou 2,5 ou 3.
13. On a pris ces chiffres car le R0 (taux de reproduction de base, lorsque personne n'est immunisé dans la population, ce qui est le cas au début de l'épidémie) du coronavirus qui nous préoccupe est fréquemment estimé entre 2 et 3.
14. Au bout de quelques cycles de contamination, on observe que les variations sont énormes selon R, d'où l'importance de réduire très vite R au début de l'épidémie pour éviter une explosion incontrôlable du nombre de cas quelques semaines plus tard.
15. Visuellement, on mesure très facilement tout l'enjeu de la distanciation sociale. Le gouvernement aurait dû inclure des représentations graphiques dans sa communication au départ, un schéma vaut parfois mieux que de longs discours.

(Ou un gif.)

16. R va avoir tendance à baisser au cours du temps : les individus guéris ne peuvent plus servir de « carburant » à l'épidémie, les mesures prises et les changements de comportement vont réduire les probabilités de contamination.
17. Pour que l'épidémie cesse, il faut faire durablement passer ce R sous 1 : si chaque personne contaminée en infecte en moyenne moins d'1, l'épidémie finit par s'éteindre à terme. Inversement, si R est supérieur à 1, l'épidémie continue de s'étendre.
18. Une épidémie est un phénomène social, par conséquent le taux de reproduction varie selon de nombreux paramètres. Il n'y a pas que la contagiosité intrinsèque du virus, il y a aussi le nombre d'interactions sociales, l'hygiène, etc.
19. Pour maîtriser une épidémie à la fois rapide et dangereuse, il faut idéalement casser l'exponentielle tôt. Un peu comme un départ de feu en forêt, il faut agir vite dès le départ pour circonscrire les dégâts. Sinon, tout se met à brûler, et faute de moyens matériels…
20. … on n'arrive plus à arrêter un méga-incendie qui s'alimente de lui-même (comme en Australie).

Dans cet article (en anglais), un chercheur déclare ainsi : « Le temps qu'a mis la Chine à agir est probablement la cause de cet événement mondial »

nature.com/articles/d4158…
21. Le 16 mars, Véran résume toute la philosophie des erreurs gouvernementales : « À mesure que l'épidémie progresse, nous sommes en mesure de prendre les décisions qui permettent de protéger les Français. »

C'est exactement ce qu'il ne faut pas faire.

22. Face à une courbe exponentielle, les réponses graduées (y aller doucement au début, puis de plus en plus fort) sont une erreur au coût exorbitant. Il faut agir agressivement et prendre des mesures drastiques quand ça paraît encore trop tôt.
23. Face à une courbe épidémique exponentielle, « au fur et à mesure » veut dire : « trop peu, trop tard ». Si la Chine a fini par s'en tirer, du moins pour l'instant, c'est parce qu'elle a adopté des mesures lourdes après son retard initial.
24. En réagissant plus tôt, elle aurait pu faire beaucoup mieux. Une simulation présentée dans l'article Nature cité plus haut obtient les résultats suivants : si la Chine avait mis en application ses mesures de contrôle plus tôt, elle aurait pu prévenir…
66% des cas si elle avait agi 1 semaine plus tôt ;
86% des cas si elle avait agi 2 semaines plus tôt ;
95% des cas si elle avait agi 3 semaines plus tôt.
26. Il sera intéressant de voir ce que donneront les simulations en France, pour savoir ce qu'ont coûté les 1 à 2 semaines de retard du gouvernement dans la décision de confiner — et ce que va coûter le fait d'avoir continué à envoyer les gens bosser pour du non-essentiel.
27. Passons à l'historique.

Fin 2019, des cas de pneumonies d'origine inconnue apparaissent en Chine, à Wuhan. L'OMS est informée le 31 décembre 2019, les cas commencent à s'accumuler.

Baptisé 2019-nCoV puis SARS-CoV-2 (en anglais), le coronavirus provoque la maladie Covid-19.
28. Buzyn déclare avoir alerté le directeur général de la santé (Jérôme Salomon) après avoir vu sur « un blog anglophone » des « pneumopathies étranges » le 20 décembre 2019.
JANVIER

1-3 janvier 2020 : la police chinoise arrête des médecins, accusés de propager de « fausses informations » sur la nouvelle maladie.
7 janvier : le génome du virus est isolé.
9 janvier : premier mort confirmé à Wuhan.
11 janvier : Buzyn dit avoir alerté Macron.
12 janvier : la Chine partage la séquence génétique du virus.
17 janvier : protocole de test diagnostique publié par l'OMS, réalisé en Allemagne.
20 janvier : premiers cas de soignants infectés rapportés à l'OMS.
21 janvier : l'OMS commence à publier des rapports réguliers sur le Covid-19.

Quand vous lirez [OMS X] à partir de maintenant, ça signifie « source : rapport X de l'OMS ».

Vous pouvez les trouver ici (en anglais) : who.int/emergencies/di…
22 janvier : confinement à Wuhan (non sans que des millions d'habitants soient partis avant…) et d'autres villes. 20 millions d'habitants sont confinés. Il y a alors environ 600 cas officiellement recensés. Le port du masque devient obligatoire.
23 janvier : L'OMS : « Actuellement, les cas infectés en Chine ont été exportés aux États-Unis, en Thaïlande, au Japon et en République de Corée. On s’attend à ce que d’autres cas soient exportés vers d’autres pays et que la transmission se poursuive. » [OMS 3]
« 25% des cas confirmés signalés par la Chine ont été classés par les autorités sanitaires chinoises comme gravement malades » [OMS 3]
Dans la déclaration du comité d'urgence, l'OMS avance qu' « il existe une transmission interhumaine du virus » et estime le taux de reproduction de base (R0) « entre 1,4 à 2,5 ».

who.int/fr/news-room/d…
24 janvier : premiers cas recensés en France (des touristes chinois).

L'OMS : « De nouvelles informations épidémiologiques renforcent la preuve que le virus 2019 peut être transmis d’un individu à un autre. » [OMS 4]
« Lors des précédentes épidémies dues à d’autres coronavirus (...), la transmission d’homme à homme s’est faite par gouttelettes, par contact et par des fomites [objet contaminé], ce qui suggère que le mode de transmission du 2019-nCoV peut être similaire. » [OMS 4]
25 janvier : Xi Jinping déclare que la situation est « grave » et que l'épidémie s'accélère. La région entière de Hubei, soit près de 60 millions d'habitants, est placée en quarantaine.

lemonde.fr/planete/articl…
26 janvier : la Chine annonce que des malades asymptomatiques peuvent transmettre le virus pendant la période d'incubation.

bbc.com/news/world-asi…
« À l’arrivée à Roissy des premiers vols en provenance de Chine, épicentre d’une nouvelle épidémie de coronavirus, les passagers s’étonnent dimanche matin [26/01] de l’absence de contrôles et du dispositif sanitaire léger à l’aéroport. »

ouest-france.fr/monde/coronavi…
30 janvier : l'OMS déclare que le Covid-19 est une urgence de santé publique de portée internationale.

L'Italie suspend ses vols avec la Chine.

Buzyn dit à Philippe que les élections ne pourront sans doute pas se tenir.
Du 22 au 30 janvier : différents pays ferment leurs frontières avec la Chine (Corée du Nord, Mongolie, Hong Kong, Russie). Les liaisons Paris-Wuhan sont suspendues le 23 janvier.

31 janvier : premiers rapatriements depuis Wuhan.
« Le Comité [d'urgence de l'OMS sur le COVID-19] estime qu’il est encore possible d’interrompre la propagation du virus, à condition que les pays mettent en place des mesures fortes pour détecter la maladie à un stade précoce, …
… isoler et traiter les cas, retracer les contacts et promouvoir des mesures de distanciation sociale proportionnelles au risque. » [OMS 11]
45. Bilan : que sait-on fin janvier ? Qu'un nouveau virus sévit ; on ne le connaît pas encore très bien, mais il se transmet entre humains, provoque un certain nombre de cas graves et peut tuer ; il peut arriver en France puisqu'on a déjà eu des cas ; l'OMS sonne l'alarme.
46. Pire, le nouveau virus est peut-être transmissible par des individus asymptomatiques.

Pas mal de voyants sont déjà au rouge : une saloperie peu connue est en train de se balader, elle est bien contagieuse, potentiellement « silencieuse » et peut tuer.
FÉVRIER

1er février : « L’OMS est consciente de la possibilité de transmission du 2019-nCoV par des personnes infectées avant qu’elles ne développent des symptômes » [OMS 12]
3 février : Dans le document « Préparation stratégique et plan de réponse », l'OMS écrit : « Tous les pays sont exposés au risque et doivent se préparer » (p. 11) et rappelle la nécessité de gérer l'approvisionnement et les chaînes logistiques (p. 16).

who.int/docs/default-s…
Citons un peu le premier paragraphe de la page 16, qui prend une saveur particulièrement amère au stade où nous en sommes… (Le document s'adresse aux gouvernements.)
Traduction du bureaucrate au français : « assure-toi que tu auras bien tout ce qu'il te faudra. Et attention : si tu te reposes sur un pays pour t'approvisionner, rappelle-toi qu'il pourrait être mis hors-jeu par l'épidémie elle-même ».

(Au hasard… la Chine ?)
10 février : tous les pays de l'espace Schengen ont suspendu les visas avec la Chine… sauf la France.

schengenvisainfo.com/news/confirmed…

14 février : décès du touriste chinois de 80 ans en France (premier décès hors d'Asie).

16 février : Buzyn démissionne, remplacée par Véran.
19 février : l'OMS avance des estimations des caractéristiques épidémiologiques du virus.

Durée médiane d'incubation : 5-6 jours
Taux de létalité (% de décès) sur cas recensés en Chine : 2,3%
Taux de létalité sur l'ensemble des cas (recensés ou non) : de 0,3 à 1%
Intervalle sériel (temps entre le début des symptômes chez un cas primaire et chez un cas secondaire infecté par le cas primaire) : entre 4,4 et 7,5 jours [OMS 30]

À partir de ces chiffres (provisoires, ils seront affinés plus tard), on peut commencer à faire des hypothèses.
54. On peut déjà se rendre compte que l'épidémie est potentiellement très dangereuse : si on laisse circuler le virus jusqu'à ce qu'il touche une bonne partie de la population, c'est le carnage assuré.
21 février : premiers confinements en Italie.

22 février : Le directeur général de l'OMS se dit « préoccupé par le nombre de cas de coronavirus sans lien clair avec la Chine ou d'autres cas confirmés et avertit que la fenêtre d'opportunité pour contenir l'épidémie se rétrécit. »
En langage trivial : « bougez-vous le cul ! »

(Le détail qui rend compte du fait qu'on était dans un autre monde : la BBC avait classé cet avertissement dans la rubrique Asie. Ça paraissait encore si loin… et pourtant l'Europe serait bientôt en feu !)

bbc.com/news/world-asi…
23 février : la France déclenche le stade 1. Elle passe une commande de masques FFP2.

Quand seront-ils disponibles ? « Pas avant 3 à 4 semaines ». Oups, déjà trop tard…

liberation.fr/checknews/2020…
25 février : premier décès "autochtone" en France, dans l'Oise.

Le chef de la mission d'observation du coronavirus en Chine déclare : « le monde n'est tout simplement pas prêt » à faire face à l'épidémie. Il faut s'inspirer de la méthode chinoise, dit-il.
lemonde.fr/planete/articl…
26 février : le match Lyon-Turin est maintenu avec 3 000 supporters venus d'Italie (où l'épidémie prenait son envol).

« Selon le gouvernement, la situation sanitaire ne nécessitait pas une telle décision [le report du match]. »

francetvinfo.fr/sante/maladie/…
28 février : l'OMS réhausse la menace à un niveau « très élevé ».

La mission d'observation en Chine publie son rapport sur la réponse chinoise à l'épidémie.

who.int/docs/default-s…
Le rapport est flatteur pour la Chine, mais avance que la plupart des pays ne sont pas prêts, "ni mentalement, ni sur le plan matériel" à mettre en œuvre des mesures similaires, "qui sont pourtant les seules à avoir fait leurs preuves pour interrompre ou minimiser" l'épidémie.
62. Il émet 5 recommandations majeures aux pays qui ont des cas importés ou une épidémie (à l'époque, c'est en train de démarrer en France), et notamment celles-là :
29 février : déclenchement du stade 2 en France.

Déclenchement du 49-3 lors du conseil sur le coronavirus : très malin pour attirer l'attention du grand public sur l'épidémie à venir…
Du 26 au 29 février : le nombre de cas recensés, jusqu'ici assez stable, commence à augmenter fortement en France, passant de 18 à 100.

L'Italie, en avance, est entre 400 et 1 100 cas à la même époque.

La Chine a déjà dépassé son pic épidémique.
65. Bilan fin février : on sait que le virus peut être transmis par des malades sans symptômes ; l'OMS n'a cessé d'alerter, en rappelant bien qu'il fallait être prêt sur le plan matériel ; le premier pays touché a fini par bloquer le virus ; la pandémie est en train de décoller.
MARS

2 mars : Le directeur de l'OMS : « L'endiguement du COVID-19 est faisable et doit rester la priorité absolue pour tous les pays. Avec des mesures précoces et agressives, les pays peuvent arrêter la transmission et sauver des vies. »

who.int/dg/speeches/de…
3 mars : « Nous ne sommes pas en épidémie, nous faisons face à une menace épidémique qui se rapproche et nous anticipons la situation » (Véran)

4 mars : fermeture des écoles en Italie (à 3100 cas).

Ndiaye sur France Inter : « On ne fermera pas toutes les écoles de France »
68. Elle ajoute : « Mais si le virus circule partout en France, "alors on laisse les gens vivre et on prend des précautions pour que les plus fragiles soient les mieux protégés". »

francetvinfo.fr/sante/maladie/…
[À ce stade, le gouvernement n'envisageait donc toujours pas de mesures drastiques pour faire cesser la circulation du virus. « Si le virus circule partout, on laisse les gens vivre » = pas de confinement national prévu.]

5 mars : « l'épidémie est inexorable » (Macron)
7 mars : « Chaque gouv. doit absolument maîtriser la propagation, faute de quoi ses citoyens en pâtiront et les autres pays aussi. (…) Nous devons saisir toutes les occasions d’enrayer, d’endiguer, de combattre et de retarder la propagation du virus »

who.int/fr/news-room/d…
Pendant ce temps, à la cour…

« La vie continue. Il n’y a aucune raison, mis à part pour les populations fragilisées, de modifier nos habitudes de sortie »

people.bfmtv.com/actualite-peop…
9 mars : rassemblements de plus de 1 000 personnes interdits en France.
Confinement général en Italie (9 172 cas, 463 morts).

11 mars : Fermeture des commerces non-essentiels en Italie.
L'OMS déclare l'état de pandémie.
Création du Conseil scientifique, « chargé d'éclairer la décision publique ».

« Les enfants ne constituent pas un public fragile, il ne faut donc pas avoir peur de les envoyer à l'école » (Véran)

Dans la nuit du 11 au 12 mars, Trump suspend les vols depuis l'Europe.
12 mars : « Nous n'avons jamais envisagé la fermeture totale des écoles » (Blanquer)

Le soir même, Macron annonce la fermeture des écoles.

L'OMS : « Il serait erroné et dangereux de passer de l’endiguement à l’atténuation. Il s’agit d’une pandémie contrôlable. » [OMS 52]
14 mars : passage au stade 3, c'est-à-dire d'une logique d'endiguement à une logique d'atténuation d'après la documentation officielle.

solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide_…
15 mars : 47 millions d'électeurs sont chaudement encouragés à se rendre aux urnes. 21 millions, dont une forte proportion de personnes âgées plus vulnérables, s'y rendront.

Confinement général en Espagne.
16 mars : Macron annonce un confinement (sans prononcer le mot) à 6 633 cas et 148 morts.

Le prévisible exode des bourgeois parisiens, qui s'en vont gentiment répandre le virus partout en France, se poursuit. Aucune mesure n'est prise pour les en empêcher.
78. L'OMS appelle à « tester, tester, tester » chaque suspicion de cas (ce qu'elle dit depuis le départ). Le directeur de l'OMS : « on ne peut pas combattre un incendie les yeux bandés. »

79. Malgré tous ces avertissements, lorsque l'épidémie se développe début mars, on n'a que dalle. On manque de tout : de tests, de masques (FFP2 et chirurgicaux), de gel — et bientôt, encore plus dramatique, on pourrait manquer de respirateurs.
80. Commençons par les tests. Ici, un graphique du nombre de tests réalisés entre fin février et mi-mars.

Source : lemonde.fr/les-decodeurs/…
81. D'autres pays testent (bien) plus. Ici, l'exemple de nos voisins de taille similaire, plus 2 pays asiatiques.

(Nombre de tests par million d'habitants pour neutraliser les différences démographiques.)
Les autorités en France déclaraient la capacité suivante de tests (par jour) :

17 mars : 2 500 (Direction générale de la Santé)
19 mars : 4 000+ (point presse Salomon)
22 mars : 5 000 (Véran, Le Grand Jury)
24 mars : Salomon annonce un objectif de 29 000 la semaine prochaine.
83. Pour comparaison, la capacité de test de l'Allemagne au même moment était de 160 000 par semaine (Les Décodeurs 20/03), soit environ 23 000 par jour (encore augmentée depuis) ; celle de la Corée du Sud était de 20 000 par jour à la mi-mars.

bbc.com/news/world-asi…
84. Au départ, comme recommandé, la France testait pour isoler les grappes de cas naissantes. Mais il semble très vite y avoir eu des problèmes matériels : pas assez de tests disponibles. C'est pourtant au démarrage de l'épidémie qu'il fallait mettre le paquet.
85. Le 6 mars, après une hausse brutale du nombre de cas dans le Haut-Rhin (l'un des foyers de contagion les plus avancés), le responsable du SAMU déclare ainsi : « Aujourd'hui, nous ne sommes plus en capacité, ni en termes de personnels, ni en termes de tests…
… de pouvoir prélever tout le monde pour faire ce test diagnostic. Seuls les patients qui présentent des caractères de gravité (…) feront l'objet d'un test. » [À partir de 1'03 dans la vidéo]

87. Le même jour : « À l'issue de la réunion, Olivier Véran a annoncé la possibilité pour les ARS [agences régionales de santé] de lever l'obligation de dépistage systématique des cas suspects si ceux-ci deviennent trop nombreux sur le territoire. »
 
ouest-france.fr/sante/virus/co…
Bref, la pénurie est devenue doctrine.

Bilan : ils ont merdé au stade le plus crucial de l'épidémie (le départ) parce qu'ils n'avaient pas prévu assez de tests, alors que le protocole existe depuis janvier et que l'OMS les alerte sur la logistique depuis début février.
89. Dans une petite ville italienne de 3 300 habitants, Vò, une expérience intéressante a été menée : tout le monde a été testé.

« Le but de l’opération est alors d’isoler les personnes atteintes du virus, même sans symptômes. »

francetvinfo.fr/sante/maladie/…
90. Un habitant commente : « C’est ce jour-là qu’on a appris que ma femme et mon fils avaient le coronavirus. Mais ils étaient sans symptômes ! Qui aurait arrêté mon fils qui était toujours dehors pour son travail ? Personne ! »
91. Résultat : épidémie arrêtée net grâce à l'isolement de toutes les personnes malades — et surtout les malades asymptomatiques (qui, faute de se savoir malades, ne modifient pas (assez) leur comportement et contaminent sans le savoir).
92. Évidemment, on n'a pas les moyens matériels de tester tout le monde à l'échelle d'un pays comme la France… mais au début de l'épidémie, on aurait dû pouvoir couvrir assez largement les besoins pour neutraliser les foyers de contagion naissants.
93. Le 18 mars, le président du Conseil scientifique concède que « si nous n'avons pas choisi cette stratégie en France (...), c'est parce que nous n'avons pas la capacité dans un premier temps de réaliser des tests pour un grand nombre de personnes »

francetvinfo.fr/sante/maladie/…
94. Dans son avis du 22 mars, le Conseil d'État reconnaît l'insuffisance matérielle : « La limitation, à ce jour, des tests aux seuls personnels de santé présentant des symptômes du virus résulte d’une insuffisante disponibilité des matériels »

conseil-etat.fr/actualites/act…
95. Le 21 mars, Véran annonce un changement de doctrine sur les tests en se réclamant des recommandations de l'OMS (qui n'ont pas changé depuis le départ…). Il dit vouloir « multiplier les tests au moment où nous lèverons le confinement » [28'37]

96. Il justifie ainsi le fait de ne pas l'avoir fait auparavant : « Dans le même esprit que celui qui a présidé à celui de la distribution des masques, nous avons fait le choix d'un usage rationnel, raisonnable, raisonné des tests. »
97. En un sens, tout est dit. Car l'esprit qui anime la distribution des masques, c'est aussi celui de la pénurie…
98. Véran poursuit : « Rationnel car il y a une logique qui prévaut lors de chaque épidémie lorsqu'un virus circule vite : ne pas dépister de manière systématique, mais baser le suivi sur la surveillance des symptômes. »
99. Sauf que c'est complètement inadapté pour le virus qui nous préoccupe, puisque ce qui le rend si retors, c'est précisément qu'une personne infectée peut être contaminante même en l'absence de symptômes. C'est tout l'intérêt des tests…
100. « Pour le Pr Delfraissy [président du Conseil scientifique], le confinement de la population est finalement une stratégie par défaut, faute de pouvoir tester massivement la population, comme il l’a aussi expliqué à La Croix. »

lefigaro.fr/sciences/coron…
101. Dans cet entretien à La Croix, le 20 mars, le président du Conseil scientifique dit que la stratégie des tests est la meilleure sur le papier mais que la France n'est pas en capacité matérielle de le faire, car limitée entre 5000 et 8000 par jour.

la-croix.com/France/Jean-Fr…
102. Conclusion :

(a) on aurait pu éviter le pis-aller du confinement général en testant en masse au départ ;
(b) cela n'a pas été possible parce que le gouvernement n'avait pas anticipé la production massive de tests ;
(c) le gouvernement est donc responsable de ce merdier.
103. Venons-en aux masques. Il y en a de plusieurs sortes : les masques FFP2, indispensables pour les soignants (ils filtrent les particules), et les masques chirurgicaux (pour éviter de transmettre).

solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Fiche_…
104. Y a-t-il pénurie de masques ? Dans le monde réel où vivent les soignants, c'est une évidence hurlée chaque jour. Dans le monde féérique des bureaucrates, où tout se passe toujours bien, non.
105. Le 26 février, auditionné au Sénat, Jérôme Salomon répond aux sénateurs qui lui rapportaient des récits de gens ne trouvant plus de masques en pharmacie : « Il n’y pas de sujet de pénurie », balaye-t-il.

publicsenat.fr/article/politi…
Le 17 mars, Véran : "Nous avons assez de masques aujourd'hui pour permettre aux soignants d'être armés (…)."

"Nous avons suffisamment de masques FFP2 pour faire face aux besoins hospitaliers et pour équiper les infirmières ou les médecins libéraux"

francetvinfo.fr/sante/maladie/…
107. Le 20 mars, un Delahousse inhabituellement farouche relance Nuñez : « Mais vous reconnaissez qu'il en manque ? »

Réponse : « Non, je ne le reconnais pas qu'il en manque ! »

108. La pénurie de masques, c'est un peu comme les violences policières : ça n'existe pas.

Mais alors, entre des soignants confrontés chaque jour à la réalité du terrain et des menteurs en série qui cherchent à couvrir leur cul, qui dit vrai ? Le suspense est insoutenable.
108b. Bon ; quittons la planète Macronie et revenons au monde réel avec sa pénurie réelle de masques. Comment cela se fait-il ? Le 21 mars, Véran nous dit : « Nous disposons d'un stock d'État de 86 millions de masques », dont 5 millions de FFP2.

109. Très bien, mais alors où étaient-ils ? De deux choses l'une : ou bien il baladait les gens sur les stocks, et c'est grave ; ou bien les stocks existaient, mais n'étaient pas livrés à temps — ce qui indique une faute sur la logistique quelque part.
110. Véran fait ensuite le point sur la situation dont les macronistes ont hérité : selon lui, ils disposaient au début de la crise du Covid-19 d'un stock d'État de 117 millions de masques chirurgicaux, et rien pour les FFP2.

111. N'allez pas croire un instant que l'État ne sait pas faire des stocks et anticiper : lorsqu'il s'agit de dézinguer les gueux, l'État est TRÈS prévoyant. Les gens au pouvoir ont tout simplement leurs priorités (article juin 2019)…

bastamag.net/Beauvau-Castan…
112. Gouverner, c'est choisir. L'Histoire retiendra que l'on n'a jamais manqué de balles en caoutchouc pour éborgner et terroriser les gens qui manifestaient pour réclamer une vie meilleure, alors qu'on était à poil au niveau des masques face à la pandémie du siècle.
113. « Face à la pénurie (…), Olivier Véran, avait annoncé le 23 février la commande de dizaines de millions de ces masques [FFP2]. Une réunion a eu lieu jeudi avec plusieurs fabricants qui ont répondu à l’appel d’offres, mais les masques…

liberation.fr/france/2020/03…
… ne sont annoncés que pour dans trois ou quatre semaines. »

C'est-à-dire trop tard. Enfer et damnation ! Si seulement on avait pu anticiper dès fin janvier qu'une épidémie se profilait…
« S’il n’y a pas eu de distribution de FFP2, c’est qu’il n’y en a plus dans les stocks de la réserve stratégique. L’Etat a en effet décidé il y a une dizaine d’années de ne plus conserver ce type de matériel et de ne pas renouveler les stocks arrivant à péremption après 2010. »
116. Une dernière petite friandise pour la route ?
117. Du coup, on fait de manque vertu : comme on n'a pas de masques, on prend les gens pour des c*** et on leur dit que ça ne sert à rien.

Pourtant, dans les pays qui ont mieux réussi à juguler l'épidémie en Asie, l'arsenal de mesures inclut le port de masques. Coïncidence ?
118. L'argument du gouvernement d'après lequel il ne faut porter un masque que si l'on est malade n'a aucun sens pour ce virus. Il suffit de dérouler la logique derrière pour voir l'argument s'effondrer sur lui-même.
Si l'on porte un masque quand on est malade, c'est pour ne pas (ou moins) contaminer.

Or on peut transmettre la maladie en étant asymptomatique.

Donc même des gens APPAREMMENT non-malades, en tant que possibles malades sans symptômes, devraient pouvoir porter un masque.

CQFD.
120. On manque donc de masques parce que les stocks n'ont pas été refaits pour de sordides, mesquines raisons budgétaires ; et parce que les bureaucrates aux manettes, responsables de ne pas avoir refait les stocks, n'ont pas réagi à temps pour l'approvisionnement.
121. Visiblement désarmée sur le plan industriel, la France comptait sur la Chine pour pouvoir se refaire une santé en urgence. Pas de bol, c'est dans la région de Wuhan qu'on produisait les masques ! C'est ballot, hein ?
122. Fin janvier : au moment des premières mesures (rapatriements), n'était-ce pas le moment de mettre en mouvement la production de masques et blinder la logistique (recensement des stocks, acheminement, etc.) ?
123. En particulier, la pénurie de masques pour les soignants est absolument gravissime et impardonnable. Non seulement elle va provoquer la mort d'un certain nombre de soignants, mais en plus elle fait d'eux et de l'hôpital un accélérateur d'épidémie !
124. La pénurie de gel hydro-alcoolique était la chose la plus prévisible au monde ; dès février, on pouvait l'observer depuis l'espace. Les pharmacies ne reçoivent pourtant l'autorisation de pouvoir fabriquer leur propre gel que le 6 mars. Pourquoi si tard ?
125. Macron a attendu mi-mars pour téléphoner à son ami milliardaire afin de lui demander de faire fabriquer du gel en grande quantité. Pourquoi ? Ces usines auraient dû être réquisitionnées bien plus tôt.

126. À cause de cette pénurie, des millions de travailleurs n'ont pas pu décontaminer leurs mains au travail. Le postier ou le livreur qui ne peut pas se laver les mains pendant des heures de travail alors qu'il est forcé de toucher plein de trucs ? Le virus adore…
127. Une autre pénurie dramatique serait celle des respirateurs. Le Covid-19 provoque une détresse respiratoire aiguë chez X% des cas symptomatiques. Ces patients ont alors besoin d'un respirateur pour survivre. Il y a un nombre fini de respirateurs.
128. S'il n'y a pas assez de respirateurs, les patients excédentaires meurent. On ne pouvait pas ne pas savoir : on connaissait la structure de la gravité des cas grâce aux pays "en avance" (Chine ci-dessous), et on pouvait donc anticiper sur les besoins.
129. « Après le Royaume-Uni, ce sont les Etats-Unis qui font appel aux constructeurs [automobiles] afin d'aider à produire ce matériel médical nécessaire dans la lutte contre le Covid-19 qui engendre, parfois, un syndrome de détresse respiratoire. »

usine-digitale.fr/article/l-indu…
130. Qu'a fait le gouvernement français pour s'assurer qu'il y ait assez de respirateurs (ou le moins de pénurie possible…) lorsque le pic de l'épidémie frappera ? Pourquoi n'a-t-il pas réquisitionné des usines ?

Véran a annoncé une commande le 28 mars. Pourquoi si tard ?
131. « Nous sommes en guerre », a martelé 6 fois Macron le 16 mars. Ce n'est pas vrai, mais admettons et filons la métaphore. Quand on est en guerre, on doit avoir une stratégie pour gagner. Quelle a été, quelle est la stratégie du gouvernement ?
132. Face à une telle épidémie, il n'y a pas 36 stratégies d'action :

(a) soit vous laissez circuler le virus en le ralentissant (atténuation)
(b) soit vous bloquez la circulation du virus (suppression)

Si vous n'avez pas de stratégie, vous êtes de facto dans la stratégie (a).
133. Dans le premier cas, vous essayez de contrôler l'incendie (soit parce que vous estimez ne pas pouvoir l'éteindre, soit parce que "ça coûte trop cher") : vous baissez R, mais il reste au-dessus de 1.

Dans le second, il s'agit d'éteindre l'incendie en amenant R sous 1.
134. Vous avez tous entendu parler du schéma montrant la courbe du pic épidémique à aplatir : on étale les cas afin de soulager les hôpitaux. C'est bien et il faut le faire ; mais on ne peut pas assez aplatir la courbe si on laisse circuler le SARS-CoV-2.
135. Ce virus est trop contagieux et envoie trop de gens en soins intensifs ; même en ralentissant sa progression, on va forcément crever le plafond de saturation des hôpitaux. Et à partir de là, la mortalité grimpera en flèche (et pas que pour le Covid-19…).
136. Par le biais de la stratégie d'atténuation (a), certains pays espéraient aussi atteindre ce que l'on appelle l' « immunité de groupe » : une fois qu'une bonne partie de la population a été infectée, et donc en principe immunisée, …
… l'épidémie finit par s'éteindre d'elle-même puisque le virus manque en quelque sort de carburant (il bute trop souvent sur des gens immunisés, donc R baisse drastiquement).
138. Sauf que pour bâtir cette immunité de groupe, le virus doit sacrément circuler dans la population. Les chiffres avancés varient, mais cela pourrait aller jusqu'à 60 à 70% de la population. En France, cela voudrait dire entre 40 et 47 millions de personnes contaminées.
139. Si l'on applique le taux de létalité de 0,3 à 1% estimé par l'OMS, ça nous fait entre 120 000 et 470 000 morts. Et une fois que le système de santé est débordé (et même effondré avec les soignants malades), ce taux de létalité va grimper en flèche.
140. Le tout sans aucune garantie, puisqu'on ne connaît pas encore la durée de cette immunité. Et si le virus revient en ayant trop muté, elle tombe à l'eau. Or en laissant le virus circuler dans des dizaines de millions de corps, on lui donne d'autant plus de chances de muter.
141. Les simulations effectuées par des chercheurs de l'Imperial College à Londres ont refroidi net les gouvernements qui entendaient suivre ce chemin : avec R0 = 2,4, le modèle aboutissait à 80% de la population contaminée en quelques mois…

imperial.ac.uk/media/imperial…
… soit, avec 0,9% de létalité, 510 000 morts au Royaume-Uni et 2,2 millions aux États-Unis — SANS compter les morts en plus qui résulteraient de la saturation du système de santé…

En France, le scénario du pire prévoyait entre 300 000 et 500 000 morts.
lemonde.fr/planete/articl…
143. Certes, ces modèles reposent sur des hypothèses qui peuvent être inexactes, et les chiffres cités correspondent au pire scénario. Néanmoins l'ordre d'idée, à savoir un bilan à 6 chiffres pour un pays comme la France si on laisse le virus circuler, n'a rien de farfelu.
144. En fait, il n'y a pas vraiment de choix face au SARS-CoV-2 (d'où les mesures drastiques prises un peu partout sur le globe) : il faut bloquer sa circulation. L'étude de l'Imperial College plus haut concluait à la non-viabilité de la stratégie d'atténuation.
145. On peut se demander quelle stratégie a choisi le gouvernement. Déjà, avait-il vraiment choisi ? Jusqu'au 12 mars, on est de facto dans une stratégie d'atténuation. Ensuite, en l'espace de quelques jours, suite aux réactions des autres pays…
… et après avoir pris connaissance des simulations au bilan effroyable, Macron change de braquet en confinant… mais sans débrancher les secteurs économiques non-essentiels, on reste dans un entre-deux bizarre et moins efficace qu'une stratégie de suppression franche.
147. Jusqu'au 12 mars, l'exécutif, assez largement dans le déni, navigue à vue. Outre la minimisation de la gravité de la situation et la non-prise de conscience, il est aussi probable que le gouvernement ne voulait pas…
… prendre les mesures qui s'imposaient en raison de leur coût social et économique. Le choix atténuation/suppression est en effet très lié à la question du rapport coût/avantages : est-ce que ça vaut le coup (et le coût) d'arrêter un pays pour arrêter l'épidémie ?
149. Quand le pouvoir pensait encore être dans une perspective à 4 chiffres, comme c'est le cas pour la grippe saisonnière, il répondait évidemment non. Quand il a enfin compris que l'équivalent de la population d'une grande métropole pourrait y passer, c'est devenu autre chose.
150. Au vu des citations de Ndiaye (4/03), Véran (11/03) et Blanquer (12/03) sur la non-fermeture générale des écoles (cf. historique plus haut), le gouvernement ne semblait toujours pas envisager de confiner à ce moment.
151. Ce qui revenait de fait à laisser le virus circuler, d'où la phrase de Blanquer le 15 mars sur le fait que « de 50 à 70% de la population » pourrait finir par être contaminée (c'est ce qui se passerait sans mesures énergiques).
152. Blanquer ajoutait : « Comme vous le savez depuis le début, la stratégie, ce n'est pas d'empêcher que le virus passe, mais de faire en sorte qu'il passe de manière plus étalée possible dans le temps » [= stratégie d'atténuation et non de suppression].

francetvinfo.fr/sante/maladie/…
153. Heureusement, le réel a fini par rattraper Macron, et la possibilité d'une catastrophe absolue l'a fait bifurquer ; il a dû comprendre que « laisser faire en étalant » ne serait pas suffisant, et que l'immunité de groupe n'était pas une option viable.
154. Cela dit, Macron ne veut toujours pas payer les coûts requis pour une stratégie de suppression efficace (qui implique, au stade où nous en sommes, de déconnecter tout un tas de secteurs économiques dont on peut se passer pendant quelques semaines).
155. Bien sûr, il n'y a pas de complot à chercher derrière leurs actions : des bras cassés infoutus de commander des masques à temps sont de toute façon incapables d'élaborer un plan machiavélique.
156. Le plan en stades 1-2-3 que suit le gouvernement s'est révélé inadapté. C'est globalement un plan de freinage ; il fonctionne sans doute pour une grosse grippe, mais pas pour une saloperie comme le SARS-CoV-2, dont il faut bloquer la circulation au plus vite.
157. Certes, les bureaucrates font des plans pour que le réel les ridiculise. Les Japonais avaient sûrement tout un tas de beaux plans au cas où ça pète dans une centrale nucléaire, et puis un beau matin de mars 2011 une vague énorme se présente et…
158. Cela dit, quels que soient les mérites ou non du plan initial, ce qui compte le plus lorsque la catastrophe frappe, c'est la réactivité et la capacité d'adaptation. Deux choses qui, de toute évidence, ont complètement fait défaut aux macronistes.
159. Les pays d'Asie qui ont le mieux réussi à juguler l'épidémie sont tous simplement ceux qui, ayant l'expérience du SRAS (Corée du Sud, Hong Kong, Singapour, Taïwan), ont été les plus réactifs pour asséner vite et fort un gros coup de maillet sur la tête de l'épidémie.
160. L'arsenal de mesures qui a le mieux fonctionné : tester en masse, tracer les contacts, isoler les malades avant qu'ils ne contaminent les autres, port général du masque, confinement dur si besoin.

Ici, on a regardé la vague arriver… et puis on l'a prise en pleine gueule.
161. Les erreurs d'approvisionnement ne sont hélas pas les seules qu'ait commises l'exécutif.

La pire erreur de l'exécutif aura sans doute été de ne tirer aucune leçon des pays « devant » nous dans l'épidémie.
162. Ni de la Chine, premier pays touché puis stabilisé ; ni de l'Italie, qui annonçait la couleur avec 9 jours d'avance en Europe ; ni de divers pays d'Asie, forts de leur expérience acquise lors des précédentes épidémies.
163. Faute d'apprendre de ce qui s'était passé chez les autres, il y a donc toujours eu un temps de retard dans la prise de conscience. Fermeture des écoles, trop tard ; fermeture des bars et restaurants, trop tard ; confinement, trop tard…
164. La phrase de Véran du 3 mars (« Nous ne sommes pas en épidémie, nous faisons face à une menace épidémique qui se rapproche ») est tout simplement tragique : il appelle "menace épidémique" ce qui est tout simplement le début de l'épidémie…
165. La tenue du premier tour des municipales est un cas d'école des bourdes de l'exécutif. Le scandale ne se limite pas au déplacement de 21 millions de personnes le jour du vote : en amont, il y a eu des centaines de réunions de campagne dans des salles closes…
166. Tout cela aurait dû être suspendu dès la montée en puissance de l'épidémie début mars.

Il semble, si l'on en croit la presse, que Macron ait sincèrement voulu reporter les élections. Sauf qu'il ne s'y est pris que 48h à l'avance… donc bien trop tard. Encore une fois.
167. Pour justifier son raté et lui apporter une pseudo-caution « scientifique », le gouvernement s'abrite derrière l'avis du Conseil (qui n'est pas scientifique dans son fonctionnement — ce n'est pas un conseil scientifique mais un conseil de scientifiques) du 12 mars.
168. Or dans cet avis, le Conseil ne dit pas : "c'est sans danger". Il dit : "si c'est fait correctement, ce n'est pas plus dangereux que faire ses courses". Il y a donc quand même un risque : la preuve, on demande aux gens de faire attention lorsqu'ils vont faire leurs courses.
169. Pire, parmi les 21 millions d'électeurs, une petite moitié étaient des profils encore plus à risque, à savoir les plus de 60 ans qui sont 62% à être allés voter si l'on en croit Ipsos. Environ 10 millions d'électeurs devaient avoir plus de 60 ans.
170. Et évidemment, une semaine après, le Covid-19 est le grand vainqueur de l'élection
171. D'après les déclarations de Buzyn le 24 janvier, la position officielle du gouvernement était que l'épidémie ne pourrait pas se développer à partir de cas importés. Mais pourquoi ? Qu'est-ce qui les rendait si sûrs d'eux ?
172. Le Covid-19 était voué à débarquer, directement par avion ou indirectement si passage par un pays européen intermédiaire. Les grands aéroports font d'ailleurs partie du système de veille sanitaire de l'OMS. La carte des contaminations, c'est la carte de la mondialisation.
173. Certes, on comprend sans peine pourquoi le gouvernement était confiant vis-à-vis des aéroports : pour arrêter le virus, il avait quand même mis du lourd.
174. À propos d'avions, les vols entre l'Hexagone et l'Outre-mer n'ont été arrêtés que le lundi 23 mars — presque un mois après le début de l'épidémie. Bonjour la réactivité !

Évidemment, durant ce délai, des cas avaient été importés depuis l'Hexagone…

175. Pour finir : le virus, on ne fait pas que l'importer, on peut aussi l'exporter. Il aurait fallu annuler plus tôt la plupart des vols vers l'Afrique, par exemple, afin d'éviter d'exporter l'épidémie vers un continent où la plupart des systèmes de santé sont fragiles.
176. Enfin, saluons la grande classe de l'État français qui a continué d'expulser des sans-papiers, notamment vers l'Afrique, sans se préoccuper de savoir s'ils avaient choppé le coronavirus en centre de rétention. Belle solidarité internationale...

177. L'annonce du confinement a provoqué l'exode de centaines de milliers de bourgeois parisiens vers leurs résidences secondaires un peu partout dans le pays.

Cet exode était prévisible : il s'était déjà produit à Wuhan, et on l'avait aussi observé en Italie.
178. De plus, d'après l'article du Monde sur « les 20 jours où tout a basculé au sommet de l'État », le Conseil scientifique avait clairement recommandé de confiner « immédiatement et sans délai ». Ce n'est pas ce qu'a fait Macron.

Résultat :
179. En Norvège, le gouvernement a même demandé aux citadins de quitter leurs résidences d'été et de retourner en ville afin de ne pas risquer de saturer les hôpitaux ruraux aux petites capacités. Deux salles, deux ambiances…

citylab.com/life/2020/03/c…
180. Exemple des conséquences de l'exode : « Les urbains venus se réfugier en Vendée sont pointés du doigt par le médecin. "Ils sont arrivés le week-end dernier. Et dès le lundi matin, les cabinets de ville étaient submergés par les patients fébriles" »

francetvinfo.fr/sante/maladie/…
181. Avoir laissé les EHPAD sans tests ni masques est une faute impardonnable. Les chiffres chinois donnaient 15% de létalité pour les malades recensés au-dessus de 80 ans. Les pensionnaires des EHPAD ont en moyenne 85 ans et plusieurs pathologies chroniques…
182. Un aspect-clé des plans de lutte contre l'épidémie, c'est qu'ils doivent porter une attention particulière aux populations vulnérables : les précaires, les sans-abri (exilés inclus), les prisonniers (CRA inclus), etc.
183. Vu la façon dont l'État français délaisse l'Outre-Mer, une attention spécifique était aussi requise. Par exemple, comment se laver les mains si l'eau n'est pas disponible ? Ce qui est le cas dans certains endroits comme Mayotte.
184. On ne peut pas lutter sérieusement contre une épidémie en affectant une valeur très inégale aux vies humaines comme le fait de manière routinière notre société. Sinon, l'épidémie se propage d'autant plus vite : le virus est ravi de se nourrir des populations délaissées.
185. Enfin, pour finir ce tour d'horizon : l'exécutif a envoyé 100 000 policiers surveiller et coller des amendes dans les rues. Sans masque. Était-ce vraiment bien malin ?

actu.fr/ile-de-france/…
186. Dans son discours du 16 mars, Macron affirmait d'un air grave que la santé est sa priorité. Ce n'est hélas pas vrai, comme l'indique le choix de l'exécutif de maintenir l'activité économique non-essentielle.
187. De nombreux messages très relayés ont condamné la légèreté des gens qui ne respectaient pas les consignes. L'attention médiatique s'est très fortement concentrée sur ces « incivismes », d'ailleurs sans guère tenir compte des différences de situation matérielle.
188. Pourtant, la focalisation sur les comportements individuels — certes irresponsables — d'une minorité n'a que peu de sens quand on envoie X millions de salariés en trop au travail chaque jour (ce qui relève de la responsabilité de l'exécutif et des entreprises).
189. À côté de cet accélérateur d'épidémie, quel est le poids de l'incivisme ? Un salarié qui va au boulot en prenant le métro est bien plus exposé qu'un type qui fait son jogging un peu trop loin.

Changer le comportement des gens prend du temps, il n'y a pas d'interrupteur…
… magique pour débrancher la société d'un coup ; il était donc normal que l'application des règles (jamais parfaite) prît quelque temps.

Mais le fait de ne pas fermer les activités dispensables — une décision 100% politique — a des conséquences bien plus lourdes.
191. Il existe une contradiction évidente entre le confinement et la poursuite de l'activité économique non-essentielle sur site. Entre l'intérêt sanitaire et l'intérêt économique, il faut donc choisir où placer le curseur. La réponse gouvernementale a hélas été claire.
192. Cette incohérence menace pourtant l'effort général. Exemple dans un ménage : soit un couple composé de A et B.

A est confiné, B doit sortir pour travailler. Résultat, même si A respecte les consignes, B peut chopper le Covid-19 à l'extérieur, le ramener et contaminer A.
193. Le maintien de l'activité non-essentielle alimente des foyers de contagion au sein des entreprises, mais aussi des familles, entretenant la flamme de l'épidémie. L'entreprise qui tourne aujourd'hui pour du dispensable, ce sont les morts en plus de demain.
194. L'Italie a fini par fermer toutes les activités productives non-essentielles le 21 mars, notamment sous pression des grèves. L'Espagne l'a fait le 28. Macron doit faire de même immédiatement. À défaut, les travailleurs devront l'imposer par le droit de retrait et la grève.
Pour la classe au pouvoir, le corps des classes populaires (ce n'est pas le "haut" du salariat qui est dehors…) est toujours sacrifiable. Le petit personnel n'est-il pas là pour ça ?

Mais les salariés n'ont pas à suivre. Ils peuvent répondre : mourir pour Airbus ? Non merci.
196. (Airbus ou toute autre entreprise qui pourrait fermer.)

Des salariés ont fait valoir leur droit de retrait ou ont tenté de le faire… sauf que des entreprises comme Amazon se servent de la position du gouvernement pour les réprimer.

lemonde.fr/economie/artic…
197. Dès le 16 mars, le Conseil scientifique disait : « Concernant les activités professionnelles, seules doivent persister les activités strictement nécessaires à la vie de la Nation »

solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_c…
198. Le 23 mars : « le Conseil scientifique estime de manière consensuelle nécessaire un renforcement du confinement ».

Ce renforcement — indispensable — implique de débrancher les secteurs économiques dispensables.

solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_c…
199. Or le gouvernement a pris le chemin complètement inverse. Le 19 mars, le message est unanime : un feu nourri d'appels à la continuité/reprise du travail. Pénicaud engueule le BTP parce qu'il veut fermer, Macron appelle à poursuivre le travail, etc.
200. Bien entendu, le baratin « il suffit de faire attention et tout se passera bien » est sans valeur : chacun aura compris qu'il y a un monde entre la planète Théorie, où tout se passe bien, et la réalité, où la plupart des gens n'ont même pas le matériel nécessaire…
201. Ndiaye a répondu quelque part que la notion d'activité essentielle était difficile à définir, citant l'exemple d'usines produisant des emballages : cela semble anecdotique, mais sans cela les produits alimentaires ne pourraient pas sortir. D'accord.
202. Il n'est cependant pas interdit d'utiliser son cerveau et de se poser quelques questions simples : par exemple, quelqu'un a-t-il un besoin urgent d'une cabine d'hélicoptère dans la solitude de son confinement ?
203. Est-ce qu'on a un besoin urgent de produire des bagnoles ? (Surtout que l'usine pourrait servir à faire des respirateurs…)
Des parfums ?
Est-ce qu'on a besoin de se faire livrer des sushis ?
De distribuer de la publicité ? etc.
204. Le gouvernement doit en finir avec ces injonctions contradictoires et débrancher franchement tout ce qui peut l'être sans menacer la reproduction matérielle de la société.
205. Depuis le départ, le gouvernement jure "n'être guidé que par la science". Pur baratin : tout ce qu'il a fait, c'est déguiser/gérer la pénurie en s'abritant derrière des raisons pseudo-scientifiques.
206. Prenant l'exemple du rationnement arbitraire des masques pour les soignants, le professeur Gilles Pialoux déclarait dans son entretien à Brut (21/03) : « Les recommandations ne se basent pas sur la science, mais sur la gestion de cette pénurie-là [de gels, tests, masques]. »
207. L'exécutif pourra raconter tout ce qu'il veut : le fait est que lorsque la tempête est arrivée, on était à poil. Absolument rien n'était prêt. Pas de tests, pas de masques, pas de gel — et, plus grave encore, pas de stratégie fonctionnelle pour vaincre le SARS-CoV-2.
208. Face à l'inédit, qui peut désarçonner, on peut comprendre certaines erreurs, certains retards à l'allumage. Ce n'est certes pas une situation simple à gérer. On peut accorder certaines choses à l'exécutif. Mais pour tant d'autres, il n'y aura ni oubli, ni pardon.
209. Illustration tragique du principe de Peter (d'après lequel toute personne a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence), la fine équipe qui nous gouverne a mélangé plusieurs ingrédients détonants : surconfiance, psychorigidité, inaptitude et négligence caractérisée.
210. Ils ont été incapables de réaliser à temps que nous étions entrés dans une séquence littéralement extra-ordinaire qui appelait des mesures de même nature.

En contemplant cette débâcle, on a comme un sentiment de syndrome de la ligne Maginot.
211. Quelle étrange défaite ! Jamais une pandémie n'avait été aussi contrôlable. Jamais l'humanité n'avait disposé d'autant de moyens techniques pour gérer ce fléau historique qui décime habituellement les populations depuis le Néolithique.
212. Et pourtant, cette pandémie aura renvoyé certains des pays les plus riches au monde, relativement bien dotés et mieux armés que d'autres sur le papier, à des méthodes médiévales (on se confinait aussi au Moyen-Âge contre la peste...).

Pauvre Europe ! N'as-tu rien appris ?
213. Au fur et à mesure qu'il se précisait, le portrait de ce virus était de plus en plus inquiétant. On n'a ici fait que survoler l'historique en s'appuyant sur l'OMS, mais d'autres acteurs comme les chercheurs en discutaient aussi.
214. [Et ce sans préjuger de la qualité de la gestion de l'OMS, qui devra aussi rendre des comptes sur son action : Taïwan l'accuse par exemple d'avoir ignoré ses avertissements à partir de fin décembre 2019 pour des raisons politiques liées à la Chine.]

rfi.fr/fr/asie-pacifi…
215. Le gouvernement français ne pouvait pas ne pas savoir. La prudence imposait de se préparer au pire, ou du moins de l'envisager. Pleinement intégrée à la mondialisation, la France n'avait aucune raison de ne pas être touchée : tôt ou tard, le virus allait débarquer.
216. Dès janvier, il fallait s'assurer de pouvoir produire des tests en masse et refaire les stocks de masques. C'était le minimum syndical. Ça n'a même pas été fait !

En l'absence de tests disponibles, il fallait lancer le confinement dès la première semaine de mars.
217. À celles et ceux qui rétorqueront que cela n'aurait jamais été accepté aussi tôt : il suffisait tout simplement d'expliquer la gravité de la situation et de comparer des projections de ce qui se passerait avec et sans action. Les gens auraient compris le danger mortel…
218. La communication du gouvernement, depuis le départ, n'aura pas été à la hauteur de l'alerte nécessaire. L'un des symboles les plus désastreux restera l'extrême mesquinerie de l'instrumentalisation du Conseil dédié au coronavirus pour déclencher par surprise le 49-3…
… au moment précis où il fallait alerter sur l'épidémie.

Le gouvernement n'a pas assez insisté sur les malades asymptomatiques. Dès le début de l'épidémie, il fallait marteler ce message à la population : comportez-vous comme si vous étiez déjà infecté sans le savoir.
220. Les autorités auraient dû expliquer plus tôt que le chiffre des cas recensés donné chaque jour ne correspondait qu'à la pointe émergée de l'iceberg. Les faibles chiffres annoncés, non expliqués, ont pu donner un faux sens de sécurité à la population.
221. « Seulement » 100 cas recensés le 29 février en plein 49-3 ? Qui allait s'en soucier ? Alors que derrière ces 100 cas recensés, il y avait déjà des milliers et des milliers de porteurs silencieux dans la population.
222. On observe déjà une tentative de réécriture de l'histoire sur le mode « personne n'avait prévu, on ne pouvait pas savoir » : c'est faux, les alertes avaient été données à temps.

Le gouvernement a préféré s'astiquer sur sa ligne Maginot sanitaire, on voit le résultat.
223. Une certaine perspective médiatique sur « les gens irresponsables » voudrait nous faire croire que l'incivisme est responsable de la gravité de la situation.Certes il faut plus d'auto-discipline ici ou là, mais c'est le gouvernement qui donne le la.
224. C'est lui qui aurait dû s'y prendre plus tôt pour que les gens changent de comportement plus vite. C'est lui qui décide de suspendre ou non le travail non-essentiel, donc d'exposer ou non des millions de gens. C'est lui qui décide de la stratégie et des réponses.
225. En n'ayant pas préparé une capacité de tests massive, le gouvernement est le seul responsable du recours forcé au confinement général. En n'ayant préparé ni masques ni gel, il a augmenté les probabilités de contamination et donc nourri l'épidémie.
226. Tout ceci se produit sur fond d'un certain passif. Signer d'entrée de jeu un chèque aux milliardaires en supprimant l'ISF tout en refusant obstinément à l'hôpital public un plan d'investissement à la hauteur pendant 2 ans signe un certain ordre de priorités.
227. Et c'est ainsi que dans le 6è pays le plus riche au monde, des soignants désespérés en viennent à appeler aux dons pour avoir des masques ou des blouses. Des masques. Des blouses… Quelle misère.
228. La politique de destruction des services publics devait finir par se payer un jour. Le Covid-19 aura été le révélateur terrible de tous les dysfonctionnements ordinaires de nos sociétés, de toute l'éclatante fausseté des priorités de nos dirigeants.
229. Loin d'être un coup de tonnerre dans un ciel serein, cette crise vient percuter des systèmes de santé à l'os après avoir reçu les bons soins des docteurs néolibéraux, et de tous les bureaucrates qui vivent dans ce monde féérique où l'on peut toujours faire plus avec moins.
230. Ah, on comprend que la métaphore de la guerre ait affleuré si naturellement aux lèvres de Macron : à la guerre, on fait des sacrifices en envoyant la chair à canon au casse-pipe — et c'est ce qui a été fait avec les soignants (mais aussi avec la population).
231. Ils se défausseront certainement en disant que certains pays ont fait pareil ou pire. Mais ce qui compte, c'est que certains aient fait (beaucoup) mieux.

Le plus stupéfiant, c'est qu'ils n'aient même pas eu l'humilité de réagir vigoureusement une fois dépassés.
232. L'impréparation initiale aurait dû constituer une sorte d'électrochoc et les amener à vivement rectifier.

Au lieu de cela, ils ont sciemment privilégié le maintien d'une partie de l'activité économique à l'exigence de santé publique. Ce choix est criminel et impardonnable.
233. Cette décision, consciente et assumée, traduit un travers de classe : en bons bourgeois, ils ont tenu pour quantité négligeable les classes populaires laborieuses et ont estimé qu'on pouvait bien continuer à les envoyer au charbon.
234. La violence sociale de cette décision est incroyable. Des planqués qui ont tout raté envoient des gens sans protections au front en applaudissant leur "courage" et leur "héroïsme". Ignoble, terrible barrière de classe.
235. Le choix gouvernemental d'envoyer les salariés produire de l'accessoire revient à sacrifier des vies (en donnant du carburant au virus) pour tenter de maintenir les profits de quelques secteurs. C'est jouer à la roulette avec la vie des gens et celle de leurs proches.
236. Ce choix est d'autant plus dérisoire qu'on se dirige vers la pire crise de l'histoire du capitalisme et une récession monstrueuse quoi qu'il arrive. Le gouvernement est responsable du pis-aller qu'est le confinement général, il est donc particulièrement scandaleux…
… qu'il cherche à faire payer aux travailleurs le coût de ses propres erreurs, dans l'espoir d'éviter quelques pertes ici ou là alors que les conséquences s'annoncent d'ores et déjà absolument colossales à tous les niveaux.
238. Que faire ?

Un bilan à 5 chiffres est aujourd'hui inévitable, alors qu'une meilleure gestion aurait pu le baisser à 4 voire 3 chiffres. Il n'est cependant pas trop tard pour réduire le nombre de morts.
239. Pour limiter la casse, l'exécutif doit d'urgence mettre en place un confinement plus rigoureux. Des mesures draconiennes doivent être prises dans les régions les plus avancées (ex. l'Île-de-France).

Macron doit mettre la France au congélateur pendant (au moins) 3 semaines.
Puisse la crise du Covid-19 nous rappeler cette leçon historique : lorsqu'il s'agit de faire mourir des gens en masse, le plus prolifique des tueurs en série n'est rien face au bureaucrate autosatisfait. L'arme la plus meurtrière sur Terre reste un stylo tenu par un col blanc.
241. Le jugement de l'Histoire sera sévère pour tous les responsables. Ils paieront pour chacun de nos morts. #IlsSavaient
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