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1. Revenons sur la dynamique de l'épidémie en France et examinons les conditions d'une levée réussie du confinement.
2. On s'achemine vers le déconfinement, et donc vers une seconde vague. Si elle n'est pas bien gérée, il faudra reconfiner et les morts s'additionneront à ceux de la première, dont le bilan se compte déjà en dizaines de milliers de morts.
3. Il y a des conditions — matérielles, temporelles, organisationnelles — à la réussite du déconfinement. Dit simplement : il ne faut pas déconfiner trop tôt, et il faut avoir une stratégie viable, avec les moyens humains/matériels de l'exécuter, pour ne pas avoir à reconfiner.
4. Jusqu'ici, la bureaucratie Macron a été d'une nullité stupéfiante. Son incompétence criminelle a entraîné la grande majorité des décès.

On renvoie à ce qu'on avait écrit fin mars.
Version HTML : threadreaderapp.com/thread/1244349…

5. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut craindre que l'équipe de bras cassés qui nous gouverne ne fasse une espèce de grand chelem des erreurs : confiner trop tard (fait), mal confiner (fait), déconfiner sans être prêts (c'est bien parti).
6. La levée progressive des restrictions fera augmenter la vitesse de circulation du virus. La question est de savoir si nous serons en mesure de la garder sous contrôle pour ne pas déclencher une nouvelle phase de croissance exponentielle.
7. Sommaire (c'est long : 215 messages).

La première partie discute de la dynamique de l'épidémie et du confinement.
La seconde aborde la stratégie de lutte contre le virus.

On discute un peu des principes d'adaptation, puis de l'immunité de groupe, et on conclut.
8. Il y a un lien ThreadReaderApp tout à la fin si vous préférez lire sur page HTML.

Il sera aussi ici :

9. D'abord, pourquoi a-t-il fallu confiner ? Le confinement général est une méthode bourrine, extrême que l'on est contraint d'utiliser lorsqu'on ne peut plus appliquer une méthode à la fois plus logique, plus élégante et moins destructrice : le confinement ciblé des malades.
10. Mais ce qui fait la difficulté de la lutte contre l'épidémie de Covid-19, c'est que l'on ne repère pas tous les malades : la circulation du virus repose en partie sur des porteurs sans symptômes, avec un bon nombre de malades "silencieux" (ou invisibles).
11. Lorsque la bureaucratie Macron se réveille enfin, à partir du 12 mars, pour commencer à prendre avec un retard massif les mesures qui s'imposaient, l'épidémie était en fait déjà très avancée par endroits, menaçant de submerger les capacités du système de santé.
12. Le confinement général a été annoncé le 16 mars, à 6 633 cas recensés et 148 morts. Mais où en étions-nous réellement ? Combien de gens étaient infectés le 16 mars ? Le chiffre de 6 633 n'a aucune valeur réelle : on va voir à quel point il est dérisoire.
13. On peut calculer le nombre de cas réels à partir de plusieurs données : le nombre réel de morts, le taux de létalité réel et le temps que les malades mettent à décéder.

Lorsque quelqu'un décède au jour J, il a été infecté en moyenne X jours avant J, et représente Y malades.
14. Un peu comme on regarde "dans le passé" en contemplant une étoile lointaine, parce que son éclat met des années-lumières à nous parvenir, le nombre de morts au jour J nous permet de regarder dans le passé de l'épidémie.
15. Exemple : si un virus tue 1% des malades et met en moyenne 20 jours à tuer quelqu'un, alors un décès dû à ce virus le 31 mars signifie que la personne a été statistiquement infectée le 11 mars, et qu'elle "représentait" une cohorte de 100 malades ce jour-là.
16. Ceci étant dit, plusieurs problèmes se posent.

Problème n°1 : on ne dispose pas encore du vrai nombre de morts. On peut néanmoins tenter une approximation à partir du nombre de morts recensés, en le "redressant" par un coefficient.
17. Problème n°2 : on ne dispose pas encore à coup sûr du taux de létalité réel, c'est-à-dire du % moyen de gens qui meurent du Covid-19 sur la totalité des cas. Des tentatives ont cependant été faites pour le calculer, on va les utiliser.
18. Problème n°3 : le temps moyen pour décéder.

Cette étude trouvait, à partir de 24 cas en Chine, une moyenne de 17,8 jours entre l'apparition des symptômes et la mort. En ajoutant les 5 jours d'incubation, cela ferait environ 23 jours.

thelancet.com/journals/lanin…
19. D'autres études trouvaient une valeur autour de 20 jours.

En France, le pic de mortalité a lieu les 6 et 7 avril, soit 21-22 jours après l'annonce du confinement.

Même si la distribution des valeurs fait que pic et moyenne ne se recoupent pas forcément, j'ai pris 21 jours.
20. Partons donc des hypothèses suivantes.

Hypothèse A : pour 4 décès à l'hôpital, on en a 5 en plus à l'extérieur (Ehpad, domicile), soit 1 mort recensé à l'hôpital = 2,25 morts réels.
Hypothèse B : moyenne de 21 jours pour mourir.
Hypothèse C : taux de létalité réel = 0,65%.
21. Justification des hypothèses — le but étant quand même, dans l'état actuel des connaissances, de ne pas être trop à côté de la plaque pour avoir une approximation (on est sur du simplifié) viable.
22. Sur le taux de létalité du Covid-19, attention de ne pas confondre deux choses différentes :

Taux de létalité sur cas recensés (TLCR) = nombre de morts recensés / nombre de cas recensés.
Taux de létalité réel = nombre réel de morts / totalité des cas.
23. Le TLCR pose problème tant au numérateur (morts recensés) qu'au dénominateur (cas recensés) : sous-estimation modérée pour l'un (on loupe un certain nombre de décès), sous-estimation monstrueuse pour l'autre — selon la politique de tests, on peut rater jusqu'à 99% des cas.
24. Ainsi, le TLCR peut conduire à un "effet de loupe" : si vous testez peu et uniquement les cas sévères, vous allez avoir un taux énorme ; si vous testez plus largement la population, il va diminuer. D'où les écarts spectaculaires entre pays.
25. Le TLCR augmente typiquement au cours du temps épidémique (les décès prennent du temps). Il dépend de la politique de tests et de la façon dont on (sous-)compte les morts : ci-dessous, on voit par exemple le bond que provoque l'intégration des décès Ehpad en France.
26. Pour l'instant, les scientifiques n'ont pas encore mis en évidence que certaines souches du virus seraient beaucoup plus ou beaucoup moins dangereuses. Ça viendra peut-être, les connaissances évoluent vite.
27. En attendant, on va faire l'hypothèse que le taux de létalité réel est resté assez uniforme entre les différents pays au départ, à quelques dixièmes de point près qui dépendent notamment de la pyramide des âges, de la fréquence des comorbidités, du système de santé, etc.
28. Différentes estimations du taux de létalité réel ont abouti aux résultats suivants :

• Dans son rapport n°30 du 19/02, l'OMS citait 3 études qui le plaçaient « entre 0,3 et 1% ».
• Dans l'étude citée plus haut, message 18, les auteurs trouvent 0,66% pour la Chine…
… avec 95% de chance que la valeur soit comprise entre 0,39 et 1,33.

• Sur la base de cette étude, des chercheurs de l'Imperial College avaient calculé 0,9% pour le Royaume-Uni dans leur papier du 16/03.
• 0,8% en France d'après cette étude :

medrxiv.org/content/10.110…
• L'étude de l'Inserm du 12/04 sur la levée du confinement en Île-de-France estimait une valeur située « entre 0,8 et 1,3% ».
• L'étude de l'Institut Pasteur publiée le 20/04 calculait un taux de létalité de 0,53% {95% de chance 0,28—0,88}.

hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-025481…
31. Bref, pour l'instant, la plupart des estimations semblent converger entre 0,5 et 1%.

Ici, on va prendre 0,65%, ce qui nous donne une valeur de 1 mort → X cas proche de la moyenne dans l'intervalle.

0,5% : 1 mort → 200 cas
0,65% : 1 mort → 154 cas
1% : 1 mort → 100 cas
32. Pour les données sur les décès, on va partir des morts déclarés à l'hôpital (même si ce n'est pas 100% fiable vu les remontées plus faibles les samedi et dimanche).

Au 29/04, on a 15 053 décès recensés à l'hôpital pour 9 034 en Ehpad, soit 1 décès hôpital = 0,6 mort Ehpad.
33. En temps normal, l'Insee rapporte que 59% des décès ont lieu à l'hôpital (en 2016).

On a donc, en général (mais ça peut varier selon les causes…), 1 mort à l'hôpital = 0,7 mort hors de l'hôpital, soit 1 mort hôpital = 1,7 mort tous lieux confondus.

blog.insee.fr/mourir-de-la-g…
34. On sait que les décès à domicile du Covid-19 ne sont pas recensés. On observe également une augmentation des décès à domicile dans les zones frappées par l'épidémie. Impossible de dire exactement combien, mais une partie est due au Covid.

france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/mort…
35. « "On peut raisonnablement penser qu'une majeure partie est liée à l'épidémie de covid-19", estime le président de SOS Médecins Pierre-Henry Juan. "Il faudrait une autopsie, mais on n'en fait pas, sauf quand il y a un problème médico-légal" »

36. Une enquête de MG France (syndicat de médecins généralistes) estime ainsi, au 21 avril, un chiffre de « près de 9 000 morts à domicile » liés au Covid-19.

mgfrance.org/publication/co…
37. Toujours d'après l'Insee, parmi les décès enregistrés entre le 1er mars et le 13 avril en France, 51% ont eu lieu à l'hôpital. Entre début mars et le 13 avril, on a donc 1 mort à l'hôpital = ~2 morts tous lieux confondus.

insee.fr/fr/information…
38. Au Royaume-Uni, qui ne compte que les décès des gens testés positifs à l'hôpital, le Financial Times estime que le Covid-19 a tué 41 000 personnes au 20/04 (contre 17 337 décès recensés, soit 2,36x plus). L'auteur juge cette estimation "prudente".

ft.com/content/67e6a4…
39. Elle est basée sur l'excès de mortalité toutes causes confondues1.

Pour la France, j'ai pris 1 décès recensé à l'hôpital = 2,25 décès réels.

(En gros, le recensement officiel des décès hôpital + Ehpad serait ~30% inférieur au nombre de décès réel.)
40. Application.

Avec les paramètres utilisés (1 décès hôpital = 2,25 décès réels ; 21 jours pour décéder ; 0,65% de létalité réelle), le nombre de nouvelles contaminations le 16 mars nous est donné par le nombre de morts le 6 avril.
6 avril : 605 morts recensés à l'hôpital = 1 361 morts réels
Avec 0,65% de létalité, 1 mort réel = 154 cas réels
1 361 morts réels = 210 000 nouveaux cas le 16 mars
Le 16 mars, on détectait un peu plus de 1 200 nouveaux cas (infectés la semaine d'avant, voire plus tôt). En réalité, ce jour-là, un nombre à 6 chiffres de personnes avaient été infectées, dont une fraction dérisoire serait détectée par la suite.
43. En traçant la courbe jusqu'à J-21 (soit le 10 avril depuis aujourd'hui 1er mai), on obtient ceci.

Le pic de nouveaux cas quotidiens est atteint autour du confinement (logique s'il est efficace), après quoi une lente décrue s'amorce — mais sur des chiffres élevés.
44. Ça, c'étaient les nouveaux cas chaque jour. Pour trouver le nombre de cas cumulés le 16 mars, il faut additionner depuis le début de l'épidémie. Toujours avec nos 3 hypothèses, on trouve plus de 2,2 millions de gens contaminés au 16 mars.
Ça peut varier selon les hypothèses, mais on reste sur un ordre d'idée à 7 chiffres.

L'étude de l'Institut Pasteur (20/04) trouve ~3,5% de la population contaminée au 17 mars, soit 2,3 millions, avec 95% de chance que la valeur soit comprise entre 1,3 et 4 millions.
6 633 cas recensés pour 2,2 millions de cas réels = 0,3% de cas recensés. Autrement dit, pour 1 cas détecté le 16 mars, il y en avait ~330 dans la nature, avec un volume de cas actifs (contagieux) probablement à 7 chiffres. Il était temps de fermer la boutique…
47. On peut représenter ça graphiquement. En bleu, le nombre de nouveaux cas que produisait chaque jour l'épidémie. Les minuscules barres rouges, invisibles au départ, ce sont les cas détectés.
48. [Note : il y a un effet de décalage de quelques jours entre l'infection et la détection, les cas recensés ne sont pas trouvés le jour même de leur infection. Il faudrait comparer avec le temps de décalage moyen, mais ici ça ne change pas grand-chose sur l'ordre d'idée.]
49. Bref, toujours est-il que dans cette lutte contre le virus, on ne voyait rien.
50. Ah, pardon. Comme la bureaucratie Macron, on avait oublié la lumière : attendez, on va allumer.
50b. Si vous voulez rire jaune, ça donne ça en cumulé…
51. « Nous sommes en guerre » ? Heureusement que non ! Sinon, au début des hostilités, 99% des troupes ennemies auraient contourné la ligne Maginot en passant sous les radars pour infiltrer nos positions. Un vrai blitzkrieg…
52. Comment fait-on pour maîtriser une épidémie quand on loupe la quasi-totalité des cas ? Eh bien on ne peut pas. En pratique, on se retrouve avec 67 millions de suspects, donc on attend que le commandement cesse enfin de roupiller et cadenasse d'urgence le pays.
53. Au fil du temps, la proportion de cas détectés est devenue un peu moins catastrophique : au lieu d'en voir 1 sur des centaines, on en voit 1 sur quelques dizaines depuis que l'épidémie est en phase de décélération et qu'on a plus de tests. Cela reste néanmoins insuffisant.
54. Quelle proportion de la population a eu le Covid-19 ?

Le gouvernement a récemment avancé 2 chiffres différents quant au nombre de gens contaminés : "10% de la population" (Véran, 14/04) et "de 2 à 6 millions" (Philippe, 19/04).

rtl.fr/actu/bien-etre…
55. 10% de la population, cela ferait donc environ 6,7 millions de cas au 14 avril. Avec les paramètres choisis et en projetant sur quelques jours une tendance à la baisse du nombre de morts, j'obtiens 5,6 millions.

(Si le taux de létalité est supérieur à 0,65%, c'est moins.)
56. Dans sa conférence de presse du 19 avril, Philippe évoquait « de 2 à 6 millions [de gens qui avaient été] en contact avec le virus ».

Le nombre de cas recensés était alors de 112 600, donc entre 2 et 6% des cas seulement avaient été détectés.
midilibre.fr/2020/04/20/edo…
57. Le "2 à 6 millions" vient probablement du papier de l'Institut Pasteur, qui estime que le nombre de contaminations au 11 mai sera de 3,7 millions ("de 2,3 à 6,7 millions" avec les barres d'erreur), avec une courbe quasi-plane du % d'infectés entre mi-avril et mi-mai.
58. Au passage, cela signifie que le gouvernement pourrait déjà donner des estimations du nombre de morts à la fin de la première vague. Bizarrement, ils ne les donnent pas…
59. On sera minimum à 26 000 décès recensés le 11 mai, donc toutes les valeurs en gris clair sont impossibles si le taux de létalité est sous 1% (car déjà dépassées). S'il est vers 0,5% comme le dit l'étude Pasteur, il faut compter minimum 5 millions de cas au 11 mai.
60. Page 5, les auteurs de l'étude de l'Institut Pasteur précisaient bien : « Un certain nombre de décès non-hospitalisés supplémentaires peuvent également se produire, auquel cas nous sous-estimerions la proportion [de la population] infectée. »
61. Toujours avec nos hypothèses, en projetant (avec incertitude) une décrue continue des décès jusqu'à début juin, on obtient autour de 6 millions de personnes ayant été contaminées à la mi-mai, soit, à terme, autour de 40 000 morts avec 0,65% de létalité.
62. Quand Macron aurait-il dû confiner ? Le 5 mars, il déclare que l'épidémie est « inexorable » : il doit en tirer aussitôt les conséquences et réagir au plus vite. Le lendemain, on était à 9 morts et 600 cas recensés : c'est à peu près à ce stade que Wuhan avait été confiné.
Macron aurait dû confiner le 10 mars au plus tard ; car l'Italie, qui annonçait la couleur avec 9 jours d'avance, avait confiné la veille. L'Italie était littéralement notre futur épidémique. C'était, en un sens, un pays-cobaye. Il fallait donc les imiter sans perdre de temps.
64. Combien de vies auraient pu être sauvées avec les bonnes décisions ? Ci-dessous, je citais une simulation sur le nombre de cas qu'aurait pu éviter la Chine en agissant plus tôt. Il faudra calculer plus précisément pour la situation française, mais ça donne un ordre d'idée.
65. Les 6 à 10 jours de retard (pour être gentil, car on pouvait boucler "préventivement" dès le 1er mars) dans les mesures de fermetures et de confinement ont coûté extrêmement cher en vies humaines.

Le prix de la nullité du pouvoir : la mort en masse.
66. Lorsque l'épidémie est avancée, on peut comparer les fermetures et le confinement à un freinage d'urgence. Quand on freine, le véhicule met du temps à s'arrêter et continue d'avancer pendant la décélération. Plus le véhicule allait vite, plus il met de temps à freiner.
67. De même, l'inertie de la courbe épidémique peut être considérable, avec une décélération qui se mesure en semaines, voire en mois. Le temps pour parvenir à l'arrêt est énorme ; et les décès, qui suivent avec retard, s'empilent durant cette phase.
68. On peut aussi comparer cet aspect de l'épidémie à la vague d'un tsunami, qui déferle avec fracas sur les côtes même si elle a considérablement ralenti depuis sa naissance en mer. Il y a tout simplement une puissance propre du phénomène initial.
69. Plus vous freinez tard, plus il y aura de dégâts.

Implication : si jamais il faut reconfiner quelque part, il faudra le faire VITE pour tuer la dynamique naissante dans l'œuf. Pas le temps de tergiverser face à un phénomène à croissance exponentielle !
70. La Chine, qui risquait aussi un énorme accident, a freiné plus tôt et plus fort. Après avoir ronflé pendant 1 à 2 semaines cruciales, Macron a mal confiné : poursuite du travail non-essentiel, maintien des transports en commun sans masques, non-isolement des malades, etc.
71. Lors du confinement à Wuhan, « seule 10% de la force de travail — ce qui correspond en gros aux soignants, à la police et autre personnel gouvernemental essentiel — était au travail ».

theguardian.com/world/2020/mar…
72. En France, selon les données Dares, 27% des salariés (soit autour de 7 millions) continuaient de travailler sur site après le confinement.

Dans les grandes villes, combien se rendaient au travail sans masques dans des bus ou métros parfois bondés ?

73. Une distanciation parfaite serait comme un mur défensif sur lequel le virus s'écraserait. Si l'on pouvait isoler chaque personne des autres, R tomberait à 0, et l'on n'aurait plus qu'à attendre que le stock de malades soit "purgé". Hors imports, l'épidémie serait alors finie.
74. Néanmoins, ce scénario est évidemment impossible. Les impératifs de la reproduction matérielle de la société exigent que l'on maintienne un niveau minimum d'interactions sociales. Le confinement n'est donc pas un mur, mais un filet.
75. Et qui dit filet dit trous. Le virus continue de circuler par ces trous. Et les trous sont d'autant plus grands que le confinement est mal pensé, mal conçu et mal "accompagné" (port du masque, dépistage et traçage, isolement des malades, etc.).
76. C'est, avec le délai infection—mort, la raison pour laquelle la courbe macabre baisse assez lentement — ce qui donne un "plateau de la mort" en échelle (semi-)logarithmique, qui "écrase" visuellement les décrues lentes.
77. Autre conséquence : qui dit malconfinement dit risque accru pour la seconde vague après le déconfinement, car un "stock" de malades supérieur sera libéré dans la société et le virus circulera à vitesse plus élevée qu'avec un confinement intelligemment mené.
78. Croisons les doigts pour que le taux de reproduction (R) ait baissé assez vite et fort en France afin qu'il reste le moins de gens infectieux possible au déconfinement.

Rendez-vous à la troisième semaine de mai (début juin pour les décès) pour la réponse…
79. Le confinement opère comme une machine à remonter le temps épidémique (à ceci près que les dizaines de milliers de morts ne reviendront pas…) : on revient quelque part au début, mais avec un R plus petit au moment du déconfinement.
80. Si vous voulez savoir pourquoi l'Allemagne a fait mieux que la France : c'est simple, elle a tout fait plus tôt vis-à-vis du temps épidémique. Les mesures qui réduisent R sont arrivées plus tôt ; et ils ont testé plus, donc cassé un peu plus de chaînes de transmission.
81. Rien de sorcier ! Il suffit d'avoir des dirigeants un minimum compétents.

Ici, on avait un manche à balai qui allait au théâtre pour inciter les gens à sortir quand le virus recrutait à vitesse éclair dans la population : on n'avait aucune chance.
82. Mi-avril, l'OMS a émis 6 recommandations pour les pays sur le chemin du déconfinement.

who.int/dg/speeches/de…
83. Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche à l'Inserm (entretien 10/04) :

bastamag.net/test-systemati…
84. Dans Libération (14/04), Pascal Marichalar rappelle que « la feuille de route du déconfinement a été clairement définie par les scientifiques spécialistes ».

En plus de la sainte trinité "dépister-tracer-isoler", …

liberation.fr/debats/2020/04…
85. … il faut équiper les soignants — et pas qu'à l'hôpital ! — pour limiter la nosocomialité (l'hôpital peut devenir un foyer de contagion !), lancer des enquêtes épidémiologiques sur la population et adapter la production pour être CERTAIN de disposer du matériel nécessaire.
86. Le gouvernement s'est enfin décidé à adopter la méthode dépister-tracer-isoler, comme Philippe et Véran l'ont exposé lors de leur point presse du 19 avril. Mais après le 11 mai. Quand on a déjà perdu tant de temps, pourquoi ne pas continuer ?
87. Rappelons que le consensus sur la méthode dépister-tracer-isoler pour casser les chaînes de transmission est total. Les recommandations de l'OMS1, n'ont, à ce sujet, jamais varié : le gouvernement n'avait aucune excuse.

(Ci-dessous, le 31 janvier, rapport n°11.)
88. Le 13 avril, le directeur de l'OMS déclare :

who.int/docs/default-s…
89. Le mot-clé : "plus vite". La réactivité est primordiale : c'est une course contre la montre de tous les instants pour casser les chaînes de transmission. En pratique, à partir du moment où quelqu'un est infecté, vous avez 3 jours pour le trouver et l'isoler.
90. Et ce, pour des milliers et des milliers d'individus…

Cela nécessite une organisation énorme, c'est un défi colossal. Un gouvernement de bras cassés, incapable d'approvisionner la France en masques, saura-t-il gérer cela ? Poser la question, c'est hélas y répondre.
91. Depuis la mi-mars, un nombre considérable de lieux ont fermé. Même si elles ont baissé, les contaminations ont néanmoins continué. La première question que devrait se poser le gouvernement, c'est donc : où se contamine-t-on ? Où sont les trous dans le filet ?
Le virus semble se propager particulièrement vite à l'intérieur, dans les lieux clos et denses. Le cas précoce du Diamond Princess, en février, illustrait ce principe. Autres exemples plus récents : le Charles-de-Gaulle, ou les dortoirs pour travailleurs étrangers à Singapour.
93. Vu tout ce qui a fermé, on peut ranger la plupart des lieux d'intérieur restants dans les catégories suivantes : domicile, transports en commun, travail, commerces. Il y a aussi les cas spécifiques des Ehpad et de l'hôpital.
94. Sur le domicile : diverses études l'ont mis en évidence comme lieu de transmission.

Dans l'étude suivante en Chine (hors province confinée), qui porte sur 318 foyers épidémiques (317 à l'intérieur !), le domicile est impliqué dans 78% des cas.

medrxiv.org/content/10.110…
95. Une étude sur la ville de Vò, en Italie : « Par ailleurs, une analyse détaillée du traçage des contacts indique que le risque relatif de contracter l'infection en vivant dans un ménage avec un proche infecté donne un odds ratio de 84,5. »

medrxiv.org/content/10.110…
96. Si j'ai bien compris, cela signifie que l'évènement "être infecté" est beaucoup plus fréquent lorsque l'on vit avec quelqu'un d'infecté.
Dans l'Oise : « On a pu estimer le risque de contamination au sein d’un même foyer. Le risque d’être infecté au sein du domicile passait de 9% à 17% pour les parents si le lycéen était infecté, et de 3% à 21% pour la fratrie si le lycéen était infecté. »

pasteur.fr/fr/espace-pres…
98. Rien de très surprenant là-dedans. La petite taille des logements est peut-être l'un des facteurs qui explique les carnages par endroits.

D'où l'idée d'isoler les malades volontaires ou qui ont des proches à risque pour casser les chaînes de transmission intra-familiales.
99. Les transports en commun du quotidien (bus, métros, tramways, trains) figurent aussi en bonne place sur la liste des lieux potentiels de transmission. Pas besoin de faire un dessin, la densité peut y être abominable et tout le monde peut toucher barres, portes ou boutons.
100. À New York, un économiste du MIT a écrit un papier dans lequel il avance que « le réseau de transport tentaculaire de New York est un facteur de dissémination majeur — sinon le principal — de la phase initiale de contamination ».

futura-sciences.com/sante/breves/c…
101. Au Royaume-Uni, les chauffeurs de bus avaient alerté sur le lourd tribut qu'ils payaient. Tout comme les travailleurs du métro new-yorkais, ils s'estimaient insuffisamment protégés.

francetvinfo.fr/sante/maladie/…
102. Fin mars, des cheminots se plaignaient que les cabines n'étaient désinfectées qu’une fois par jour (l'Inspection du travail recommandait de le faire après chaque conducteur). Or « une cabine est utilisée par une dizaine de conducteurs au quotidien ».

reporterre.net/La-SNCF-rechig…
103. Rappelons qu'au départ, le Grand-Est était devant l'Île-de-France sur la courbe épidémique. Parmi les différences (densité, écoles fermées et rassemblements interdits plus tôt dans le Haut-Rhin, etc.) qui ont fait exploser la courbe en IDF, le facteur transports en commun ?
104. Intuitivement : un lieu clos et très dense, où l'on respire le même air (par ailleurs pollué…), où tout le monde peut toucher les mêmes surfaces, et où à peu près personne n'avait de masque. On ne doit pas être loin de la définition de l'horreur sanitaire…
105. La plupart des gens qui prenaient les transports en commun pendant le confinement le faisaient pour aller au travail. La quasi-totalité des lieux de loisir étant fermés, on peut supposer qu'une partie des transmissions ont emprunté la chaîne domicile-transports-travail…
106. … dans un sens ou dans l'autre.

On peut ainsi imaginer, pour ceux qui devaient aller travailler sur site, un flux continu d'import-export du Covid (extérieur-domicile-extérieur-etc.) entretenu par des porteurs "silencieux" (sans symptômes).
107. Une étude coréenne s'est penchée sur un foyer épidémique dans un centre d'appel. Quasiment tous les gens infectés (en bleu) travaillaient du même côté au 11è étage. Des travailleurs infectés avaient ensuite ramené le virus à leur domicile.

wwwnc.cdc.gov/eid/article/26…
108. La bureaucratie Macron n'ayant pas équipé les soignants en masques FFP2, l'hôpital était lui-même appelé à devenir un foyer de contagion. On sait qu'un peu partout, les soignants sont surinfectés par rapport à la population générale.

Le supermarché devrait aussi être regardé à la loupe.

Des études d'ampleur sont nécessaires pour déterminer plus finement où sont les lieux où l'on se contamine le plus, et en quelle proportion, afin d'adapter la vie sociale, les comportements et la vigilance en conséquence.
110. Autre question : qui contamine ? À l'instant T, les malades se divisent en deux groupes : ceux qui ont des symptômes, et ceux qui n'en ont pas. Le groupe des non-symptomatiques se divise lui-même en deux : ceux qui auront des symptômes plus tard, et ceux qui n'en auront pas.
111. Pour l'instant, l'OMS considère que l'on est contagieux en moyenne 2 jours avant de développer des symptômes (soit à partir du 3è jour si la durée d'incubation moyenne est de 5 jours).
112. Autrement dit : qu'ils finissent ou non par développer des symptômes, 100% des malades du Covid-19 passent par une phase "silencieuse", durant laquelle ils sont contagieux mais ne le savent pas.
113. L'Islande, qui compte 365 000 habitants, a testé environ 10% de sa population. Parmi les gens testés positifs, 43% n'avaient pas développé de symptômes.

francetvinfo.fr/sante/maladie/…
À Vò, la majorité des habitants ont été testés à 2 reprises. Là aussi, parmi les positifs, 43% étaient sans symptômes. Aucune différence de charge virale n'a été observée entre asymptomatiques et symptomatiques. L'étude [cf. 95] avançait 41-42% de transmissions asymptomatiques.
115. Sur le Diamond Princess, 712 passagers avaient été testés positifs. 46,5% des malades n'ont pas développé de symptômes.

statista.com/statistics/109…
116. Une étude chinoise avançait qu'une proportion significative (44%) d'infections avait lieu durant la phase pré-symptomatique :

nature.com/articles/s4159…
117. Si tout ceci se vérifie, alors il est possible que la transmission du Covid-19 soit majoritairement "silencieuse," qu'elle soit le fait d'a- et de pré-symptomatiques. Cela signifie que toute stratégie de dépistage centrée sur les symptômes manque en partie sa cible.
118. Un éditorial publié le 24 avril sur le New England Journal of Medicine parlait de la transmission asymptomatique comme du « talon d'Achille » des stratégies actuelles pour contrôler la transmission du Covid-19.

nejm.org/doi/full/10.10…
119. Heureusement, depuis le temps, le monarque l'a enfin compris ?
121. Pourquoi est-ce que Macron se focalise sur les cas symptomatiques ? Il est nul, mais pas à ce point. À ce stade, même un manche à balai ne peut pas ne pas savoir. Alors quel est le problème ? Il a peur que tout le monde demande des tests, c'est ça ?
122. Le 19 avril, Olivier Véran répond à la question des tests sur les asymptomatiques : on ne peut pas dépister tout le monde, et un test négatif un jour ne garantit pas qu'on ne soit pas infecté le lendemain. Soit, mais encore ?

123. Le 25 avril, lors d'une visite en Seine-Saint-Denis, Olivier Véran répète les mêmes arguments : on ne peut pas tester tout le monde chaque jour, on peut être contaminé d'un jour à l'autre.

124. « Onnepeutpastestertoutlemonde » ? Certes. Nous sommes dans un monde fini, et qui dit monde fini dit ressources finies. Merci pour ces pensées toujours très inspirantes, Capitaine Évidence.
125. Mais réfléchissons. Le monde social est-il uniforme ? Non. Au niveau des interactions sociales et du nombre de contacts, certains individus en ont beaucoup plus que d'autres. Par analogie avec les réseaux, on pourrait appeler ça des "nœuds de connexion".
126. Du fait de leur activité, certains voient défiler des centaines de personnes chaque jour, tandis que d'autres en rencontrent beaucoup moins. Entre une caissière qui travaille un samedi et un agriculteur qui bosse sur sa ferme, le nombre de contacts directs n'est pas le même.
127. On doit donc pouvoir établir une typologie des métiers à grand nombre de contacts directs, et cibler préventivement avec les tests ces "connecteurs" : ex. caissières, enseignants, pharmaciens, commerçants/vendeurs, postiers et autres travailleurs au guichet, chauffeurs, etc.
128. (Simple suggestion de liste.)

On comprend intuitivement que, pour lutter contre le virus, il est plus intéressant de tester le boulanger chez qui tout le monde défile plutôt que le misanthrope qui vit en harmonie avec les ours dans la forêt.
129. Lorsqu'on tire au hasard des gens dans la population, ils n'auront pas tous la même probabilité d'être en situation d'être infecté. Certains ont plus de chances d'être contaminés… donc de devenir contaminants. Parmi ceux-là, on pourrait en tester au hasard.
130. Où les choisir ? On pourrait commencer par les départements où le virus circule le plus, et déployer des équipes mobiles pour pratiquer des tests, en privilégiant par exemple les quartiers populaires où les gens ont plus de chances d'être exposés.
131. On pourrait ainsi cibler des gens qui prennent chaque jour les transports et qui ont beaucoup de contacts dans leur métier.

Autre possibilité, cibler par lieu. Si l'épidémie éclate dans un coin, il y a de bonnes chances qu'on puisse le voir plus tôt à certains endroits.
132. Il pourrait ainsi être intéressant de mener des tests de façon aléatoire dans des grosses boîtes, quitte à grouper les tests pour économiser des réactifs. Exemple : s'il y a une usine automobile quelque part, on pourrait tester un échantillon d'ouvriers de temps en temps.
133. Car si le virus se met à circuler dans un coin, il y a plus de chances qu'on trouve sa trace dans un lycée, ou une grande entreprise qui brasse beaucoup de salariés, etc. — les endroits où se nouent beaucoup de contacts.
Hors cas symptomatiques, la politique de tests pourrait être de dépister :

• le personnel prioritaire (soignants, Ehpad)
• les contacts des cas confirmés (on peut aussi en isoler d'office une partie)
• les "nœuds de connexion" (en particulier dans les foyers de contagion)
135. Et ce, dans l'espoir de retirer "à l'aveugle" (mais pas tant que ça) des a- ou pré-symptomatiques susceptibles de transmettre à un nombre plus élevé de personnes vu leur position-carrefour dans la société.

Évidemment, pour ça il faut énormément de tests...
136. Il faut aussi creuser la question de la méthodologie des tests : les tests salivaires sont-ils supérieurs au prélèvement nasopharyngé par écouvillon ? Ils permettraient aussi aux gens de les faire et de les déposer au labo eux-mêmes.

137. Autre idée vu les limites : « Pour augmenter la capacité de tests, Catherine Hill propose de mélanger les prélèvements de 20 personnes et de faire la recherche du virus par PCR ».

Si tout revient négatif, c'est bon. Sinon, on refait.

reflets.info/articles/le-de…
138. Qui est le plus vulnérable face au Covid-19 ? Ci-dessous, les résultats de 2 études vues plus haut (messages 18 et 30).

Lecture : selon l'étude de l'Institut Pasteur, le taux de létalité réel est de 0,53%, soit 1 mort sur 189 cas, soit 5 300 décès par million de malades.
139. Le bilan établi par Santé Publique France au 23/04 : « Les personnes âgées de 65 ans et plus (…) représentent 72% des patients hospitalisés et plus de 93% des décès. »

Dans 81% des décès, il y avait présence de comorbidités.

santepubliquefrance.fr/maladies-et-tr…
140. On peut donc classer facilement la population par "compartiment de vulnérabilité" en fonction de l'âge et des facteurs de risque (diabète, hypertension, etc.), et préconiser des précautions spécifiques pour ces millions de personnes à risque.
141. Le gouvernement avait une chose, UNE chose à ne pas foirer : il fallait sanctuariser les Ehpad, ne surtout pas laisser le Covid-19 rentrer là-dedans.

Le résultat se passe de commentaires : 1,1% de la population vit en Ehpad, mais ceux-ci concentrent 37% des décès recensés.
142. La dynamique de l'épidémie n'étant absolument pas la même selon les régions, voire les départements, il faut adapter les mesures en conséquence. Le taux de reproduction (R) devrait aussi être calculé plus finement qu'au niveau national.
143. Le gouvernement a fini par le reconnaître puisqu'il veut désormais différencier le régime de restrictions selon les départements. Autant aller jusqu'au bout de la démarche et ne pas déconfiner en même temps que tout le monde ceux où le virus circule encore trop vite…
Voyez le cas de la Lozère : 43 cas recensés et 0 décès au 23/04. Est-ce que la Lozère, avec sa densité de 15 habitants au km², ne pratique pas passivement une forme de distanciation ?

En tout cas, la situation y est très différente de celle de Paris.

france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/loze…
145. La carte de France des décès dus au Covid-19 montre un fort contraste : les dégâts sont très concentrés dans les gros foyers de contagion (comme le confirment les chiffres de surmortalité de l'Insee).
146. Au 29/04, l'Île-de-France et le Grand-Est concentrent presque 60% des décès à l'hôpital pour un peu plus de 26% de la population. Au sein même du Grand-Est, la différence est énorme entre le Haut-Rhin et les Ardennes.

Il y a des endroits, surtout à l'Ouest, où le confinement est arrivé à temps. Pour d'autres, il est arrivé catastrophiquement tard, en plus d'être mal fait (ex. les transports bondés en Île-de-France).

À l'avenir, il faudra plus d'adaptation à la réalité concrète de l'épidémie.
147. L'Île-de-France, par exemple, ne devrait pas commencer à déconfiner le 11 mai. C'est trop tôt, il faut encore attendre.

(Carte au 1er mai.)
148. Idéalement, quand faut-il déconfiner ? La Chine a attendu de ne plus avoir de nouveaux cas détectés pendant plusieurs jours avant de lever (partiellement) les restrictions à Wuhan. C'est ce qu'il y a de mieux d'un point de vue purement sanitaire…
149. … mais la France ne pourra pas atteindre cet objectif au 11 mai.

L'étude Pasteur estime qu'il y aura alors quelques milliers de nouveaux cas par jour ; entre 1 000 et 3 000 d'après Philippe (discours 28/04), qui dit avoir aussi reçu « des modélisations moins favorables ».
150. Par ailleurs, un certain nombre de malades seront encore en réanimation le 11 mai — autour de 2 000 (Covid-19 uniquement) a priori. Il est donc probable que la France n'aborde pas le déconfinement dans les meilleures conditions.
151. Tracer les contacts. — L'OMS définit de la façon suivante un contact :
152. Tracer les contacts requiert énormément de personnel. Pascal Marichalar :

liberation.fr/debats/2020/04…
153. Le ministre de la santé britannique a annoncé le 23 avril que le gouvernement allait recruter 18 000 personnes pour tracer les contacts des malades du Covid-19. Il en faudrait plutôt 100 000, ont répondu des scientifiques.

telegraph.co.uk/news/2020/04/2…
À Wuhan (11 millions d'habitants), 9 000 personnes réparties en 1 800 équipes de 5 traçaient les contacts.

Rappelant que la Corée du Sud employait 20 000 personnes pour cela, Delfraissy en recommandait 30 000 pour la France (audition Sénat 15/04).

ouest-france.fr/sante/virus/co…
155. Est-ce que ça marche ? D'après cette étude chinoise basée sur 391 cas, les malades tracés par contact étaient trouvés 2,3 jours plus tôt {95% de chance que la valeur soit comprise entre 1,5 et 3} comparé à la surveillance des symptômes.

thelancet.com/journals/lanin…
156. Questions : quand le gouvernement a-t-il lancé ces équipes de traçage ? Combien y en aura-t-il ? Qui en fera partie ? Où travailleront-elles ? Quelle formation ? Quels moyens ? Quand seront-elles prêtes à opérer ?
157. Isoler les cas. — Il va falloir blinder l'organisation pour être capable, lorsque c'est possible, d'isoler des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes tout au long de l'épidémie (on parle donc d'un dispositif qui pourrait durer des mois), avec suivi médical.
158. Une attention particulière doit être portée aux populations les plus précaires et les moins considérées, qui vivent souvent dans des environnements plus favorables à la propagation du virus. C'est la rude leçon qu'expérimente à ses dépens Singapour :

159. Une société qui méprise une partie de sa population finira par le payer ; cette population risquera de devenir son maillon faible épidémique. Oubliez les gens dans la cave et c'est tout l'édifice au-dessus qui peut s'écrouler.

160. La France devrait faire très attention à ses foyers de travailleurs étrangers (ça vaut aussi pour d'autres populations précaires), d'autant plus que des drames s'y jouent pour les anciens.

(Le but étant d'aider les gens, pas de les réprimer…)

bondyblog.fr/societe/dans-l…
Depuis la mi-avril, l'Île-de-France a testé l'isolement des malades : « "Notre bataille implique de casser les chaînes de transmission du virus," souligne le directeur de l’ARS Ile-de-France, [afin d’éviter de nouveaux "foyers de contamination"]. »

ouest-france.fr/sante/virus/co…
162. « Quand on constatera, avec les personnes concernées, que le respect du confinement à domicile n’est pas possible, ou qu’il fait courir un fort risque de contamination, alors on basculera dans la recherche d’un hébergement alternatif. »

Dispositif à généraliser.
163. De nombreuses enquêtes sont nécessaires pour accumuler des connaissances et éclairer la décision publique.

Parmi les problèmes : savoir quelle proportion de la population est infectée à un moment T.
164. Une suggestion pour cela : sélectionner chaque jour un échantillon représentatif de la population, comme pour un sondage, puis procéder à des tests sur l'échantillon. C'est ce qu'a fait l'Autriche le 10 avril sur 1 544 personnes.

lefigaro.fr/flash-actu/cor…
165. En faisant cela chaque jour, on obtiendrait une sorte de "sondage-dépistage" roulant.

On n'aura pas une précision de dingue, mais ça pourrait peut-être aider à avoir une idée de l'ampleur de l'épidémie. On pourrait aussi faire ça à l'échelle d'une zone très touchée.
166. Des tests sérologiques devraient par ailleurs être conduits sur un échantillon représentatif de soignants, qu'il faudra ensuite comparer à un échantillon représentatif de la population générale. Les résultats devraient être édifiants.
167. La circulation du virus, même à vitesse réduite, implique de s'adapter dans tous les domaines de la vie sociale le temps que l'on trouve un traitement efficace ou que l'on obtienne l'immunité de groupe par un vaccin (pas avant 2022 a priori… si on y arrive).
168. Le port du masque, même artisanal (c'est toujours mieux que rien…), doit être généralisé en présence d'autrui. C'est un impératif dans les endroits clos et denses.

Les mesures de distanciation doivent être maintenues.
169. De façon générale, il faut éviter ce type de situation : exposition prolongée dans un lieu clos, dense et mal aéré (encore pire si cris/chants). Par exemple, un bar avec des supporters de foot qui hurlent pendant 2 heures ressemble à tout ce qu'il faut éviter.
170. En prenant le contrepied, il faut donc suivre un principe général de dé-concentration (pour permettre la distanciation), réduire au mieux les contacts et toujours se poser la question du renouvellement de l'air en intérieur. Ces principes doivent se décliner partout.
171. Bien sûr, on peut aussi se contaminer en extérieur, à l'air libre — mais les gouvernements ont eu tendance à réagir le plus vite à cela en interdisant les gros rassemblements où se nouaient les contacts, ce qui a sans doute poussé les contaminations vers l'intérieur.
172. Par définition, les contaminations par contact épousent les lieux de vie sociale. Au Nord, dans les pays "riches" (qui ont été les premiers touchés du fait de la mondialisation), avec le type d'existence que l'on mène, on passe la plupart du temps dans des bâtiments.
173. Au Sud, dans les pays moins riches, on a tendance à vivre et travailler davantage dehors : peut-être est-ce un facteur de freinage de l'épidémie, vu que l'air est naturellement renouvelé à l'extérieur ? (Même si cela n'empêche pas les contaminations par contacts.)
174. Une épidémie est un phénomène social. Il n'y a pas que les données propres au virus, le comportement humain est aussi central. Pour comprendre où et comment l'on se contamine, il faut répondre à ces questions : où sont les gens ? Que font-ils ? Pendant combien de temps ?
175. Vu le temps moyen qu'y passe la population active, le travail doit être scruté de très près. Comme tous les environnements de travail doivent être réadaptés au mieux, l'"expertise pratique" des travailleurs est indispensable : ce sont eux qui savent le mieux ce qu'ils font.
176. Le capitalisme étant ce qu'il est, on sait d'avance que l'enjeu sanitaire donnera lieu à des conflits de classe au sein des entreprises. En cas de contradiction entre l'intérêt sanitaire et l'injonction à la productivité, le premier doit primer.
177. Le pouvoir doit arrêter de considérer les gens comme des débiles et cesser de les traiter comme des enfants. L'approche ridiculement punitive, avec des millions de contrôles policiers inutiles pour tenter de faire oublier les tests qui manquent, n'avait aucun sens.
178. Les masques doivent être distribués GRATUITEMENT. Il faut s'habituer à leur port, il y a des erreurs fréquentes à éviter. Il faut aussi donner des astuces aux gens (ex. comment éviter la buée avec des lunettes…).


179. Le masque n'est PAS un totem d'immunité qui dispense des autres mesures.

Dans les clips d'information diffusés dans les médias, il faut une section sur le bon usage du masque et recommander son utilisation.
180. Les clips doivent également insister sur l'ampleur potentielle de la transmission asymptomatique (qui rend les mesures de prévention d'autant plus essentielles) et le fait d'aérer les pièces et bâtiments où l'on se trouve.
181. Il faut une réflexion générale sur l'aération des bâtiments et des intérieurs. Il y a en effet des façons de faire circuler l'air qui pourraient favoriser la diffusion du virus, tandis que d'autres pourraient la diminuer. L'aération des pièces est donc fondamentale.
En Italie (24/04) : « Les bars et restaurants devront maintenir la distance d'un mètre minimum entre les clients et privilégier les espaces ouverts à ceux climatisés, la climatisation favorisant la dispersion dans l'air d'éventuels aérosols contagieux. »

20minutes.fr/monde/2767131-…
183. Fin janvier, dans un restaurant chinois, plusieurs personnes avaient été infectées. Comme dans le centre d'appel coréen vu plus haut, les contaminations étaient toutes alignées du même côté. Le restaurant était climatisé.

lemonde.fr/blog/realitesb…
184. Pour réduire les risques, l'important serait de renouveler l'air :

sortiraparis.com/actualites/a-p…
185. Si les marchés en plein air sont bien organisés, ils semblent plus sûrs que des supermarchés où les clients se croisent dans les rayons (parfois exigus).

Sur un marché, on peut aussi développer les commandes : le commerçant prépare et…
186. … le client vient chercher : ça va plus vite, donc ça réduit la durée de contact.

On peut instaurer un sens unique de circulation, on peut mettre des barrières si nécessaire pour séparer la file de la rue, ou maintenir les distances, etc.
187. Pour les supermarchés : les gens qui doivent toucher les boutons de la balance pour peser les fruits et légumes, ce n'est pas bon ; les portes des frigos que tout le monde manipule, pas bon non plus ; les gens doivent toucher le moins possible les produits, etc.
188. Pour les transports en commun : masques obligatoires, on évite de parler, on aère au maximum. Il faut étaler les pics de fréquentation, décontaminer souvent. Peut-être proposer des points fixes avec gel hydroalcoolique à la sortie des arrêts les plus fréquentés ?
189. En cas de reconfinement quelque part, il faudra fermer toutes les activités de travail non-essentielles pour réduire le nombre de contacts, notamment dans les transports en commun. Si l'épisode est trop sévère, on les coupe en dernier recours.
190. Il faut favoriser la mobilité individuelle non-polluante (la pollution pourrait être un facteur aggravant). En pratique, cela signifie organiser la possibilité de se déplacer plus facilement à vélo, à pied, etc.
191. Ne pas rouvrir les écoles avant septembre. On aura alors plus de données sur les enfants, et il faut plus de temps pour tout réorganiser.

Est-ce qu'il y aura même du savon dans toutes les écoles à partir du 11 mai ?…
192. Il va aussi falloir restreindre/réguler les déplacements lors des vacances d'été, qui sont d'ordinaire l'occasion d'un brassage de population énorme entre régions.

Les déplacements vers les résidences secondaires devraient être interdits.
193. Les parcs et jardins devraient rouvrir (maintien des distances, pas de rassemblements, peut-être interdire d'y courir puisque l'effort fait expirer davantage). C'est bon pour la santé physique et mentale, et le risque est probablement mineur si les gens restent espacés.
194. Quiconque prône la stratégie de l'immunité de groupe doit pouvoir répondre aux questions suivantes :

Quelle proportion des malades guéris sont immunisés ?
Combien de temps dure en moyenne cette immunité ?
195. En France, pour la première vague, la plupart des gens auront été infectés en mars-avril 2020. Est-ce qu'ils seront toujours immunisés en novembre-décembre ? Au printemps 2021 ? À l'automne 2021 ? À cette heure, personne ne le sait.
196. L'immunité de groupe serait acquise quelque part autour de 70% de la population infectée. Si une vague menace de faire sauter le système de santé vers 10% de la population touchée, il faudra plusieurs vagues pour bâtir l'immunité, sachant qu'une vague dure plusieurs mois.
197. Est-ce que quelqu'un qui a été touché à la vague 1 sera toujours immunisé à la vague 3 ? À la 4è ? À la vague 7, c'est-à-dire… minimum 2 ans après ?

(Notez qu'on sera peut-être déjà au stade vaccin…)
198. Il est peut-être impossible de bâtir une immunité de groupe "naturelle" si la durée de protection conférée par les anticorps est trop courte !

Enfin, qui garantit que le virus ne mutera pas, rendant brutalement obsolètes les anticorps si chèrement acquis ?
Et puis, il n'y a pas que la mort. Le virus peut endommager des organes, laisser des séquelles ; des mois de rééducation peuvent être requis pour les cas graves.

La maladie n'a que 5-6 mois, il faut être prudent. On ne joue pas avec la santé, les gens ne sont pas des cobayes.
200. Même en bâtissant l'immunité sur les moins de 60 ans, il faudrait plusieurs dizaines de milliers de morts pour y parvenir, sans compter les gens "cassés" par les formes sévères et le traumatisme associé. Et, de fait, des plus de 60 ans confinés jusqu'au traitement ou vaccin.
201. Imaginez qu'un pouvoir laisse crever des dizaines de milliers de gens pour commencer à bâtir l'immunité de groupe. Et puis, un beau jour, à mi-chemin sur le Saint Graal de l'Immunité, on découvre un traitement qui réduit la mortalité et les formes graves de 80%. Oups ?
202. L'immunité de groupe, c'est jouer à la roulette russe avec des dizaines de milliers de vies dans l'espoir d'un gain incertain et précaire, alors qu'on peut faire autrement, et que des solutions (même temporaires) peuvent émerger à tout moment dans les mois qui viennent.
203. Alors ? Qui est candidat pour aller à l'abattoir et être sacrifié sur l'autel du dieu "peut-être" ?
204. Cette "terre promise" de l'immunité collective sent trop le fatalisme ou la pensée magique, le fantasme par excellence du "retour à la normalité" : allez, quelques dizaines/centaines de milliers de morts et tout redeviendra comme avant.

Non. C'est barbare.
205. Ce qui vaut pour l'immunité de groupe vaut pour la gestion générale de cette pandémie. La grande majorité des gens ont certainement envie de revenir à quelque chose de "plus normal," mais cela ne doit surtout pas pousser à faire n'importe quoi.
206. Dans les tragédies, le désir des personnages les pousse à la faute, de sorte qu'ils ratent ce qu'ils désiraient et provoquent leur propre chute. Attention à la tragédie collective du désir de "retour à la normalité".
207. Entre…

• le désir légitime de retrouver une vie sociale plus "normale" ;
• l'impatience d'une partie de la population, notamment motivée par la baisse de revenu et ses effets dramatiques ;
• la "nécessité de relancer l'économie" et son chantage sous-jacent à l'emploi…
208. … le gouvernement ne manquera pas de raisons de "vouloir y aller," quitte à bousculer la temporalité épidémique. Les pressions de divers acteurs, dont le patronat, seront de plus en plus nombreuses. Au risque de rouvrir les vannes trop tôt.
209. L'exécutif semble avoir mis un peu d'eau dans son vin depuis le consternant épisode "que ma Volonté soit faite le 11 mai" du monarque. Néanmoins, ils gardent ce cap alors que ce sera trop tôt pour certaines zones, et que tout ne sera pas prêt.
210. Or pour que la méthode dépister-tracer-isoler puisse fonctionner, il faut un nombre de nouveaux cas quotidiens bas. Autrement, on ne peut plus suivre la cadence, de plus en plus de cas passent à travers les mailles du filet, l'épidémie risque de s'étendre, etc.
211. Il ne faut pas perdre de vue que passés certains seuils, plus rien ne fonctionne à part le confinement car la puissance brute de l'épidémie submerge nos capacités. L'exponentielle est terrible. Elle ne pardonne pas. Les moyens commandent donc le possible.
212. Dépister-tracer-isoler, en combinaison avec les mesures de prévention (crucial !), est-ce que ça marche ? Voyez les résultats par vous-même.
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