Thread by @jabial

Tout le monde prétend être le camp du bien.

Presque tout le monde prétend que ses adversaires les plus détestés sont des nazis.

Comment alors reconnaître objectivement les vrais totalitaires indépendamment de leur camp politique ? Et ben en fait c'est pas si difficile.

Évidemment aucun de ces critères n'est suffisant isolément, mais plus il y en a et plus il est légitime de s'interroger sur la tentation totalitaire de l'orateur.

1. Déshumanisation de l'adversaire. Quand on perd le contrôle on peut tomber dans l'insulte. Traiter quelqu'un de "parasite", ça reste une métaphore courante. Parler d'une espèce spécifique comme "puce" ou "tique", ça commence à être un peu spécial comme discours.

2. Criminalisation de l'adversaire. Pour les socialistes les patrons sont des voleurs ; pour les libéraux l'impôt c'est du vol ; on sait. Par contre si on commence à dire qu'on va vraiment mettre des gens en prison c'est chaud.

3. Psychiatrisation de l'adversaire. Dire que les idées politiques adverses relèvent d'une pathologie psychiatrique est courant. Par contre, si on commence à prétendre sérieusement qu'un adversaire politique devrait faire l'objet de soins forcés, on entend les bottes à clous.

4. Refus de toute neutralité.
Pour les gens normaux en politique, on peut être alliés, adversaires ou neutres.
Pour les totalitaires la neutralité n'existe pas, on est leur ami ou leur ennemi, et quiconque rompt une alliance devient immédiatement un traître et un nazi/communiste.

5. Exigence de pureté idéologique
Dans les partis normaux, on vous demande une déclaration de principes vague.
Chez les totalitaires il y a des commandements stricts auxquels toute dérogation vous exclut.

6. Exigence de loyauté anormale
Dans les partis normaux on peut ne pas être d'accord avec le chef et le dire, même si ce n'est pas forcément bon pour une carrière politique.
Chez les totalitaires toute personne qui dit un mot contre le chef est un traître.

7. Paranoïa.
Oui, nous sommes tous surveillés et c'est une bonne idée d'utiliser Signal y compris pour des choses anodines de la vie quotidienne.
Non, on ne porte pas une attention particulière à votre cas. Si votre parti le croit sans indices, il est probablement bien à l'ouest.

8. Intrusion de la politique dans la vie quotidienne.
Dans un parti normal on s'en fout que vous écoutiez un chanteur qui a l'opinion inverse, que vous couchiez avec quelqu'un qui d'un autre parti, que vous fassiez quelques compromis en privé.
Chez les totalitaires non.

9. La fin justifie les moyens.
Chez les gens normaux quand on a des principes on s'y tient habituellement.
Chez les totalitaires, on peut être de droite mais content qu'un adversaire se fasse cambrioler, de gauche mais content qu'un adversaire se fasse virer sans motif valable.

10. Violence dans le discours.
Chez les gens normaux on n'appelle pas même avec des précautions oratoires à casser la figure des adversaires politiques, à venir devant chez eux, etc.
Chez les totalitaires c'est régulier et assumé.

Le totalitarisme n'est pas une tare qui affecte une extrême minorité de monstres. Comme on l'a vu en Europe et à l'extérieur (Rwanda par exemple) si les conditions sont réunies la quasi-totalité de la population peut agir collectivement comme des bourreaux.

Le totalitarisme est l'aboutissement extrême de penchants ordinaires de gens ordinaires : obtenir ce qu'on veut, aux dépens des autres s'il le faut, en pratiquant de petits ajustements progressifs sur ses valeurs jusqu'à les avoir totalement perverties.

Le totalitaire de demain c'est vous, c'est moi, c'est un ensemble de limites floues et qu'il faut pourtant bien se garder de franchir sous peine de passer dans un camp qui transcende les divergences politiques.

Quelle que soit notre cause, aussi juste et capitale qu'elle soit, elle devient injuste lorsque des moyens injustes sont mis à son service.

Non seulement l'éthique a du sens en politique, mais encore elle n'y est particulièrement bafouée que pour cette raison précise.