On continue notre série d'articles consacré à la Peste noire. Aujourd'hui, épisode 27 : « des salaires maximum ». Après la Peste, en effet, le manque de main d’oeuvre permet aux travailleurs d’exiger des salaires plus élevés... Jusqu'à la réaction des autorités. Un thread ⬇️ ! 
Selon les régions, les populations ont été réduites d’un quart, de la moitié, parfois plus. Les travailleurs et travailleuses sont plus rares, donc plus demandés, et donc valent plus cher
Mais les autorités réagissent vite. Les textes de lois qui se mulitplient à partir de 1348 critiquent les « salaires déraisonnables » et dénoncent les nouvelles exigences des artisans
On crée alors l’exact contraire du SMIC : un salaire maximum. En Provence une loi apparaît dès 1348, en Angleterre dès 1349, en France il faut attendre 1351.
Encadrer les salaires pose pleins de problèmes concrets. Les villes ne prennent pas les même mesures d’application et tout varie avec le temps. Certaines fixent des salaires maximum par profession, d’autres préfèrent encadrent les profits des marchands
Des sanctions parfois sévères sont prévues pour les travailleurs qui rompent un contrat, ou qui refusent de travailler pour un « salaire raisonnable ». Il est par exemple interdit aux ouvriers de se mettre d’accord entre eux pour faire monter artificiellement les prix
sous peine de 50 livres d’amendes, ou… d’une amputation de la main. Ces peines étaient parfois si sévères qu’on ne sait pas si elles étaient appliquées (classique dans le droit médiéval), ni d’ailleurs si elles étaient vraiment efficaces.
Fixer le juste salaire est une entreprise assez complexe. On ne peut pas l’évaluer uniquement selon des mécanismes économiques, toute une morale économique sous-jacente entre aussi en jeu, et, derrière, une certaine vision du monde (coucou @PikettyLeMonde !)
Au XIVe siècle, les évolutions économiques dues à la peste choquent les élites de l’époque, et on les régule au nom de l’intérêt public. En Aragon, en 1369, on lit que l’augmentation des salaires se fait « au grand détriment de notre royaume ».
Le XIVe siècle rêve d’une société hiérarchique, et donc inégale, où chacun occuperait une place fixe. Les lois sur les salaires maximums visent donc, logiquement, à empêcher les ascensions sociales. Et donc, on limite les salaires des travailleurs...
Notre société idéale, au contraire, se pense et se veut égalitaire. On pourrait alors rêver, à l'inverse de ce qu'on fait les société médiévales, de profiter de la crise pour diminuer les salaires des patrons et des actionnaires... La suite au prochain épisode !
